• Règle n°12

    Règle n°12
    Ne vous Mêlez pas des Affaires du Bizuteur

    BRRRRRRR !!

    … Le téléphone sonnait. Ses oreilles le percevaient. Ses mains bougèrent. Son coeur lui ordonnait de le décrocher. Mais ses jambes... étaient mortes.

    Arthit était couché dans son lit dans un état qui ne pouvait être décrit que comme "laminé".

    La raison n'était autre que la démonstration de ses prouesses devant les étudiants de première année, subissant sa punition brutale en faisant 500 abdos, 500 pompes et 500 squats. Et le clou du spectacle avait été de faire 54 tours du terrain de football avec la pluie qui tombait en toile de fond comme si on craignait que ce ne soit pas assez difficile pour lui.

    Il passait des moments assez difficiles. En plus d'être épuisé, son corps pourrait tout aussi bien être mort. Après qu'un ami l'ait aidé à sortir de la piste et à monter dans la voiture, Arthit s'était évanoui, et ses amis avaient dû lui donner les premiers soins. Ils avaient failli l'emmener chez un médecin, mais heureusement, il s'était réveillé en chemin et leur avait demandé de retourner au dortoir. Il voulait juste se reposer et ne voulait pas en faire tout un plat, de peur que les professeurs n'interviennent s'ils entendent parler de cet incident.

    Une fois arrivés au dortoir, ses amis l'avaient porté. Ses jambes tremblaient et il n'arrivait pas à tenir debout. Finalement, son ami avait réussi à le ramener dans sa chambre. Une fois ses vêtements changés, on lui avait dit de prendre toutes sortes de médicaments, y compris des remèdes contre le rhume, des anti-inflammatoires et des analgésiques, avant qu'il ne se mette enfin au lit. Un ami s'était porté volontaire pour rester avec lui en cas d'urgence au milieu de la nuit.

    Il avait été pris par le froid toute la nuit et s'était réveillé vers midi. Une fois réveillé, il s'était rendu compte qu'il avait un peu de fièvre et un léger mal de gorge. Le pire, c'était ses jambes qui lui faisaient mal jusqu'aux os, comme s'il avait été écrasé par un camion. C'était dû à une inflammation musculaire. Il dut presque ramper jusqu'aux toilettes, donnant à son ami l'impression d'être pathétique.

    Finalement, ses amis n'avaient pas eu le choix. Ils avaient séché le cours de l'après-midi et l'avaient emmené à l'hôpital pour un examen de contrôle. Bien sûr, il avait été réprimandé pour ses exploits, et le médecin lui avait prescrit un grand nombre de médicaments et mis un bandage sur sa cheville gauche douloureuse. Puis un ami l'avait ramené au dortoir. Il était maintenant allongé, raide et endolori, incapable de bouger ses membres, se sentant comme une bûche morte. Même lorsque le téléphone sonnait sur la table de nuit près du lit, il n'arrivait pas à l'atteindre. Il demanda de l'aide à son ami qui prenait son tour pour accompagner le malade pendant que les autres sortaient dîner.

    — Prem, donne-moi mon téléphone.

    —  Tiens.

    Prem lui lança le téléphone portable avant de mettre des chips dans sa bouche et de rire devant la télé, inconscient des souffrances de son ami. Arthit ne savait pas si le type était là pour s'occuper de lui ou s'il cherchait simplement à changer de décor. Il ramassa son téléphone. Quand il vit le nom du correspondant, il appuya rapidement sur le bouton.

    — Bonsoir.

    — Hé, fils de pute ! T'es encore en vie ?

    Quel accueil chaleureux, mais il s'y était habitué parce qu'il entendait cela depuis le début des répétitions du bizutage pendant les vacances scolaires.

    — Presque, P'Deer. Hier, j'ai vu mon grand-père me faire signe et j'ai failli lui courir après.

    Un gloussement se fit entendre à travers le combiné. Son aîné répondit alors par une remarque plus légère.

