• Chapitre 19 - Worries

    Chapitre 19

    Je n’ai presque pas dormi de la nuit, savoir Ohm dans sa chambre, en colère après moi et ne voulant pas me voir m’a tenu éveillé malgré moi. J’ai hésité un long moment à aller le rejoindre, mais j’avais peur qu’il ne veuille pas m’ouvrir la porte et je ne sais pas si je pourrais accepter un rejet de sa part. Il m’est devenu bien trop précieux, je ne peux pas imaginer qu’il quitte ma vie et rien que l’idée me fait monter les larmes aux yeux.

    Je me suis réveillé tôt, même avec le peu de sommeil que j’avais réussi à prendre. Je veux profiter du petit-déjeuner pour pouvoir m’excuser auprès de lui et tenter d’arranger les choses. Je me suis installé à table, un verre d’eau en face de moi, incapable d’avaler quoi que ce soit d’autre et j’ai attendu, sentant la tension augmenter alors que l’heure pour lui de se lever passe et qu’il n’apparait pas.

    Je sursaute et me redresse quand j'entends enfin du bruit dans les escaliers et que quelqu’un se dirige vers moi. La personne entre dans la cuisine et me fait un sourire, mais j’ai du mal à y répondre. J’essaie de cacher ma déception quand au lieu de Ohm, je fais face à ma tante qui est déjà en tenue de travail et s’apprête à quitter la maison.

    — Fluke comment tu vas ? Je ne pensais pas te trouver debout de si bonne heure. 

    Je soupire avant de hausser les épaules, j’espère qu’elle comprendra le geste, parce que je suis bien trop fatigué pour écrire mes états d’âmes. Elle pose son sac sur la table et m’observe un instant avant de reprendre la parole. J’ai toujours aimé que mes proches ne montrent aucun problème à faire la discussion seuls, mais juste en devinant mes réponses,  rien qu'en observant mes réactions. Le plus remarquable, c’est que les trois quarts du temps, ils tapent dans le mille. 

    — Je sais qu’hier a été compliqué, laisse lui un peu de temps, il reviendra vers toi. 

    Je rougis un peu quand elle me parle de son fils, mais je l’admire tellement, car elle sait qu’entre nous, c’est bien plus que de l’amitié et pourtant, elle ne pose pas de questions, elle ne fait aucune remarque, comme si tout ça était parfaitement naturel. 

    — Il est déjà parti pour son travail, mais je suis sûre que ce soir, il viendra te parler, d’accord ?

    Je sens une vague de déception me balayer quand je comprends que je l’attends pour rien, il est parti avant que je ne me réveille. Il ne veut pas me voir et m’évite, je me mordille la lèvre inférieure pour ne pas montrer l’étendu de mon trouble puis je hoche la tête une nouvelle fois. Le silence retombe entre nous, pesant, et je sais qu’elle me fixe, inquiète, mais je ne peux rien faire pour la rassurer, pas quand j’ai moi-même tant besoin de l’être.

    — Joong va bientôt arriver, il a dormi chez Nine. Il te tiendra compagnie aujourd’hui. Wanchana se repose pour le moment. 

    Elle me donne ces indications d’une voix douce et tendre et je finis par croiser son regard pour la première fois depuis son arrivée et lui faire un petit sourire qui, je l’espère, ne ressemble pas trop à une grimace. A mon avis, vu sa tête, c’est un échec, puisqu’elle finit par s'asseoir pour me faire face, alors que je suis certain qu’elle n’est pas en avance pour aller travailler. 

    — Fluke, mon fils est un homme exceptionnel, mais il a quand même des défauts. Il est loin d’être parfait et l’un d’eux c’est qu’il peut être têtu quand il est en colère. Par contre, comme c’est quelqu’un qui a le cœur sur la main, il ne reste jamais très longtemps en colère contre les gens. Alors sois un peu patient, les choses vont s’arranger, il ne s’éloignera pas pour si peu, d’accord ?

    Ses paroles sont un baume pour mon coeur et je finis par lui sourire un peu plus franchement maintenant. Elle soupire, visiblement soulagée de me voir reprendre confiance. 

    — Je dois aller travailler, mais si tu as besoin, tu peux m’envoyer un message d’accord. Essaie de retourner dormir, Joong risque de ne pas tenir en place quand il va rentrer, tu ne pourras pas te reposer. 

