• Chapitre 18 - Mute

    Chapitre 18

    Point de vue Nine

    Je me sens mal, mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine alors que je me laisse traîner par Joong dans les rues sombres où je ne vois défiler que les fenêtres éclairées des maisons que l’on croise. Il est tellement en colère, qu’il est parti en laissant sa voiture garée devant sa maison. Je reconnais le trajet qu’il est en train de prendre, il me ramène chez moi. Comme si j’étais incapable de retrouver moi-même le chemin et que j’avais besoin de lui pour être en sécurité. 

    Seulement cette fois, je ne le taquine pas à ce propos, je ne fais pas de remarque comme quoi je ne suis pas une fille, que je n’ai pas besoin d’être escorté jusqu’à chez moi comme s’il me ramenait d’un rendez-vous. Habituellement, ça le fait rougir jusqu’aux oreilles, il bafouille et change de sujet de conversation et depuis le temps que je le connais, ça doit être les seules fois où je l’ai vu réellement gêné.

    Le silence est pesant, mais je n’ose pas le briser, même avec cette éternelle blague, parce que j’ai peur qu’il déverse toute sa colère sur moi, parce que je le sais, cette situation c’est de ma faute. Je soupire doucement et je sens sa main se crisper sur la mienne alors je baisse les yeux, laissant la culpabilité déferler en moi. 

    Je sais que j’aurais dû essayer de résonner Fluke, de ne pas le suivre aveuglément dans son envie de trouver des réponses. Pourtant, d'un autre côté, je sais que j’ai pris la bonne décision, parce que même si Ohm et les autres prennent la sécurité et le bien-être de Fluke très au sérieux. Ils ont tendance à oublier que ce dernier n’est plus la petite chose fragile et brisée qu’il était en arrivant.

    On a l’obligation d’écouter et de respecter ses choix et ses désirs, il s’est ouvert, il a évolué en surmontant petit à petit son traumatisme, alors même si je regrette et culpabilise parce que Ohm s’est énervé et disputé avec Fluke et son frère, je suis serein avec la décision que j’ai prise.

    Je soupire une nouvelle fois, une nouvelle fois la pression sur ma main se fait plus présente et j’essaie de trouver comment désamorcer cette situation. Je ne veux plus voir Joong en colère, je préfère largement le voir rire et sourire. Je suis complètement plongé dans mes pensées, essayant de trouver comment arranger les choses.

    Je ne vois pas le trou dans la chaussée déformée à cet endroit, je trébuche et manque de tomber. Heureusement, je me rattrape contre le dos large et droit de mon ami qui se stoppe immédiatement. Je reste coller contre lui, la tête contre son omoplate et cette fois c’est moi qui l’entends soupirer. Je me mordille la lèvre en ressentant de nouveau une vague de culpabilité me serrer la poitrine. 

    — Je suis désolé.

    Je ne bouge pas, je reste posé contre son dos, nos mains toujours étroitement serrées et de ma main libre je m’accroche à son t-shirt pour le retenir et l’empêcher de reprendre sa route. Parce que je sais qu’il est loin d’être calmé et que si je le laisse arriver chez moi, alors il se sauvera pour s’éloigner de moi.

    Je ne veux pas qu’il s’éloigne de moi en colère, je veux le voir partir avec un sourire, des yeux pétillants et un signe de la main, comme il le fait chaque fois qu’il me ramène à la maison, c'est-à-dire, presque tous les jours. Alors je m’excuse, même si je sais que je ne suis pas forcément en tort, je veux juste l’apaiser, qu’il me regarde et qu’il me parle. 

    Jamais je ne l’ai vu s'opposer ainsi à son frère. Certes, ils ont des caractères complètement opposés, mais le ton n’est jamais monté à ce point et j’ai peur qu’ils aient du mal à se reparler et tout ça à cause de moi.  

    — Je ne peux pas lui pardonner. 

    Sa voix est basse, froide et je la sens trembler, au début je pense que c’est à cause de l’émotion, avant de vite me rendre compte qu’il est encore ivre de colère. Sa main libre est serrée en poing, tellement fort que la jointure de ses doigts en blanchit.