    — Tu es quand-même un petit malin alors tu vas t'en sortir. J'ai entendu que Knot t'avait emmené à l'hôpital et je me suis inquiété. Qui t'a dit de faire ce numéro ? On s'était mis d'accord sur 20 tours, non ?

    ...C'est vrai. Le gars à qui Arthit parlait était 'Deer', le quatrième année qui était venu dans la salle d'activité la veille. Il était autrefois le chef des bizuteurs des troisièmes années et c'est lui qui avait ordonné à Arthit de se punir. C'était une mise en scène pour démontrer aux étudiants de première année qu'au-dessus des troisièmes années, il y avait les quatrièmes années.

    Même si les séniors ne sont pas impliqués dans le bizutage, les quatrième années sont leurs "aînés". Les années inférieures doivent leur montrer du respect conformément à la hiérarchie et au système d'ancienneté. Donc, gonfler leurs poitrines était le moyen le plus facile de montrer qui était le patron. Un bouc émissaire avait été choisi, quelqu'un que les premières années pensaient ne jamais pouvoir faire tomber. Les bizuteurs étaient donc devenus les victimes. Et c'est pourquoi il avait provoqué l'homme à l'autre bout du fil.

    —Eh bien, j'avais peur que les nouveaux ne voient pas à quel point vous êtes " impressionnants ".

    — C'est toi qui es impressionnant. Tu es devenu le sujet de conversation de la ville, tu sais ça ? Les étudiants de première année ont partagé la photo de toi en train de courir sur Facebook. Ils nous ont insultés, en disant que les seniors étaient trop sévères. On a juste fait une apparition pendant une seconde et maintenant on est les hommes les plus détestés de l'année. Ça n'en valait pas la peine !

    L'autre gars prit un ton irritable, ce qui laissa Arthit sans voix.

    Il n'avait pas pensé que les étudiants de première année le suivraient et le verraient. Il avait pensé qu'ils ne se soucieraient pas de savoir si les bizuteurs seraient morts ou vivants. Ils pourraient même se réjouir de voir les bizuteurs être punis devant eux, ressentant un sentiment de justice. Faire 54 tours était une exagération, une tâche herculéenne à accomplir. Pourtant, un homme comme le chef des bizuteurs, Arthit, ne revenait pas sur ses paroles. Il l'aurait fait même si c'était presque impossible, et même si à la fin cela avait détruit son corps.

    — Ok, repose-toi. Je ne te dérange plus. Rétablis-toi vite, petit voyou boiteux !

    Cette remarque taquine, en guise d'adieu, montra encore à quel point l'aîné était inquiet, il le savait, alors qu'il posait le téléphone. Prem prit la parole en même temps.

    — Ton département était tellement extraordinaire. Il n'y a rien de tel dans le mien.

    Arthit haussa les épaules et répondit sans trop réfléchir.

    — Je n'y peux rien. C'est l'une de nos règles.

    ...Des règles que tout le monde doit suivre, surtout quelqu'un qui porte le fardeau du chef bizuteur. Quoi que vous ordonniez aux nouveaux, vous devez être capable de le faire. Chaque punition n'était pas pour le pouvoir ou l'auto-gratification, même si elle semblait impitoyable, comme la façon dont il avait ordonné à Kongpob de faire 54 tours. Même s'il savait que Kongpob n'avait pas fait ces tours, il, en tant qu'homme qui avait donné cet ordre, était responsable. Même s'il devait repousser ses limites, ou même si les gens s'inquiétaient pour son bien-être, il devait le faire.

    ...inquiets ?

    Quand il pensa à ce mot, son esprit se porta soudainement sur les paroles de quelqu'un. Ce qui était gravé dans son esprit n'était pas les mots mais... ces yeux.

    Il n'arrivait pas à comprendre ce que l'autre personne voulait lui dire. Ce n'était pas seulement la colère, mais aussi la douleur qu'il ressentait. Elle empestait l'autre homme et empêchait Arthit de croiser son regard car le sentiment de culpabilité le submergeait.

