• Chapitre 31 - Rebirth

    Chapitre 31

    Quand le monstre est mort, je pensais que la suite serait difficile, qu’il nous faudrait du temps pour nous en remettre. Et même si les semaines qui ont suivi n’ont pas toujours été faciles, avec son lot de cauchemars, d’angoisses et de peur, nos vies ont fini par reprendre leur cours. Il n’y a pas eu d’autre drame, on a juste eu à panser nos plaies et au final le temps a filé à toute vitesse. J’ai du mal à croire qu’aujourd’hui, cela fait trois mois que je suis libéré de mon passé. 

    Ma mère et mon oncle sont toujours hospitalisés, ils vont de mieux en mieux chaque jour, mais leur combat sera long pour qu’ils puissent reprendre une vie normale. Ma mère doit apprendre à vivre avec un stress post-traumatique et elle sera sûrement suivie pour le reste de sa vie. On réapprend à se connaître, à communiquer et à renouer ce lien qui a été si longtemps rompu.

    Mon oncle est un battant. Après trois semaines d’incertitude, son état a doucement commencé à aller mieux. Devant nous, il ne montre pas que la perte de ses jambes lui pèse, il se montre fort et fier de sa décision. C’est sans hésitation qu’il aurait donné sa vie pour moi ce jour-là, et comme il me le dit chaque jour, il recommencerait sans hésiter. Il ne pourra jamais plus marcher, mais il n’a pas besoin de ça pour continuer à avancer, car chaque jour, il fourmille de nouveaux projets.

    Boun et Prem ont emménagé ensemble dans le petit appartement de Boun et je n’ai jamais été aussi fier de quelqu’un, que le jour où Prem a tenu tête à son père sans trembler. Depuis, ils débordent de projets et j’aime écouter Prem me les expliquer chaque soir au téléphone, même s’il m’en a parlé au cours de la journée.

    Nine n’est jamais reparti dans la maison vide de ses parents, ça semblait tellement naturel quand il était là que la question ne s’est pas posée. Avec eux à la maison, il y a toujours de l’animation, que ce soit Joong et ses pitreries ou bien les conversations parfois gênantes avec Chermarn. Il n’y a pas une journée qui ne soit pas drôle à souhait.

    Namtan ne quitte plus Joss. Après avoir mis leur vie entre parenthèses pendant sept ans pour mener à bien ce qu’elle pensait être son devoir, elle se consacre totalement à l’homme qu’elle aime. Elle reste près de lui alors qu’il se remet doucement de sa blessure et ensemble, ils cherchent à rattraper le temps perdu du mieux possible en parlant de leur avenir avec sérieux et en envisageant déjà de se marier. S’il me faisait peur au début, Joss est devenu un frère pour moi, il a réussi à discuter avec sa famille de notre passé et à pardonner à sa mère ce qu’elle avait fait à ma famille avec mon père.

    Chermarn n’a pas tellement changé. Elle a rapidement repris le travail, nous encourageant tous à faire de même. Elle ne voulait pas nous voir nous morfondre, elle voulait que l’on soit forts malgré nos faiblesses et surtout qu’on ne laisse pas ce monstre gâcher nos chances d’être heureux. Elle a été notre roc, notre meilleur soutien et celle qui est toujours à notre écoute quelque soit l’heure. 

    Et puis il y a nous, Ohm et moi. Plus le temps passe et plus on est proche l’un de l’autre. Il m’a tenu dans ses bras chaque nuit pour chasser les cauchemars, il m’encourage, m’aime dans mes meilleurs moments comme dans les pires. Notre couple est devenu solide et il fait tout pour m’encourager à devenir celui que je veux au fond de moi. Je l’aime plus que tout au monde et même si on est ensemble depuis peu, je sais qu’il est ma personne importante, que c’est lui que je verrai vieillir au fil des ans.

    Pourtant, actuellement, alors que l’on est tous les deux dans la voiture, je soupire bruyamment pour bien lui montrer que je ne suis pas d’accord avec ce qui est en train de se passer. Dix minutes plus tôt, j’étais en train d’étudier pour mes partiels dans la cuisine quand un bandeau m’a soudain aveuglé.

    —  N’aies pas peur mon coeur, c’est moi.

    — Ohm… Qu’est-ce que tu fais ?