    Sans hésiter je lâche son t-shirt et je saisis son poing, lentement, je presse dessus pour tenter de le détendre, en vain. Je fronce les sourcils car je ne comprends pas pourquoi il parle de son frère après que je me sois excusé pour ce qui vient de se passer. 

    — Joong… il a eu peur et c’est la colère qui a parlé pour lui. 

    Je parle d’une voix douce alors qu’enfin j’arrive à passer mes doigts dans son poing qui se relâche doucement. Je me colle contre lui et pose mon front sur son épaule en soupirant. 

    — Tu sais qu’il ne pensait pas un mot de tout ce qu’il a dit.

    Sa respiration s’est accélérée et je n’arrive absolument pas à savoir ce qui se passe dans sa tête, ce qui est troublant pour moi car depuis notre première rencontre quand on était enfant, j’ai toujours eu des facilités à le comprendre et à deviner ce à quoi il pense. Le silence retombe entre nous, je ne bouge pas et il semble faire des efforts phénoménaux pour se contenir. Je me mords la lèvre inférieure en essayant de trouver les bons mots.

    Seulement, il finit par atteindre sa limite et je sursaute quand il se retourne brutalement en me lâchant les mains pour mieux me saisir les épaules. Son regard plonge directement dans le mien et je sens un long frisson me remonter l’échine. 

    — Peu importe qu’il ait eu peur ou quoi que ce soit, il n’avait pas le droit de dire ça. 

    Ses yeux lancent des éclairs et un instant, je suis content que cette colère ne soit pas totalement dirigée vers moi, parce que finalement, il craque complètement et laisse sortir tout ce qu’il a sur le cœur. 

    — Et puis pourquoi tu ne m’as pas écouté hein ? Je sais que je suis stupide parfois, mais je savais que les choses tourneraient mal. Parce que je connais Ohm, il est tellement protecteur que c’est même étonnant qu’il soit simplement resté à la maison à nous attendre. 

    Ma bouche se crispe quand il sous-entend qu’il est stupide, je n’aime pas le voir se déprécier comme ça, alors qu’il fait parti des personnes les plus intelligentes que je côtoie. Certes, il n’a pas de très bonnes notes, il n'est pas passionné par les études et ne rêve pas d’une grande carrière, mais cela ne fait pas de lui quelqu’un d’idiot. Je ne peux pas le reprendre sur ce point cependant, parce qu’il enchaîne sans me laisser le temps de quoi que ce soit. 

    — J’aurais voulu que tu aies confiance en moi, que tu m’apportes du crédit, mais tu n’as même pas pris le temps d’écouter ce que j’avais à dire, tu as tout de suite rejeté l’idée, tu as voulu faire à ta façon.

    Cette fois ma bouche s'entrouvre quand je comprends que plus que tout le reste, je l’ai blessé en lui faisant penser que son opinion ne comptait pas pour moi, parce que pour lui je le trouvais stupide. 

    — Joong… 

    Ma voix n’est pas forte et elle ne semble pas l’atteindre car il continue son monologue où il expose combien toute cette journée a été blessante pour lui. 

    — Je me demande même pourquoi tu veux encore que l’on soit ami, je n’ai rien à t'apporter, je ne suis… 

    Il ne s’arrête plus et plus le temps passe, plus il dit des inepties. Alors je ne réfléchis pas, je fais la première chose qui me passe par la tête, fermer ses lèvres trop bavardes. Sans attendre je saisis sa tête avec mes deux mains et le force à se baisser vers moi, pour capturer ses lèvres dans un baiser surprise.

    Ce n’est pas la première fois que l’on s’embrasse, en fait, personne n’est au courant dans le groupe, mais Joong a été mon premier baiser.  On avait quinze ans, on était curieux sur la question et on a fini par s’embrasser, c’était un baiser timide et léger et pourtant, il m’a donné des papillons dans le ventre. Je ne lui ai jamais dit, mais il a aussi été mon deuxième baiser. Il y a quelques mois, on a fait une soirée et cette fois on était un peu ivre et on s’est embrassés. Ce baiser était totalement différent du premier, plus intense, plus profond. Il a déclenché du désir chez moi et j’ai gardé longtemps la sensation de sa langue caressant la mienne.