    Je mime un merci avec mes lèvres et elle me fait un petit signe de la main avant de partir en vitesse. Je soupire quand je me retrouve seul à nouveau, un silence lourd règne sur la maison, comme si les murs eux-mêmes s’étaient imprégnés de l’ambiance et des sentiments des habitants. Je réussis tant bien que mal à boire mon verre d’eau, les yeux perdus dans le vide et je serais incapable de dire à quel moment j’ai fini par m’endormir, la tête posée sur la table de la cuisine.

    BAM !

    Je me réveille en sursaut au son de plusieurs casseroles qui tombent sur le sol, avant que le son de quatre garçons en train de se chamailler ne me parvienne. Je me redresse lentement en me frottant doucement les yeux, je regarde autour de moi et je suis surpris de voir Boun, Prem, Nine et Joong autour de la gazinière en train d’essayer de cuisiner. 

    D’après ce que je peux en voir de ma place, ce n’est pas vraiment gagné, mais ce qui me plait le plus, c’est de les voir interagir ensemble. Prem essaie de remplir une casserole d’eau, mais Joong s’amuse à prélever de l’eau du bout de ses doigts et à l’arroser avec, sous le rire de Nine. Du moins, jusqu’à ce que Boun ne prenne l'arrosé dans ses bras pour le protéger de son corps en menaçant Joong de terribles représailles. Je les observe de longues minutes avant que Nine ne se tourne vers moi et ne me fasse un sourire timide. 

    — On t’a réveillé ? 

    Je lui fais un petit signe pour lui montrer que oui, mais que ce n’est pas grave, quand les trois autres se retournent vers nous. L’ambiance change soudainement et devient plus sérieuse et je baisse les yeux, car je sais qu’ils doivent m’en vouloir à cause de la veille.

    — Hey Fluke, ne fais pas cette tête, personne n’est en colère après toi. 

    Je sursaute quand Boun me donne une petite tape sur l’épaule avant de s’asseoir juste à côté de moi. Il me fait un grand sourire alors que Prem nous rejoint, il va pour s’installer à côté de Boun, mais ce dernier lui attrape le poignet et le tire sur lui, tant et si bien que Prem se retrouve rouge comme une tomate, essayant de se faire le plus petit possible sur les genoux de son petit ami. 

    — Ohm n’est pas méchant, il nous voit tous comme des personnes qu’il doit protéger et toi… Toi, tu es encore plus à part dans son coeur, tu comprends ? Alors quand il n’a pas été capable de te protéger, il s’en est voulu, à lui plus qu’à toi. Il va vite se calmer et vous pourrez discuter.

    Je fais la moue, ce qui fait rire doucement tout le monde, j’ai du mal à croire que Ohm ne soit pas en colère contre moi, je prends mon téléphone dans mes mains dans l’idée de lui expliquer ça. Je remarque alors mon journal d’appel et les notifications de messages reçus. Je n’ai même pas eu le courage de les ouvrir et de les lire. Je soupire et ouvre l’application de notes avant de taper rapidement sur mon téléphone.

    “Il aurait raison d’être en colère après moi, j’ai fait quelque chose de stupide. Je l’ai rendu inquiet parce que j’ai été égoïste comme toujours.”

    Les deux garçons froncent les sourcils avant de lire ma note à haute voix pour Joong et Nine qui sont restés près du feu pour surveiller le repas qu’ils sont en train de préparer. Les deux garçons semblent sereins, mais quand je les regarde évoluer, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de différent dans leur manière d’être l’un envers l’autre. Je suis bien incapable de dire quoi et la nuée d’exclamation venant de mes amis m’empêche d’y réfléchir.

    — Fluke, arrête de penser que tu es égoïste, tu es le seul ici qui le pense. 

    Prem pose sa main sur la mienne pour attirer mon attention et il me sourit avec attention

    — Quand tu es arrivé ici on aurait dit un animal sauvage et craintif pris au piège. 

    Je grimace quand il fait cette comparaison, mais je ne peux pas vraiment le contredire là-dessus. Quand je suis arrivé ici, je n’étais qu’un enfant pris au piège dans un cauchemar permanent et petit à petit Ohm et les autres ont réussi à me faire sortir de là, à apercevoir ce que pouvait être un rêve. 

    — Maintenant tu n’es plus cet animal, tu es un jeune homme, qui doit apprendre à vivre sa vie, à prendre ses décisions et comme nous tous, tu fais des erreurs de jugement, tu peux parfois blesser les autres et te disputer avec nous. Tu es humain, on vit tous ce genre de moments, Ohm aussi. Alors arrête de te prendre la tête, tu as fait une erreur, tu vas y réfléchir et tu ne recommenceras plus.

