• Chapitre 2

    Chapitre 2
    Mork

     "Hé, yo ! Mork, quand est-ce que le garage de ton oncle ferme

    "Euh...à 20h. Pourquoi, mec ? Tu as besoin d'aide ?" 

    "Mon feu arrière est foutu. Il a clignoté et s'est éteint."

    "Ow, tu peux me laisser jeter un oeil d'abord ?"

    "Sans déconner, tu peux réparer ce genre de truc ?"

    "Putain, mec, j'ai un diplôme en électronique. Je peux réparer n'importe quel équipement électronique. Allez, laisse-moi vérifier ça."

    Je me lève du banc et je me dirige vers ma moto pour prendre un mini kit d'outils que je garde toujours dans le rangement sous mon siège, avant de faire une ligne droite vers la moto de P'Fueang. Plus âgé que moi, c'est un collègue de travail à cette station de moto-taxis située à l'angle d'une rue qui débouche sur la route principale. Je m'assieds et dévisse rapidement le couvercle du feu arrière.

    "Sans déconner, tu as l'air compétent. C'est tellement pro."

    P'Fueang me complimente pendant que je retire l'ampoule défectueuse de sa douille. Je la soulève pour regarder à l'intérieur et voir si le filament est cassé. C'est la première et la plus facile des choses à vérifier quand une ampoule ne fonctionne plus.

    " Mec, je te l'ai déjà dit. J'ai obtenu un CAP de technicien en électronique. Ce genre de choses, c'est du gâteau."

    Le filament est intact, malgré le fait que l'ampoule semble ancienne, et je suis sûr que ce n'est pas le filament qui est défaillant. Je presse le tournevis, qui est aussi un testeur électrique, contre la languette de contact à l'intérieur de la douille de l'ampoule du feu arrière pour vérifier s'il y a de l'électricité.

    "Alors pourquoi diable es-tu un chauffeur de moto-taxi ? Tu pourrais ouvrir un atelier de réparation, ou être un mécanicien d'usine."

    La diode de mon tournevis ne s'allume pas. J'essaie à nouveau et j'obtiens le même résultat. Alors, le problème doit venir du câblage intérieur ou de la distribution de courant dans la douille. Je mets mon tournevis dans sa mini trousse à outils et je me tourne vers P'Fueang.

    "Les emplois en usine sont mal payés, je gagne plus d'argent en tant que taxi. Je ne peux pas non plus me permettre d'ouvrir un magasin. Je n'ai pas ce genre de budget. Oh, et le truc avec ta moto, ça doit être les câbles ou le circuit électrique. Tu ferais mieux d'aller dans un garage. Je n'ai pas assez d'outils pour réparer ici."

    "Oh, je suppose que je vais y aller maintenant. Ton oncle est toujours au garage, non ? Je vais lui demander de le réparer pour moi."

    Dit-il en se levant immédiatement pour aller chercher son casque.

    " Attends, quoi... Et la file d'attente ? C'est aussi ton tour maintenant. Tu termines déjà ta journée ?"

    Il n'est que 16 heures et nous sommes censés travailler jusqu'à 21 heures. Et le soir, lorsque les gens quittent leur travail, c'est à la station de taxis-motos que l'activité est la plus intense. C'est aussi l'heure qui détermine si l'on gagne de l'argent - suffisamment pour vivre - ou non.

    “Je ne veux pas conduire sans mon feu arrière à la nuit tombée. En plus, je dois aller chercher Miss Ai aujourd'hui, je ne vais pas prendre le risque."

    La dernière partie de la phrase de P'Fueang ressemble à un mélange de vantardise et d'embarras. Mec, choisis-en un, veux-tu ? Phooey ! Je souffle par le nez en guise de plainte. Depuis qu'il s'est trouvé une petite amie, il saisit toutes les occasions de se vanter d'elle. Montrez-lui la moindre ouverture, et il sera à la hauteur.

    Mais qu'est-ce que je peux dire. Il est tellement d'humeur amoureuse.

    "Un homme amoureux est une vraie plaie !"

