• Chapitre 27 : Brisé

    Chapitre 27

    — Oncle ? demandèrent Pharm et Sin en même temps. 

    Ni l’un, ni l’autre ne savait qu’ils avaient un autre oncle, surtout Sin qui avait toujours pensé que son père était l’aîné. 

    — Tu as aussi un frère aîné ? 

    Sin fronça les sourcils, étant né il y a plus de vingt ans, c’était la première fois qu’il en entendait parler. Tout comme il ne lui avait jamais parlé d’un cousin. 

    Krit prit son café et le sirota, l’air pensif, comme s’il hésitait à parler ou non. Il frotta ses cheveux légèrement blanc et son coeur tressaillit. Ses deux mains qui tenaient la tasse tremblèrent sans raison.

    Les yeux d’Oncle Krit ressemblaient à ceux de quelqu’un qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Pas son père, mais qui… qui était-ce ?

    — Oui j’ai un grand frère, dit finalement l’homme têtu. 

    — Et pourquoi je ne l’ai jamais vu ? demanda Sin curieux, parce que d’après ses souvenirs, l’Oncle Kaj, le frère bien aimé de son père était mort et avait été incinéré.

    Krit fit un signe de la main pour appeler le personnel afin de récupérer l’addition. Il paya puis se leva, signalant aux deux plus jeunes de le suivre. Ses yeux brillaient de tristesse et de fatigue. 

    — Il est mort. 

    La réponse surprit Pharm et Sin

    — Il est mort à un jeune âge, continua-t-il d’une voix rauque avant de se tourner vers les deux plus jeunes pour leur faire un sourire terne. Mes frères ne sont plus là.

    Les morts souffraient si ceux qui restaient n’était pas différent des morts-vivants.

     

    La voiture noire Alphard quitta le restaurant alors qu’un chauffeur en uniforme ramenait son patron, son fils et son neveu à la maison. La voiture de Sin était conduite par une autre personne pour qu’il puisse la récupérer plus tard. Sin avait été vaincu quand les yeux de Pharm l’avaient supplié et qu’il lui avait demandé de monter avec lui. 

    Le sujet commencé au restaurant ne s’étendit pas plus loin que ça. Plus Pharm voyait l’Oncle Krit assis tranquillement, perdu dans ses propres pensées, plus il se tendait. Son cœur battait très vite et il était plein d’inquiétude. Ses deux mains s’entrelacèrent et il les serra nerveusement. Alors que la panique montait, il pensa soudainement à la personne dont il était séparé depuis peu. 

    Peu importe ce qui arrive. Souviens-toi que je suis là. Pense à moi.

    Phi Dean…

    Il prit son téléphone et appuya rapidement sur l’application verte. Ses sourcils se froncèrent légèrement quand il vit que Dean lui avait envoyé un message qu’il n’avait pas vu. En plus, il y avait également de nombreux appels manqués. 

    Dean : Où es-tu ?

    Le message avait été envoyé il y a un petit moment, alors il tapa rapidement une réponse.

    #Pham# : Je vais chez Phi Sin.

    — On est arrivés, dit Sin à son Nong qui était assis près de lui. 

    Pharm leva rapidement les yeux de son téléphone pour voir le portail en fer forgé doré s’ouvrir automatiquement afin que la voiture puisse entrer. 

    La grande maison de deux étages était assez moderne et belle. A droite se trouvait un garage rempli de voitures qui appartenaient probablement aux autres membres de la famille. Pharm mit précipitamment son téléphone dans la poche de son pantalon lorsque la portière de la voiture fut ouverte, il ne put donc pas lire la réponse de son petit ami.

    Dean : Attends là, j’arrive.

    L’intérieur de la maison était aménagé dans un style beau et moderne, comme le fils aîné était architecte. Phi Sin lui expliqua que quelques années plus tôt, la vieille maison était assez délabrée. Il avait réussi à lancer des travaux et à la rénover jusqu’à obtenir ce résultat-là. Pharm suivit son cousin dans le salon, c’était dommage que le frère et la sœur de Phi Sin ne soient pas là aujourd’hui. 

