• Chapitre 4

    Chapitre 4

    Je m’étire en grimaçant quand je sens mes vertèbres craquer, je suis penché sur le projet du groupe depuis de longues heures. J’ai la nuque raide et des fourmis dans les jambes à force de rester dans la même position alors je décide qu’il est temps pour moi de faire une pause. Je regarde l’heure rapidement et soupire quand je me rends compte qu’il est plus de quinze heures et que je n’ai toujours pas pris le temps de manger.

    Les autres membres de mon groupe de travail sont installés un peu plus loin. On va dire que depuis la soirée où j’ai soudainement disparu, ils ne cherchent plus du tout à sympathiser avec moi. Ils ont dû comprendre que je me forçais et n'appréciaient pas vraiment leur compagnie. D’ailleurs, ils se sont contentés de me donner ma partie de travail à faire et depuis ils font comme si je n’étais pas là. 

    Je range rapidement mes affaires, je vais aller à l’épicerie qui se trouve un peu plus loin et prendre de quoi manger avant de revenir ici et finir ce fichu projet. Je ne compte pas quitter l’université tant qu’il ne sera pas terminé, on doit le rendre la semaine prochaine, mais je n’aime pas passer plus de temps que nécessaire sur un devoir. 

    Et puis, me plonger ainsi dans le travail m’éviter de trop penser au week-end dernier, à cet homme qui m’avait sauvé d’une nuit à cuver mon vin sur un banc d’un parc et à son adorable fille. Je ne suis pas resté avec eux très longtemps et je suis parti avec l’idée que je ne les reverrais certainement jamais. Seulement, ils quittent rarement mes pensées et je me demande même, s’il serait malpoli de ma part d’aller les trouver, juste pour les remercier une nouvelle fois. 

    C’est en pensant à cela que je quitte la salle, sans même un mot envers mes camarades. Les couloirs du bâtiment grouillent d’étudiants et si au début j’étais intimidé par cette effervescence, maintenant, cela ne me fait ni chaud ni froid. Ils parlent tous avec enthousiasme de leur rêve de grand articles et de prix Pulitzer, mais je ne suis absolument pas réceptif. 

    Encore moins quand mon estomac gargouille et que j’ai hâte de pouvoir manger un bol de ramen bien chaud. Je plisse des yeux quand je quitte le bâtiment et que le soleil m’agresse après avoir passé tant d'heures sous les néons. Je m’arrête au sommet des marches et prends quelques secondes pour regarder autour de moi.

    Le spectacle est toujours le même, des étudiants qui mangent au niveau des bancs ou révisent assis dans l’herbe. D’autres se contentent de prendre l’air et certains courent pour être sûrs d’arriver à l’heure à leur prochain cours. Et puis, il y a cette petite fille qui semble perdue et regarde attentivement autour d’elle. 

    Personne ne semble faire vraiment attention à elle, pourtant elle détonne au milieu de tous ses élèves. Et puis, elle me semble bien trop familière, je descends lentement les marches en fronçant les sourcils de plus en plus au fur et à mesure que je me rapproche. Elle porte un tee-shirt jaune et un short bleu, mais ce qui m’inquiète, c’est l’état de son genoux. 

    — Dao ?

    J'accélère le pas pour la rejoindre, elle tourne la tête vers moi dès qu’elle m'entend et son visage se détend et s’illumine.

    — Phi First !

    Elle me rejoint en boitant légèrement et je ne réfléchis même pas, je me contente de la soulever dans mes bras et elle entoure mon cou de ses bras. Je la sens trembler contre moi et je me contente de lui caresser le dos, ignorant le regard des autres étudiants car je cherche son père du regard. 

    — Dao, qui est avec toi ?

    — Personne.

    Mes yeux s’écarquillent, j’espère avoir mal compris, parce que son quartier se trouve loin d’ici et je ne comprends pas comment elle a fait pour se retrouver là. Elle se redresse pour pouvoir me regarder, elle semble penaude et je sens que ce qu’elle va me dire ne va pas me plaire. 

    — J’étais au parc avec Malaï, mais tu me manquais. Papa disait que l’on ne te reverrais jamais, alors… j’ai pris mes économies et je suis venue parce que je me souvenais que tu étudiais là mais… c’est grand. 

