Je cours sur le ponton, j’ai le souffle court, mais je sens l’espoir reprendre en moi alors que je suis bien décidé à retrouver Un et lui expliquer ce que je ressens. Au loin, je vois un marin qui remonte tranquillement le ponton et je m’approche vers lui rapidement en le hélant pour attirer son attention. 

— C’est le ferry qui nous ramène vers le continent ? 

Je sais que je ne suis pas très poli, mais la situation est urgente, j’ai du mal à respirer et je me sens nerveux car j’ai l’impression que quelque chose ne va pas.

— Non. 

Sa voix résonne en moi comme la fin de mon aventure, je n’ai même pas eu la moindre chance d’arranger les choses et ma gorge se serre légèrement.

— Quoi ? J’ai besoin de partir maintenant.

Je le supplierais à genoux s’il le faut, je ne mens pas, je dois quitter l’île et le rejoindre avant qu’il ne soit trop tard. Il chasse ma demande d’un geste sec de la main avant de me répondre.

— Les gardes-côtes ont dit qu'une tempête arrivait.

Et il commence à partir, jugeant que la conversation est terminée et ayant sûrement envie de rentrer rapidement chez lui après une longue journée. Cependant, je le retiens par le bras et lui montre le bateau qui se situe derrière nous.

— Et ce bateau ? 

J’essaie de le retenir pour avoir des réponses claires, mais il ne veut pas coopérer et répond rapidement sans même regarder.

— C’est le dernier. 

J’ai envie de hurler, sa réponse me frustre, je le lâche quand il fait un mouvement sec avec son bras. Il poursuit son chemin et je me tourne pour le suivre tournant le dos au bateau que je rêve de prendre pour aller rejoindre Un.

— On ne peut pas ? Je dois partir. Hey Phi ! 

Je continue de lui parler, mais visiblement, il en a terminé avec moi, car il continue sa route sans même se retourner. J’ai presque envie de pleurer, je viens de perdre la seule occasion de retenir celui que j’aime. Bientôt il va quitter le pays pour plusieurs mois, voir même quelques années et moi toute chance de le garder près de moi.

— Two !! 

Je me fige quand une voix s’élève derrière moi, je me retourne lentement, comme si j’avais peur d’avoir mal entendu et qu’il n’y ait personne derrière moi. Quand finalement mon regard se pose sur lui, que je le vois s’approcher lentement sur le quai les mains dans les poches, j’ai l’impression de rêver. Je le regarde arriver les bras ballants et je ne comprends pas pourquoi il est venu jusqu’ici, pas quand il devrait être en route pour l’aéroport, pour rejoindre son stage.

— Qu’est-ce que tu fais ici ?

On n’a pas pu se dire au revoir, un instant j’ai peur qu’il ne soit là que pour ça, me dire au revoir avant de quitter définitivement ma vie. Du coup, même si je lui pose la question, je ne suis pas sûr d’avoir envie qu’il me réponde et l’anxiété se lit sur mon visage.

— Je veux te demander un conseil pour la dernière fois avant que je parte. 

Mon coeur s’alourdit, mais je ne veux pas lui montrer combien l’idée de son départ me blesse, alors je tente de rester le plus neutre possible, le regardant dans les yeux, détaillant chaque traits de son visage.

— A propos de quoi ?

Je ne suis pas sûr d’avoir envie de le conseiller, mais je ne peux pas le repousser, alors je me contente de le regarder droit dans les yeux attendant qu’il s’explique enfin.

— Il y a cette personne que j’aime beaucoup, mais plus j’essaie de me rapprocher d’elle, plus elle s’éloigne de moi. 

Mon rythme cardiaque accélère au fur et à mesure qu’il parle. Je suis cette personne, il n’est pas là que pour me dire au revoir n’est-ce pas. J’ai peur de m’emballer pour rien, mais je ne peux pas m’en empêcher, je veux avoir une chance d’être près de lui. 

— Qu’est-ce que tu penses que je devrais faire ? 

J’ai l’impression que ma gorge se sert à cause de l’émotion, mais je reste encore timide, je m’en veux de ne pas être tout simplement capable de lui dire ce que je ressens là tout de suite maintenant. 

— Est-ce que tu sais pourquoi Charlie et Sam ne sont pas ensemble à la fin ? 

Je décide de parler de ce film, il le connaît et j’espère qu’il comprendra où je veux en venir, car la fin de leur histoire pourrait être la nôtre. Ma voix craque légèrement et trahit un peu la bataille d’émotions qui fait rage dans ma tête. 