    Les paroles de Prem sont intenses et chargées de vérité, je reste une seconde à l’observer avant de finalement soupirer et hocher la tête avant de sourire doucement. Si je ne suis pas encore totalement à l’aise avec ce qui s’est passé, je sais que je peux être pardonné et que jamais je ne recommencerais une chose pareille. 

    — Je ne savais pas que mon petit ami était si mature. 

    Boun taquine Prem avant de lui embrasser le cou, aussitôt, le jeune homme tente de se soustraire à son étreinte en regardant autour de lui.

    — Boun… arrête de dire des bêtises. 

    — Quoi tu n’es pas mon petit ami ?

    Leur échange finit de me détendre, j’ai l’impression de me retrouver, moi Fluke, un jeune homme qui est réfléchi et qui fait les choses comme il faut, sans foncer tête baissée. C’est fou combien leur compagnie m’apporte jour après jour, car je sais que c’est grâce à eux qu’aujourd’hui j’ai moins peur de l’avenir.

    — Bien sûr que si, mais…

    — Et tu n’es pas mature alors ? 

    Boun continue de le taquiner et si je les regarde, du coin de l'œil je capte quelque chose qui me semble impossible, car profitant que toute l’attention soit sur Prem, Joong vole un baiser à Nine qui ne semble pas s’offusquer. Est-ce qu’ils sortent ensemble ? J’ai bien envie de les interroger, mais je ne veux pas les mettre mal à l’aise et puis j’ai peut-être mal vu à cause de la fatigue. Je préfère me concentrer sur le couple et sur le plus jeune qui hoche lentement de la tête. 

    — Alors tu vois j’ai raison, mon petit ami est vraiment mature.

    Boun dépose un bisou sur la joue de Prem et je ne peux pas m’empêcher de sourire encore plus quand les joues du plus jeune se colorent. Pourtant, je finis par doucement perdre mon sourire quand je pense que peut-être, plus jamais je n’aurais ce genre de moments avec Ohm. Je me renferme malgré moi car malgré les dires de tout le monde, je n’arrive pas à m’enlever de la tête que Ohm ne voudra sûrement plus jamais me reparler.

    — Vous avez fini vos cochonneries tous les deux. 

    Joong, évidemment, intervient en déposant la casserole pleine de soupe fumante sur la table. Il a un grand sourire et taquine ouvertement ses amis alors que Nine le suit de près avec un bol pour chacun d’entre nous.

    — Quoi ? Jaloux d’être tout seul ?

    Boun ne se laisse pas démonter, même s’il laisse enfin Prem quitter ses genoux pour s’asseoir sur une chaise juste à côté de lui. Et là je vois clairement le regard de Nine, ses joues deviennent écarlates alors qu’il se mordille doucement la lèvre inférieure. Il se passe quelque chose entre les deux, mais ils ne semblent pas décidés à en parler.

    — Et qui t’a dit que j’étais seul ? Juste je sais me tenir en société. 

    Je continue de les observer, ça me change en partie les idées de voir Nine soupirer discrètement de soulagement à la réponse de Joong qui jette un petit coup d'œil rapide à son ami. Heureusement que Boun et Prem ne font pas autant attention que moi, sans quoi, leur secret aurait été éventé rapidement.

    — Joong, tu veux que j’énumère toutes les fois où tu n’as pas su te tenir en société ? Tiens, rien que la dernière fois, tu…

    Prem qui est venu soutenir son petit ami se retrouve réduit au silence quand une cuillère de soupe chaude s’enfonce dans sa bouche. Et c’est sous les éclats de rire du groupe et les insultes de Prem pour son ami que l’on commence à manger notre petit-déjeuner. Au fil des jours, j’ai commencé à remanger un peu plus, plus régulièrement et l’une des premières réactions de mon oncle a été de me dire qu’il était heureux de voir que j’avais repris un peu de poids. Seulement, ce matin, je me sens comme à mon arrivée ici, j’ai l’impression que ma gorge est complètement nouée et que la moindre cuillère de nourriture me fera vomir.

    Alors pendant que les autres mangent en discutant de leur journée et de leurs études, moi je me contente de jouer avec ma cuillère. Je me sens mal, Joong et Nine font semblant que tout va bien, alors qu’hier je les ai embarqués dans cette histoire, qu’à cause de moi, Ohm leur en veut et pourtant, ils ne semblent pas en colère contre moi. Je soupire, finis par sortir mon téléphone et je leur écris rapidement un message.