    Est-ce qu’il se doute que je n’ai jamais embrassé mes petites amies, je n’ai goûté que ses lèvres, je n’ai pas envie d’en savourer d’autres. Ce soir, notre troisième baiser est une explosion dans ma tête, une évidence que je tente de camoufler depuis des années. Mes mains se posent sur sa nuque alors que, presque timidement, ma langue glisse sur ses lèvres qui s’ouvrent instantanément et qu’enfin je retrouve la sensation qui m’avait tant manqué au cours des derniers mois.

    C’est lent et suave, je savoure chaque instant car je sais qu'à l'instant où il me repoussera, plus jamais je ne pourrai l’embrasser à nouveau. Est-ce que je l’aime ? C’est une question que je me pose tout le temps, je n’ai pas vraiment de réponse. Pour moi, Joong est une évidence, il est celui avec qui je me sens bien et en sécurité et ce depuis toujours. Est-ce que je suis jaloux de ses conquêtes ? En permanence, j’aimerais pouvoir me crever les yeux plutôt que de devoir le regarder draguer toutes ces filles. Est-ce que je compte lui dire un jour ? Il aime les femmes, alors je ne prendrai jamais le risque de le perdre, je sais qu’il me repoussera, alors autant garder nos liens intacts plutôt que de le voir s’éloigner.

    Ses mains quittent mes épaules, effleurant mon torse alors qu’elles se dirigent vers ma taille et quand elles s’enroulent autour de moi, elles me rapprochent de lui aussi serré que possible, comme s’il avait peur que je m’éloigne soudain. On a complètement oublié que l’on se trouve en pleine rue ou la raison pour laquelle ce baiser a commencé. Plus rien ne compte à part nos lèvres bataillant l’une contre l’autre, nos langues découvrant le goût de l’autre et nos corps collés aussi proches. 

    Je voudrais que ce baiser dure encore et encore, alors quand il pousse un peu sur ma taille pour m’éloigner quand on manque d’air, mon premier réflexe est de resserrer mes bras autour de son cou. Seulement, il est plus fort que moi et au final on se sépare, le souffle court, les lèvres humides et les joues roses. Je n’ose pas croiser son regard. 

    — Tu parlais trop… 

    Je murmure, pressé d’être le premier à prendre la parole pour éviter qu’il ne pose des questions auxquelles je ne pourrais pas répondre. 

    — Je suis désolé, je ne voulais pas te faire ressentir ça. Tu es important pour moi… très important.

    Pourquoi ma voix tremble-t-elle autant alors que j’essaie le plus rapidement possible de finir cette conversation. Je suis à deux doigts de craquer, de lui dire que je veux l’embrasser encore, que je veux me sentir au chaud dans ses bras. D’ailleurs, c’est sûrement pour ça que je tremble, j’ai froid depuis qu’il m’a lâché. 

    — Je n’ai jamais pensé que tu étais stupide, au contraire, je voulais juste soutenir Fluke qui en a besoin. 

    Je sens mes joues chauffer, je continue de parler, troublé par le fait qu’il garde le silence ce qui ne lui ressemble pas. Seulement, je n’ose pas lever les yeux pour regarder ce qui lui arrive, si je croise son regard, je ne suis pas sûr d’être capable de me retenir de recommencer. 

    — Je vais rentrer, on pourra en reparler demain, quand tout le monde se sera calmé d’accord.

    Je ressens le besoin de le fuir, peut-être parce que l’espace d’un instant, j’ai eu l’image très nette de nous en train de sortir ensemble, de nous deux amoureux l’un de l’autre comme Boun et Prem le sont et ça me fait mal. Alors j’ai besoin de m’éloigner, de remettre de l’ordre dans mes idées et demain pouvoir être à nouveau son meilleur ami, son soutien et celui qui sera toujours à ses côtés.

    Je prends une profonde inspiration et fait demi-tour dans l’idée de rentrer et je suis presque sûr qu’il va me laisser partir, après tout il doit être choqué par ce que je viens de faire. Un pas, mon souffle se bloque dans ma poitrine. Deux pas, je sens mes yeux me piquer. Trois pas, je renifle pour retenir les larmes qui menacent. Quatre pas, je… deux bras m’enlacent soudainement et la chaleur de Joong m’enveloppe délicatement dans le dos alors qu’il me ramène contre lui.