— Sam est parti étudier dans une autre ville. 

Il est surpris par ma question, il ne semble pas s’attendre à ça comme réponse de ma part, pourtant, il répond sans hésiter. On ne se quitte pas du regard alors que nos yeux tentent d’exprimer ce que l’on ressent. Je prends une inspiration et me lance alors.

— Je déteste la nature de cette fin. Je veux la changer. Afin qu’ils puissent être ensemble avant qu’ils ne soient loin de l’autre. Même s’ils ne pourront pas ce voir, ils garderont le contact, c’est d’accord ? 

Je le regarde avec intensité, je respire plusieurs fois rapidement alors que j’attends sa réponse, pendu à ses lèvres. Notre histoire ensemble dépend de comment il va me répondre maintenant. Je ne sais pas comment je réagirais s’il refusait, si finalement, je n’avais pas été assez rapide pour réaliser ce que je voulais vraiment.

— Tu me parles du film où… ? 

Un petit sourire apparaît sur mon visage quand il me demande confirmation. Je le trouve trop mignon quand je vois son regard s’éclairer et comprendre ce que je veux vraiment. Cependant, il ne semble pas se réjouir ou être content, j’ai l’impression qu’il reste prudent comme si, comme moi, il ne voulait pas s’emballer trop vite.

— Tu connais la réponse. 

Je baisse les yeux en souriant en coin au moment où je lui confirme que je parle de nous. Je me sens timide, j’ai le coeur qui bondit dans ma poitrine, mes joues rougissent et j’attends sa réponse avec impatience.

— Je pense que je ne pourrais pas. 

Mon cœur qui battait si rapidement loupe plusieurs battements et je me sens un peu étourdi. J’ai l’impression de ne pas avoir bien compris… il refuse ? Ma tête se vide complètement alors que je m'humidifie les lèvres pour reprendre contenance.

— Hein ? 

C’est la seule chose qui arrive à sortir de ma bouche, car je ne suis pas sûr que j’arriverais à formuler une vraie phrase. J’ai l’impression que mon estomac est alourdi et  son petit sourire me perd encore plus, heureusement, il ne fait pas durer le suspense et ne me laisse pas souffrir car il me répond rapidement.

— Parce que je ne vais nulle part. 

Je ne suis pas sûr qu’il se rende compte qu’il me fait subir de véritables montagnes russes actuellement, j’ai l’impression que mon coeur et mon estomac sont en chute libre. Il ne part pas à l’étranger, il reste en Thaïlande, près de moi, pour moi et...

— Pourquoi ? 

Je veux qu’il reste près de moi, que l’on se découvre pour de vrai cette fois, seulement, je ne comprends pas pourquoi il laisse passer une si belle opportunité. Je veux croire que c’est pour moi, mais une fois encore, je me force à ne pas m’emballer et à attendre qu’il m’explique de lui-même.

— Tu connais la réponse. C’est parce que je t'aime. 

J’ai un petit sourire quand il reprend les mots que j’ai utilisés il y a quelques secondes. Mon cœur s'envole quand je l'entend prononcer ses mots. Notre fin ne sera pas une fin triste, je le vois dans ses yeux, notre histoire ne fait que commencer. On se regarde un moment en silence sans bouger, nos visages reflètent le bonheur alors que l'on se sourit puis, sans parler, on se met en mouvement, on se rapproche l'un de l'autre et ses bras forts m'attirent contre lui.

Je me laisse aller dans ses bras, je ne résiste pas du tout et je ne peux pas m'empêcher de sourire quand ma tête se pose sur son épaule. Je caresse doucement son dos en savourant l'instant, son souffle percute ma peau qui se couvre de chair de poule et quand ses lèvres se posent sur mon cou j'expire un peu plus fortement. J’ai l’impression de vivre un doux rêve, je me sens en sécurité entre ses bras, parfaitement à ma place. 

Pourtant, je veux que notre histoire démarre comme les plus grandes histoires d’amour. Je veux l’embrasser et être sûr à cent pour cent que j’ai pris la bonne décision. Que ce que je ressens pour lui est réel et pas seulement de la curiosité 

— Phi Un ?