    ...Eh bien, pourquoi se sentirait-il coupable de toute façon ? Il n'avait rien fait de mal. Il avait chassé le nouveau parce qu'il était trop curieux. Le vaurien avec un complexe de héros qui aimait être au mauvais endroit au mauvais moment. Kongpob ne pouvait pas le blâmer ! Ok, ça suffit. Plus il y pensait, plus son mal de tête empirait. Il avait suffisamment mal aux jambes et la migraine le conduirait à l'hôpital pour de bon cette fois.

    Arthit chassa cette idée, se forçant à penser à autre chose en appelant son ami qui regardait la télévision et grignotait nonchalamment des snacks.

    — Prem, j'ai faim. Tu peux descendre m'acheter du porridge ? Apporte-moi aussi une tasse de pink  milk.

    L'homme qui était concentré sur l'écran regarda son ami, sans être surpris par les habitudes alimentaires d'Arthit. Ils étaient amis depuis toujours et il savait qu'en dépit de son visage stoïque, le bizuteur en chef était en fait un tendre lorsqu'il s'agissait de nourriture. Ce qui le rendait incapable de retenir une remarque sarcastique était la façon dont le patient ne tenait même pas compte de sa condition physique.

    — Tu es malade et tu demandes quand même du pink milk ?

    — Tu n'y connais rien, mec. Le pink milk est mon fortifiant. Ça marche mieux que les médicaments. Mes jambes vont guérir rapidement avec ça.

    Prem leva les yeux au ciel en entendant les paroles de son ami. Si le pink milk pouvait guérir ses jambes, pour Arthit, une tasse ne suffirait pas, mais il lui faudrait un litre pour s'y tremper.

    — Très bien, très bien. Je vais descendre t'en chercher un. Maintenant, dors, espèce de bâtard boiteux !

    L'insulte suivie d'un grognement survint avant que Prem ne se lève et ne descende en bas comme on le lui demandait. Malgré sa réplique, il se souvenait de la raison de sa présence ici : s'occuper du chef bizuteur diminué.

     

    Il était presque 19 heures. C'était l'heure d'affluence où les étudiants se pressaient pour dîner et où les stands de nourriture étaient bondés comme s'il y avait un festival. Il lui fallut beaucoup de temps pour se frayer un chemin à travers la foule et se procurer le porridge. Mais quand il vit la longue file d'attente à la boutique de smoothie, il voulut faire marche arrière. Il y avait presque 10 personnes dans la file. Pourtant, il s'approcha du vendeur avec la note à la main.

    — Une tasse de Pink Milk, s'il vous plaît, demanda Prem d'un air fatigué.

     Ce son n'échappa pas à l'homme qui était dans une autre file d'attente à proximité. Il se tourna vers Prem et leva les mains pour faire un wai.

    — Bonsoir, P'Prem.

    Le bizuteur se tourna vers la voix et hocha la tête en signe de reconnaissance en voyant le jeune homme de première année qui avait remporté la couronne de roi de cette année.

    — Bonsoir.

    Prem se disait que ce gamin avait des bonnes manières, même s'il venait d'un autre département. Même quand ils se rencontraient en dehors du campus, il montrait du respect. Pourtant, la phrase suivante balaya instantanément cette admiration.

    — Ce pink milk est-il pour toi ?

    Le bizuteur faillit tomber la tête la première, oubliant qu'il avait commandé une boisson qui n'était pas trop virile. Mais c'était trop compliqué d'expliquer que ce n'était pas pour lui. Prem dut donc faire semblant et répondit à la question d'une voix sévère.

    — Pourquoi tu demandes ? !

    — Pour rien.

    Kongpob baissa rapidement les yeux, chassant sa curiosité. Il se rendit compte qu'il était indiscret, alors il se tut. Pourtant, il ne pouvait pas arrêter ses pensées qui tournaient autour du pink milk.

    ...le pink milk glacé qui lui rappelait quelqu'un.