    Je fais une remarque, mais je ne peux pas m'empêcher de lui sourire.

    " Mec, ça s'appelle "in love" en anglais."

    Ce mec expose la phrase anglaise avec une prononciation si précise. Je veux juste me lever et donner à sa moto une légère poussée avec mon pied. Je me demande s'il va s'exclamer en anglais avec un accent aussi bon quand il aura mal.

    "Regarde-toi, mon frère ! T'en sais plus depuis que t'as une copine prof d'anglais, hein."

    "Oui, ça s'appelle un "développement" Mork. Occupe-toi de ma file d'attente, tu veux bien ? Je vais en informer le patron." Il démarre le moteur et met son casque de sécurité, puis il attache la sangle sous son menton tout en vérifiant l'angle de ses rétroviseurs latéraux. "Quand ma réparation sera terminée, j'irai directement chercher Mlle Ai. A demain."

    "Ok, prends soin de toi mec. Merci"

    Je lui fais rapidement un salut thaïlandais. Il fait signe de la main et sort de la station à toute vitesse. Alors, aujourd'hui, je vais faire deux files d'attente, la mienne et la sienne. C'est un jour de semaine, donc ce sera une grosse charge de travail, mais ça rapporte. D'accord, je me dis. Fais de ton mieux, Mork !

    "Mork, c'est à toi !"

    Le chef de la station me hurle dessus.

    "Oui, monsieur !"

    Je retourne en courant à ma moto et je mets mon casque tout en en donnant un autre au passager.

    "Où allez-vous, mademoiselle ?"

    "Euh... Dois-je porter ça ?"

    Elle ne veut pas me dire sa destination, mais continue à fixer le casque dans ma main avec un regard dégoûté et interrogateur. J'essaie de ne pas y faire attention, j'y suis habitué.

    “ Oui, s'il vous plaît. C'est pour la sécurité. De plus, la police de la route est très stricte à ce sujet ces derniers temps."

    "C'est juste dans cette ruelle. Nous ne tomberons pas sur un policier. Ça va aller !"

    Elle commence à avoir l'air intransigeante, et c'est là que je passe mon tour et que je me tais. Je ferais mieux de faire mon travail.

    “ Euh... Ok, alors, si vous le dites."

    Je remets le casque à sa place. C'est sa propre sécurité de toute façon. Peu importe, mademoiselle, comme vous voulez.

    "Ah, où allons-nous ?" Je demande à nouveau.

    "Résidence Baan Klang Soi, s'il vous plaît."

    "Ça fera trente bahts. Prenez place, s'il vous plaît."

    Et puis je me concentre sur mon travail.

    Ce n'est pas ce que j'aime.

    Mais ça me permet de gagner ma vie.

    …………….

    Par quoi dois-je commencer pour vous parler de moi ?

    Je m'appelle Mork. Je suis chauffeur de moto-taxi.

    Parfois, je me pose la même question que P'Flueang : "Pourquoi est-ce que je travaille comme moto-taxi ? J'ai terminé mes études, je n'ai pas abandonné. J'ai étudié l'électronique dans un collège technique près de chez moi et j'ai obtenu un CAP, avec de bonnes notes même. Alors, laissez-moi vous dire que je ne suis pas un délinquant...

    Ce n'est pas tout à fait vrai...

    À vrai dire, mes parents voulaient que je poursuive des études supérieures et que j'obtienne un diplôme, mais j'étais trop têtu. À l'époque, ma petite amie a terminé ses études générales après la terminale et voulait poursuivre des études supérieures à l'université de Ramkhamhaeng. Elle m'a donné un ultimatum, celui de rompre ou de venir à Bangkok ensemble. Je n'ai même pas besoin de vous dire quel choix j'ai fait, n'est-ce pas ?

    C'est pourquoi ce n'est pas tout à fait vrai quand je dis que je ne suis pas un délinquant.