    Je n’ai pas été effrayé, pas quand sa voix s’est élevée juste à côté de mon oreille. Seulement, si je veux pouvoir m’inscrire à l’université à la rentrée, je dois à tout prix réussir mes examens. L’idée de retrouver Nine, Joong et Prem à la faculté, pouvoir passer mon temps avec eux est une motivation supplémentaire, même si je suis un peu déçu, car Ohm lui ne sera pas présent.

    — C’est une surprise, tu dois juste me suivre gentiment. 

    Sa voix est douce, tendre et amusé. Malgré moi, je suis curieux de savoir ce qu’il mijote et puis passer une soirée en sa compagnie est toujours un plaisir. Le problème, c’est que je stresse terriblement de ne pas atteindre mon objectif et que je passe tout mon temps libre le nez dans mes cahiers. 

    — Crois-moi, tu peux mettre tes révisions de côté pendant une journée. Je te promets, demain tu auras tout le temps que tu veux.”

    — D’accord. Je te suis. 

    Il sait que je ne peux rien lui refuser et je peux déjà imaginer le beau sourire qui illumine son visage quand je me lève de ma chaise. Il saisit aussitôt ma main et me sert dans ses bras, capturant mes lèvres au passage. Aussitôt mon corps réagit comme si je n’avais aucun contrôle, mais je ne vais pas vraiment m’en plaindre. Timidement, je passe ma langue sur ses lèvres et frissonne quand il entrouvre la bouche pour me laisser le passage.

    Depuis ce soir-là, où il m’a donné mon premier orgasme, on a pris le temps de découvrir l’autre. On n’est jamais passé à l’acte et je ne sais pas comment lui faire comprendre que j’aimerais faire plus que ces câlins qui me laissent un léger goût de frustration, car je voudrais me sentir plus proche de lui encore. Cependant aujourd’hui, il ne laisse pas les choses déraper et nous entraîner dans des caresses plus osées, il quitte mes lèvres trop rapidement à mon goût. 

    — Si on prend ce chemin là Fluke, on sera en retard.

    — Où est-ce que l’on va ? Tu ne me l’as pas dit.

     Il rigole doucement alors que je tente de lui soutirer des informations. Il m’embrasse le front avant de prendre ma main et de m'entraîner vers la porte d’entrée. 

    — Si je te le dis, alors ce ne sera plus une surprise.

    Et depuis cette réponse qui ne me satisfait pas, j’ai tout tenté, de paraître mignon à le menacer des choses les plus farfelues possibles, mais il n’a fait que rire. Alors depuis cinq minutes, je boude, les bras croisés, soupirant de plus en plus fort à chaque fois. 

    — Mon coeur, je te promets que tu vas aimer. Alors s’il te plaît, fais-moi un petit sourire.

    Il sait que je ne résiste pas quand il m'appelle de cette manière. Ce petit surnom me fait complètement fondre et il en use et en abuse parfois. 

    — Et si je rate mon année à cause de cette surprise ?

    Je tente ma dernière carte, mais je sais déjà que c’est inutile, il ne craquera pas, il ne me dira rien et ce petit échange l’amuse plus qu’autre chose.

    — Je te promets de t’aider à réviser tous les soirs pour rattraper cette journée. 

    Je ne peux pas m’empêcher de me mordiller la lèvre quand l’idée de comment pourraient se passer nos révisions me fait rougir. Je me reconnais à peine, vouloir tant son corps, le désirer aussi fortement, c’est nouveau pour moi et je me demande même parfois si c’est vraiment normal. Seulement, je n’ose pas non plus en parler à qui que ce soit. J’ai dix-neuf ans, ce sont des choses que je devrais savoir. Alors c’est dur souvent de montrer que je ne suis pas comme les autres, que je ne sais pas. Et même si l’on m’explique sans se moquer, moi je me sens mal à l’aise avec ça.

    — Ok… mais on arrive bientôt ? 

    Une fois de plus, il a un petit rire heureux et rien que pour ça, rendre les armes vaut le coup. Je ne me lasse pas de son rire et encore moins de sa main qui saisit, même que pour quelques secondes, la mienne pour la serrer doucement.

    — Dans même pas cinq minutes.

    Le silence retombe dans l’habitacle, je me détends, me laisse bercer par la voiture et me montre patient. Ohm tourne à plusieurs reprises et un instant, je me demande s’il ne fait pas exprès de tourner en rond. Je m’apprête à ouvrir la bouche pour lui poser la question, mais alors il ralentit et s’arrête pour de bon en coupant le contact. 