    Depuis la veille, la nouvelle de la course d'Arthit était devenue virale. Cela avait commencé avec les étudiants de première année de son département et maintenant tous les autres départements étaient au courant. Il y avait eu des réactions positives et négatives. Certaines personnes appréciaient. Certains disaient que c'était juste un coup de publicité. Certains, dont Kongpob, ne comprenaient pas pourquoi Arthit devait aller aussi loin.

    Il savait que c'était par sens de l'obligation et pour préserver la dignité des bizuteurs. Mais ce qu'il ne comprenait pas, c'est qu'Arthit ne se rendait pas compte que beaucoup de gens s'inquiétaient pour lui.

    Faire quelque chose qui pousse son corps à ses limites allait avoir des conséquences. Il avait essayé de prévenir Arthit, il avait essayé d'aider, mais tous ses efforts avaient été balayés. L'autre homme agissait comme s'il ne voulait pas reconnaître ses sentiments et cela le faisait souffrir. Une fois arrivé au dortoir, il avait rapidement ouvert la porte du balcon et regardé sur le balcon en face du sien, mais il ne pouvait rien voir. Il y avait un rideau que le chef des bizuteurs avait mis en place pour bloquer la vue.

    Donc, en fin de compte, Kongpob n'avait pas été capable d'obtenir des informations sur la santé de l'autre homme jusqu'à maintenant. Même s'il avait passé sa journée à faire sa routine, il n'arrivait pas à se détendre, frustré de ne pas pouvoir cesser de s'inquiéter. Ce même sentiment qu'il avait ressenti lorsqu'il avait vu Prem commander le pink milk.

    ...Cette personne en particulier était toujours dans son esprit.

    TRRRRRRR!!

    Une sonnerie de téléphone le sortit de sa rêverie. Il vit que c'était l'iPhone de Prem qui sonnait. Le bizuteur le prit pour répondre à l'appel entrant, sans se soucier que Kongpob puisse entendre la conversation en restant à côté.

    — Allô, quoi, la clé USB ?! Oh, merde. J'ai oublié. Oui, elle est avec moi. Je suis désolé... quoi ? Là, maintenant ? Très bien, très bien. Je vais te l'apporter.

    L'homme effaré regarda à gauche et à droite et ses yeux s'accrochèrent à ceux de Kongpob.

    —  Tu connais Arthit, n'est-ce pas ? 

    — Oui, je le connais.

    Kongpob hocha la tête à cette étrange question. Prem savait certainement qu'il était du même département que celui d'Arthit. Prem, à son tour, voulait juste s'en assurer, car il était sur le point de confier une tâche importante au nouveau venu.

    — Peux-tu apporter le porridge et le pink milk à Arthit ? Il vit au dortoir Romruedee, tout près d'ici. Chambre 618. J'ai un imprévu. Voici l'argent et le porridge.

    L'ordre avait été donné rapidement, et Kongpob n'avait pas eu le temps de refuser avant que l'argent et le sac de porridge ne lui soient remis. Le bizuteur à la tête brûlée avait filé, le laissant recoller les morceaux de l'histoire.

    Attendez, donc le porridge et le lait froid n'étaient pas à Prem. Ça veut dire qu'ils étaient pour...

    Il n'y avait qu'un seul nom dans son esprit. Kongpob ne put empêcher un sourire de s'étendre sur son visage, en pensant à la chance qui s'était mise de son côté et qui lui avait ouvert la porte pour se rapprocher de l'homme qui l'avait inquiété toute la journée. Il annula donc le café glacé qu'il avait commandé et attendit le lait rose. Puis il reprit le chemin habituel. Cette fois, il ne prit pas le tournant vers son dortoir mais s'arrêta à un bâtiment voisin. Beaucoup de gens entraient et sortaient, alors il put passer l'entrée sans utiliser de carte magnétique. Il appuya sur le bouton de l'ascenseur pour le 6ème étage et alla directement à la chambre 618.

    ...La chambre qu'il regardait souvent de son balcon.