    — Tu n’as pas le droit de partir comme ça. 

    Il chuchote à mon oreille et je frémis sans chercher à m’enfuir de ses bras, au contraire, je me laisse aller dans son étreinte appuyant un peu plus mon dos contre son torse. 

    — Je ne suis pas en colère contre toi, Nine. Je sais que tu pensais au bien-être de Fluke. Ce qui m’a énervé c’est.. 

    J’avale difficilement ma salive alors qu’il continue à me parler au creux de l’oreille et la tension monte quand il laisse sa phrase en suspens de cette manière. 

    — ... qu’il s’en prenne à toi et qu’il te rabaisse, il n’avait pas le droit.

    J’essaie de faire taire l’espoir que ses paroles font naître en moi, il défend simplement un ami, rien de plus, je ne dois surtout pas m’emballer. 

    — Il a le droit de le faire, il était en colère et c’est de ma faute si ça s’est passé comme ça. 

    Je parle rapidement sans respirer et je crois que j’aurais pu continuer longtemps si je ne l’avais pas senti pouffer contre moi.

    — Est-ce que je vais devoir t’embrasser si tu continues à trop parler. 

    Sa main se pose sur ma joue et il me force à tourner la tête vers lui pour enfin rencontrer son regard. Je m’attendais à y trouver de la colère, de la déception, mais sûrement pas ce mélange de joie et d’excitation. Je me perds complètement dans son regard avant de reprendre mes esprits, il va vraiment finir par se poser des questions sur mon comportement.

    — Je ne parle pas tro… 

    Ses lèvres se posent brusquement sur les miennes et j’ai envie de mourir quand un petit gémissement de contentement s’échappe de mes lèvres. Mes mains se posent sur son poignet. C’est un baiser chaste, bref et déjà il s’éloigne de moi. 

    — Je t’ai prévenu pourtant.

    A quoi est-ce qu’il joue ? Je sens mes joues me brûler et je lève difficilement les yeux vers lui, seulement, lui ne regarde qu’une chose, mes lèvres, il les dévore du regard.

    — Pourquoi tu m’embrass… 

    De nouveau, ses lèvres couvrent les miennes, le baiser est plus prononcé, sa langue vient retrouver la mienne et je me sens trembler contre lui. Je ne comprends pas ce qu’il est en train de faire. Est-ce qu’il se moque de moi ? Je ne suis pas sûr de pouvoir faire semblant que tout va bien s’il fait réellement ça. Et pourtant, malgré ma peur et mes questions, je ne peux pas m’empêcher de souffler de dépit quand il s’éloigne à nouveau.

    — Pourquoi je t’embrasse ? Parce que j’en ai envie depuis des mois maintenant. Et toi ? C’était vraiment juste pour me faire taire ?

    Il est toujours penché vers moi, je peux sentir son souffle s’écraser sur mes lèvres devenues sensibles à cause de nos baisers et mon souffle se coupe quand je comprends ce qu’il est en train de me dire. J’ose lever les yeux vers lui et croiser son regard, il m’observe intensément et mon cœur accélère quand je parviens à déchiffrer en partie ce qu’il essaye de me faire comprendre.

    — Je… Non.. C’était… Parce que…

    Je m’embrouille et je bafouille, moi qui réussit habituellement à garder le contrôle de mes émotions, c’est une véritable tempête dans ma tête qui se renforce quand, à chaque fois que j’hésite, il pose ses lèvres en douceur sur les miennes pour un baiser simple, court et troublant.

    — J’en avais envie aussi !!

    Mon ton se fait explosif quand finalement j’arrive à le dire à haute voix et que son sourire s’agrandit. Ma main se soulève et se pose sur son cou alors que dans un même mouvement, on se rapproche pour s’embrasser à nouveau. J’ai du mal à croire que l’on se soit embrassé autant en à peine dix minutes, le problème, c’est que je vais rapidement devenir accro à cette sensation.