    — On y est, ne bouge pas, je viens t’aider.

    Rapidement, il sort de la voiture. Un instant, je me prends à vouloir soulever le bandeau, mais avant que je n’arrive à me décider, la porte à côté de moi s’ouvre et la main de Ohm prend la mienne pour m’inviter à descendre. Après avoir passé du temps en voiture, voilà qu’il m'entraîne lentement à pied, vers je ne sais quelle destination. Il a passé son bras autour de ma taille et me tient la main de l’autre. Je le suis sans aucune hésitation, je sais qu’il fera attention aux obstacles pour moi.

    Il me fait brusquement stopper, je suis complètement perdu, il n’y a aucun bruit qui m'indique où l’on se trouve. Tout ce que je sais, c’est qu’il se place derrière moi, entourant cette fois ma taille de ses deux bras, me tenant en sécurité contre lui, ma place préférée. 

    — Fluke, tu te souviens de quel jour on est ? 

    Sa question me surprend, je n’ai jamais vraiment prêté attention aux dates, celui qui me rappelait le temps qui passe ces dernières années, c’était mon oncle. Sinon, il n’est pas rare que je me rende compte, surpris, qu’un mois est passé.

    —  Je… on est au mois d’avril, non ?

    J’hésite avant de donner ce qui me semble être me semble être la bonne réponse. Il rit avant d’embrasser le haut de mon oreille. Alors lentement, il dénoue le bandeau et je plisse des yeux, aveuglé par le soleil. On est dehors, dans un parc et devant moi se trouve une longue table et surtout tous ceux que j’aime et qui comptent pour moi. 

    — Joyeux anniversaire mon coeur.

    Ma bouche s’ouvre toute seule alors que je regarde tout le monde, ils sont tous là et ça me fait chaud au cœur. Une fois encore, j’ai oublié la date et aujourd’hui, ils m’ont fait une surprise pour fêter mes vingt ans. Un instant, j’ai le vertige quand ce chiffre résonne dans ma tête. J’ai vingt ans et je vais vivre encore de longues années sans plus avoir à me soucier de ma survie. Je me sens ému, au point que ma gorge se serre légèrement. 

    — J’avais oublié.

    Je me tourne pour serrer Ohm dans mes bras avant de l’embrasser rapidement, je n’ai aucun doute sur le fait qu’il est celui qui a tout organisé. 

    — Merci.

    On se trouve dans le parc de l'hôpital, un peu à l’écart pour ne pas être dérangés et ne pas déranger les autres patients. Ainsi, mon oncle et ma mère peuvent être présents et je me rends compte que c’est la première fois que l’on est tous réunis en trois mois. Ça me fait un bien fou de les voir tous souriants autour de la table. Je quitte rapidement l’étreinte de mon homme avant de me diriger vers Prem qui est le plus proche de nous et de le prendre dans mes bras. 

    Je le salue, le remercie d’être là et lui offre un long câlin. Puis je passe au suivant et je fais ainsi pour tous. Je me sens déborder d’amour pour chacun d’eux et c’est chamboulé que je m’assoie à la place qui m’a été réservée au bout de la table. 

    — Merci d’être tous là pour moi. 

    Je ne peux pas empêcher les larmes de joie de couler le long de mes joues et je les essuie en reniflant piteusement. 

    — On a la chance de te voir vieillir un peu, on allait pas louper ça quand même.

    La voix de Joong, comme toujours, s’élève et on éclate tous de rire. Oui, j’ai la chance d’avoir survécu, de pouvoir quitter cette décennie qui n’aura été que violence, douleur et peur et j’espère que ma vingtaine sera totalement différente. Plus heureuse, plus douce et remplie d’amour. 

    Le repas se passe dans la joie et la bonne humeur. Pas un instant les sujets difficiles ne sont évoqués, on passe du temps en famille. Mes yeux brillent de mille feux quand Chermarn arrive avec un gâteau, mon préféré, surmonté de vingt bougies qui flamboient. 

    — Fluke, tu dois faire un vœu avant de souffler tes bougies. 

    Je me lève pour me tenir devant elle avant de joindre très sérieusement mes mains et de fermer les yeux. 

    Pour mon anniversaire, je voudrais seulement que chaque jour ressemble à celui-ci. Que l’on soit toujours ensemble, heureux et en bonne santé.

