• Chapitre 25

    Chapitre 25
    Le poinçon des montagnes et des rivières

    Shen Wei posa une main sur le front de Zhao Yunlan. 

    — Vous avez un peu de fièvre, qu'est-ce que vous faites là ? Mettez-vous au lit et couvrez-vous avec la couverture.

    Ce n'est qu'à ce moment-là que Zhao Yunlan se rendit compte que sa tête était un peu lourde, et il laissa Shen Wei le conduire dans la chambre à coucher.

    Shen Wei lui versa de l'eau tiède et plaça des médicaments pour l'estomac et des anti-inflammatoires à côté de son lit. Il lui dit doucement : 

    — Prenez-les et dormez ; ne vous occupez pas de moi, je vais vous préparer quelque chose à manger.

    Zhao Yunlan réfléchit, si un mouton appétissant entrait dans la tanière d'un loup, ce dernier s'endormirait-il ?

    Ce loup devait être dans un bien triste état.

    Mais peut-être que sa fièvre était grave, ou que les médicaments provoquaient de la somnolence ; à peine une minute plus tard, Zhao Yunlan était endormi.

    Shen Wei passa un long moment à déballer tout ce qu'il avait acheté et à remplir de nourriture le réfrigérateur presque vide. Il fouilla la cuisine et découvrit qu'il y avait beaucoup d'ustensiles de cuisine, tous neufs, encore dans leur emballage, avec les étiquettes de prix encore attachées.

    Shen Wei sortit une marmite en terre cuite, la lava et prépara les ingrédients. Il les fit bouillir, puis baissa le feu, ajouta l'assaisonnement et laissa le tout mijoter lentement.

    Shen Wei se lava les mains, les réchauffa sur le radiateur et rentra doucement dans la chambre. Zhao Yunlan dormait profondément. Un bras s'était glissé hors de la couette, et Shen Wei le remit délicatement à sa place.

    Il se tint au bord du lit et pendant un moment, il regarda Zhao Yunlan en silence. Puis il tendit prudemment la main et toucha ses cheveux ; ils étaient très doux et s'enroulaient autour des doigts de Shen Wei. Celui-ci effleura doucement le visage de Zhao Yunlan, mais s'en éloigna rapidement. Il respira profondément, ferma les yeux et embrassa silencieusement ses propres doigts ; pendant un instant, son expression fut proche de l'adoration.

    Shen Wei ne savait pas comment il avait quitté l'appartement de Zhao Yunlan hier soir. Il avait erré dans les rues sans but précis, jusqu'à ce qu'il se rende compte que ses membres s'engourdissaient. Il était comme un papillon de nuit qui aurait soudainement compris son destin, essayant désespérément de résister à la tentation de la flamme et pris dans une lutte angoissante entre la raison et l'instinct ; il sentait qu'il allait bientôt mourir de douleur.

    Et malgré toute cette souffrance, il n'avait réussi à résister qu'une seule nuit.

    Il était malade, et personne ne voulait s'occuper de lui, alors il fallait qu'il s'occupe de lui... comme un ami devrait le faire, essayait de se convaincre Shen Wei. Mais personne ne savait mieux que lui ce qu'il en était réellement.

    Il se moqua de lui-même, ramassa le manteau de Zhao Yunlan sur le sol, le plia et le posa sur la chaise. Il remarqua un pot en terre qui contenait des résidus de cendres d'encens.

    Shen Wei essuya les cendres et les frotta dans ses mains. En tombant, les cendres devinrent d'un blanc pâle, comme si l'essence qui leur restait avait été absorbée.

    — Un messager du monde souterrain ? 

    Il souleva ses lunettes, regarda les rideaux fermés et fronça les sourcils, songeur.

    ~~~

    Lorsque Zhao Yunlan se réveilla enfin de son profond sommeil, le soleil brillait déjà à travers les rideaux. Il était trempé de sueur et la lourde couette lui collait à la peau. Il avait la tête qui tournait, et son nez perçut peu à peu une odeur de nourriture inconnue. Tout excité, il se redressa rapidement.

    Shen Wei était assis sur le petit canapé voisin, lisant tranquillement un ancien numéro d'un magazine sur le paranormal. Sa tête était baissée en signe de concentration ; il ressemblait presque à un tableau, son visage était d'une beauté indicible. Zhao Yunlan ne savait pas quoi dire, il le regardait sans rien dire.