    Le baiser est différent, mais je n’ose pas essayer de mettre un mot sur cette sensation, je me contente d’apprécier l’instant sans me poser de questions. Tout ce que je peux dire, c’est que, tout comme nous, nos lèvres ne semblent pas pressées de se séparer, car plus le temps passe, plus notre étreinte se renforce. Pourtant au bout d’un moment, lentement, on s’embrasse à plusieurs reprises, avant de finalement reculer et cette fois je n’ai pas peur de soutenir son regard. 

    — Pourquoi tu ne m’as rien dit ?

    Est-ce que je dois lui dire ? Est-ce que c’est le moment d’être honnête, de dire que depuis des années, je veux être le seul qu’il embrasse et qu’il regarde. Je m’éclaircis la voix, prends une grande bouffée d’air et… me dégonfle, à la place, je préfère lui retourner sa question. 

    — Et toi, pourquoi tu n’as rien dit ?

    Il m’observe en fronçant un instant les sourcils avant de se détendre et me sourire. Je me demande ce qu’il a pu lire dans mes yeux, mais il a dû y déceler ma peur, car au lieu de me taquiner, il me caresse la joue avec tendresse, un geste qu’il n’avait jamais eu envers moi avant. 

    — Parce que je suis stupide… mon frère a au moins raison la dessus. 

    Il rit doucement avant de me faire tourner lentement dans ses bras pour que l’on soit en face à face. 

    — Je ne veux pas que tu fasses taire quelqu’un d’autre à l’avenir, d’accord. Il n’y a que moi à qui tu peux le faire.

    Je rougis avant de me mordre l’intérieur de la joue, cette fois je ne dois pas reculer, je dois lui dire. Seulement, je ne me vois pas lui annoncer de but en blanc, alors je continue sur la même lancée que lui. 

    — Je n’ai jamais fait taire personne à part toi. 

    Je sens le rouge qui me monte aux joues, ses yeux s'agrandissent quand il comprend ce que je sous-entends.

    — Alors on ne doit se faire taire que l’un l’autre, à partir d’aujourd’hui… tu es d’accord ? 

    — Je risque de le faire souvent, tu parles beaucoup. 

    Cette conversation est étrange et pourtant, elle nous ressemble parfaitement, un peu décalée, mais criante de vérité. Il rit à ma réponse et hoche vigoureusement la tête. Je le vois hésiter une seconde avant de m’embrasser rapidement, puis il recule, me prend à nouveau la main, mais cette fois, il ne me tire pas derrière lui sous l’effet de la colère. Nos doigts s’entrelacent naturellement et je ne peux pas m’empêcher de les regarder avec un petit sourire.

    — Allez viens, je te ramène jusqu’à chez toi, il est déjà tard.

    Et c’est reparti, je lève les yeux au ciel, mais il ne le voit pas, car il s’est mis en route. Je le suis docilement, totalement focalisé sur la sensation de son pouce caressant lentement la peau de ma main. 

    — Tu sais que je ne suis pas une fille, je peux rentrer tout seul chez moi. 

    C’est plaisant de retomber dans nos habitudes, de pouvoir lui tenir la main et d’avoir cette même éternelle conversation. Qui, comme chaque fois, le fait doucement rire, seulement, même si c’est comme d’habitude, sa réaction, elle, change radicalement. Il soulève nos mains et embrasse la mienne.

    — Tu n’es pas une fille, mais j’aime pouvoir raccompagner mon petit ami. 

    Mon cerveau freeze littéralement quand il dit franchement ce que l’on a sous-entendu jusque là. J’ouvre la bouche à plusieurs reprises, mais je sais que je dois plus ressembler à un poisson mort qu’à autre chose ce qui, comme à chaque fois que je me retrouve dans cette situation, le fait éclater de rire. 

    Je m’éclaircis la gorge, piqué au vif par sa réaction, mais aussi par la mienne, j’essaie de me reprendre rapidement. Un petit sourire en coin apparait sur ma bouche rougie par nos baisers. 

    — Ah ! C’est comme ça… dommage, je pensais proposer à mon meilleur ami de rester dormir à la maison… mais si c’est mon petit ami alors ce n’est pas possible, je ne suis pas un homme facile.

    Je jubile quand je vois qu’il a une réaction similaire à la mienne, mais lui se reprend bien plus vite que moi. 