    J’ouvre lentement les yeux, je prends une profonde inspiration avant de souffler mes bougies en une seule fois sous les applaudissements de chacun. Je me rassois rapidement à côté de Ohm, toujours un peu gêné d’être le centre de l’attention, mais je suis surpris de voir ma mère se lever alors que Chermarn coupe le gâteau. Elle passe la main dans mes cheveux, un geste que j’affectionne particulièrement. Elle me tend ensuite un petit paquet que je prends en souriant. Je ne m’attendais pas à recevoir des cadeaux, les avoir tous près de moi est déjà un merveilleux cadeau en soi. 

    — Joyeux anniversaire mon chéri.

    Je lui souris tendrement avant d’ouvrir le paquet et mes yeux s’embrument rapidement quand la petite boîte laisse apparaître une fine chaîne en or et un pendentif au bout. Quand je l’ouvre, je découvre une photo de mes parents, mon frère, ma soeur et moi. 

    — C’est la dernière photo que l’on a prise ensemble. Je… Je voulais… 

    Elle parle peu habituellement et je suis le mieux placé pour la comprendre. Je me contente de me lever quand l’émotion la submerge et de la serrer le plus fort possible dans mes bras.

    — Merci maman, c’est un très beau cadeau. 

    Lentement, presque cérémonieusement, j’attache le collier autour de mon cou en essayant de retenir mes larmes, je ne veux pas pleurer maintenant, j’ai assez pleuré pour le reste de ma vie. Seulement, ils semblent tous décidé à me mettre à l’épreuve car Chermarn se lève et me tend à son tour une toute petite boite. Je ne comprends pas pourquoi elle m’offre une clé. Je la regarde, perdu, et hausse un sourcil pour le lui faire comprendre, ce qui la fait doucement rire. 

    — Ton oncle et moi, on t’offre une voiture. On s’est dit qu’il était temps, maintenant, que tu aies ton indépendance et que tu n’aies pas à nous attendre pour faire ce dont tu as envie.

    — Mais… je n’ai même pas mon permis. 

    Toute la table éclate de rire et je ris un peu nerveusement avec eux. Le cadeau me touche, l’idée de pouvoir prendre ma voiture pour aller de moi-même à l’université est grisant, mais pour cela il faudrait que je sache conduire.

    — Ne t’inquiète pas petit, on a déjà tout prévu, tu auras ton permis rapidement. 

    La voix de mon oncle retentit, amusée, et mon cœur accélère, ils m’offrent l’indépendance et je ne sais pas quoi dire de plus alors, avec enthousiasme, je serre déjà Chermarn dans mes bras en la remerciant avant de me diriger vers lui et de faire de même.

    — Mon oncle, merci pour tout, je… je t’aime.

    Pendant sept ans, il a été mon seul soutien, mon roc, mon ancre et je ne l’ai jamais remercié pour ça, je ne lui avais jamais dit combien je pouvais l’aimer. Il me serre plus fort contre lui en me tapotant doucement le dos.

    — Je t’aime aussi gamin. A partir de maintenant, tu vas être heureux et c’est tout ce qui compte pour moi.

     Sa voix tremble un peu, comme moi, l'émotion est présente et il est de plus en plus dur de retenir mes larmes. Je finis par me redresser, nos yeux sont brillants, mais nos sourires sont éclatants.

    — Je ne sais pas si c’est réellement un cadeau, mais Fluke, est-ce que tu voudrais être mon témoin. 

    Je me tourne vers Joss qui vient de prendre la parole, il est un peu nerveux et tient fermement la main de Namtan. 

    — Namtan et moi, on va se marier, dans six mois et je voudrais que tu sois avec moi ce jour-là.

     Ma poitrine se gonfle, il n’imagine pas combien c’est un cadeau pour moi. Ils ont sacrifié beaucoup de temps pour moi et les voir vivre leur vie est l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse me faire.

    — J’en serais ravi, félicitation tous les deux. 

    Je les prends dans mes bras en même temps et un tonnerre de félicitations résonne de la part de tout le groupe et les deux fiancés rougissent d’être ainsi au centre de l’attention. Je n’imagine pas un meilleur anniversaire, je me sens comblé et je ne demande rien de plus, mais Prem s’approche de moi avant de me tendre une enveloppe. Ses yeux pétillent de joie et il sautille presque sur place alors que je l’ouvre. J’en sors six tickets et mon sourire s’agrandit quand je comprends ce que c’est. 