    Je soupire profondément et je ne peux même pas imaginer l’état dans lequel doit se trouver cette Malaï et son père. Ça doit faire des heures qu’ils la cherchent sans savoir où elle se trouve. Si j’étais à la place de Khaotung, je serais fou d’inquiétude. 

    — Tu connais le numéro de ton papa ?

    Elle se mordille un instant la lèvre avant de hocher la tête et de me le donner lentement après que j’ai sorti mon téléphone portable. Les sonneries s’enchaînent et je tombe trois fois sur sa messagerie avant que Khaotung ne décroche enfin.

    — Allo !

    Sa respiration est laborieuse, l’angoisse est palpable dans sa voix et j’ai même la sensation qu’elle craque.

    — C’est First… tu m’as empêché de…

    — Ecoute, j’ai un souci, je n’ai pas le temps de…

    Il me coupe et je ne suis pas certain qu’il m’ai réellement écouté, alors je décide de le couper à mon tour afin de pouvoir le calmer au plus vite.

    — Dao est avec moi !

    — Quoi ?

    — Je suis à l’université et je viens de trouver Dao qui m’attendait.

    Je prends le temps de lui expliquer à nouveau, de laisser l’information passer la brume d’angoisse qui entoure son cerveau. Soudain, il pousse un profond soupir de soulagement et je l’entend murmurer quelques mots à une personne à côté de lui et s’ensuit une exclamation de soulagement. 

    — Elle va bien ?

    J’ai un petit sourire en coin quand il reprend sa conversation avec moi et s’inquiète de nouveau du bien-être de sa fille. J’observe un instant Dao qui reste collée dans mes bras sans bouger, je pense même qu’elle est toute retournée par son aventure. 

    — Oui elle va bien.

    — Oh merci… merci beaucoup…

    Il renifle et je comprends combien il doit être bouleversé, il vient sûrement de vivre le cauchemar de tous parents. Contre mon cou, je sens aussi quelque chose d’humide couler et en tournant la tête, je me rends compte que Dao pleure silencieusement. Je lui fais un petit sourire pour la réconforter. 

    — Est-ce que tu peux la garder, je viens la chercher ?

    — Bien sûr, elle est en sécurité avec moi. 

    J’essaie de le rassurer, je lui explique où je me trouve et il m’assure qu’il arrive au plus vite. Je finis par raccrocher, glisser le téléphone dans ma poche et je me souviens alors que je meurs de faim et que si je ne peux pas me faire de ramen, je peux au moins aller acheter un truc à grignoter pour Dao et moi. 

    — Tu as faim ?

    Elle redresse la tête un peu timidement avant de la hocher rapidement. Je la repose à terre et l’observe à nouveau en grimaçant quand je vois son genou. Je lui prend la main et commence à avancer à son rythme vers l’épicerie qui se trouve plus loin. Là-bas j’achèterai aussi de quoi la soigner. 

    On a parlé de tout, de n’importe quoi, mais surtout pas de l’aventure qu’elle vient de vivre. Je veux lui changer les idées car je sais que son père se chargera de lui demander des explications. J’ai acheté à manger, de quoi la soigner et aussi une grande boisson sucrée qu’elle sirote alors que l’on retourne à mon bâtiment main dans la main. 

    Cette fois, quand j’entre dans la salle, j’attire tout de suite l’attention de toutes les personnes présentes. J’entends tout de suite des murmures s’élever, mais je n’y prête absolument pas attention. Dao qui a oublié sa peur, distribue des sourires et fait même coucou à certains étudiants qui ne savent pas vraiment comment réagir.

    Je repousse mes feuilles qui traînent encore sur la table en attendant mon retour puis je soulève Dao pour l’asseoir dessus. Je pose le sac à côté et m'assois sur la chaise pour observer son genou blessé. Ce n’est pas trop grave, mais elle a une coupure et sa peau est tout égratignée.

    — Comment tu t’es blessée ?

    Elle regarde son genou avant de faire la moue pendant que je sors le nécessaire pour la soigner, je n’ai pas vraiment d’expérience avec les enfants. Je n’en ai jamais côtoyé, alors je prends mon temps pour désinfecter la zone et la panser, ne voulant pas lui faire mal. 