    “Je suis désolé pour hier. Je ne voulais pas que ça se termine comme ça.”

    Je le pousse lentement vers Nine qui est juste à côté de moi. Il prend le téléphone et prend le temps de lire le message et de réfléchir avant de me le rendre avec un petit sourire. 

    — Tu n’as pas à t’excuser Fluke. Tu avais le droit de vouloir en savoir plus sans attendre, même si, on aurait dû leur dire où on allait pour les rassurer. Là, on est tous les trois responsables, aucun de nous n’a répondu à son téléphone. Et puis, tu sais, les disputes en famille, avec les amis, ça arrive de temps en temps, on ne peut pas toujours être d’accord sur tout. Je ne regrette pas de t’avoir aidé et puis, dans quelques jours, Ohm ne fera plus la tête et tout sera redevenu comme avant, d’accord ?

    Ses paroles me réchauffent le cœur et je me sens un peu moins oppressé, même si je ne peux pas m’empêcher de jeter un petit coup d'œil à Joong. Après tout, c’est son frère, sa famille, c’est encore différent. Il soupire en posant son couvert, il n’est pas fâché, mais je comprends aussi que la situation, comme à moi, doit lui peser. 

    — Tu as voulu y aller Fluke, tu n’as pas réfléchi aux conséquences. Dis-toi juste que j’ai pris aussi ma décision en prenant le volant pour t’y conduire tout en sachant ce qui allait se passer. Alors… ne te prends pas la tête, comme Nine t’a dit, on passera à autre chose bientôt.

    Il me fait un sourire avant de recommencer à manger, il semble tellement serein par rapport à tout ça, comme si ce n’était pas une grosse affaire. Pourtant, moi je n’y arrive pas, je n’arrive pas à me sortir de la tête le regard déçu et blessé de Ohm et chaque fois je ressens une peur viscérale qu’il me quitte. Je ne suis pas habitué aux relations avec les autres, je ne sais pas comment gérer ce trop plein d'émotions. Je hoche rapidement la tête alors que je sens les larmes me monter aux yeux et, les mains tremblantes, j’écris un nouveau message. Parce que ne pas savoir est encore pire finalement.

    “Et si Ohm ne veut plus jamais me revoir, s’il est trop en colère pour me pardonner. Il n’a même pas voulu me voir ce matin et… j’ai peur.”

    Expliquer ce que je ressens est une première pour moi, c’est nerveusement que je les observe alors que chacun d’entre eux lit mon message. Je sais qu’ils ont essayé de me rassurer chacun leur tour, mais je n’y arrive pas. Je pense que tant que Ohm ne m’aura pas souri et serré contre lui, je ne pourrai pas me détendre et croire que mon erreur n’a pas été fatale à ma relation avec lui.

    — Ecoute Fluke, je n’ai pas cours ce matin, alors si Joong est d’accord, après l’avoir déposé à l’université, je peux t’emmener là où il travaille et tu pourras en discuter avec lui.

    Il me fait cette proposition qui m’emballe tout de suite, je ne pense pas un instant au monstre, à ses menaces et à la peur que j’ai habituellement de sortir. La peur de le perdre surpasse tout ça pour le moment. Je me tourne vers Joong qui m’observe un instant en silence en tapotant sa cuillère sur sa bouche avant qu’il ne fasse un petit sourire. 

    — Mange et je serai d’accord pour vous laisser ma voiture. 

    Mon cœur bondit de joie dans ma poitrine. Je n’ai toujours pas très faim, mais l’idée de voir bientôt Ohm me motive et c’est sans attendre, avec un petit sourire que je commence à manger, le plus rapidement possible pour pouvoir partir au plus vite et le retrouver.

    — Hey Nong… calme toi, tu vas te rendre malade à manger si vite. 

    Boun me reprend gentiment avec un petit rire, mais je me retrouve à rougir. J’avale ma gorgée de soupe, avant de me redresser en hochant la tête et de ralentir. Le repas se finit donc tranquillement, je mange tout en écoutant les autres reprendre leur discussion et intérieurement je trépigne de le retrouver.

    Le temps semble vouloir s’écouler lentement. Après avoir mangé, je me suis dépêché de me préparer et maintenant je suis devant la porte d’entrée, les garçons sont en train de rire en finissant de se préparer pendant que moi, je sens un peu le stress monter. Hier quand j’ai voulu aller dans les bois, je n’ai pas pris le temps de réfléchir, j’ai foncé. Là j’ai le temps de bien réfléchir au fait que je vais me rendre à l’université, puis sur un chantier où des dizaines de gens se trouvent.