    — Dans trois semaines, il y a un festival de musique, on sait que tu n’as jamais pu aller à un concert ou à des rassemblements, alors… on t’offre ta première incursion dans ce monde là.

    J’éclate de rire avant de le prendre dans mes bras, il s’est souvenu de cette conversation, il l’a prise en compte et m’en a fait un très beau cadeau, puisqu’en plus de découvrir ce qu’est un festival, on sera tous ensemble et c’est encore mieux. 

    — Merci beaucoup. 

    J’ouvre les yeux et Boun nous regarde avec bienveillance, je lui fais un petit signe pour le remercier. J’ai la tête qui tourne, fêter mon anniversaire, recevoir autant de cadeaux et d’amour, c’est nouveau pour moi et c’est plaisant aussi. Seulement, quand Joong et son sourire espiègle s'approchent de moi, je ne sais pas si je dois fuir ou pas. Il me tend un paquet qui est extrêmement léger et je me surprends à avoir envie de le secouer. 

    — Ne l’ouvre pas maintenant, c’est une surprise pour plus tard.

    Je me tourne vers Nine et il me fait un petit sourire désolé.

    — Joong… qu’est-ce que tu as encore fait ? 

    La voix de Chermarn résonne et on ne peut pas s’empêcher d’éclater de rire, car on sait ce qui va suivre. Ce qui me soulage, c’est que l’attention se détourne de la boîte mystère et je peux rejoindre ma place près de Ohm.

    — Maman, pourquoi tu pars du principe que ce que je vais offrir à Fluke est forcément quelque chose de mal ?

    Joong, comme à son habitude, répond à sa mère sur un ton faussement malheureux et Chermarn se pince rapidement l'arête du nez pour garder son calme et son sérieux.

    — Parce que tous tes cadeaux finissent mal… tu veux que je te rappelle le cadeau que tu as fait à ton institutrice en dernière année de primaire… c’était une surprise aussi et elle a fini avec le bras cassé à cause de la peur qu’elle a eu à cause de l’araignée.

    — Mamaaan… pourquoi tu ne fais que reparler de ça… c’est super vieux et je me suis amélioré depuis. 

    On éclate de rire, je ne sais pas comment fait Chermarn pour ne pas avoir de cheveux blanc, Joong est gentil et adorable, mais tellement épuisant. Leur conversation continue, mais les lèvres de Ohm se posent sur ma joue et je me focalise totalement sur lui.

    — Tu es heureux ? 

    Nos regards se croisent et je lui souris tendrement avant de me pencher pour lui voler un vrai baiser.

    — Je suis très heureux. Merci beaucoup. 

    On s’embrasse de nouveau, si j’étais timide il y a encore quelques semaines, le faire devant les autres ne me gêne plus du tout. 

    — Au fait Ohm, qu’est-ce que tu as offert à Fluke ? 

    La voix de Nine nous ramène à la réalité, Chermarn et Joong on fini de se disputer et tout le monde bavarde tranquillement en mangeant le gâteau. J’ouvre la bouche pour dire qu’il n’a pas besoin de m’offrir quoi que ce soit, qu’il soit près de moi est déjà le plus beau des cadeaux qu’il puisse me faire. Seulement, il prend la parole plus vite que moi et je reste bouche bée.

    — Et bien, si Fluke est d’accord, je compte bien l’emmener quelque part ce soir, pour que l’on puisse passer du temps, juste lui et moi. 

    Je n’ai pas besoin de regarder pour savoir qui se met à siffler et ça me fait rougir malgré moi. J’aime beaucoup être avec eux, mais Ohm et moi, on n'est jamais vraiment sortis en amoureux et il y a toujours quelqu’un à la maison, alors l’idée de l’avoir juste pour moi pendant quelques heures me plait beaucoup.

    — Bien sûr que je suis d’accord.

    Dans ma tête, j’essaie déjà de deviner où il compte m'emmener et je suis impatient quand on dit au revoir à tout le monde. Je prends le temps de faire de nouveau un câlin à tout le monde et de les remercier une fois encore. Puis Ohm m'entraîne vers la voiture en tenant le paquet mystère que Joong a insisté pour que je prenne avec moi et que je l’ouvre une fois arrivé. Une fois dans la voiture, je regarde Ohm, pas très à l’aise sur un point. 

    — Est-ce que tu vas encore me bander les yeux ? 

    Il éclate de rire en me caressant doucement les cheveux.