    Heureusement, j'ai un Loong - le grand frère de ma mère - qui a ouvert un garage de motos dans la région de Saphan Kwai, donc j'ai pu rester avec lui. Quand je suis arrivé à Bangkok, je pensais trouver un travail et partager un endroit avec ma petite amie. Le problème, c'est que mon certificat pouvait difficilement me permettre de trouver un emploi dans la capitale. Ou alors, s'il y avait un travail, j'étais si mal payé que vous auriez envie de demander s'il s'agit d'un salaire ou bien de frais.

    Finalement, mon oncle m'a prêté sa moto et a utilisé ses relations par l'intermédiaire de P'Fueang, qui était une de ses connaissances, pour m'obtenir une place dans cette station de moto-taxi. C'est ainsi que j'ai commencé ma vie de moto-taxi sur Phahon Yothin Road. Ne me regardez pas de haut . Laissez-moi vous dire que si nous travaillons assidûment et prenons rarement un jour de congé, grâce à un taux de rotation élevé des passagers, nous pourrions même gagner plus d'argent que les hommes salariés.

    Je conduisais un moto-taxi tout en économisant. Une partie de mon argent a servi à payer les frais de scolarité de ma petite amie. Elle travaillait aussi et recevait une aide financière de sa famille, mais la vie à Bangkok n'était pas si facile et elle ne gagnait pas assez d'argent. Donc, bien qu'elle n'ait pas demandé mon argent, j'étais prêt à l'aider. C'était ma petite amie après tout, il était de ma responsabilité de la soutenir.

    Quatre ans ont passé, et j'ai découvert qu'elle me trompait. Cette merde était un de ses camarades de classe. Et c'est pourquoi notre relation a pris fin.

    "Pourquoi tu m'as fait ça, Fern ?"

    Si je pouvais remonter dans le temps....je ne lui aurais pas posé cette question.

    "Je suis désolée. Je ne voulais pas le faire."

    Je me demandais s'il était vraiment possible de tromper quelqu'un sans le vouloir. Comment ça se passe ? Comment les gens arrivent-ils à faire ça ?

    "Et maintenant, quelle est la suite, Fern ?"

    En fait, je voulais demander ce qu'il fallait faire au sujet de notre relation, car je payais la moitié du loyer du dortoir où elle vivait. Je n'y dormais qu'occasionnellement, car c'était loin de ma station. Je quittais le travail à 21 heures et je commençais à conduire tôt le matin, c'était un gros problème de rester avec elle tous les soirs et aussi de faire la navette pour aller au travail.

    "Je...je suis désolée. Je ne le voulais pas."

    Elle ne répondait pas à ma question. Je voulais savoir quoi faire ensuite. Je ne voulais pas d'excuses.

    "Assez de ces stupides excuses, Fern. Tu l'as déjà dit. Je veux savoir ce que tu veux faire ensuite."

    "Tu me laisses décider, Mork ?" Demanda-t-elle et je hochai la tête.

    "Est-ce que je peux le choisir ?"

    Et c'est le choix qu'elle a fait.

    J’ai hoché encore de la tête.

    J’ai laissé la clé de la chambre là.

    Et suis parti sans me retourner.

    Je veux dire que je suis parti pour notre appartement et que je me suis éloigné de la relation qui existait entre Fern et moi. Nous avons commencé notre vie à Bangkok ensemble, mais à partir de ce moment, je n'avais plus que moi dans une si grande ville. La prochaine chose à laquelle je devais penser était de savoir quoi faire de ma vie. Comme elle avait déjà choisi, j'ai dû choisir mon propre chemin également.

    C'est à cause de Fern que j'ai déménagé dans la métropole. Mais maintenant, cette raison m'a abandonné. Dois-je retourner à Chumphon ? J'avais quelques économies, qui devraient être suffisantes pour un investissement si je voulais ouvrir un magasin...

    Mais en même temps, je n'ai pas voulu renoncer à la possibilité de travailler à Bangkok. Conduire un moto-taxi peut être épuisant, mais il me permettait de gagner un revenu décent. Il n'était pas facile non plus d'obtenir une place dans une station. De plus, si je restais à Bangkok, je pouvais gagner de l'argent pour subvenir aux besoins de mes parents.

