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26ème Chaos
26ème ChaosBonté
Ma putain de tête est en train de me tuer...
C'est la seule pensée qui anime mon esprit. Ma migraine s’aggrave, j'ai l'impression que je vais m’évanouir. Je préférerais m'allonger ici si je pouvais, mais bordel qui me traîne de toute façon ?
— Laisse...moi...j'ai envie de dormiiiiiir.
— Tu dormiras bientôt.
Je reconnais cette voix illico.
— Phun...où...est-ce...que...tu m'emmèèèèènes ?
Ça prend tellement d'énergie de cracher chaque mot, putain !
— Je t’emmène au lit, pour que tu puisses dormir. Arrête de te débattre, s'il-te-plaît, t'es lourd putain, me répond Phun faisant passer mon bras sur ses propres épaules.
J'ai des vertiges et je me sens un peu nauséeux, comme si quelque chose était sur le point de remonter dans ma gorge.
— On y est presque, dit-il.
Je me sens un peu mieux en entendant ça de sa part. Nous trébuchons et montons les escaliers, ma tête bat toujours la chamade alors que Phun essaie d’ouvrir une porte. J'ouvre mes yeux pour constater que… c’est sa chambre. Je referme rapidement les yeux.
Pourquoi m'a-t-il amené ici, bordel ?! Je veux rentrer chez moi !
— Chez moi ! Ramène-moi à la maison ! A la maison ! Je veux rentrer à la maisooooon !
J'utilise toute la force qu'il me reste pour me dégager de sa poigne quand je réalise où nous sommes. Bien que je ne sois pas tout à fait sûr de la raison pour laquelle j'en fais tout un plat.
Phun renforce sa prise sur mon bras.
— Ne sois pas si têtu. Tu es complètement pété. Tu veux retourner là-bas pour que ton père t'en mette une, idiot ?
Il me suis avec un peu plus de plantes à propos de je-ne-sais-quoi. Quand je reviens à moi, je me retrouve le dos contre un matelas confortable. On dirait le paradis. Mais je n'ai toujours pas l'énergie de me repositionner correctement pour bien dormir.
J'essaie de me déplacer sur le lit, car je ne me sens pas à l’aise. Phun finit par m'aider en me poussant le dos pour que je puisse m'allonger dans une meilleure position. Ma tête me fait tellement mal que je suis obligé de pousser son épaule pour l'arrêter.
— Ça va aller, Noh ?
Qu'est-ce que je suis censé lui dire ? Ma tête peut exploser à tout moment. Je n'ai même pas la force de prononcer un mot en réponse.
La migraine s’aggrave de plus en plus, alors je me force à ouvrir les yeux. La première chose que je vois, c'est le visage de Phun Phumipat, assez proche du mien pour que je puisse sentir son souffle.
A la seconde où j'aperçois ses yeux noirs paniqués en train de me fixer, j'oublie complètement ma migraine. Il y a dans les yeux de Phun une lueur si intense que vous ne pouvez pas vous en détourner. C'est comme s'ils vous suppliaient de ne pas partir.
Je fixe profondément ces yeux brillants qui se rapprochent de plus en plus. Nos visages sont si proches que nous nous voyons très clairement. Je sens la main de Phun caresser tendrement ma tête alors que nos lèvres se touchent lentement.
Cependant...
— Eurk ! Blouah !
Urgence ! Urgence ! Quittez les lieux immédiatement ! Je pousse Phun et me précipite dans la salle de bain pour pouvoir faire un câlin aux toilettes.
— Blouah !
— Hé Hé, tu vomis ? T'es vraiment une mauviette.
J’entends la voix moqueuse de Phun pas très loin de moi mais je ne suis pas d'humeur à me battre avec lui car je sens bien que gerber est ma priorité en ce moment. Je l'entends ricaner avant de sentir une main ferme dans mon dos.
— Vomis tout ce que t'as avalé, tu te sentiras mieux.
Ouais, facile à dire pour toi ! C’est beaucoup plus difficile en pratique ! J'ai vraiment envie de me retourner et de l'insulter mais je me sens trop nauséeux. J'essaie de me forcer à tout faire ressortir de mon corps, mais il n’y a pas grand-chose qui sort de moi.
Phun me masse patiemment le dos pendant un long moment.
— Bon, tu vomis ou quoi ?