    —  Quand je suis descendu du bus, les gens m’ont poussé et je suis tombée sur le trottoir. 

    Je soupire, mais je ne dis rien de plus, j’ai du mal à réaliser le cran qu’il lui a fallu pour traverser la moitié de la ville toute seule. Je ne suis pas sûr que moi j’en aurais eu le courage au même âge. 

    — Tu soignes mieux que papa.

    — Ah bon ?

    J’ai un petit rire alors que je commence à ranger le nécessaire pour la soigner, mais elle me regarde très sérieusement avant de me faire signe de m'approcher pour me chuchoter quelques mots à l’oreille. 

    — Papa a peur du sang, alors il me soigne en fermant les yeux. 

    Elle pouffe de rire en se couvrant la bouche et mon sourire s'agrandit car Dao est vraiment très attachante. Khaotung élève une petite fille intelligente et débrouillarde et je me surprends à me demander à quoi elle ressemblera une fois qu’elle aura grandi.

    — Alors je te soignerai la prochaine fois que tu te blesseras d’accord. 

    Je sais que c’est risqué de faire ce genre de promesse à une enfant. Je ne suis pas certain que l’on se reverra vraiment dans le futur. Cependant, je ne réfléchis pas vraiment et j’espère ne pas avoir à la décevoir.

     

    Cela fait un peu plus d’une heure que j’ai repris le travail, Dao dessine tranquillement juste à côté de moi, ses jambes battant dans le vide. Elle est restée très calme, elle ne m’a pas dérangé alors que j’ai continuer à faire mes devoirs. Plusieurs élèves sont venu nous voir, me poser des questions, mais je suis resté extrêmement évasif dans mes réponses.

    Khaotung m’a envoyé plusieurs messages pour me tenir au courant de son avancée, il a été pris dans les embouteillages et j’ai pu le rassurer en lui disant que tout se passait bien et que je l’attendrais aussi longtemps qu’il faudrait. 

    La plupart des élèves ont fini par ranger les affaires pour rentrer chez eux et j’ai même vu les autres membres de mon groupe partir en papotant joyeusement il y a à peine dix minutes. Ils m’ont à peine jeté un coup d'œil avant de quitter la pièce sans dire un mot de plus. 

    La porte s’ouvre à nouveau et au début je lève à peine la tête, complètement pris dans mon travail, pensant qu’il s’agit d’un étudiant. Je relève cependant la tête dès que Dao s’agite et quitte soudainement son siège. 

    — Papa !

    Je me retourne et aperçois Khaotung qui attrape Dao au vol avant de la serrer dans ses bras. Il est blanc comme un linge et malgré le temps qui s’est écoulé, il semble encore secoué par la disparition de sa fille. 

    — Pourquoi tu es partie ? J’étais mort d’inquiétude… Malaï s’en voulait à mort et…

    Il semble vouloir la disputer, mais la manière dont il la tient contre lui, sa voix tremblante et le ton soulagé qu’il emploie n’ont pas l’effet escompté. Je me doute pourtant qu’il risque d’avoir une sérieuse discussion avec elle quand ils seront rentrés à la maison. 

    — Mais je voulais voir Phi First et tu as dis qu’il ne reviendrait jamais.

    Khaotung semble se rappeler de ma présence, je me lève tranquillement de ma chaise en lui faisant un petit sourire discret. Il me surprend alors en faisant trois grands pas dans la pièce, je tressaille un instant me demandant ce qu’il lui prend. 

    Je me fige quand il me prend dans ses bras, m'attirant contre lui dans une étreinte amicale. Je n’ai pas vraiment l’habitude des effusions de ce genre, si ma mère m’a fait des câlins quand j’étais petit, ils étaient plutôt rares et sont aujourd’hui devenus inexistants. 

    Je reste un moment les bras ballants sans trop comprendre alors que je me retrouve dans ce câlin à trois, sous le regard de tous les étudiants présents. Puis finalement, je finis par tapoter maladroitement le dos de Khaotung.

    — Merci vraiment. Je ne sais pas ce que j’aurais fait si…

    Il me remercie, mais laisse l’angoisse reprendre le dessus quand il s’imagine le pire alors même que sa fille est en sécurité dans ces bras. Je le serre un peu plus fort contre moi dans l’idée de le réconforter et Dao lui caresse gentiment la joue.