    À ce moment-là, je n'arrivais pas du tout à me décider.

    Mais je savais que je devais d'abord rentrer chez moi, quoi qu'il arrive.

    Quand votre cœur perd son chemin, vous devriez au moins ramener votre corps à l'endroit où le cœur se sent chez lui.

    "Reste ici, gamin."

    Mon Loong a pris une décision pour moi quand j'ai fini de lui raconter toute l'histoire. Je n'avais pas prévu de la partager avec qui que ce soit. Mais mon long visage devait être si évident qu'il a dû me traîner à l'écart pour une discussion, avec une canette de bière pour chacun d'entre nous et une portion de Yum provenant de sardines en boîte qu'Ar nous avait préparées. J'ai raconté à Loong et à Ar ce qui s'est passé aujourd'hui. Je n'ai pas pleuré quand j'ai raconté mon histoire, même si une partie de moi pensait que je me sentirais mieux si je pleurais. C'était étrange. J'avais beau me forcer à le faire, aucune larme ne tombait.

    "Je peux ?” ai-je demandé.

    "Putain, oui. Il n'y a que lui et moi ici. On n'a pas d'enfants. Tu restes ici et tu continues à conduire le moto-taxi. Aide-nous à surveiller le magasin et donne-nous un coup de main quand tu es libre. Ma maison a beaucoup d'espace de toute façon. Ou si tu veux arrêter de conduire pour travailler, tu peux peut-être travailler ici à plein temps."

    Je me suis assis en silence. Ce qu'il a dit avait l'air bien, mais...

    "Que feras-tu quand tu rentreras chez toi ?" demanda Ar cette fois.

    "Je ne sais pas encore. Peut-être que je vais devenir commerçant. J'ai des économies."

    " As-tu envisagé de poursuivre tes études ? "

    "J'ai arrêté depuis que j'ai déménagé à Bangkok. Ça fait quatre ans. Si je retourne aux études. Je devrai m'asseoir parmi les jeunes."

    "Je ne t'ai pas demandé depuis combien de temps tu as abandonné tes études ni comment tu te sentirais si tu partageais la salle de classe avec des jeunes. Je veux savoir si tu as déjà envisagé cette possibilité. Veux-tu retourner à l'université ?

    Je suis resté silencieux... Oh, d'accord, ouais.

    Ces quatre dernières années, je n'avais pensé qu'à Fern et moi.

    Je n'avais jamais pensé à moi. Pas même une fois.

    "Peut-être. Je n'en suis pas sûr. Je n'arrive pas à penser correctement. J'ai le cerveau embrouillé.”

    J’ai pris une autre gorgée de ma bière.

    "Si tu n'as pas les idées claires, ne prends pas encore de décision."

    Ar m’a donné une grosse tape sur l'épaule.

    "Va te laver. Ou tu veux manger autre chose ? Dois-je réchauffer du ragoût aux épices douces ?"

    J’ai secoué la tête. Les sardines en conserve que j'avais eu auparavant, ajoutées à la chaleur que j’ai ressenti dans mon cœur quand j’ai raconté mon histoire, me donnaient l'impression d'être plein et suffisamment rassasié.

    Je me suis levé et j’ai quitté le balcon pour me déshabiller et me préparer à me laver, en enroulant un pagne thaïlandais autour de ma taille et en jetant une petite serviette sur une de mes épaules. Sur le chemin, je suis passé devant un bureau dans ma chambre. Un cadre avec une photo de Fern et moi était dessus.

    Je l’ai posé face contre le bureau.

    Je devrais trouver une nouvelle photo pour la remplacer.

    Peut-être une photo prise avec maman... ou avec Loong et Ar.

    Je n'étais pas sûr que c'était parce que j'étais plein, ou parce que j'étais ivre à cause de la bière, ou parce qu'il pleuvait et qu'il faisait assez frais, mais j'ai dormi comme une bûche cette nuit-là. Pas du tout comme un homme au cœur brisé.