Je suppose qu'il remarque que j'étreins les toilettes depuis un moment et que rien ne se passe.
— J’ai envie...mais...il n'y a rieeeeeeen.
Au final, je suis contraint d'accepter l'horrible situation dans laquelle je suis, même si je me sens toujours aussi mal. J'ai conscience que je peux difficilement rester ici, à faire ami-ami avec les toilettes et être un fardeau pour Phun qui continue de me frotter le dos. Je décide de me laisser aller et de demander à Phun de m'aider à me relever pour que je puisse retourner au lit. Alors que ma tête continue de jouer les orchestres, je pense subitement que j'ai atteint mes limites.
— Blouaaaaaaaaaaah.
Il y a du vomi partout sur nous deux. Mes jambes abandonnent le combat à la minute où le premier jet est lancé. Je me retrouve sur le carrelage de la salle de bain au milieu de ma gerbe, exténué.
— Ça va, Noh ?!
C’est bizarre que Phun ne m'engueule pas pour ce que je viens de faire. A la place, il s'assoit et aide à soutenir mon corps presque comateux. J'ai l'intention de lui répondre que je vais bien mais au moment où j'ouvre ma bouche...
— Blouaaaaaaaaaaah.
Et voilà le deuxième round, les gens. J'ai totalement perdu tout contrôle. Ce n'est pas une blague ! Là maintenant, je me dis juste que puisque je suis déjà en train de dégobiller, autant aller jusqu'au bout. Je m'en tape, si je vomis sur quelqu'un. Disons juste que je profite de la bonne volonté de Phun puisqu'il ne m'insulte même pas.
— Blouaaaaaaah.
— Tout est sorti, c'est bon ?
Il continue de frotter mon dos alors que je vomis encore une paire de fois. Finalement, je sens que mon estomac est désormais vide.
— Tout est sortiiiiiiii.
— T'es sûr ? me demande Phun encore une fois avant de m'entraîner dans la baignoire pour me laver.
On pue la gerbe tous les deux. Si je vomissais encore, ce serait d'ailleurs uniquement à cause de l'odeur.
Je suis assis sur le rebord de la baignoire, éreinté. Je suis à présent dans le rôle du docile Noh, qui laisse Phun lui ôter son jean et son t-shirt, qui sont tous deux des haillons puants. Je m’installe vers l’arrière et laisse l'eau de la douche s'écouler dans mes cheveux. Pendant ce temps, Phun enlève ses propres vêtements, ce qui fait que nous nous retrouvons tous les deux en boxer.
— Qu'est-ce que tu faiiiiiis ?
On a tendance à virer parano quand on est soûl, je suppose.
— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?! J'essaie de me laver ! répond-il en se moquant de moi puis il tire la pomme de douche et me rince le corps.
Je me couvre quand je remarque que Phun tente de me savonner.
— Qu'est-ce que vas me faiiiiiiire ?
— Si tu ne prends pas de bain, alors je traîne ton cul jusqu'au garage et tu pourras y dormir, me menace-t-il avant de soulever mes bras et mes jambes pour les couvrir de mousse.
Je ne peux pas réellement débattre là-dessus avec lui vu que je suis d'accord pour dire que je suis vraiment dégueulasse ce soir.
Je reste assis et laisse Phun me laver. Je commence à me sentir un peu plus sobre peu à peu. Enfin, je saisis pleinement ce qui se passe et je me rends compte que Phun me donne un bain.
Je pense alors que c'est étrange de prendre un bain en gardant son boxer, comme on est en train de le faire.
— Phun…
— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es sobre ? me demande-t-il tout en mettant du shampooing dans ses propres cheveux.
— Ça va mieux maintenant. Tu ne te sens pas mal à l’aise ?
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ? me demande-t-il en se retournant pour se rincer les cheveux.
— Porter un boxer sous la douche…
Même si je réalise que ma question est un peu douteuse, voire tendancieuse, mais je suppose que je suis encore dans le brouillard, alors j'ai eu le courage de poser cette question. Phun arrête immédiatement de se rincer les cheveux.
Il tourne son beau visage vers moi et hausse les sourcils d'un air moqueur.
— Et ? Tu veux que je l'enlève, ou quoi ?
— 'Tu as l’habitude de porter ça quand vous prenez une douche avec des amis pendant un voyage de camping ?
Je réponds par une question en refusant de me rendre.