    — La plupart du temps, Grand père reste dans les pièces du fond, expliqua le jeune homme en faisant un signe de tête vers le long couloir qui disparaissait à l’intérieur de la maison. Pour l’instant, l’infirmière a dit qu’il dormait, il faudra un petit moment avant qu’il ne se réveille. Tu peux aller te promener autour de la maison et jeter un coup d'œil si tu veux. La pièce là-bas est une bibliothèque et le bureau de Grand-père, tu peux entrer et trouver quelque chose à lire. 

    Sin désigna une pièce qui se trouvait de l’autre côté du couloir et Pharm devait admettre que cette maison comportait en fait de nombreuses pièces. 

    Sin s’était assis et parla avec Pharm pendant un moment, puis il reçut un appel téléphonique. Il s’excusa et se dirigea vers le deuxième étage, laissant son Nong assis tout seul dans le salon. 

    Qu’allait-il faire jusqu’à ce que son grand-père se réveille ? Pharm se leva et regarda nerveusement autour de lui. Il ne pouvait pas rester assis comme ça, mais le ciel dehors était nuageux comme s’il allait pleuvoir, alors il ne pouvait pas sortir se promener. Finalement, Pharm décida d’aller visiter la bibliothèque pour trouver quelque chose à lire. 

    La bibliothèque n’était pas très grande avec des étagères qui tapissaient tous les murs. Il y avait un passage qui menait au bureau juste à côté. Le jeune homme regarda les livres alignés et il fut surpris qu’il y en ait tant, surtout des livres en anglais. Il n’y avait même pas un peu de poussière sur le sol, ce qui indiquait que le propriétaire en prenait grand soin. 

    Pharm toucha du bout des doigts le dos des livres difficiles à lire. Puis il sourit quand il vit des livres qu’il avait lui-même lus quand il étudiait à l’étranger. Il ne savait pas qui dans cette maison était un lecteur assidu, mais il y avait plein de littérature célèbre. Il se demandait s’il serait autorisé à en emprunter un pour le lire. 

    Le roman Pulitzer “Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur”, le roman dystopique “1984” et même des classiques comme “Roméo et Juliette”, chacun d’eux avait une couverture rigide comme les livres anciens. Certains volumes étaient même des premières impressions. Livre après livre, Pharm les sortit et les ouvrit avec intérêt. 

    — Oh.

    Un petit papier qui avait dû servir pour remplacer un marque-page était tombé. Pharm baissa les yeux et vit qu’il s’agissait d’une fleur séchée posée sur un papier et plastifiée. Il se pencha pour la ramasser et quand il leva les yeux, il découvrit que l’étagère du bas ne contenait qu’une boîte en métal.

    Sur le dessus de la belle boîte à motifs se trouvait un album photo. Curieux, il s’assit les jambes croisées et sortit la boîte et l’album. Il ouvrit ce dernier avec intérêt, les photos montraient Phi Sin encore enfant, aussi mignon qu’une poupée. Il y avait Oncle Krit tenant la main d’une jeune fille. Il y avait énormément de photos d’enfants dedans. Plus il regardait les photos, plus il tournait les pages et plus il remontait dans le temps. La couleur des images commençaient à passer de la couleur au noir et blanc, certaines images étaient des polaroids flous, Pharm avait l’impression de se noyer dans la mémoire du temps. 

    — Papa ! s’exclama Pharm, ses yeux s'illuminant quand il vit un visage familier. 

    Un homme au cœur bon avec des cheveux noirs courts habillé d’une chemise à manche courte en train de parler avec Oncle Krit. Ses yeux pétillaient et il avait un grand sourire. Il y avait beaucoup de photos de son père qu’il n’avait jamais vu avant, il y avait aussi des photos avec son Oncle Krit, un bras autour de son cou, en train de rire ou boire ensemble et même une photo de son père en train de tenir le petit Sin. 

    Goutte

    Des larmes coulèrent sur l’album jusqu’à ce que Pharm doive l’essuyer. Il sanglota presque quand il trouva une photo de ses parents étreignant un bébé. Il savait que c’était lui au moment de sa naissance. A côté du lit, il y avait Phi Sin qui se tenait sur la pointe des pieds pour essayer de regarder son cousin. Caressant lentement la photo de sa main, les souvenirs envahirent son coeur, il sourit en voyant le visage de son père qui affichait clairement une expression d’extase. 

    Maman et Phum devaient voir ça, il allait demander à Oncle Krit s’il pouvait prendre les photos pour en faire des copies. 