    Shen Wei avait dû l'entendre bouger ; il leva la tête et sourit. 

    — Vous êtes réveillé. Vous vous sentez mieux ?

    Zhao Yunlan acquiesça, encore abasourdi ; Shen Wei lui toucha le front et constata que la fièvre avait disparu. Il était bon d'être jeune, la maladie ne s'attardait pas longtemps. 

    — Et votre estomac ? Il vous fait encore mal ?

    Zhao Yunlan secoua la tête. Il remarqua que ses vêtements avaient été rangés en une pile impeccable à côté du lit. Il tendit la main pour les toucher : ils étaient encore chauds à cause du chauffage.

    — J'ai allumé le chauffage dans la salle de bain ; vous avez transpiré, allez prendre une douche et changez-vous ; j'ai pris la liberté d'utiliser votre cuisine et je vous ai préparé quelque chose de simple à manger.

    Zhao Yunlan ne dit rien, prit ses vêtements et alla dans la salle de bain. Il avait toujours eu une vie rude et insouciante ; cela ressemblait à un rêve, et une émotion fragile naquit en lui. Il avait quitté la maison très tôt et avait pris l'habitude de sortir pour manger ou commander des plats à emporter. Il ne se souvenait pas de la dernière fois où il s'était réveillé avec une odeur de nourriture et quelqu'un qui le poussait à prendre une douche.

    Lorsqu'il eut fini de se doucher et de s'habiller, il réalisa avec stupeur que son appartement chaotique avait été nettoyé et rangé. Les rideaux perpétuellement fermés étaient enfin ouverts et les fenêtres entrouvertes pour laisser passer l'air frais ; il faisait un peu plus frais à l'intérieur et l'appartement tout entier semblait rafraîchi.

    Zhao Yunlan s'arrêta et, pour un instant miraculeux, il se sentit réellement embarrassé. Il se dirigea vers la cuisine au moment où Shen Wei secouait l'eau des baguettes en bambou qu'il n'avait jamais utilisées auparavant et les mettait de côté pour qu'elles sèchent. Il ouvrit le couvercle de la marmite en terre cuite et en testa le goût avec une petite cuillère. L'odeur forte et agréable lui fit comprendre qu'il avait faim.

    C'était comme s'il y avait une corde dans son cœur et que quelqu'un la tirait avec négligence - doucement, mais la vibration se répercutait pendant des jours.

    — J'ai acheté deux billets de théâtre pour ce soir. Je voulais t'emmener voir une pièce après le dîner, dit soudain Zhao Yunlan.

    Shen Wei le regarda, éteignit la cuisinière et sortit deux autres plats de la cuisine, ainsi que le riz et la soupe. 

    — Aidez-moi à les porter.

    Zhao Yunlan s'approcha en sautillant et il apporta les plats sur la table en riant. 

    — Mais maintenant que tu es ici avec moi, je me sens si bien que je n'ai plus envie de partir.

    — Il commence à faire froid la nuit, il vaut mieux ne pas quitter l'appartement de toute façon, acquiesça Shen Wei.

    Zhao Yunlan s'assit en face de Shen Wei, ses yeux pétillaient en regardant le professeur. 

    — Je ne plaisante pas, Shen Wei, si tu veux bien de moi, je vends cet endroit demain et j'achète une grande maison juste à côté de ton école.

     

    Shen Wei ne dit pas un mot.

    Zhao Yunlan poursuivit : 

    — Je n'avais jamais pensé à acheter une maison auparavant, je trouvais cela contraignant, mais maintenant je comprends le proverbe : si tu veux avoir la fille, achète-lui une maison en or.

    C'était du flirt à l'état pur, Shen Wei évita son regard avec raideur. 

    — Mangez, ou la nourriture va refroidir.

    Zhao Yunlan posa soudain sa main sur celle de Shen Wei.

    — Je sais que je n'en ai pas l'air, mais je suis sérieux.

    La main de Shen Wei était toujours froide, et Zhao Yunlan ne put s'empêcher de la serrer encore plus fort, mais Shen Wei se mit soudain à trembler violemment. Il releva la tête et ses yeux n'étaient pas aussi doux que d'habitude, comme si quelque chose l'avait rendu fou. Pour Zhao Yunlan, ils semblaient même un peu agressifs. Shen Wei le fixa un instant et retira brusquement sa main, puis il parla d'une voix plus basse. 