— Non. Je me mets nu, dit-il en riant.
Je ne veux pas de cette image dans ma tête.
— Ouais et on est chez toi, là. Est-ce que tu devrais pas faire ce qui est le plus confortable pour toi ?
Mais pourquoi est-ce que j'ai dit ça, bon sang ? Putain j’en ai marre de ma bouche. Je vais te gifler, idiot, une fois que j'aurai retrouvé mes forces. Je remarque que Phun reste immobile un instant après avoir entendu ce que j'ai dit, puis, il recommence à rincer ses cheveux. Une fois qu'il a enfin fini, il attrape une serviette pour nous sécher tous les deux.
— Hé
Il commence.
— Je ne suis pas gentleman à ce point-là… et je ne tiens pas à être un encore plus gros connard que je ne le suis déjà.
De voir son sourire triste fait se serrer ma poitrine. Je ne peux pas réellement l'expliquer. Phun me sourit brièvement puis je sens ses lèvres douces sur mon front.
— C’est suffisant pour me rendre heureux… on devrait dormir un peu. Et ne vomis pas sur mon lit, me dit-il avant de me traîner pour aller chercher des vêtements de rechange afin que nous puissions aller au lit.
On dort l'un à côté de l'autre, un traversin entre nous. Mais pourtant, je me sens curieusement en sécurité rien qu'en tenant sa main dans la mienne comme ça.
Si c'est la gentillesse que Phun donne à Aim...
… alors je ne veux pas que tout cela soit en vain.
Ohm s'est royalement payé ma tête quand je me suis pointé au lycée le lundi matin. Il n'arrêtait pas de dire que j'étais tellement bourrée que Phun m'a ramenée à la maison, alors qu'apparemment, j'ai fait beaucoup de conneries. Je suis tellement humilié !
— Il agissait comme une merde quand il était bourré. Genre qu'il allait botter le cul de quiconque viendrait l'emmerder.
Et il continue de parler de ça. C'est, je pense, la troisième fois ce matin qu'il essaie de s'assurer que je vais bien mourir de honte après qu'il en aura parlé à tout le monde.
— Sérieux ? Tu parles de notre Noh ?! demande Palm d'une voix aiguë.
Et pourquoi pas ?! Quelqu'un comme moi n'a pas le droit de se comporter en parfait connard ou quoi ?!
— Oui, ce Noh-là. On savait déjà que c'était un mec bizarre mais alors quand il est soûl, c'est un vrai voyou. Phun a été assez sympa pour finir la dernière bouteille mais ce salaud a frappé Phun à la tête. Le mec était tellement abasourdi, tout le monde s'est payé une barre. C'était la honte, putain ! Ah ah ah !
Putain de merde, j'ai vraiment fait ça ?!
— Attends, il en a mis une à Phun Phumipat ? Le secrétaire du Conseil des étudiants ?!
— Ouaiiiiiis ! Je n'arrivais pas à y croire. Tu parles d'une relation abusive. Phun a bien trop peur de sa femme.
Connard ! Je suppose que je ne peux plus rester silencieux, là, c'est ça ? J'ouvre la bouche pour insulter Ohm quand je remarque le regard paniqué de Palm.
— Depuis quand toi et Phun avez ce genre de relation ?
Clac !
Je finis par frapper la tête de ce connard pour ne pas avoir bien écouté. Putain de merde.
Ohm part dans un grand rire (il y a échappé, lui) avant d'attirer l'attention de Palm pour continuer à raconter l'histoire. Même si Palm a mal, il n'a toujours pas retenu la leçon. Il s'intéresse bien trop aux choses merdiques que j'aurais soi-disant faites samedi.
Pour être honnête, je suis un peu curieux de savoir ce que j'ai fait exactement. (Ohm dit-il la vérité ou l'empire-t-il ?). Mais plus je l'écoute, plus je réalise que je ne suis pas aussi curieux que ça non plus. J'étais vraiment un connard. J'étais bruyant et j'ai fait une scène énorme. J'étais un connard pour les serveurs. J'ai renversé de l'alcool partout. Je m'en suis physiquement pris à mes amis. Je me rappelle aussi avoir fait tomber mon portable environ trois fois. C'est devenu si grave que mes amis ont décidé que ce serait mieux si je rentrais chez moi, mais je refusais de partir. Ohm dit qu'il a fallu au moins une dizaine de mecs pour me mettre dans le taxi et pour que Phun (malheureusement pour lui) puisse couper court à ce bordel.