    Il remit l’album en place et regarda avec hésitation la boîte en métal. S’il devinait bien, il s’agissait probablement des pellicules des photos qu’ils gardaient séparées, mais s’il l’ouvrait, il risquait de les abîmer. Le jeune homme remit intentionnellement la boîte en fer à sa place. Seulement sa jambe heurta accidentellement un livre qui était placé juste à côté, celui-ci tomba et la couverture s’ouvrit. 

    Tout à coup, son corps devint froid. 

    Au coin de la couverture se trouvait une petite signature écrite avec la date. S’il ne se trompait pas, il s’agissait du nom du propriétaire et de la date d’achat du livre. Une signature qui ne ressemblait pas du tout à une signature. 

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    — Ce n’est pas vraiment une signature.

    — C’est ma signature.

    — C’est juste toi qui écris ton nom.

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    Korn 18/02/1984

    — Phi Korn

     

    — Oh où est Nong ? demanda Kritt en sortant de son bureau au deuxième étage.

    Il haussa les sourcils de surprise quand il vit que son fils venait également de sortir d’une autre pièce. 

    — Il est en bas, répondit-il en mettant son téléphone dans la poche de son pantalon. Papa, comment s’appelle ton grand-frère ?

    — Pourquoi tu demandes ? questionna Krit en haussant les sourcils, surpris par la question soudaine de son fils. 

    — Oh je ne peux pas savoir ? Les noms des enfants d’Oncle Kaj commencent par Ph-, alors que vos noms commencent par K-, alors j’étais curieux de savoir comment s’appelait mon Oncle.

    Le père soupira, il n’avait pas prononcé le nom de son frère depuis de nombreuses années parce qu’il était devenu un mot tabou dans la maison Ariyasakul. Ses yeux perçants regardèrent son fils aîné avec épuisement. 

    — Même si je te mords tu ne vas pas lâcher prise. Tu ne penses pas à abandonner ?

    Sin était un peu confus, il ne comprenait pas de quoi parlait son père, mais après un moment de silence, son père reprit. 

    — Korn, le nom de ton oncle était Korn.

    ‘Phi Sin aide moi à trouver quelqu’un.’

    ‘Qui ?’

    ‘Ils s’appellent Korn et In.’

    ‘Je n’ai réussi à trouver que celui qui s’appelle In. L’autre, je n'arrive pas à le trouver.’

    ‘Pourquoi ?’

    ‘Quelqu’un semble avoir bloqué les informations parce qu’il y a une personne influente derrière lui.’

    ‘Bloqué ? Tu peux au moins trouver son nom ?’

    ‘Je ne peux vraiment pas.’

    ‘Tu ne peux pas avoir le nom de son père ?’

    Sin baissa les yeux fixant le sol avec hésitation avant de regarder à nouveau son père. 

    — Papa, de quoi est mort Oncle Korn ?

    — Pourquoi tu veux savoir ? demanda son père tendu.

    — C’était un suicide ?

    Sin eut un petit sourire, il se sentait stupide, tellement stupide. Comment avait-il pu oublier que Grand-père était une personne influente autrefois ? Comment avait-il pu oublier que la personne qu’il avait utilisé pour chercher des informations était le subordonné de son père ?

    — Pourquoi avoir caché l’information ? 

    Sa voix était presque éteinte alors qu’il comprenait que c’était son propre père qui avait interdit la diffusion des informations. 

    — Et pourquoi tu cherchais des informations, demanda son père d’un ton féroce. Je veux savoir d’où tu connais ces deux noms !

    Sin était stupéfait. Comment devait-il s’expliquer ? Allait-il lui dire que des juniors pouvaient se souvenir de cette vie là ? Allait-il lui dire que l’oncle Korn s’était réincarné ? C’était fou !!

    — Je…

    — Je ne veux pas que tu le saches, dit le père à voix basse. Je veux que Sorn et toi, vous viviez heureux pour toujours. Tu n’as pas à être au courant de tout ça.

    — Qu’est-ce que ça a à voir avec moi ?

    Sin ne comprenait pas pourquoi il devait se taire, en quoi est-ce que cela avait à voir avec lui et Sorn ?

    Krit jura, regarda le visage sérieux de son fils et sut qu’il était temps de le lui dire. 

    — Pakorn et Intouch étaient amoureux. Tout comme Sorn et toi, dit-il fermement. 