Ma voix est timide, je me redresse, les joues brûlantes pour le regarder droit dans les yeux et je lui souris. Je caresse doucement sa joue, je le trouve tellement beau, mon coeur s’emballe et je me mords la lèvre inférieure. Je saisis son col et le tire lentement vers moi. On ne se quitte pas du regard, et une tension savoureuse nous attire l’un vers l’autre. Je ferme les yeux au moment où nos lèvres s’effleurent. Nos souffles se mêlent et on savoure cet instant jusqu’à ce que…

— Two qu’est ce que tu… fais ? 

La voix de Bone retentit derrière nous et me fait sursauter, je ne quitte pas les bras de Un, mais nos lèvres s’éloignent brutalement avant d’avoir pu se rencontrer, mon coeur est chamboulé et je me sens rougir. 

— Phi ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Je tourne la tête vers mon meilleur ami et je sens la timidité reprendre sa place. 

— Je suis venu pour Two.

Il répond avec nonchalance et me serre un peu plus contre lui, je ne cherche pas à m’extraire de son étreinte, au contraire, on finit par se regarder en souriant. 

— Et il m’a accepté. 

Mes joues chauffent, je baisse la tête et j’ai un peu peur de la réaction de Bone, je sais qu’il ne va pas me rejeter parce que j’aime un homme, mais j’ai peur de ses blagues parfois un peu lourdes. 

— Mais… depuis quand ? Je… C’est cool. 

Je relève la tête surpris quand Bone répond de cette manière et je souris.

— J’ai hésité longtemps, mais ce soir je suis sûr. 

Je réponds clairement et je sens Un m’embrasser la tempe ce qui me fait frissonner en fermant les yeux.

— Appelons Third et Khai et buvons un verre pour fêter ça. 

Bone fait un grand sourire avant de repartir vers la fête qui se déroule sur la plage sans vraiment vérifier qu’on le suive, car il sait très bien qu’on le retrouvera là-bas. Je fixe les lèvres de Un, mais ce n'est pas pour tout de suite que notre histoire sera scellée par un baiser. Je soupire doucement et Un prend ma main, l'air aussi déçu que moi. 

— Allez viens, je meurs de soif. 

Je le suis avec un petit sourire au coin des lèvres et finalement la soirée se passe bien mieux que je ne le pensais. Khai et Third ont fini par nous rejoindre. Khai a été sur ses gardes au début et pas forcément très tendre avec Un, du moins comme toujours, il a fait des remarques dans le but d'énerver mon petit ami. Puis il a remarqué nos mains liées, il s’est tout de suite calmé, un peu surpris par notre couple. Le reste de la soirée s’est passé dans les rires et la présence de Un à mes côtés, me donne une sensation de bien-être que je n’avais jamais connu avant.

— Viens, allons nous promener. 

Un me chuchote à l’oreille alors que la nuit est déjà bien avancée. Bone dort à moitié sur la table et Khai et Third nous ont quitté depuis longtemps maintenant. Alors l’idée de me promener seul avec lui fait accélérer brutalement mon coeur et je hoche la tête rapidement.

— Bone… va te coucher, ne reste pas là tout seul. 

Il se redresse difficilement, se frotte les yeux pour tenter de chasser l’alcool et se lève pour nous suivre avant de bifurquer pour prendre le chemin de nos chambres.

— Bonne nuit vous deux et… 

Il tapote à plusieurs reprises l’épaule de Un avant de faire un petit sourire taquin et de le menacer de son doigt en prenant une voix sérieuse. 

— Prend bien soin de mon pote.

Phi à un petit rire, alors que je maudis mon ami de nous jouer ce genre de scène. 

— Promis Bone.

J’ouvre la bouche pour lui expliquer ma façon de penser, mais il se sauve en éclatant de rire et j’oublie vite ce que je voulais dire quand Un passe un bras autour de mon cou. 

— Allez viens.

Je passe mon bras autour de sa taille et on marche tous les deux tranquillement, on a pas de but particulier, on profite juste de la fin de la nuit et du fait qu’il n’y ait presque plus personne dehors. 

— Où est-ce que tu vas faire ton stage alors ?

C’est vrai que je n’ai pas vraiment pris le temps d’y penser et encore moins de le questionner à ce sujet, mais je suis soudain inquiet pour lui et son avenir. Il a refusé une offre qui aurait pu lui offrir un très bon avenir, mais il l’avait refusé pour être avec moi, alors soudain, je me sens un peu coupable.

— J’ai fini par accepter de faire mon stage dans la première entreprise qui m’avait démarchée. Ils sont assez connus et bien côtés, je suis sûr que j’apprendrais beaucoup là-bas. 