    — Tout va bien, elle est là et elle est en sécurité. 

    Il prend une profonde inspiration avant de s’éloigner et de me sourire. Si je remarque ces yeux beaucoup trop brillants, j’ai la courtoisie de ne rien dire et de faire comme si je n’avais pas remarqué. 

    — Viens manger avec nous à la maison. Pour te remercier.

    — Oh tu n’as pas à faire ça. Ce n’était rien et …

    — Phi viens manger avec nous, s’il te plaiiit.

    Je voulais poliment refuser, garder mon idée première qui était de terminer rapidement ce devoir, puis rentrer pour essayer de me détendre, mais au final, passer un moment avec le duo est bien plus sympa que de rester enfermé dans ma chambre dans le silence de la grande maison familiale. 

    — D’accord, laissez-moi cinq minutes pour ranger mes affaires. 

    Je leur fais un sourire avant de rassembler les différents documents et de tout bien ranger pour m’y retrouver facilement quand je me replongerais dedans. Pendant que je me prépare, j’entends Khaotung qui discute avec Dao, il murmure et je me doute qu’il doit lui expliquer combien ce qu’elle a fait est mal et combien elle a fait peur à plein de monde. 

    Finalement, cinq minutes plus tard, c’est à notre tour de quitter la salle. Khaotung tient fermement la main de Dao quand on parcourt les couloirs qui à cette heure commence à être bien plus tranquille. Je sursaute légèrement quand je sens la petite main de Dao saisir la mienne et c’est une drôle de sensation que de quitter l’université en compagnie de ces deux là.

     

    Le trajet du retour s'est fait en taxi, une grande partie du trajet on a écouté Dao raconter de A à Z la manière dont elle avait faussé compagnie à Malaï puis comment, elle avait utilisé ses économies pour prendre le bus pour me rejoindre. Comme je l’ai imaginé, Khaotung a fini par la gronder une fois qu’il a repris le contrôle de ses émotions.

    Je suis resté silencieux, laissant le père gérer la situation, trouvant une nouvelle fois qu’il se débrouille vraiment très bien, moi je ne suis pas sûr que je pourrais m'occuper d’un jeune enfant à mon âge. Ma mère dit tout le temps que je manque de maturité, que je n’y mets pas du mien pour construire mon avenir. Alors devoir construire celui d’un enfant, je n’y arriverai jamais. 

    Quand on arrive enfin chez Khaotung, Dao s’est endormie contre lui et au lieu de la réveiller, il la porte avec douceur jusqu’à leur appartement. Je l’aide en ouvrant les portes et je l’observe alors qu’il la couche avec douceur et tendresse sur son lit. Après une journée pareille, ce n’est pas étonnant qu’elle soit épuisée.

    — Je ferais mieux de te laisser. Tu dois être fatigué aussi.

    Il a les traits tirés et je me doute que lui aussi après toutes ses émotions, il doit avoir envie de rester un peu tranquille. Cependant, alors que je fais mine de repartir vers l’entrée, il attrape mon poignet pour m’empêcher de bouger.

    — Reste, je vais cuisiner pour toi.

    — Tu n’es pas obligé, je n’ai pas fait grand chose tu sais.

    Au lieu de se desserrer, sa prise sur mon poignet se fait plus forte et son regard me supplie de ne pas partir. Plus que me remercier, il ne semble pas vouloir rester seul pour le moment, il a peut-être peur que l’angoisse ne revienne s’il se retrouve seul et cela même s’il a retrouvé Dao. 

    — S’il te plaît.

    — Alors… commandons, tu as l’air vraiment fatigué.

    Sans réfléchir, je pose mes doigts sous ses yeux et je suis le tracé plus sombre des cernes qui obscurcissent son regard. Il hoche lentement la tête et je lui souris alors que ses doigts relâchent mon poignet. Il me guide vers le salon et on passe un moment à décider ce que l’on va manger.  L’ambiance est calme et surtout, il prend mon avis en compte, c’est étrange d’avoir voix au chapitre, surtout quand il finit par prendre ce qui me fait le plus envie. 