    Même s’il était un peu au courant, Sin ne pouvait pas ne pas être choqué. Ses deux mains se crispèrent et son cœur accélèra. L’image de Dean le jour où il avait ramené la photo était encore très présente dans son esprit. C’était angoissant et douloureux. 

     — Un amour avec une personne du même sexe a été interdit par ton grand-père, les poussant au suicide, expliqua Krit alors que sa grande main caressait la tête de son fils, un air triste dans les yeux. Je ne veux pas que tu détestes ton grand-père.

    Son fils aîné s’était suicidé devant lui. Son plus jeune fils le détestait tellement qu’il n’avait plus voulu lui parler jusqu’au jour de sa mort. Cela avait assez torturé cet homme. 

     

    Les mains tremblantes, Pharm ouvrit le couvercle de la boîte en fer et le posa à côté de lui. Ses grands yeux étaient maintenant remplis de larmes. Les petits objets dans la boite étaient précieux et significatifs. Des portes clés, de petits morceaux de papier, de vieilles photographies et même des cahiers jaunis. 

    Pharm ramassa une photo aux couleurs délavées. L’homme sur la photo tournait son visage à l’air sombre vers la caméra, mais ses yeux étaient brillants. Ses cheveux noirs coiffés en arrière, sa mâchoire était ferme, mais dans l’ensemble on aurait dit qu’il avait des origines chinoises avec une peau pâle. C’était la personne qui avait été dans ses rêves toute sa vie. 

    La personne qui était morte encore et encore dans son rêve torturé. 

    — Hic, pleura Pharm en se couvrant la bouche pour réprimer ses sanglots. 

    Puis, il constata que la photo était pliée en deux, il la déplia pour voir un autre homme, plus petit et avec des cheveux plus longs, il tenait le bras de Korn. Pharm pleura encore plus.

    Ce faible bonheur, il s’en souvenait clairement. 

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    — Pakorn, prenons une photo ensemble. 

    — Non je n’aime pas ça.

    — Juste une, viens.

    — D’accord. 

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    Pharm tenait la photo avec un cœur brisé en sanglotant de tout son corps et en tremblant. De nombreux souvenirs ressurgirent, des mots d’amour répétés, des caresses chaleureuses. Beaucoup d’amour débordait de ces souvenirs douloureux. 

    — Phi Korn…

    Il sortit les objets de la boîte. Il ramassa la clé avec un porte-clés en cuir accroché dessus. Sur le dos étaient gravées les initiales des personnes sur les photographies, K&I.

    — Hic…

    Son souffle se bloqua et sa vision devint flou quand il remarqua la tache brune qui s’accrochait encore au porte-clés. 

    Ce jour-là, Pakorn avait mis la clé dans sa poche. 

    Le sang avait éclaboussé partout, le reste s’était écoulé lentement jusqu’à ce que sa chemise soit trempée de liquide cramoisi. Intouch qui criait en étreignant le corps sans vie, hurlant et suffoquant. La clé de la chambre qu’il avait acheté tomba de la poche de la chemise tachée de sang, elle ne servait plus à rien. 

    — Phi… Dean…, murmura Pharm en s’allongeant sur le sol de la bibliothèque. Les mains serrées sur sa chemise, il suffoquait à l’agonie. Beaucoup de larmes coulèrent. Phi Dean, Phi Dean, Phi Dean. Son amoureux lui manquait encore et encore. Ses deux mains se contractèrent jusqu’à ce que leurs jointures deviennent toutes blanches. Tout son corps tremblait, il était incapable de contrôler quoi que ce soit. 

    A l’extérieur, il s’était mis à pleuvoir de plus en plus fort provoquant un grand bruit, faisant trembler de peur celui qui détestait la pluie. 

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    — A quoi tu penses ? 

    — Je t’ai demandé à quoi tu pensais !!!

    — Tu as promis que l’on resterait ensemble, tu as promis !!

    — Ne me quitte pas, s’il te plaît.

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    — Ne… fais pas ça… Tu m’as promis, marmonna Pharm inconsciemment en regardant par la fenêtre. 

     

    — Merde !! s’exclama Dean pour reprendre contenance alors qu’il conduisait aussi vite qu’il le pouvait sous la pluie battante. 