    Kongpob s'arrêta juste devant la porte, étrangement ravi et inquiet de ce qu'il ferait si l'homme derrière la porte était l'ami d'Arthit. Il pourrait être balayé d'un revers de main, se faire dire d'aller se faire voir avant de pouvoir demander comment l'homme allait. Quoi qu'il en soit, il avait au moins une chance d'apercevoir Arthit. Il décida donc de frapper à la porte.

    Toc ! Toc !

    ... Silence. ... Aucune réponse.

    Kongpob essaya encore, mais toujours aucun signe de vie. Arthit dormait-il ? S'était-il trompé de chambre ? Réticent, il s'apprêtait à frapper pour la troisième fois, mais il fut grondé par un grand cri venant de derrière la porte.

    —  Entre. La porte n'est pas fermée !

    C'était sans aucun doute la voix du chef bizuteur, la voix qu'il connaissait bien. Donc, après la permission, il tourna la poignée, ouvrit la porte et balaya la pièce du regard pour en apprécier l'intérieur. La pièce était de couleur claire et aussi grande que la sienne. Les affaires étaient placées un peu partout en gros tas, renseignant sur l'habitant qui était allongé sur le dos et lisait une bande dessinée, se relaxant. Il n'avait même pas jeté un regard au visiteur qu’il commença à râler.

    — Tu sais que ma jambe me fait mal et tu frappes à la porte, connard. Qu'est-ce qui t'a pris si longtemps ? Tu es allé acheter de la nourriture ou tu es resté pour aider les vendeurs ?

    — Il y avait une longue queue, monsieur.

    Une conclusion respectueuse n'aurait pas pu émaner de son pote et Arthit bondit dans son lit. Il se tourna pour regarder le visiteur, les yeux écarquillés, stupéfait quand il vit qui avait frappé à la porte.

    — Kongpob !!! Qu'est-ce que tu fais ici ?! cria Arthit, pointant son doigt vers le nouveau venu, ayant l'air de voir un fantôme et submergé par la confusion.

    ...Comment ce bâtard de 0062 est arrivé ici ??...Sait-il qu'il est dans cette pièce ?? ...Et p-pourquoi est-il venu le voir ??

    Toutes ces questions avaient une explication simple.

    — P'Prem a eu un imprévu urgent, il m'a demandé de t'apporter le porridge et le pink milk.

    L'homme qui était responsable de la livraison tendit le sac de porridge et la tasse de pink milk pour qu'Arthit les voie. Dès que le chef bizuteur les vit, il souhaita avoir de bonnes jambes pour pouvoir donner un double coup de pied à l'ami qui l'avait trahi.

    ...Ce putain de traître !

    Qu'est-ce qui était si important pour que Prem le laisse tomber comme ça ? Pire, il aurait pu choisir n'importe qui pour apporter la nourriture, mais il avait choisi le dernier homme qu'Arthit voulait voir ! À quoi servait son numéro d'hier, alors que ce jeune homme était témoin de son état proche du coma. Son personnage de dur à cuire et de chasseur de têtes était ruiné ! Putain de merde... Ça le rendait fou !!!

    L'homme humilié souhaitait que la Terre s'ouvre et l'avale. Il voulait se lever et fermer la porte, mais Kongpob s'était déjà approché du lit, demandant .

    — Comment vas-tu ?

    — Je vais bien !

    Même si son état était à un million d'années-lumière d'être parfait, il préférait garder sa dignité de bizuteur en chef. On ne l'appelait pas l'Impénétrable bizuteur en chef pour rien. Superman l'appelait Big Bro et même Spider-Man ne l'embêtait pas. Mais Kongpob se méfia en prenant connaissance de l'état de l'homme blessé sur le lit.

    — Vraiment ? Pourquoi as-tu un bandage autour de ta cheville ?

    ...Merde. Je l'avais oublié.

    L'homme qui avait compris qu'il en avait trop révélé tira rapidement la couverture sur ses jambes, une excuse bâclée s'échappant de ses lèvres.

    — Eh bien, c'était juste pour le plaisir.