    On ne parle pas beaucoup en attendant le repas, du coin de l'œil, je vois qu’il lutte pour ne pas s’endormir et quand enfin on sonne à la porte, je réagis plus vite que lui pour réceptionner le repas. On a commandé une quantité astronomique de nourriture et je ne sais pas si on arrivera à tout finir. 

    — Tu n’aurais pas dû payer, c’est à moi de te remercier.

    — Tu as eu peur aujourd’hui, c’est largement plus toi qui mérite de te faire offrir un repas.

    Je pose les sacs sur la petite table alors qu’il ramène les couverts et il a un petit sourire en coin visiblement amusé par ma réponse. 

    — Alors ça veut dire que la prochaine fois, c’est moi qui t’invite. 

    Je lève les yeux au ciel, mais au fond, je suis super content qu’il veuille que l’on se revoit. J’apprécie sa compagnie même si je ne le connais pas vraiment. Je sais juste qu’il est suffisamment gentil pour m’avoir tendu la main quand j’en avais besoin et qu’il aime sa fille plus que tout et rien que ça, ça me plaît. 

    — Dao n’aime pas ce qui est épicé, ça faisait longtemps que je n’en avais pas mangé.

    Khaotung semble aux anges après avoir avalé la première bouchée de nourriture. Il ferme les yeux un instant, savourant l’explosion de saveur et je suis soulagé de savoir que lui aussi aime la nourriture relevée et qu’il ne l’a pas pris juste pour me faire plaisir. 

    — Khaotung, je peux te poser une question ?

    Il rouvre les yeux, mais ne semble pas surpris par ma demande, au contraire, on dirait qu’il s’y attendait. Il hoche lentement la tête, reprenant de la nourriture, mais son visage ne montre pas qu’il savoure comme un instant auparavant et je me sens coupable d’avoir ruiné l’ambiance. 

    — Tu élèves seul Dao depuis longtemps ?

    J’hésite un peu, je cherche les bons mots, car je ne veux pas le peiner davantage. Il m’observe un long moment tout en mâchant sa nourriture. Je sais que j’ai mis les pieds dans le plat, que j’aurais dû garder ma question pour jamais et ne pas me montrer aussi curieux.

    — Depuis sa naissance. Sa mère est partie après l’accouchement et mes parents m’ont mis dehors quand ils ont compris que je voulais vraiment la garder. 

    Sa voix tremble légèrement quand il en parle, mais c’est la seule émotion qui transparaît quand il me raconte succinctement ce qui lui est arrivé. 

    — Je suis désolé.

    — Pour ma situation ou pour avoir été curieux ?

    J’entrouvre la bouche, sur le moment je crois qu’il est en colère, mais quand nos yeux se croisent, j’y décèle un brin de malice qui détend aussitôt l’atmosphère.

    — Un peu des deux j’imagine.

    — Alors dis moi aussi quelque chose sur toi, on sera à égalité. 

    Je me suis fait piégé, maintenant, je dois aussi lui parler de moi et ça c’est quelque chose que je ne sais pas vraiment faire. 

    — Mes parents… n’aiment pas vraiment leurs enfants. Ils nous voient comme une manière de s’élever socialement. 

    J’imagine que c’est du même niveau, enfin, je crois. Certes, ils ne m’ont pas mis dehors, mais je sais que si je ne me pliais pas à leurs exigences, ils se montreraient encore plus durs avec moi. 

    — C’est moche aussi.

    Il n’y a pas besoin d’en dire plus et on reprend notre repas dans le silence, tous les deux plongés dans nos pensées. Ce n’est pas désagréable, ce n’est pas pesant comme chez moi et ça ne me coupe pas l’appétit, au contraire. 

    — Tu aimes quoi comme film ?

    C’est finalement lui qui reprend le jeu des questions au bout d’un moment, cette fois sur un sujet beaucoup plus facile, enfin, c’est ce qui me semblait. 

    — Je ne regarde pas beaucoup la télé et la dernière fois que je suis allé au cinéma, c’était pour emmener en cachette ma sœur voir un Disn…

    Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui m’arrive, mais d’un coup je me retrouve à moitié allongé sur le canapé, Khaotung est à moitié au dessus de moi, sa main sur ma bouche pour m’empêcher de parler, il pose alors un doigt sur ses lèvres et me fait un petit shhhhh.