Je suis soulagé de l’entendre, de savoir qu’il a une solution de repli et qu’il est heureux de s’en contenter, alors je me détends. 

— Et… c’est à Bangkok ? 

Notre histoire débute à peine, j’étais prêt à l’attendre s’il venait à quitter le pays, alors je pourrais supporter la distance, même si c’est à l’autre bout du pays. Seulement, je dois avouer que je préférerais qu’il reste à Bangkok près de moi.

— On pourra se voir autant que tu voudras Two, je serais bien à Bangkok. 

J’ai un sourire un peu crispé qu’il découvre si rapidement ce à quoi je pense, avant de me détendre et de juste profiter de l’information. 

— Je suis content. 

Je ne sais pas pourquoi je me sens si timide avec lui, je sais qu’il m’aime, je suis sûr que moi aussi. En plus, j’ai déjà été dans des relations de couple avant lui. Alors pourquoi je me sens comme ça, c’est peut être parce que justement, lui je l’aime et que je ne me sens pas encore totalement à l’aise avec ça.

— Viens, le soleil va bientôt se lever. 

Il m’attire vers la plage et je me rends compte qu’effectivement, la nuit est bientôt terminée, le temps a filé à une vitesse folle, comme dans un rêve, et j’ai l’horrible impression que je vais me réveiller dans mon lit pour découvrir que finalement, Un a quitté le pays sans que je puisse le retenir. Alors pour me rassurer, je me rapproche de lui pour sentir sa chaleur et son odeur m’envelopper.

On marche un moment dans le sable complètement refroidi par la nuit, mais j’aime l’ambiance, j’aime juste marcher en sentant Un près de moi, je n’ai pas besoin de grand discours, juste de sa présence à mes côtés. Finalement, il se laisse tomber en soupirant sur le sable et alors que je vais m’assoir à côté de lui, il agrippe mes hanches et m’entraine vers lui. Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui se passe, que je me retrouve très vite assis dos à lui, entre ses jambes et il m’encercle de ses bras. 

— Phi Un… Qu’est-ce que…

— Je dois repartir dans quelques heures, alors… laisse-moi juste te tenir dans mes bras d’accord.

— Oh…

J’assume parfaitement d’être déçu, quand je pensais au matin, je m’imaginais passer le reste du week-end avec lui et même que l’on ferait le voyage retour ensemble en train. Je m’appuie un peu plus contre lui et soupire quand ses bras s'enroulent étroitement autour de moi.

— Je dois me préparer pour mon stage, mais j’aurais préféré rester avec toi plus longtemps. 

Je lève la tête pour l’observer et j’ai le plaisir de pouvoir apercevoir son profil alors qu’il est en train de regarder l’horizon et que, petit à petit, le jour se lève sur la mer qui s’éclaircit. Mon coeur bat la chamade et je ressens une vague d’amour pour lui.

— Phi ? 

Il baisse la tête vers moi et mon souffle se coupe quand sa bouche se trouve si proche de la mienne. 

— Je… tu…

Je soupire alors que je n’ose pas lui dire ce que je veux clairement, perdant patience, j’étire mon cou en fermant les yeux et enfin nos lèvres se rencontrent pour la première fois. Je soupire de bonheur et ce que je ressens pour lui explose dans ma poitrine, je sais à l’instant où elles bougent en harmonie l’une contre l’autre que j’ai fait le bon choix, qu’il est fait pour moi et que je ne suis pas curieux, je suis amoureux de lui.

Mes mains se posent sur ses bras et je m’enivre de notre baiser, il est tendre, doux et simple, à l’image de l’homme qui me tient contre lui. J’ai du mal à revenir à la réalité quand il s’éloigne pour que l’on puisse respirer, j’ouvre les yeux doucement et je suis surpris quand je me rends compte que le jour est presque levé. J’ai perdu toute notion du temps et je serais incapable de dire combien de temps on a passé à s’embrasser.

Un est juste adorable, un petit sourire gêné sur les lèvres, les joues rouges, cette fois c’est lui qui se sent timide et je sens un élan d’affection pour lui qui me permet de lui retourner ce qu’il m’a dit si franchement tout à l’heure. 

— Phi, je t’aime.

Son sourire s'agrandit et il illumine ce début de journée bien mieux que le soleil, il m’embrasse de nouveau et je fond complètement dans ses bras. Je suis sûr que notre histoire sera longue et heureuse, on sera ensemble et je sais que j’ai pris la meilleure décision de toute ma vie de le laisser se rapprocher de moi.