    — Non mais Nine, je suis avant tout ton meilleur ami tu sais, c’est parce que je m’inquiète de ton bien-être que je te raccompagne.

    Il y a une lueur inquiète dans son regard, il a peur que je le renvoie chez lui maintenant que j’ai émis l’idée qu’il reste avec moi et cette fois c’est moi qui éclate de rire.

    — Allez viens petit meilleur ami… rentrons, je meurs de faim. 

    Je me sens un peu stupide à dire des choses pareilles, mais finalement, ça lui convient très bien, sa main se resserre autour de la mienne et il accélère le pas pour nous faire rentrer au plus vite. Je sais que la querelle avec son frère est encore d’actualité, je sais qu’il va falloir dès demain essayer de réparer les choses. Mais pour l’heure, je veux juste profiter de son sourire éblouissant, qu’il ne fait que quand il me regarde.

    Rentrer a été rapide, on était à quelques rues de chez moi et cette fois on a marché le cœur léger et même si le silence nous entourait, c’était apaisant et naturel. Je prépare un rapide repas comme je l’ai dit, je meurs de faim et ce n’est pas juste une image, courir toute la journée dans la forêt m’a ouvert l'appétit. 

    Heureusement mes parents ne sont pas à la maison, ils ne le sont pas souvent d’ailleurs, c’est pour ça, que je suis souvent chez Joong et sa famille, je n’aime pas rester seul ici. Pourtant, cette fois, j’aurais eu du mal à leur expliquer pourquoi Joong refuse de me lâcher la main tout au long du repas. 

    Je ne me plains pas, encore moins quand il me donne à manger régulièrement et même si j’ai envie de plaisanter, je me retiens de faire la moindre remarque. Je nage dans une véritable petite bulle de bonheur actuellement, alors je préfère parler de nos cours en profitant de ce nouvel aspect de notre relation.

    — Je te laisse aller dans la salle de bain en premier. Je vais préparer ton lit.

    Je pose la dernière assiette sur l'égouttoir et lui jette un coup d'œil. Joong vient souvent dormir ici, alors il a ses habitudes et des habits à lui dans mon armoire. Donc j’imagine qu’il est tout de suite parti pendant que je finis de nettoyer les restes de notre repas. Alors quand son visage apparaît juste à quelques centimètres du mien, je sursaute en poussant un petit cri.

    — Prends ta douche avec moi.

    J’ouvre la bouche, mais je suis incapable de réagir. On n’a pas pris de douche ensemble depuis des années, on l’a fait quelquefois enfants, mais… je comprends alors ce qu’il sous-entend par là et je rougis brutalement, alors qu’il s’esclaffe. Notre relation vient tout juste de changer et voilà qu’il fait ce genre de proposition. 

    — Ne dis pas de bêtises. 

    Je le frappe doucement sur l’épaule, pour le punir pour s’être moqué de moi, mais aussi pour le repousser et qu’il aille enfin se laver. Au lieu de ça, il passe ses bras autour de ma taille et se rapproche de moi.

    — Nine c’est pas ça… c’est juste… et si tu changes d’avis pendant que je suis sous la douche ?

    J’ai les mains posées sur son torse, je le regarde sans trop comprendre ce qu’il sous-entend et il s’en rend compte car il s’explique un peu plus.

    — Et si soudain, tu voulais juste rester mon meilleur ami ?

    Je soupire quand finalement je comprends et je n’attends pas pour passer mes bras autour de son cou et le serrer contre moi.

    — Je te l’ai dit maintenant tu es mon petit meilleur ami. On ne peut pas retourner en arrière, ce n’est pas possible.

    Je caresse lentement ses cheveux cherchant par mes gestes et mes paroles à le rassurer. On reste un moment immobile savourant juste l’étreinte de l’autre, rechargeant nos batteries et reprenant des forces. 

    — Alors va prendre ta douche, je t’attends dans la chambre.

    — D’accord, mais… laisse-moi dormir avec toi.

    Joong a décidé de me mener la vie dure ce soir, je redresse lentement la tête pour le regarder dans les yeux et j’y lis le même désir que je ressens actuellement moi-aussi. Pourtant, je veux que l’on prenne notre temps, je ne veux pas brûler les étapes, surtout si c’est juste pour se rassurer sur la véracité de notre relation. 