    Je me suis de nouveau réveillé le matin quand mon réveil a sonné après sa troisième sonnerie. Je me suis assoupi et j'ai commencé à paniquer. Je me suis lavé en vitesse, enfilé mes vêtements et mon casque, puis j'ai quitté la maison pour aller travailler sur ma moto. Heureusement, je n'étais pas en retard. Je suis arrivé juste à temps pour le contrôle avec le patron.

    Après avoir déposé une dizaine de passagers le matin, j'ai soudain réalisé que je venais au travail par pure habitude. Hier soir, j'étais encore incertain de ma vie, débattant entre retourner à Chumphon et rester ici à Bangkok. Il s'est avéré que mon habitude avait déjà pris la décision pour moi le matin... oh, attendez, en fin de matinée, pour être exact.

    "Hé mec, je veux aller à l'immeuble de bureaux XX."

    Un nouveau passager s'est approché de moi.

    "Vingt bahts, monsieur."

    J'ai donné le prix, et il a hoché la tête.

    J'ai regardé mon propre reflet dans le rétroviseur  pendant que je démarrais mon moteur.

    Ce n'est pas comme si je m'étais souri à moi-même, je pense. Mais je pouvais sentir une traction vers le haut à un coin de ma bouche.

    Bonjour, nouveau moi.

    Et nouvelles résolutions, dans la même vieille métropole.

    Puis, je suis parti pour emmener mon passager à sa destination.

    Plus d'un an s'est écoulé depuis ce matin-là. J'ai traversé une période douloureuse sans éprouver le moindre mal. J'ai survécu. J'ai appris que Fern était tombée enceinte de ce type, mais ils ne se sont pas mariés. Je ne sais même pas ce qu'elle a fait du bébé, si elle a gardé l'enfant ou si elle a avorté. Je ne suis pas du genre à regarder en arrière une fois que je suis parti. Non pas qu'elle ne me manque pas ou que je sois sans cœur, mais j'ai l'impression que si je suis toujours présent dans sa vie, ce ne sera bon pour personne, ni pour moi, ni pour elle, ni pour la personne qu'elle a choisie.

    Nous nous occupons de nos affaires, chacun pour soi. Quelque chose comme ça.

    J'ai un travail qui me permet de gagner ma vie.

    J'ai une bonne famille.

    Quant à un nouvel amour, je n'y ai pas encore pensé.

    "Hum... Je veux aller à la résidence Baan Klang Soi, s'il vous plaît."

    Pendant que mes pensées vagabondent dans les souvenirs, la petite voix de ce passager me ramène à la réalité à laquelle je fais face.

    "Euh... 30 bahts, monsieur."

    Je réponds automatiquement et il hoche la tête.

    "Hé, je peux avoir un casque, s'il vous plaît ?"

    Il me montre le casque de sécurité supplémentaire que je garde pour mon passager.

    “.....” Je le fixe en silence.

    "Puis-je utiliser ce casque ? ...ou je ne peux pas ?"

    Il fronce les sourcils avec interrogation. Je souris et je secoue la tête en le lui remettant.

    "Oh bien sûr. Vous pouvez l'utiliser. Il est fait pour mon passager. J'étais juste surpris."

    Il prend le casque, le boucle et ajuste la tension de la sangle. Oh wow... De nombreux passagers ont accepté de porter mon casque, mais je n'ai jamais vu personne l'enfiler avec autant de soin et de méthode que cet homme.

    "Pourquoi êtes-vous surpris ?" Demande-t-il.

    "Parce que les passagers ne demandent généralement pas de casque. La plupart du temps, je dois les supplier et les pousser à le porter."

    "Oh, pourquoi... C'est ma propre sécurité, je le dois. Et j'ai peur. En particulier parce que je n'ai jamais fait de moto avant."

    Je suis sur le point d'appuyer sur la pédale pour démarrer mon moteur quand j'entends son "jamais monté à moto" et ça me fait arrêter mon pied dans le vide. Je me retourne pour regarder à nouveau ce passager.