    J’avale difficilement ma salive, j’y vais pour voir Ohm, seulement cette fois, Ohm n’est pas là pour m’apaiser et m’aider à surmonter la peur qui veut s’insinuer en moi. Je sursaute quand un bras s’abat sur mes épaules et je tourne la tête pour croiser le regard amical de Prem. 

    — Je vais venir avec vous, je n’ai pas cours aujourd’hui.

    — Je peux venir avec vous aussi, si vous avez besoin de soutien. 

    Je tourne la tête vers Joong qui est en train de mettre son sac de cours sur son épaule. Son regard est presque suppliant pour que l’on accepte et qu’on lui donne une bonne raison de sécher les cours. Du moins jusqu’à ce que Boun lui donne une bonne tape sur l’épaule.

    — Ohm est déjà en colère après toi… tu veux vraiment aller le voir pour t’excuser… en séchant les cours. Réfléchis un peu Nong !

    Il lui donne une petite tape sur la tête et tout le monde éclate de rire alors que Joong fait la moue.

    — Ok, je serai un étudiant sérieux, allons-y. 

    Ils sortent tous un par un en rigolant et je me retrouve rapidement seul, enfin non, Prem est resté à côté de moi et s’il a retiré son bras de autour de mes épaules, il attend que je trouve le courage d’avancer.

    Je prends une grande inspiration, mais je bloque, je n’y arrive pas, j’ai peur de l’extérieur, mais j’ai peur aussi que Ohm me rejette. Pourtant, ils sont en train de m’attendre, je ne peux plus reculer et le rouge me monte aux joues quand je lève la main et que je saisis le t-shirt de Prem, je ne me cache pas derrière lui, mais ce geste me rassure, me donne de la force et même s’il me fait un peu honte, il m’apaise.

    — Allez on y va maintenant. 

    Ma poitrine se contracte quand je me rends compte que Prem attendait juste un geste de ma part, il n’est pas gêné par le fait que je le tienne. Il fait comme si c’était tout à fait normal alors qu’il ferme la porte d’entrée derrière nous avant de nous conduire jusqu’à la voiture.

    Me retrouver sur le campus est une expérience étonnante, je suis étudiant et pourtant, je n’ai jamais vécu la vie d’un élève normal, j’ai suivi toute ma scolarité par correspondance. Alors voir toutes ces personnes qui marchent ensemble, discutant des cours, riant de choses dites par le professeur, rencontrant d’autres personnes et tout simplement vivant leur vie me rend une fois de plus jaloux. Je me sens nostalgique d’une vie que je n’ai pas vécu, mais je m’en rends compte maintenant, je rêve de vivre, surtout si c’est en compagnie des autres. 

    Un instant, je peux m’imaginer Joong garer la voiture et puis on descendrait tous les cinq de la voiture et après un long salut on se dirigerait vers nos facultés respectives. Le midi, Ohm viendrait me chercher pour que l’on mange ensemble en tête à tête et alors on parlerait des difficultés que l’on a rencontré pendant nos cours. Et enfin le soir je resterais tard avec un groupe d’étude pour réviser les examens en râlant des exercices trop difficiles donnés par les professeurs. Et puis le soir, je rentrerais en conduisant, parce qu’alors je serais capable de sortir seul, le monde ne me ferait plus peur et…

    Mon rêve éveillé est interrompu par le bruit des portières que l’on claque. Joong est descendu de derrière le volant, ainsi que Nine et Boun. Je les vois discuter un moment, mais je ne suis pas très doué pour lire sur les lèvres, alors je ne peux que laisser un regard envieux glisser sur le bâtiment. 

    — Ne t’inquiète pas Fluke, je suis sûr que bientôt tu auras la force de venir avec nous. Tu vas bientôt vivre une vie normale avec nous, je te le promets, on fera tout pour t’aider.

    Prem semble avoir suivi le cours de mes idées et il prend la parole, rompant le silence qui s’était installé dans l’habitacle pour me rassurer une nouvelle fois. Je lui fais un sourire pour le remercier et sans y penser je pose ma main sur la sienne pour lui serrer doucement. C’est à cet instant que Nine et Boun remontent dans la voiture. 

    — Allez, en route pour aller voir Ohm.