    — Je veux juste te tenir dans mes bras, promis.

    — D’accord.

    Ma voix est faible et étranglée quand je lui donne mon accord, ne pas se précipiter oui, mais l’idée d’être au chaud dans ses bras, chose dont je rêve depuis si longtemps, me fait totalement craquer. Il prend mon visage en coupe entre ses mains et m’embrasse doucement  alors que son sourire s'agrandit et que ses yeux pétillent.

    — Je me dépêche.

    Je prends une profonde respiration en essayant d’ignorer mes mains tremblantes. Je finis rapidement de nettoyer la table puis je me rends dans ma chambre, il n’est toujours pas revenu de la douche, je prépare rapidement mes affaires et m’installe sur mon lit, nerveux. En temps normal, je lui préparerais le lit d’appoint, mais pas cette fois, cette fois, il va dormir avec moi dans mon lit.

    Je ne peux pas m’empêcher de le regarder, il me semble minuscule, pour tenir tous les deux on n’aura pas le choix, il faudra se tenir serrés l’un contre l’autre. Je ne peux pas m’empêcher de rougir, avant de sursauter quand la porte s’ouvre sur un Joong juste vêtu d’un bas de pyjama léger. Instinctivement, je me mords la lèvre inférieure avant de laisser mon regard glisser sur son torse, suivant une goutte d’eau qui coule sur sa peau. 

    — Tu vas bien ? 

    Il me demande d’une petite voix amusée alors qu’il doit bien savoir vu comment je viens de le dévorer du regard. 

    — Hmm. 

    Je me lève alors avant de partir rapidement en direction de la salle de bain. Je reste un très long moment sous l’eau, j’essaie de me reprendre, de me détendre, la journée a pris une tournure complètement folle et j’ai du mal à savoir comment je dois me comporter.

    Je me demande s’il est déjà en train de dormir, après tout pour lui aussi la journée a été intense, alors peut-être que j’aurai juste à me glisser à côté d’un Joong endormi. Je ne comprends même pas pourquoi je me sens aussi stressé, je devrais être aux anges et profiter, mais j’ai peur qu’il finisse par me comparer aux femmes qu’il a côtoyées. J’entre doucement dans la chambre, mais décidément, la chance n’est pas de mon côté, Joong est allongé dans mon lit, en train de lire le début du roman qui trainait sur ma table de nuit. Il est concentré sur sa lecture et j’ai le temps de l'observer discrètement. 

    La ligne douce de la mâchoire, la droiture de son nez, son torse qui se soulève à chaque respiration. Il est beau, tellement beau qu’il n’a jamais eu besoin de faire d’efforts pour avoir une femme à son bras. Pourtant, c’est moi qu’il veut à ses côtés, c’est…

    — Nine qu’est-ce qui t’arrive ?

    Mon regard quitte son torse pour tomber sur son regard et je soupire. Seulement, avant d’avoir eu le temps de lui répondre, il ouvre les bras, m’invitant à venir le rejoindre. 

    — Allez viens.

    C’est comme dans un état second que je me glisse dans mon lit, dans ses bras avant de sentir son étreinte autour de mon corps alors que ma tête se pose sur son torse nu. Je respire un peu plus fort alors que tout mon corps se détend et que j’ai l’impression d’être de la guimauve.

    — Je vais bien, ne t’inquiète pas. 

    Oui je me sens bien avec lui, je suis là où je dois être et je sais que jamais Joong ne fera quoi que ce soit pour me faire du mal. Sa main se pose sur mon menton, il me force à lever la tête pour que nos regards se croisent et je soupire car je sais qu’il n’abandonnera pas tant que je n’aurai pas dit ce que j’ai sur le cœur. 