    — Je pourrais, mais je préfère que tu puisses regarder le paysage, le trajet va être un peu long. 

    Je souris, soulagé de pouvoir profiter du voyage et encore plus curieux de savoir où il m’emmène. Comme tout à l’heure, je tente de lui tirer les vers du nez, mais il ne laisse aucune information filtrer. On quitte rapidement la ville et le silence retombe car j’observe le paysage. Quand je suis arrivé avec mon oncle il y a quatre mois, je n’ai rien vu, j’étais bien trop dans ma bulle de peur pour profiter de ce que la nature avait de plus beau à offrir. 

    On roule pendant plus d’une heure avant que finalement, il ne s’engage sur un petit chemin boueux et plein de trous. On est entouré de forêt, il roule au pas et j’ai tout le loisir de découvrir les lieux. Je n'aime pas spécialement la forêt, elle me ramène à ma fuite, mais je sais aussi qu’il a justement choisi ce lieu pour que je puisse me fabriquer d'autres souvenirs, des moments heureux sous les arbres.

    La voiture s’arrête et j’observe la petite clairière bouche bée, c’est un petit chalet qui se trouve juste au bord du lac, l’endroit est magnifique et enchanteur. J’ai l’impression que ce n’est pas le même lac dans lequel on s’est baigné des semaines plus tôt. C’est romantique, caché de la vue des autres, un endroit parfait pour les amoureux. 

    — Je te fais visiter ? 

    Je hoche rapidement la tête pour répondre à sa question sans quitter le chalet des yeux, notant chaque détail pour pouvoir par la suite en garder le maximum de souvenirs. On descend de la voiture et il me prend la main pour me guider jusqu’à la porte qu’il ouvre rapidement.

    L’intérieur du chalet est cosy, chaleureux. Il n’est pas très grand, une pièce qui réunit salon et cuisine, une belle chambre et une salle de bain assez rudimentaire, mais c’est plus que suffisant pour nous deux. 

    — Viens dehors, la vue est magnifique.

    Il ouvre la porte fenêtre du salon et on est presque les pieds dans l’eau, on est sur une petite terrasse qui se termine en ponton qui permet d’accéder au lac. Il n’y a aucun vis à vis autour de nous, c’est comme si, soudain, on était totalement seuls au monde, juste lui et moi. 

    — C’est magnifique.

    — On dépose nos affaires et on va se baigner ? 

    On n’a pas grand chose comme affaires, on doit repartir le lendemain dans la journée, mais je me sens fébrile en rangeant mes habits de rechange dans la petite armoire de la chambre. Et en attendant qu’il finisse de ranger, je décide de satisfaire ma curiosité et d’ouvrir enfin le paquet mystère de Joong. Je me doute que son cadeau est sûrement une bêtise destinée à me mettre gentiment mal à l’aise, mais je n’étais vraiment pas préparé en soulevant le couvercle à tomber sur deux tubes de lubrifiants et une quantité astronomique de préservatifs en vrac.

    Je me sens rougir comme une pivoine et tente de rapidement refermer la boite quand Ohm s’approche, mais dans ma précipitation, je la renverse et le contenu se répand à nos pieds. Il y a un long silence alors que l'on regarde le contenu éparpillé entre nos pieds, puis Ohm souffle longuement avant de s'accroupir pour commencer à ramasser. 

    — Un jour, je vais vraiment tuer ce gamin.

    Je le rejoins en me mordillant la lèvre et commence à ramasser les préservatifs en hésitant un moment avant de prendre la parole. 

    — Parce que tu n'aimerais pas le faire. 

    Je croise le regard de Ohm et je me rends compte à son sourcil levé qu'il se méprend sur ce que je suis en train de lui demander. Je secoue rapidement les mains devant lui pour le détromper. 

    — Non, je ne veux pas tuer ton frère… c'est… 

    J'éclaircis ma gorge, de plus en plus gêné par ce que je suis en train de faire. Lentement, je soulève un préservatif et je sens mes joues devenir brûlantes. 

    — Utiliser ça avec moi… 

    Je voudrais me cacher dans un petit trou de souris alors que j'ai enfin réussi à lui dire que j'ai envie de faire l'amour avec lui. Enfin j'espère qu'il l'a bien compris parce que je serais incapable de le dire plus clairement que ça. Sa main fraîche se pose sur ma joue et il me caresse lentement avec son pouce. 

    — Tu… tu te sens vraiment prêt ? 