    C'était si peu convaincant que c'était nul, si nul que même un enfant de maternelle pouvait détecter un mensonge. Alors, bien sûr, le nouveau le comprit. Kongpob n'avait pas l'intention d'insister, mais il se dirigea directement vers le lit au milieu de la pièce et l'homme qui s'y trouvait glapit.

    — Qu'est-ce que tu fais ? !

    Au lieu de répondre, Kongpob appuya sa main directement sur les jambes d'Arthit, sous la couverture. Une légère tape suffit à faire reculer Arthit.

    "Aïe !!!"

    "Tu es blessé et gravement blessé. Tu ne peux pas marcher, n'est-ce pas ?"

    Le diagnostic fit bouillir le sang d'Arthit ...Oui, je sais que mes jambes sont blessées et tu n'as pas besoin de me le rappeler ! Qui a dit qu'il avait le droit de toucher à mes jambes ? Il n'a même pas demandé la permission avant !

    "Ce ne sont pas tes affaires. Va-t'en !"

    "Comment puis-je te laisser tout seul ? Tu es blessé. Je vais te mettre le porridge dans un bol."

    Non seulement le jeune homme ignora ses paroles, mais il alla même prendre un bol et une cuillère. Puis, il posa une petite table japonaise sur le lit pour servir le dîner - de la bouillie de porc avec un œuf à la coque et une tasse de pink milk. Une fois le repas terminé, Kongpob s'assit sur une chaise près de la table de lecture située de l'autre côté de la pièce et regarda fixement l'homme alité qui avait toujours l'air d'un cerf pris dans la lumière des phares. Arthit était déconcerté par ce service inattendu, mais il ne voulait pas dire "merci" - il n'était pas courant qu'un bizuteur fasse cela, et surtout pas avec le vaurien dans sa chambre.

    — Pourquoi es-tu encore là ? !

    — J'attends pour nettoyer les assiettes après que tu aies fini. Tu ne peux pas te lever et le faire, n'est-ce pas ?"

    Ne sachant pas si Kongpob était sincère ou s'il était un emmerdeur, ses mots frappèrent Arthit en plein dans les tripes. Il souhaitait pouvoir se lever et frapper le jeune homme au visage.

    Maintenant tu vois que je suis blessé et tu es devenu si arrogant, fils de pute ! Mais il savait que se disputer ne servirait à rien. Il n'avait plus d'énergie pour se lever et pousser cet homme hors de la pièce.

    Donc, Arthit dut manger du porridge par frustration et laisser Kongpob scruter sa chambre. L'étudiant de première année regardait jusqu'à ce que ses yeux se posent sur la porte vitrée coulissante. Le rideau n'était pas complètement fermé, alors il eut un aperçu de la vue depuis le balcon.

    ...Ce balcon, il aimait toujours y jeter un coup d'oeil depuis l'autre côté du bâtiment.

    C'était étrange de voir la vue de ce côté. Il s'était souvent demandé ce que l'autre homme faisait dans sa chambre. Mais maintenant qu'il était là, il se rendait compte que sa chambre était si loin et si isolée. C'était indescriptible. S'il retournait dans la chambre d'en face, il ne verrait cet homme que lorsqu'il sortirait pour étendre son linge à sécher.

    Son esprit se porta sur les vêtements sur le balcon et il réalisa soudain qu'il les avait vus depuis la nuit dernière.

    — P'Arthit. Je suppose que tes vêtements sont secs. Je les rentre ? S'il pleut, tes vêtements vont être mouillés.

    Arthit avait mis du porridge dans sa bouche, il dut donc mâcher rapidement. Il voulait crier et arrêter le type, mais c'était trop tard. Le jeune homme avait fait coulisser la porte et était sorti sur le balcon. Il alla prendre tous les vêtements sur l’étendoir avant de demander une dernière fois.

    — P'Arthit, où est le fer à repasser ? Je peux te l'emprunter ? Je repasserai tes vêtements pour toi.

    — Ce n'est pas la peine ! Laisse-les là !