Mais alors pourquoi Phun ne m'a-t-il pas dit que j'avais été odieux ?! Il faut vraiment qu'il arrête de jouer les grands seigneurs ! Argh !
— Merde, y'a eu ça, aussi. Noh était tellement saoul qu'il se comportait comme un gros dur, non ? A un moment, il a voulu amener ses miches quelque part mais Phun ne l'a pas laissé faire, et le tirait en arrière. Noh n'était pas d'accord et a voulu envoyer Phun dans le décor, mais il a perdu l'équilibre. Heureusement, Phun a été rapide pour le rattraper. Putain, c'était comme une scène de ces romans où le mec porte la fille dans ses bras parce qu'elle était sur le point de tomber !
— Que c'est romantique ! !
Peut-être que tu devrais juste écouter en silence plutôt que donner ton opinion, Palm.
— Ouais, putain de romantique. Dans notre version à nous, la fille a fini par en foutre une au mec et ils se sont tous les deux retrouvés par terre. On était pétés de rire !
Aaaaaaaaaaaah ! J'aimerais pouvoir disparaître, juste là maintenant !
Ohm et Palm rigolent avant de poursuivre leurs commentaires.
— Si je ne savais pas qu'ils ont tous les deux des petites amies, j'aurais été persuadé que j'étais en train de contempler un couple marié en train de se chamailler.
Okay, au moins il se souvient que j'ai une petite amie...
J'ai cessé de les écouter après cela. (Ça devenait long). Maintenant, je me demande comment va Phun. Je n'ai pas pris la peine de regarder s'il avait des bleus quand je l'ai vu. Je suppose que j'étais définitivement trop bourré.
— Et alors, est-ce que Phun va bien ? On t'a regardé le battre. Il n'a pas trop de bleus, n’est ce pas ?
Ohm prend une seconde pour me demander, juste au moment où j'y pensais.
— Je sais pas.
— Tu n'as rien vu du tout sous la douche ?
— J'étais ivre. Tout était flou, je n'ai pas vu clair.
— …
Attends. Est-ce que j'ai juste été piégé pour admettre quelque chose ?
— PUTAIN DE MERDE, NOH ET PHUN ONT PRIS UNE DOUCHE ENSEMBLE !
Oh puuutain ! Ohm gueule. C’était si fort que tout le monde dans la classe s'amène vers nous. Putain ! Je n’ai pas fait ça !
— Eh, connard ! On avait tous les deux nos boxers !
Je sors cette excuse pour sauver mon cul mais Rodkeng (qui a couru nous rejoindre) me pointe du doigt comme s'il m'accusait de quelque chose.
— S'il n'y avait rien de bizarre entre vous, vous auriez pris cette douche nus comme deux mecs normaux. Mais il fallait que vous gardiez vos boxers, comme si vous aviez besoin qu'il y ait un truc pour vous retenir de faire quelque chose !
— Whoooooo !
Je déteste vraiment ces cons. Pourquoi ont-ils toujours besoin d'agir comme une chorale ? (Connards !) Pourquoi est-ce qu'ils s'enflamment dès qu'il s'agit de moi ? Je n'ai plus la force de me battre avec eux, de toute façon.
Pendant que tout le monde s'amuse à se foutre de moi...
— Qu'est-ce qu'il se passe, les mecs ? Vous faites beaucoup de bruit.
Putain. Avec toutes les occasions de se pointer, pourquoi il faut que ce soit maintenant ?! Je me retourne pour tomber sur Phun, l'autre partie dans cette querelle. Il est juste là, l'air désemparé. Personnellement, j'ai l'impression de voir un fantôme.
— Whoooooooooooo !
Et les voilà qui recommencent. Vous savez quoi ? Allez trouver quelques colombes à relâcher et n'oubliez pas de jeter du riz pendant que vous y êtes.
— Souhaitons leur beaucoup de plaisir pour leur lune de mieeeeeeeeel.
Rodkeng et Keng me poussent vers Phun. (Où sont mes putains de colombe ?! Et le riz ?! Vous m'envoyez déjà en lune de miel ? Putain !) On dirait que Phun ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe, mais il y a ce sourire sur son visage. La bizarrerie de mes amis l'amuse beaucoup. Ça ne fait que rendre les choses plus difficiles pour moi. Tu pourrais arrêter d'être à côté de la plaque comme ça ?