    Il semble hésitant et je suis surpris quand je me rends compte qu'il rougit à son tour. Je hoche la tête lentement pour lui répondre et sa réaction me fait fondre. 

    — Oh… d'accord.

    Il ne semble plus du tout savoir quoi faire, il est aussi nerveux que moi soudain et il me faut quelques secondes pour comprendre. Je suis son premier petit ami, comme moi, il est complètement novice en la matière et comme moi, passer ce cap de notre relation le rend nerveux. Je lui souris amoureusement avant de l'embrasser chastement, c'est à moi de désamorcer la situation que j'ai créé.

    — Allons nous baigner avant que la nuit ne tombe. 

    Le soulagement traverse ses yeux, on sait maintenant tous les deux que notre relation peut prendre un nouveau tournant, ça ne veut pas dire que ça doit se passer tout de suite pour autant.

    L'eau reste fraîche malgré la chaleur de la journée et ça fait du bien. Comme la première fois, je suis accroché à Ohm qui nage au milieu des eaux, là où on n'a pas pied. J'ai confiance en lui cependant et je sais qu'il ne me lâchera pas.

    — Fluke, après les examens, je devrai partir quelques jours à Bangkok pour l'appartement que Wanchana loue là-bas. 

    Je pose mon menton contre son épaule alors qu'il me parle de ce qui me semble être une toute autre vie. 

    — On pourrait y aller tous les deux ?

    Mon cœur accélère soudainement, pas à l'idée de retourner dans l'appartement, mais juste de partir avec lui pendant quelques jours, cela donne encore plus de réalité à notre couple et j'aime ça. 

    — Ça me plairait, on pourrait visiter Bangkok ensemble.

    Je ne suis pas encore totalement à l'aise dans les endroits où il y a beaucoup de monde, mais si je suis avec lui, je sais que je suis en sécurité et que je ne crains absolument rien. Alors que je suis en train de réfléchir à tout ça, je dépose plein de baisers sur l'épaule et la nuque de Ohm sans vraiment m'en rendre compte. Je pousse un petit cri de surprise quand soudain il me fait passer devant lui. Je réalise alors que Ohm est revenu au chalet, que l'eau lui arrive à la taille et sans me laisser le temps de le questionner, il colle ses lèvres contre les miennes. Je fonds complètement entre ses bras, répondant à ce baiser qui m'éveille et me fait prendre conscience de nos corps collés l'un à l'autre. 

    Nos langues se retrouvent, c'est un baiser humide et langoureux et un de ceux qui ont toujours été le début de nos moments intimes. J'ai conscience que l'on sort de l'eau, mais mes cuisses restent fermement autour de ses hanches. Et quand nos lèvres se séparent alors qu'il passe par la petite plage de sable, puis par la petite volée de marches pour rejoindre la terrasse, je dévore son cou, je me laisse même aller à laisser un suçon, chose que je n'ai jamais osé faire avant.

    Mon dos se retrouve confortablement installé sur une chaise longue et il s'allonge au-dessus de moi. On se regarde un moment droit dans les yeux, on comprend ce que ressent l'autre et ce qu'il désire. Ma main caresse lentement sa nuque et je lui fais un petit sourire avant de l'attirer vers moi. Je ne me sens pas nerveux alors qu'il me touche et m'embrasse d'une manière totalement différente, descendant lentement le long de mon torse, avant de me libérer de mon seul vêtement. Mes doigts s'enfoncent dans la peau de ses épaules quand pour la première fois, il utilise sa bouche pour me donner du plaisir.  

    Je pose ma main sur ma bouche pour essayer de garder une certaine maîtrise de moi-même.

    Le désir monte en moi alors que sa bouche coulisse sur mon membre, encore une fois il me fait découvrir une forme de plaisir dont je ne soupçonnais pas l'existence. 

    — Ohm ! 

    J'ai le souffle court, je suis au bord du gouffre, mais je ne veux pas que ça s'arrête là.  Il comprend car il me relâche et j'ai l'impression de pouvoir pleinement respirer, du moins jusqu'à ce que nos regards se croisent alors qu'il remonte vers moi, les lèvres brillantes et mon bas ventre se contracte fortement. Il ressemble à cet instant à un félin sur le point d'attaquer.

    — Allons dans la chambre. 

    Il m'embrasse avec envie sans me laisser le temps de répondre et un instant plus tard, il me porte à nouveau dans ses bras, un bras sous mes cuisses, l'autre derrière mon dos, il nous fait rentrer dans le chalet sans que nos lèvres ne se séparent.