    — C’est juste que… j’ai peur moi aussi… et si… et si demain… Enfin je veux dire… tu es sorti avec des filles, tu as… avec des filles…

    Mon discours est complètement décousu et je ne suis pas sûr qu’il comprenne ce que j’essaie de lui dire. Il me regarde avec attention avant de soupirer et il se penche lentement pour capturer mes lèvres, bon sang. Il m’a embrassé tant de fois aujourd’hui et pourtant, la sensation me manquait déjà. Je ferme les yeux en soupirant doucement alors que nos langues se retrouvent à nouveau. Mes doigts découvrent la peau chaude de son torse et j’ai l’impression que mon corps va finir par entrer en fusion quand ses mains se faufilent sous mon t-shirt pour se poser sur la peau du bas de mon dos. 

    A quoi je pensais déjà ? Je n’en ai plus aucune idée, mon cerveau est pour le moment aux abonnés absents. Je ne sais pas comment, mais je me retrouve allongé sur le dos, Joong me surplombe et nos lèvres ne se sont toujours pas quittées. J’ai chaud, je brûle et je m’accroche à celui qui est mon petit ami. Je peux sentir notre excitation entre nous, il ne fait aucun doute que ce baiser ne nous laisse pas indifférent, mais aucun de nous deux ne cherche à pousser les choses plus loin. Ses lèvres quittent les miennes, glissent sur ma mâchoire avant de venir chuchoter à mon oreille. 

    — Aucun fille n’arrive à ta cheville, Nine, c’est avec toi que je veux être. Tu ne dois pas avoir peur d’accord ?

     Il dépose un baiser sur ma joue avant de nous faire basculer sur le côté, on se fait face et je lui souris, touché par ses paroles. 

    — On peut en parler aux autres, rendre les choses officielles, si ça peut te rassurer sur nous ?

    Mon coeur accélère à l’idée de nous afficher devant nos amis, je sais qu’ils ne se moqueront pas, qu’ils nous soutiendront, mais, je veux déjà en profiter juste pour moi, après toutes ces années à l’attendre, je n’ai pas envie de devoir le partager avec le monde. Je secoue la tête avant de la poser sous la sienne, contre son torse et j’inspire son parfum avec un petit sourire aux lèvres. 

    — Pas tout de suite… ce n’est pas que je veux le cacher, mais, pour le moment, je veux que ce soit juste toi et moi. Tu es d’accord avec ça ?

    Il embrasse le sommet de ma tête et me serre plus fort contre lui, je me demande même si on pourrait faire passer une feuille de papier entre nos deux corps tellement on est lové l’un contre l’autre.

    — Je suis tout à fait d’accord avec ça.

    Un nouveau baiser sur le sommet de ma tête et je ferme les yeux pour savourer le moment encore plus fort. Sa main caresse lentement mon dos, ses lèvres restent posées contre ma tête ce qui fait que quand il reprend la parole, sa voix est un peu étouffée. 

    — Allez, on ferait bien de dormir. La journée a été longue et demain… il faut que j’aie une conversation avec mon frère. Je n’aime pas être fâché contre lui.

    Je soupire en repensant à ça, mais je suis tout de même content, il n’est plus en colère, il veut arranger les choses avec lui et c’est plutôt rare qu’il fasse le premier pas comme ça. 

    — Bonne nuit Joong.

    J’ose déposer un baiser sur son torse avant de m’installer un peu plus confortablement pour la nuit. Comme je l’avais imaginé plus tôt, on est obligés de se serrer l’un contre l’autre pour tenir dans mon lit, mais contrairement à tout à l’heure, je ne suis pas anxieux, au contraire, je suis totalement détendu et à ma place.

    — Fais de beaux rêves Nine.

    Un dernier baiser sur ma tête et je ferme les yeux, la chaleur de nos deux corps m’assoupit rapidement et c’est rythmé par sa respiration lente que je m’endors finalement dans les bras de mon petit meilleur ami. 



  • Commentaires

    1
    Mercredi 7 Juillet 2021 à 20:20

    Oh, ils sont vraiment adorable Nine et Joong, c'est un très beau nouveau couple, ils se sont cherchés un peu puis trouvé....ils avaient peur de sauter le pas.....

    Alors personnellement, j'aimerai un petit bonus pour savoir comment se sont mis ensemble Prem et Boun, je sais que c'est en "étudiant" mais je suis très curieuse alors ma question : "y aura-t-il un bonus de leur premier baiser et de leur début de relation également?"

    Merci encore pour cette histoire

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