— Puis-je vous emprunter la mariée pour un moment ? Je le ramènerai bientôt.
Bon sang, est-ce que tu réalises seulement ce que tu dis ?! Mes amis beuglent pendant qu'on m'entraîne dehors. Oh, ma vie.
— Qu'est-ce que tes amis faisaient ? Ça avait l'air amusant, me demande Phun avec excitation une fois sortis.
Je ne sais pas quoi lui répondre.
— Hum…
J'ai commencé tout de suite à lui poser des questions sur ce qui m'intéressait.
— Est-ce que je t'ai vraiment frappé ? Cette nuit à Lumphini Park ?
Il semble qu'il ne s'attendait pas à ce que je lui pose une telle question car il est stupéfait pendant un instant.
— Pourquoi ?
— Ohm m’a dit que je me suis comporté comme un con quand j'étais bourré. Que je t'ai frappé et tout. Merde, je suis vraiment désolééé ! J'étais soûuuuul ! Je ne voulais pas faire tout çaaa !
Je m'excuse beaucoup auprès de lui car je me sens vraiment coupable. Pourquoi a-t-il été tellement sympa après ça, d'ailleurs ? Pourquoi a-t-il enduré tout ça ? Il ne s'est même pas plaint une fois.
Je l'entends glousser, même s'il y a un soupçon de malice.
— Oui, ça m'a vraiment fait mal. Tu étais très violent. Je me demandais justement comment te le faire payer.
— Putain, je suis désolé ! Frappe-moi ! Vas-y ! Frappe-moi aussi ! Je te laisserai faire tout ce que tu veux aujourd'hui !
— Baisse la tête et ferme les yeux.”
Merde, Il se prend pour un senior ou quoi ? En tout cas, je ne peux pas aller contre lui puisque je lui ai déjà dit que je le laisserai faire ce qu'il veut aujourd'hui. Mais j'espère qu'il ne me frappera pas trop fort.
Je garde la tête baissée et mes yeux sont bien fermés alors que je me demande ce que Phun va faire. Est-ce qu'il va me frapper à la tête ? M'attraper l'oreille ? Me donner un coup de coude ? Me mettre un coup de genoux dans le ventre ? Quelque chose ? Lequel fait le plus mal, d'ailleurs ? Serai-je capable d'encaisser ce qu'il s'apprête à faire ? Je me pose sans cesse des questions. Finalement, je sens quelque chose de froid autour de mon cou.
— Tu peux les ouvrir maintenant.
J'ouvre les yeux pour voir la plaque argentée, le souvenir du tournoi de football qui pend à mon cou.
— Oh ! J'avais presque oublié ! Il en restait, alors ?!
Phun sourit en secouant la tête.
— Nan, il y avait une tonne d'étudiants qui bossaient, cette année. Les anciens ont aussi participé. J'ai juste pu en avoir un pendant que je nourrissais Earn et tout ça.
— Juste un ?
— Ouais.
— Et le tien ?
— Ne t'inquiète pas pour ça. Celui-là est à toi.
Est-ce qu'il va arrêter de jouer les gentlemen ? Ça me stresse littéralement.
— Très drôle. Tu as eu celui-là, tu devrais le garder !
Je le gronde pendant que j'essaie d'enlever la plaque Phun attrape immédiatement mes mains et les tient fermement. Il me lance un regard étrange, comme s'il était très gêné par ce que je fais.
— Je… te le donne. Pourquoi es-tu comme ça... ?
C'est vrai, j'ai oublié que je ne devrais pas me comporter comme ça. Phun a probablement remarqué que j'ai arrêté d'essayer de l'enlever donc il me lâche la main.
— Tu as travaillé dur, toi aussi, tu en voulais sans doute une. En plus, les mecs le donnent généralement à leur petite amie.
Je ne sais pas pourquoi j'ai dit cette dernière partie. Mais c'est vrai quand même. Les souvenirs de grands événements comme celui-ci sont assez importants. Donc si vous deviez le donner, c'est généralement à quelqu'un que vous fréquentez.
Phun pousse un long soupir, tellement long que je peux sentir son souffle.
— Aim a déjà reçu un tas de trucs de moi… alors laisse-moi te donner quelque chose, pour une fois. Ne refuse pas.