    Je prends une grande inspiration et l’anxiété revient autant que l’excitation, alors que la voiture prend la route. Contrairement à Bangkok, la circulation est fluide et il ne nous faut pas longtemps pour que Nine gare la voiture devant le chantier géré par la boite qui a pris Ohm en stage. Je me mordille la lèvre en voyant les employés aller et venir pour vaquer à leurs occupations. Je suis le mouvement quand les garçons quittent la voiture, mais Prem s’avance vers moi l’air de rien et je peux attraper le bas de son t-shirt.

    — On y va.

    J’avale ma salive avant de me mettre en route, je me tiens à côté de Prem sans le lâcher et je ne regarde que mes pieds. Aller dehors avec eux dans un coin désert est assez simple, évoluer au milieu de la foule est bien plus oppressant. La seule chose qui me permet de ne pas me rouler en boule, c’est de savoir que je ne me trouve pas très loin de Ohm. 

    — Hey les jeunes, qu’est-ce que vous faites là ? 

    Une voix qui ne m’est pas étrangère résonne à travers le chantier. Je relève la tête et vois, surpris, Krissada arriver vers nous dans sa tenue de travail. Tout le monde lui fait un Waii de salut et il nous fait un grand sourire.

    — On est venu voir Ohm, tu sais où il se trouve ? 

    C’est Nine qui demande poliment à l’homme qui est proche de la famille de Joong et Ohm. Il est aussi proche de ma famille, seulement, je n’ai presque plus aucun souvenir de lui, même si j’ai regardé les photos dans la boîte qu’il m’a passé, c’est comme regarder la vie d’un autre, pas la mienne.

    Krissada se gratte rapidement la tête, un air curieux sur le visage quand il passe sur chacun d’entre nous, s’arrêtant plus particulièrement sur ma main qui tient le t-shirt de Prem avant de hocher la tête. 

    — On a mangé ensemble ce midi, mais il ne semblait pas dans son assiette.

    Il désigne un endroit juste derrière lui du menton avant de soupirer. 

    — Il est retourné dans le hangar, il va être sur l'échafaudage toute l'après-midi, mais je suis un peu inquiet, il est dans la lune et ça peut être dangereux.

    — Krissada, c’est possible d’aller le voir ? Je suis sûr qu’il ira mieux après.

    Boun reprend la parole, sa voix est forte et claire et il n’hésite pas une seconde. L’ami de la famille hésite une seconde avant de hocher la tête.

    — Allez-y, mais je ne peux pas vous accompagner, je dois aller faire mon boulot où je vais me faire taper sur les doigts.

    Il nous fait un petit signe de tête avant de s’éloigner rapidement de l’autre côté du chantier. Je me sens coupable encore une fois, car Ohm pourrait se blesser parce qu’il est parti fâché à cause de moi.

    Prem se remet en route, mais je ne fais même pas attention à l’endroit où il se rend car je suis complètement perdu dans mes pensées. Et si jamais il était blessé, je ne veux pas l’imaginer, soudain, j’arrive à me mettre à sa place, j’arrive à comprendre ce qu’il a dû ressentir de ne pas savoir où je me trouvais et ce qui pouvait m’arriver, j’ai été tellement nul…

    — Hey Ohm ! 

    Je sursaute quand Prem appelle celui qui occupe toutes mes pensées, je me rends compte que Boun et Nine sont restés à l’extérieur. Il n’y a personne dans ce gigantesque hangar et j’avale ma salive de travers quand je vois Ohm, le pied sur le premier barreau de l’échelle pour monter sur un échafaudage immense. Pourquoi est-ce qu’il doit faire ça ? Prem me tapote amicalement l’épaule, cherchant à me transmettre de la force. 

    — On est juste dehors, d'accord ?

    Je hoche la tête et lâche son t-shirt, je ne le vois même pas partir, je suis complètement obnubilé par Ohm qui s’approche de moi, l’air inquiet. Mon cœur accélère car je n’arrive pas à savoir s’il est encore en colère après moi ou pas. La tension est à son comble dans mon corps et je sens mes yeux s’humidifier, car je ne sais pas du tout gérer ça. 

    — Fluke, tout va bien ?

    Sa main se pose sur ma joue et il me regarde à la recherche d’une éventuelle blessure et moi je reste juste figé à l’observer comme si je ne l’avais pas vu depuis des jours. 



  • Commentaires

    1
    Mercredi 7 Juillet 2021 à 20:41

    Ah, j'étais sûr que le premier à remarquer que Nine etJoong sont en couple serait Fluke, Yeah, trop bien......

    Fluke avance vraiment petit à petit c'est super maintenant il faut la petite discussion avec Ohm

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