    Je ne sais pas ce qui lui prend, mais juste après, il jette un long coup d'œil en direction de la porte de la chambre de Dao comme si quelque chose de monstrueux était sur le point de se produire. Il reporte son attention sur moi avant de me faire un petit sourire. 

    — Il y a certains mots à ne pas prononcer dans cette maison. Dao a un radar et crois-moi tu ne veux pas vivre ça, tu n’es pas prêt.

    Je fronce les sourcils avant de finalement comprendre et pouffer contre la main qui barre toujours ma bouche. J'acquiesce alors doucement pour lui montrer que j’ai compris et lentement, comme prêt à me bâillonner de nouveau, il retire sa main. 

    — Désolé, je ne savais pas que c’était si dangereux de venir chez toi.

    Il pouffe à son tour, toujours sans bouger et je ne cherche pas à le faire reculer. Je me contente de l’observer, de détailler son visage et je me fige quand nos yeux se croisent. L’hilarité passe doucement, alors qu’un autre sentiment s’installe autour de nous. 

    — Est-ce que tu aimes le danger ?

    Sa question ne concerne pas la possibilité de me retrouver déguisé en princesse Disney et à regarder des films toute la nuit en compagnie d’une petite fille de six ans j’en suis persuadé. D’un geste lent, je remets une de ses mèches de cheveux en place, un geste qui pourrait paraître déplacé, mais je ne veux pas y penser pour le moment. 

    — Seulement s’il y a quelqu’un pour me tenir la main.

    Ses yeux se troublent un instant et la tension se fait plus forte. Je n’ai jamais été dans ce genre de situation, je ne sais pas comment je dois réagir, ni ce que je dois faire. Il doit d’ailleurs lire mes doutes dans mon regard, car il finit par soupirer et se reculer pour me laisser plus d’espace. 

    — Le jour où tu auras envie de te mettre en danger… je… enfin je…

    — Ça me plairait…

    On se retrouve à rougir tous les deux alors que cette conversation pleine de sous-entendus semble complètement dénuée de sens. On se rassoit tous les deux et il ne nous faut pas longtemps pour terminer notre repas.

    Le reste de la soirée se passe tranquillement, on discute de choses et d'autres et je ne vois pas le temps passé. Je me rends d’ailleurs compte de l’heure tardive quand je reçois un message de ma mère qui se demande où je suis. J’hésite un moment sur ma réponse, puis finis simplement par écrire que je suis avec un camarade de la fac et que je vais bientôt rentrer. Je n’ai pas envie qu’elle me pose de question alors un petit mensonge ne fera de mal à personne. 

    Au moment où je relève la tête, un poids se pose sur mon épaule et quand je tourne la tête, je suis surpris de voir que Khaotung a finalement perdu la bataille contre le sommeil. Je reste un moment immobile à le laisser dormir contre moi.

    Seulement, même si c’est agréable, je dois partir, alors je bouge lentement pour ne pas le réveiller, en soutenant sa tête, je l’aide à s’allonger sur le canapé et il ne se réveille absolument pas. Je le recouvre avec une couverture, range rapidement les restes de nourriture avant de finalement me diriger vers l’entrée pour quitter l’appartement. 

    Maintenant je sais que la promesse que j’ai faite plus tôt à Dao je pouvais la tenir, car maintenant, j’ai envie de mieux les connaître, de faire partie de leur vie et d’avoir enfin des personnes pour qui je pourrais réellement compter.


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  • Commentaires

    4
    Lundi 19 Décembre 2022 à 16:43
    Merci pour ce chapitre
    3
    Mercredi 14 Décembre 2022 à 17:53

    c'est déjà dit mais oui c'est trop mignon.......et Dao est une petite cupidon..... elle est trop chou......

    merci beaucoup pour ce chapitresmile

     

    2
    Mercredi 14 Décembre 2022 à 10:18

    J aillais dire comme Yu9, trop mignonne cette histoire.

    En tout cas, on ressent déjà grave l'attaction entre les 2, j adore ^^

    Merci pr ce chapitre, bises

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    1
    Mercredi 14 Décembre 2022 à 10:14

    Oh c'est trop mignon, j'aime beaucoup cette histoire =)

    Merci pour ce nouveau chapitre !

    (。♥‿♥。)

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