Qu'est-ce que je suis supposé répondre à ça ?
Nous sommes là, à nous regarder en silence. Malgré tout, j'ai plein de pensées qui me passent par la tête. Je sais que Phun aussi. Ses yeux essaient de me dire quelque chose.
— Hé Noh ! Oh, Phun ? Tu t'es perdu ?
On sursaute tous les deux en entendant la voix d'Earn nous saluer et taquiner Phun. Ce dernier se retourne pour sourire à l'ami qui se trouve être le capitaine de l'équipe de pom-pom girls qui venait de terminer son dernier projet samedi dernier.
— Tu t'es perdu aussi ?
Phun le taquine à son tour. Il gagne des rires en retour.
— Tes bleus guérissent bien ?
Qu'il soit maudit ! Est-ce que ces gens arrêteront un jour de parler de la merde que j'ai faite au parc Lumphini ?! Phun rit et me jette un œil moqueur.
— Je songeais à en parler à mon père.
Fais ce que tu veux, pleurnichard. Si je ne l'avais pas déjà cogné plusieurs fois samedi, je le ferais là maintenant.
— Oui, tu devrais faire ça. Alors, tu as fini de lui parler ? Je dois lui parler de quelque chose.
Donc, ces bâtards pensent que je suis un employé de Rotiboy si je comprends bien ? Est-ce que j'ai besoin de commencer à distribuer des numéros pour les gens qui font la queue ?
Phun me sourit.
— Oui, on a fini. Au fait, n'oublie pas pour vendredi, Noh, répond-il en me rappelant le week-end à Hua Hin.
En fait, j'avais quasiment oublié, à vrai dire. Ean semble confus, en regardant Phun s'éloigner.
— Qu'est-ce qui se passe vendredi ?
— Ce n'est rien. Qu'est-ce qu'il y a ?
Je change rapidement de sujet car on dirait qu'il veut discuter avec moi.
— Ah oui. Je suis venu te donner ça. Comme promis.
Earn fait un grand sourire et me montre la plaque d'identité en argent. Mais...qu'est-ce que c'est que ce bordel ?!
— Oh, j'en porte une en ce moment !
Je montre mon cou. Alors il n'a même pas regardé, c'est ça ? Earn a l'air tellement décontenancé, on dirait qu'il a vu un fantôme.
— Où as-tu trouvé ça ?! Je me suis dit qu'aucun technicien n'en avait eu un !
Mais il semble que je sois le seul membre qui en aura deux ? Hahaha.
— Phun vient juste de me le donner. Désolé, mec. Je suppose que tu vas avoir le cœur brisé, mon frère.
Je plaisante en lui tapotant légèrement l'épaule. Je n'étais pas sérieux, mais je remarque que son expression est devenue sinistre.
— Ouais... Je suppose que c'est vrai.
Qu'est-ce qu'il marmonne ? Je n'ai pas entendu.
— Hein ?
— Rien, rien. Je ferais mieux d'aller en classe. Au fait, mon groupe participe au Live contest. Je passerai déposer notre formulaire de candidature plus tard.
Earn change de sujet pour parler du Live contest que mon club organise juste avant Noël. C'est un concours où le gagnant a le droit de jouer pendant l’évènement de Noël et aussi gagne une opportunité de participer au concours RAD à l'école Wat Ratchabophit. Je fais à Earn un sourire amical.
— Ouais, bien sûr. Dépose-le à la salle du club, okay ? Mais si tu es trop occupé, tu peux aussi le déposer ici, dans ma classe, lui dis-je, mais il me répond simplement par un bref sourire ironique avant de me dire au revoir et de retourner en cours.
Qu'est-ce qu'il lui prend ? Pourquoi a-t-il l'air aussi déprimé à cause de cette histoire ?
Peu importe.
Je vais à Hua Hin ce vendredi ?
Notes1/ A l'époque de la publication du roman, Rotiby était une chaîne de pâtisseries malaisienne implantée en Thaïlande. Elle était très populaire et les gens faisaient la queue pour y acheter des gâteaux. Depuis, le succès s'est tari et elle a quitté la Thaïlande.2/ Il s'agit d'une compétition musicale destinée à réunir des fonds pour la lutte contre le trafic de drogue.
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Commentaires
Phun lui a donné une plaque d'identité, trop bien...............