    — Vous devriez vous marier avec une femme et avoir des enfants. Vous êtes encore jeune, ne soyez pas si peu respectueux des lois de la nature et de la décence humaine.

    Zhao Yunlan fut surpris par cette leçon inattendue de devoir et de responsabilité. 

    — Qu'est-ce que c'est que ces lois de la nature et de la décence humaine ?

    — Si vous avez une relation avec un homme, comment allez-vous l'expliquer à vos parents ? Si vous n'avez pas d'enfants, qui s'occupera de vous quand vous serez âgés ?

    — Expliquer quoi ? demanda Zhao Yunlan avec incrédulité. À qui ? Je ne suis pas responsable de la procréation et de la perpétuation de la race humaine, professeur Shen ; es-tu... es-tu un extraterrestre ?

    Shen Wei se rendit compte qu'il ne pouvait pas communiquer avec Zhao Yunlan et ses excuses illusoires ; il s'arrêta de parler et mangea en silence.

    Zhao Yunlan étudia Shen Wei ; il ne pouvait pas croire qu'une beauté aussi agréable était devenue un pédant démodé. Dépité, il engloutit la moitié d'un bol de soupe. Puis il dit timidement : 

    — En ce qui concerne les enfants, on ne peut pas être sûr : même si on se marie, on ne pourra peut-être pas avoir d'enfants ; même si on a des enfants, on ne pourra peut-être pas les élever, et même si on les élève, on ne peut pas toujours s'attendre à ce qu'ils s'occupent de nous quand on sera vieux. Je préfère investir dans des actions. En outre, si tu veux vraiment des enfants, tu peux toujours faire appel à une mère porteuse. Tant que tu as de l'argent, c'est très facile de nos jours d'avoir un ou deux enfants.

    Shen Wei choisit de l'ignorer.

    Zhao Yunlan poursuivit : 

    — Dans la vie, si quelque chose te rend triste, il est bon d'y réfléchir un peu plus pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Mais si quelque chose te rend heureux, tu dois y penser moins, sinon tu vas gâcher ton humeur. Si c'était la fin du monde aujourd'hui, et que tu n'avais jamais fait ce que ton cœur désire vraiment, ne serait-ce pas dommage ?

    Après un moment, Shen Wei dit : 

    — Les choses se passent rarement comme on le souhaite dans ce monde.

    — C'est vrai, dit Zhao Yunlan. Les autres te méprisent, et tu te méprise toi-même en plus ? Alors à quoi bon vivre ?

    — Ne soyez pas ridicule.

    Zhao Yunlan remarqua que le ton de Shen Wei s'adoucissait, et se détendit en étirant ses jambes. Tant que la situation était favorable, il demanda : 

    — Alors, tu viendras voir un film avec moi le week-end prochain ?

    Shen Wei hésita, mais finit par secouer la tête.

    Zhao Yunlan était un peu découragé.

    Shen Wei ne supporta pas de le voir ainsi et expliqua : 

    — Je dois emmener les élèves en excursion mercredi, je remplace un de mes collègues.

    Oh ? Il y avait une chance, Zhao Yunlan le sentit clairement, il y avait une petite brèche dans la porte hermétiquement fermée de Shen Wei.

    — Où ? Pour combien de temps ?

    Shen Wei ignora la première question. 

    — Environ une semaine.

    Zhao Yunlan n'insista pas ; si Shen Wei ne lui disait rien, il se débrouillerait tout seul.

    De meilleure humeur, il finit son riz. Dans l'après-midi, Zhao Yunlan sollicita Shen Wei, le taquina et usa de toutes sortes de stratagèmes. Il sortit tous les vieux films de sa collection, alluma son home cinéma pour la première fois et força Shen Wei à rester jusqu'à l'heure du dîner.

    Si cela avait été possible, Zhao Yunlan l'aurait gardé encore plus longtemps, mais il sentait bien que, plus la nuit tombait, plus Shen Wei se crispait. En tant que stratège à long terme, Zhao Yunlan décida d'être prudent dans une situation aussi délicate ; il ne voulait pas effrayer Shen Wei. Il résista à la tentation et le laissa partir, pour l'instant.

    Après tout, il aurait encore beaucoup d'occasions à l'avenir.



  • Commentaires

    1
    Mercredi 24 Mai 2023 à 20:33

    Plus je lis, plus j'aime davantage le personnage de Shen Wei.

    Merci pour la traduction, hâte de lire le suivant.

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