    Dean serra les dents et réprima la douleur stridente qui l’avait ébloui. Au moment où ils étaient arrivés à l'hôpital, il était presque inconscient, mais il avait refusé de laisser un médecin l’examiner. Il ne voulait pas perdre un seul instant. Après une vive discussion avec Phi Sorn, il avait réussi à récupérer ses clés de voiture et il était parti sans plus écouter les arguments de personne. Ses vêtements étaient trempés par la pluie, il faisait tellement froid qu’il tremblait à cause de la climatisation de la voiture. Il avait appelé son Nong depuis qu’il s’était échappé, mais Pharm ne l’avait pas contacté, il ne répondait pas du tout au téléphone. Dean essayait de forcer ses souvenirs de la maison de Korn, tout était instinctif. 

    La sonnerie de son téléphone fit sursauter le conducteur stressé. L’écran qui affichait le nom de Phi Sin fut encore plus déchirant. Comment avait-il pu oublier que Pharm était avec lui ?

    — Allo Phi.

    — Dean, tu es où ? cria l’autre voix.

    Cela lui sembla tellement étrange venant de Phi Sorn qu’il avait toujours connu calme. 

    — Je viens chez toi, répondit-il en tournant le volant pour suivre le chemin, mais il dût s’arrêter quand il rencontra des embouteillages, c’était encore plus frustrant. 

    — Pharm est parti, dit rapidement Phi Sin sans réfléchir. 

    — Quoi !!

    — Nong est parti, je l’ai laissé à la maison pour prendre un appel, mais quand je suis revenu, il n’était plus là. Écoute Dean, j’ai trouvé un album photo et une boite dont les affaires avaient été éparpillées. Pharm a dû les voir, expliqua-t-il rapidement à son junior pour qu’il comprenne. Est-ce que tu te souviens ? Des personnes que tu m’as demandé de retrouver. 

    Dean avala difficilement sa salive alors que ses mains serraient fermement le volant. 

    — Je me souviens… Je t'ai demandé de retrouver Phi Korn et Phi In.

    S’il vous plaît, faites que tout aille bien. S’il vous plait, faite que ce soit un malentendu. S’il vous plaît…

    — Korn est mon oncle, déclara Sin haut et fort pour éviter tout malentendu. Il s’agit de l’oncle de Pharm, la personne que tu cherchais depuis tout ce temps est de ma famille. 

    La réponse brisa son dernier espoir. Dean écrasa le volant avec force, serrant sa mâchoire jusqu’à ce que tout son corps tremble. Pourquoi avait-il laissé son Nong seul ? Comment avait-il pû faire ça ?

    Son sourire était sur le point de disparaître, son bonheur s'effondrait. Il ne voulait pas savoir, il voulait le protéger, le prendre dans ses bras, il ne voulait pas que Pharm sache quoi que ce soit.

    La sonnerie de son téléphone retentit à nouveau. Et le nom s’affichant lui procura le plus grand soulagement. 

    Pharm…

    —  Je te rappelle Phi.

    Dean raccrocha aussitôt et prit immédiatement l’appel.

    — Phi Dean… snif.

    Les sanglots provenant de l’autre bout du fil étaient douloureux. Dean ressentit une sensation de brûlure au coin de ses yeux. 

    — Bon garçon. Où est-ce que tu es, je viens te chercher ? dit Dean en essayant de réprimer sa voix tremblante. Pharm… Nong Pharm ?

    Dean l’appela à plusieurs reprises d’une voix douce comme s’il avait peur que son Nong ne se brise. 

    — Je sais… répondit doucement Pharm. Je suis chez nous… notre…

    — Pharm !!! 

    La ligne fut coupée et cette fois peu importe le nombre d’appels, il ne répondit pas comme si Pharm était dans un lieu sans signal ou avait éteint son téléphone. 

    Notre maison, notre maison…

    Dean serra les dents, ce n’était certainement pas l’appartement de Pharm. Où était-il ? Où se cachait-il ?

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    — Est-ce que tu vas vraiment acheter un appartement dans cet immeuble ?

    — Et bien, la construction vient d’être terminée, il y a aussi un ascenseur.

    Les immeubles de ce type étaient considérés comme nouveaux et inhabituels, même s’il n'avait que huit étages, il y avait un ascenseur, on pouvait dire que c’était assez luxueux.

    — Mon père n’aime pas les immeubles, il dit que c’est comme si on achetait un endroit dans les airs sans sa propre terre.

     Korn éclata de rire.