    Il me dépose sur le lit comme si j'étais une petite chose délicate et je rougis quand il se redresse et se met à nu à son tour avant de me rejoindre. Une fois de plus, on découvre le corps de l'autre avec nos mains et nos bouches et quand on utilise le cadeau de Joong, je me dis que finalement il ne s'est peut-être pas trop trompé. Cette idée disparaît aussi vite qu'elle est venue car alors, il s'enfonce lentement en moi. Il est doux, tendre, malgré moi des larmes coulent le long de mes joues quand la douleur se fait soudain plus intense et il passe un long moment à me câliner, me laissant le temps de me faire à sa présence.

    Il ne me brusque pas, je peux lire l'anxiété de mal faire dans ses yeux et je l'embrasse en douceur  pour l'encourager à continuer jusqu'à ce qu'enfin, il soit entièrement rentré. Je ressens alors un sentiment violent de bien-être. Je ne pourrais pas l'expliquer, mais le sentir si proche de moi, nous savoir reliés physiquement me comble de bonheur. 

    — Ohm… serre-moi aussi fort que tu peux.

    Il s'exécute sans poser de question, mon visage se colle contre son cou, mes bras et mes cuisses s'enroulent autour de son corps et la force qu'il met dans cette étreinte me donne l'impression qu'elle chasse les dernières peurs, qu'elle efface les dernières traces de peur. Alors que l'on fait l'amour lentement,  sans nous presser, je finis de mettre le passé derrière moi définitivement et j'embrasse ma nouvelle vie.

    Chacun de ses coups de rein me transporte dans un autre monde où le mal n'existe plus. Le plaisir gronde en moi et quand, une fois de plus, il touche cet endroit, je sais que je ne tiendrai plus très longtemps et c'est ce qui finit par se produire, j'explose entre ses bras, l'orgasme me dévaste, me détruit avant de me reconstruire. Je n'arrive plus à respirer complètement ailleurs alors qu'il me rejoint dans la jouissance. Son corps m'écrase, il se repose entièrement sur moi mais j'adore ça. Je me sens en sécurité quand il pèse sur moi, je caresse lentement ses cheveux alors que petit à petit, je reprends pied dans la réalité.

    On vient de faire l'amour et c'était juste parfait, idéal. Il se redresse pour pouvoir me regarder et mon cœur éclate d'amour pour cet homme. Je retombe amoureux de lui quand il dépose des dizaines de baisers sur mon visage au point de me faire rire. 

    — Tout va bien ?

    Je savais qu'il allait s'inquiéter, on est toujours connecté l'un à l'autre, alors je bouge légèrement, obtenant aussitôt un gémissement de sa part et je souris. 

    — Je vais très bien, plus que bien même. C'était parfait. 

    On s'embrasse encore, je suis accro à la douceur de ses lèvres et on passe un très long moment à se câliner avant qu'il ne se retire enfin. Longtemps après, on est couché dans le lit, sa main caresse doucement mon flanc. Mon dos est collé contre son torse. On ne parle pas vraiment, on savoure juste le moment. 

    — Fluke, tu sais que… je ne t'ai pas emmené ici pour ça. 

    Je tourne la tête avant de rire doucement, il est gêné et si peu sûr de lui, je n'ai pas l'habitude de le voir ainsi.

    Je pose ma main sur sa nuque et je l'embrasse, un baiser langoureux qui éveille de nouveau le désir en moi. Quand nos lèvres se séparent, je lui fais un petit sourire. 

    — Je sais.

    Je me mordille un peu ma lèvre, hésitant une seconde avant de me lancer. 

    — Phi Ohm… je t'aime.

    Aussitôt, ses yeux deviennent brillants et humides alors que, pour la première fois depuis des années, ce petit mot sort de ma bouche et qu'il ne fait remonter aucune peur en moi. 

    — Je t'aime aussi Nong Fluke.

    Il fond sur mes lèvres, bouleversé, alors que moi je me sens juste normal, comme un jeune homme de vingt ans prêt à croquer la vie à pleine dent.



  • Commentaires

    1
    Samedi 24 Juillet 2021 à 18:52

    Heureusement que la mère et l'Oncle de Fluke se remettent petit à petit....

    Et oui Joong a très bien choisi le cadeau.

    C'était vraiment très mignon <3

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