    Le propriétaire de la chambre avait protesté à temps. Mais c'était inutile puisque l'autre homme avait déjà apporté les vêtements et les avait posés sur la chaise avant de protester à son tour.

    —  Tu vas les laisser prendre la poussière ? Laisse-moi les repasser pour toi.

    Il ressemblait à une mère poule et rendit Arthit sans voix. Il regarda Kongpob chercher la planche et le fer à repasser qui se trouvaient sur l'étagère sous la télévision. Le gars était même généreux, il attrapa la télécommande et l'apporta à l'homme dans le lit.

    — Tu veux regarder la télévision ? Je t'ai apporté la télécommande au cas où tu voudrais changer de chaîne.

    C'était le genre de question qu'Arthit n'avait jamais entendu de la part d'un ami. Quand Prem était là, il tenait la télécommande comme un bien précieux, sans prendre la peine de lui demander s'il voulait regarder quelque chose. Les autres amis qui restaient avec lui avaient laissé ses affaires tranquilles la plupart du temps.

    Mais ce type... il s'occupait de tout sans qu'on le lui demande. Il veillait sur lui, ramassait ses vêtements, les repassait, et n'avait aucun scrupule à se faire chasser. Il ne savait pas pourquoi Kongpob faisait tout ça mais il était sûr d'une chose...

    ...cela lui rappelait les derniers mots et les yeux brillants du garçon qui le regardaient après la course.

    Arthit savait qu'il mangeait beaucoup plus lentement, car il était occupé à faire passer son regard entre l'écran de télévision et l'homme qui repassait ses vêtements. Les nouvelles à la télé ne lui rentraient pas dans la tête et le temps qu'il finisse de manger, Kongpob avait réussi à terminer le repassage et à les accrocher dans le placard. Il se dirigea vers la table pour prendre le bol à nettoyer et jeta la tasse de pink milk. Puis, il aperçut quelque chose sur la table de chevet.

    — C'est vrai. Tu dois prendre tes médicaments. Avant que tu ne commences à manger, j'ai oublié de demander si tu avais des médicaments à prendre avant les repas.

    Kongpob s'est puni d'avoir oublié. Comme on pouvait s'y attendre, il y avait des médicaments à prendre avant les repas, comme indiqué sur l'étiquette.

    — ...C'est ça. Tu en as un. Pourquoi tu ne me l'as pas rappelé ? Quand tes jambes vont-elles guérir ? N'oublie pas la prochaine fois.

    Une longue série de plaintes avait suivi comme si Arthit était un petit enfant. Cela fit bondir l'étudiant de troisième année qui avait été nommé chef des bizuteurs, aboyant sur la mère poule, frustré.

    —  Laisse-moi tranquille ! Je ne suis pas un enfant. Je suis plus vieux que toi !

    Lorsque le cri se dissipa, la pièce entière devint silencieuse pendant un moment. Ce silence fit comprendre à Arthit qu'il avait été trop dur.

    Il savait très bien que l'autre homme se souciait de lui. Mais il avait la dignité d'un "senior" à tenir. Il ne pouvait pas laisser l'autre homme penser qu'il était incapable de prendre soin de lui-même. Être impuissant le mettait mal à l'aise.

    Pourtant, Kongpob ne montra aucun signe de colère et laissa seulement échapper un léger soupir. Il s'assit sur le lit près de l'homme blessé, parlant d'une voix plus douce.

    "Je sais que P'Arthit est plus âgé que moi, mais tu dois aussi savoir que tu ne vas pas bien. Quand tu ne vas pas bien, tu as besoin de quelqu'un pour prendre soin de toi. Quand tu iras mieux, tu pourras me punir. Mais pour le moment, fais ce que je te dis... S'il te plaît ?"

    Le ton ne ressemblait pas à un avertissement mais à une supplication, accompagné par les yeux qui le regardaient fixement.

    ... La même paire d'yeux de la même personne qui a vaincu Arthit à maintes reprises.