    — Mon père est pareil.

    Il lui serra fortement la main. 

    — Mais c’est bien d’acheter un endroit dans les airs. Et puis nous nous sommes mariés.

    Intouch haussa les épaules, riant à ses propres mots. Korn gloussa aussi. Leur amour s’estompait comme un château dans les airs.

     ----------------------------

    Dean fit immédiatement demi-tour, le bruit des voitures qui freinaient dans la rue suivi du son de klaxon et des jurons se fit entendre, mais il ne s’en souciait pas. L’appartement qu’ils avaient acheté ensemble, l’appartement qui se situait de l’autre côté de la ville. 

    Attends-moi Pharm, s’il te plaît attends-moi.

     

    L’immeuble de trente ans avait l’air vieux et sombre. Il n’y avait de la lumière qu’à certains étages, indiquant que de nombreuses personnes avaient déménagé et qu’il ne restait que quelques appartements d'occupés. Un jeune garçon marchait sous la pluie, passant devant le poste de garde abandonné. Le bâtiment qui était blanc à l’origine était maintenant taché de noir, comme si ses souvenirs se superposaient, la première fois qu’il était venu visiter l’appartement avec Pakorn, la beauté des lieux était époustouflante.

    Pharm était trempé, il entra dans le hall et prit l’ascenseur jusqu’au huitième étage. L’intérieur de l’ascenseur était malodorant et les lumières clignotaient. Quand les portes s’ouvrirent, Pharm marcha vers un appartement dont il se souvenait et ne pourrait jamais oublier. 

    Un jour de pluie, le jour où lui et Pakorn étaient venus se cacher ici.

    Sur la porte se trouvait un panneau ‘Interdit d’entrer’. Le jeune homme sortit le trousseau de clés pris dans la maison de son grand-père et ouvrit la porte. Après trente ans, l’appartement devait être sale, personne ne devait être rentré depuis l’affaire du suicide. Familièrement, il passa sa main sur le côté de la porte et toucha l’interrupteur. En appuyant dessus une lumière éclaira toute la pièce. 

    — C’est impossible…

    L’image devant lui n’était pas du tout ce qu’il avait imaginé. Pas de poussière, pas de dégâts. Tout était intact. Un peu vieux, mais pas brisé, comme si le temps s’était arrêté il y a trente ans. La silhouette humide entra dans la pièce malgré ses tremblements. Ses mains touchèrent la table, mais elle était propre, comme si quelqu’un nettoyait encore.

    Des larmes chaudes coulèrent sur son visage mélangées à l’eau de pluie.

    La table à manger qu’ils avaient choisis ensemble. 

    — Celle-ci est bien. Deux personnes peuvent s’y asseoir et manger.

    Ici, les verres qu’ils avaient achetés ensemble.

    — Ils sont noir et blanc, je veux le noir.

    Tout était resté à sa place et n’avait pas bougé. La seule chose qui avait changé dans cette pièce, c’était le canapé. Pharm toucha le coussin qui avait dû être remplacé. Il se contenta de sourire. Comment ne pas le changer, ce jour-là, il avait été recouvert de leur sang à tous les deux. 

    Pharm s’effondra et s’assit dans le canapé, dans la même position que trente ans plus tôt. Ses deux jambes se soulevèrent et il les serra fermement entre ses deux bras. Son visage se posa sur ses genoux et il sanglota de regrets.

    Il ne voulait pas se souvenir, mais il devait le faire. Il ne voulait pas savoir, mais il avait besoin de savoir. Il était puni pour ses actes. 

    — Pharm !!

    L’appel était accompagné du bruit d’une respiration haletante. Cela montra à quel point, le nouvel arrivant s’était dépêché de le rejoindre. La grande silhouette de Dean s’accrochait au bord de la porte en regardant son Nong recroquevillé sur le canapé. 

    — Phi Dean !

    Pharm leva les yeux vers son petit-ami dont le visage était maintenant pâle. 

    — Retournons… rentrons à la maison, s’écria Dean en entrant dans l’appartement pour rejoindre Pharm qui fixait droit devant lui en sanglotant, les yeux rouges et gonflés. 

    Dean ne voulait pas voir ce canapé, il ne voulait pas voir cet appartement. Korn en lui hurlait à mort dans cette pièce pleine de souvenirs cruels. 