    "Monsieur, avez-vous dit que vous n'aviez jamais fait de moto ?"

    Il hoche la tête en réponse.

    "Alors je suis votre premier chauffeur de moto-taxi, de votre vie ?"

    Il hoche à nouveau la tête.

    "Laissez-moi reformuler, c'est la première fois que vous êtes passager d'une moto ?"

    Il acquiesce à nouveau, ce qui fait que le casque sur sa tête semble un peu branlant et je dois réprimer un gloussement.

    “D'accord. Que pensez-vous de ça ?" Je descends la béquille latérale et je gare ma moto. "Je vais vous expliquer les choses d'abord, pour que vous n'ayez pas aussi peur. C'est bon ?"

    Il secoue la tête et le casque vacille à nouveau. Cette fois-ci, c'est encore plus drôle qu'avant, je suis à deux doigts de devoir me pincer pour étouffer mon rire.

    "Là, ce sont les repose-pieds. Quand vous monterez, posez un pied sur chacun d'eux. Compris ?" Je montre les repose-pieds au passager. Il les regarde et hoche la tête.

    "Et ici," je pointe la barre d'appui arrière, "se trouve une poignée pour le passager du siège arrière, tenez-la pour vous sécuriser."

    Il hoche la tête. "Et mon autre main ?"

    "Euh... Quoi ?" Je suis confus. Quelle autre main ? Et quoi ?

    "Eh bien, une main sur la poignée, alors que faire de mon autre main ? Où est-ce que je la mets ? A quoi je dois me tenir ?" Il demande sérieusement. Ohhh, zut ! Vous vous moquez de moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ce passager ?

    "L'autre main... Vous pouvez peut-être la poser sur votre cuisse."

    Je lui donne une réponse au hasard. Qui diable sait où mettre cette main ? C'est ta main, décide par toi-même, mec.

    "Mais c'est défier les lois de la physique. Comment je peux garder mon équilibre comme ça ?"

    Il argumente, en fronçant les sourcils. C'est quoi ces conneries sur la physique... Je ne comprends pas, alors je fronce les sourcils en guise de réponse.

    "Oh, si je suis assis là, quand vous utiliserez les freins, je serai projeté vers l'avant et je pourrai agripper et tenir la poignée arrière pour garder mon corps en équilibre, n'est-ce pas ? Mais quand vous démarrerez ou accélérerez, je serai plutôt projeté en arrière. La main derrière moi ne m'aidera plus. Mon autre main doit s'accrocher à quelque chose à l'avant pour que je ne tombe pas en arrière."

    Le passager s'explique avec tant de détails. Je ne l'ai plus suivi depuis le "jeté en avant". Alors ne parlons même pas du "jeté en arrière". Je suis complètement perdu. Au diable la physique ! Mon programme de formation ne comprenait pas cette matière.

    "Alors, vous voulez dire que vous voulez quelque chose à l'avant pour vous accrocher ?"

    J'essaie de résumer le point clé. Heureusement, j'ai entendu la dernière partie de son discours.

    Il fait un signe de tête.

    "Je peux m'accrocher à votre taille ?"

    "Ma taille ? Certainement pas, je suis chatouilleux. Si vous vous accrochez à ma taille, vous ne tomberez pas en arrière, mais toute la moto et tout le monde va tomber dès le départ. Je suis sacrément chatouilleux !" Non. Je ne peux pas le laisser s'accrocher à ma taille. Je n'ai jamais autorisé même ces jolies passagères, ou mon ex-copine, à faire ça. Je suis vraiment chatouilleux.

    Il se renfrogne. Ses sourcils déjà froncés se creusent encore plus profondément. Oh wow, incroyable. Je ne savais pas qu'une personne pouvait froncer autant les sourcils.

    "Hum... Voyons voir. Et si vous vous accrochiez à mon épaule ?"

    J'essaie de négocier mais ses sourcils sont toujours froncés.

    "Ce n'est pas assez sûr, je pense."