    Il dut se détourner, décidant de prendre le médicament que lui donnait l'autre homme, cédant à sa demande, et buvant l'eau à petites gorgées pour avaler les pilules. Kongpob était en train de prendre le verre pour le laver quand Knot, l'ami qui l'avait surveillé la veille, rentra.

    — Salut, Arthit. J'étais au dîner et P'Deer demandait de tes nouvelles...

    La phrase se termina brusquement lorsque le bizuteur aperçut un inconnu dans la chambre de son ami. Le jeune homme se rendant compte qu'un autre bizuteur était arrivé, leva rapidement les mains pour lui témoigner son respect par un wai.

    — Bonjour, P'Knot.

    —  Je te bénis.(1)

    Knot accepta le geste avec un wai en réponse, perplexe, oubliant son personnage de bizuteur coriace pendant un moment. Le jeune homme ne s'attarda pas à poser des questions. Dès que Kongpob vit que quelqu'un était venu s'occuper d'Arthit, il ne voulut pas abuser de son hospitalité et se tourna vers l'homme dans le lit pour lui dire au revoir.

    —  Je vais partir maintenant. Passe une bonne journée, P'Arthit.

    Le chef bizuteur ne regarda même pas le nouveau venu qui lui témoignait du respect, conservant son indifférence qui sied au chef bizuteur. Il laissa Kongpob sortir de la pièce. L'autre bizuteur qui était encore dans l'embrasure de la porte les regarda, encore plus confus.

    — Mais qu'est-ce que le nouveau faisait ici ?

    — Il repassait.

    — Repasser quoi ??

    La réponse était encore plus confuse, mais le bizuteur en chef coupa la parole à son pote.

    — Je vais me coucher. J'ai sommeil.

    Arthit se laissa tomber sur le lit et tourna le dos à son ami, mettant fin à la conversation.

    Il ne voulait répondre à aucune question, sentant la fièvre monter alors que son visage brûlait, que sa tête tournait. C'était sûrement pour ça qu'il avait facilement laissé ce type s'occuper de lui.

    Pire encore, ces yeux fous le hantaient toujours. Même s'il essayait de s'en débarrasser, il ne pouvait pas les laisser partir de son esprit comme s'ils étaient gravés dans sa mémoire.

    Maintenant, Arthit en était certain. Ce que Kongpob essayait de lui montrer, ce n'était pas les yeux de la colère ni ceux d'un sentiment de faiblesse. C'étaient des yeux suppliants...

    ...des yeux qui le suppliaient de "comprendre" à quel point l'autre homme tenait à lui.

     

    1. En thaï, c'est littéralement "Comme vous le feriez, rendez hommage au Bouddha". Cela signifie que lorsqu'une personne rend hommage à une personne âgée, en particulier à un parent âgé, la personne âgée répondra en disant qu'elle doit donner une bénédiction à la personne plus jeune. Dans le bouddhisme, les parents sont considérés comme saints - parfois appelés "les ordonnés de votre foyer" - et donc les membres plus âgés de la famille ont le pouvoir de bénir ou de maudire les plus jeunes.


  • Commentaires

    4
    Mardi 11 Avril 2023 à 20:19

    « Le pink milk est un bon fortifiant », selon Arthit

    Kongpob est vraiment gentil de s’occuper de Arthit….trop mignon 

     

    NB : mon mode fangirl était aussi activéhe

     

    3
    Samedi 3 Décembre 2022 à 10:02

    Merci pour ce nouveau chapitre <3

    2
    Jeudi 1er Décembre 2022 à 15:20

    Ptdr, tout comme Yu9, mode fangirl activée XD

    J'avais un sourire niais tout le long et je pouffais en m'imaginant l'ambiance trop bizarre mais trop mignonne dans la chambre happy

    Merci pour ce chapitre <3

    1
    Jeudi 1er Décembre 2022 à 13:53

    Mode fangirl activé : kyaaaaaaaaaaaah !!!!!

    J'adore... j'ai pas pu m'empêcher de sourire bêtement tout le long de la lecture ^^'

    Merci pour ce nouveau chapitre.

     

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