    Pharm se pencha et essuya ses yeux larmoyants. Il tenta de rejoindre son amoureux d’une démarche chancelante. Ses yeux pouvaient à peine se concentrer sur quoi que ce soit. Ses oreilles n’entendaient que le bruit de la pluie et la voix de Dean semblait lointaine. 

    ----------------------------

    — Je t’aime In, souviens toi, je t’aime beaucoup.

    BANG !!

    — Phi Korn

    — Je t’aime, hic, je t’aime. On s’était promis… que nous serions ensemble pour toujours. 

    ----------------------------

    — Menteur !!

    Pharm frappa avec ses poings la large poitrine de Dean pour l’empêcher de le prendre dans ses bras. 

    — Comment tu as osé ? Comment tu as osé tuer la personne que j’aime ? Espèce de salaud !!!! Menteur !!

    Un cri strident et tourmenté sortit de sa gorge. Ses deux mains frappaient son amoureux de manière brutale. Il était en colère d'avoir été trahi. Il était en colère d'avoir été abandonné. Il était en colère parce que Korn avait renoncé, refusant de se battre avec lui.

    Dean tenta de retenir ses mains avant de serrer le corps de Pharm en pleurs et épuisé contre lui. Pharm laissa échapper un bruit sourd, deux mains frappant toujours les épaules larges, ne renonçant pas. Dean nicha son visage contre l'épaule tremblante de Pharm, il laissa des larmes couler de ses yeux.

    — Je suis désolé… je suis désolé… répéta-t-il, ne sachant pas quoi faire ou dire d’autre pour donner un sens à ce qu’il avait fait. 

    — Tu sais ce que j’ai ressenti quand je t’ai vu mourir sous mes yeux ? demanda Pharm en sanglotant toujours. Il y avait du sang partout, mes mains étaient rouges et humides.

    Il repoussa Dean et leva les yeux pour que leurs regards se rencontrent. 

    — Peu importe combien de fois je t’ai appelé, tu ne m’as pas répondu. Tu m’as quitté malgré ta promesse que l’on reste toujours ensemble, continua-t-il en frappant la large poitrine jusqu’à laisser des marques rouges. J’étais brisé, je ne pouvais plus respirer. Le monde entier s’est écroulé autour de moi. Malgré tout notre amour, tu es celui qui m'a blessé le plus cruellement !

    — Non, je t’aime, je suis désolé. Je suis vraiment désolé, s’il te plaît, pardonne-moi.

    ----------------------------

    — Ne pars nul part. 

    — Où est-ce que je pourrais aller…. alors que je t’appartiens ?

    ----------------------------

    — In ne fait pas ça !! dit Dean d’une voix basse et tremblante. Ne l’emmène pas loin de moi…

    Dean serra plus fort Pharm dans ses bras, il ne lâcherait pas son Nong une deuxième fois, jamais. 

    — Ne me l’enlève pas…

    La peur serrait son cœur.

     — Dean !! Pharm !!

    Une voix forte les appela depuis le pas de la porte et les deux garçons qui pleuraient se figèrent. Ils se tournèrent pour voir la source de la voix et virent Phi Sin, Phi Sorn, Oncle Krit, Phum et la mère de Pharm. Tout le monde était là. 

    Et surtout, une silhouette en fauteuil roulant qui était tellement maigre qu’elle ne semblait avoir que la peau sur les os. Le dernier stade du cancer allait bientôt ôter la vie au vieil homme, mais ses yeux vifs n’étaient pas différents de l’époque où il était un homme puissant. 

    — Korn, dit doucement la voix rauque, même si elle était claire pour tout le monde. 

    Dean laissa ses larmes couler à nouveau. Il tenait fermement le corps de Pharm contre lui comme s’il avait peur qu’il lui soit arraché. 

    — Père…

     



  • Commentaires

    3
    Mardi 25 Octobre 2022 à 21:54

    Ce chapitre est aussi intense et émouvant que le drama lui-même. J'en pleure à chaque fois, tellement je suis plongé dans l'histoire. Merci pour ce chapitre.

    2
    Dimanche 23 Octobre 2022 à 16:53

    Oh làlà c'est horrible, revivre ça encore......cry

    1
    Samedi 22 Octobre 2022 à 00:46
    Ce chapitre est tellement intense... Comment ne pas pleurer devant la détresse de Pharm... Merci pour cette magnifique traduction.
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