    Commente-t-il. Je commence à compter de un à dix. Doucement, Mork, c'est ton passager.

    "Ah, essayez ça, alors. Montez maintenant."

    Je retourne à ma moto et je la chevauche, en poussant la béquille latérale en position haute. Il monte lentement sur le siège. J'attrape sa main droite avec la mienne, en guidant son bras vers l'avant jusqu'à mon flanc, juste sous l'aisselle, et je bloque sa main sur mon épaule.

    "Est-ce que c'est assez bien ? Cette pose est solide et sûre, je vous le promets."

    Je penche la tête pour demander tout en supprimant tout soupçon de sarcasme qui pourrait s'infiltrer dans mon ton... Et mince, c'est vraiment difficile.

    "Mais maintenant si je tombe en arrière, vous tomberez en arrière avec moi, selon les lois de la physique."

    Il continue à faire des histoires. Au diable les règles de la physique ! S'il pose plus de questions, je commencerai à l'appeler "George le curieux". Quel type pointilleux ! Ce n'est que le fait de monter sur une moto, et pourtant ses questions sans fin me donnent l'impression que nous récitons l'ensemble du chant d'ordination. Grrrr !

    "Allez, faites-moi confiance. Je suis assez fort pour vous empêcher de tomber. Une fois que vous êtes sur ma moto, votre sécurité est ma responsabilité. Faites-moi confiance." Je démarre le moteur et je me prépare à emmener le passager à sa destination. Je devrais me dépêcher et en finir avec ça. Éloignons-nous de ce monstre de physique.

    En y repensant, je ne l'ai jamais vu avant.

    Alors, j'espère ne le rencontrer que cette fois-ci.

    Oh... Je devrais doublement contrôler, afin de pouvoir l'éviter au cas où nous nous rencontrerions à nouveau.

    "Bref, vous venez d'emménager dans la résidence Baan Klang Soi, monsieur ?"

    Je lui demande avant de commencer à rouler.

    "Pourquoi vous me demandez ça ?"

    Vous vous moquez de moi ? Grrrr ! Pourquoi répond-il à ma question par une question ?

    "Parce que je conduis ici depuis plusieurs années et que j'ai rencontré beaucoup de passagers qui allaient dans cet immeuble, mais vous êtes un nouveau visage, donc vous ne devez avoir emménagé que récemment."

    "Oh, hahaha ! Je n'ai pas emménagé. Je rends juste visite à mon rencard qui vit ici."

    "Oh...je vois. Ok, accrochez-vous bien. On y va.

    Voir sa petite amie, je comprends maintenant. Hah ! A ce rythme, ils vont bientôt se séparer. Il est capricieux. Aucune fille ne peut tolérer un type aussi capricieux. Et c'est mon expérience qui me le dit.

    “Allez-y doucement, s'il vous plaît. Je ne veux pas tomber."

    "Oui, monsieuuuur."

    Quand je me gare devant la copropriété, sa main est toujours accrochée à mon épaule. Il attend que j'arrête le moteur avant de lâcher prise et de descendre lentement du siège arrière.  Ensuite, il enlève le casque et me le rend.

    "Trente bahts, s'il vous plaît." Je lui prends le casque.

    "Merci." Il me donne un billet de 20 bahts et une pièce de 10 bahts.

    "Merci, monsieur." Je redémarre le moteur et me prépare à partir, et c'est là que j'entends une conversation derrière moi.

    "Tawan, tu as mis si longtemps que j'ai cru que tu étais perdu."

    "Aww, chéri, c'est impossible de me perdre ici."

    Je ne veux pas être indiscret, mais ma tête tourne automatiquement. La personne qui attendait ce passager devant la résidence... est un homme.

    Genre, whoa !...Son rencard est un mec.



  • Commentaires

    2
    Dimanche 30 Janvier 2022 à 10:08

    Merci  beaucoup 

    1
    Vendredi 10 Décembre 2021 à 20:53

    Merci pour ce 2ème chapitre ;) J'ai hâte de voir comment vont évoluer les relations!! 

    Bises <3

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