• Chapitre 2

    Chapitre 2

    La circulation intense de la capitale fait qu'il me faut un petit moment pour atteindre le centre commercial qui renferme le cinéma. Il me faut un instant supplémentaire pour enfin arriver dans le hall où se trouve les nombreuses salles sombres. Et maintenant ? Je regarde autour de moi, mais c'est la fin de matinée alors il n'y a pas grand monde. 

    Est-ce que je devrais l'appeler ? C'est au moment où je me pose la question qu'une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et mon rythme cardiaque s'emballe. Il est là avec moi et… j'ai du mal à cacher ma déception quand je me retourne et tombe sur Bass avec qui je suis devenu très ami au fil des années.

    — PP ! Tu es enfin là.

    — Bass ! Qu'est-ce qui se passe ?

    Il se mord la lèvre inférieure en se balançant de gauche à droite, les bras derrière le dos. Je comprends qu’il est au courant de tout, mais qu’il est bien décidé à ne rien me dire. J’hésite un instant à insister un peu. C’est qu’avec le temps, j’ai appris à le faire parler. Au final, je décide de ne pas le faire, Billkin semble s’être donné du mal pour organiser tout ça et je veux me laisser porter par son cadeau. Dire qu’il y a près de deux heures, j’étais en train de déprimer dans mon salon et là, il me fait courir à travers toute la ville.

    — Je dois juste t’emmener chercher un seau de pop-corn et t’escorter jusqu’à ta salle. Sinon c’est motus et bouche cousue mon ami.

    Je fais un petit Mmh pour lui montrer mon accord et son sourire s'agrandit. Il me saisit le bras et me fait presque courir jusqu’au comptoir, ça change vraiment de mon premier rendez-vous avec Billkin.

     

    On se connait depuis plusieurs semaines maintenant, on se connait vraiment très bien et on passe la majorité de notre temps ensemble. Pourtant, quand il m’a invité à venir voir ce film, c’était différent, et je sens, à la tension qu’il y a entre nous depuis que l’on est monté dans le sky train, que cette sortie risque de changer les choses entre nous.

    On descend à notre station, qui est bondée à cette heure de la journée, les gens se pressent dans l’idée de rentrer chez eux. On croise de nombreux lycéens qui se rendent à leur cours particulier. C’est difficile de suivre Billkin dans la foule et notre sortie aurait pu se terminer comme ça, par moi perdant sa trace, s’il ne m’avait pas saisi le poignet pour être sûr que je le suive. 

    — Fais attention.

    Il se retourne tout en parlant, me faisant un petit sourire en coin, révélant ses fossettes adorables, qui me font craquer à chaque fois.

    — Je te suis.

    Sa main glisse et saisit la mienne, je sens mes joues chauffer, mais je ne le lâche pas. Il nous guide rapidement vers l’extérieur de la station et je suis déçu quand il lâche ma main presque aussitôt une fois loin de la foule. Je soupire et saisis ma main avec l’autre, savourant les résidus de chaleur qui y résident encore.

    C’est étrange ce silence entre nous, habituellement, on discute facilement de tout et rien, mais là, je ne trouve rien. En fait, je suis bien trop concentré sur la façon dont on cherche le contact de l’autre en permanence. Ma main qui effleure la sienne, lui m’attrapant par la taille et m’attirant vers lui pour laisser passer un vélo, nos regards qui se croisent en permanence. Mon cœur accélère à chaque fois, j’ai l’impression qu’il va exploser avant la fin de la journée.

    On entre enfin dans le multiplex, de nombreux films sont à l’affiche et de nombreux étudiants se trouvent autour de nous. 

    — Tu veux voir un film en particulier ?

    Mince, je ne pensais pas qu’il me demanderait mon avis, je me gratte un peu la tête nerveusement. Je ne pensais pas avoir à me livrer sur ça, mais après tout, on est assez proche l’un de l’autre, alors il ne va pas me regarder bizarrement non ?

    — Je ne regarde presque jamais de film et je ne suis quasiment jamais allé au cinéma.

    Je n’arrive pas à le regarder dans les yeux en lui avouant ça, je sais que ce n’est pas grave, en soi, on n’est pas obligé d’aimer ça. Le problème, c’est que j’aime bien voir des films, mais le faire seul, je trouve ça ennuyeux. Je n’aime pas vraiment en parler, parce que forcément, je dois ensuite expliquer que je n’ai pas réellement d’ami, que je suis souvent seul et ce n’est pas très agréable à faire. 

    Son doigt se pose sur mon menton, ma respiration se coupe, car il est très proche de moi à cet instant. Je déglutis difficilement, je dois me rappeler que l’on est au milieu du hall du cinéma, je ne peux pas l’embrasser, même si tout mon être le désire fortement. 

    — Mais tu as envie d’y aller avec moi ?

    Je déglutis difficilement, je dois me calmer, je ne dois pas y voir de double sens. J’expire lentement, en espérant réussir à lui répondre d’une voix normale. 

    — Ou… oui… mais je ne sais pas quoi aller voir.

    Son sourire me fait fondre alors que sa main se pose sur ma tête et qu’il m’ébourrife les cheveux. Est-ce qu’il se rend compte de combien ce genre de geste me fait fondre pour lui ? Je ne sais pas s’il aime les femmes ou les hommes, bizarrement on a toujours évité ce sujet. Comme si on avait peur que la réponse ne nous convienne pas.

    — Alors je choisis pour cette fois, mais la prochaine, ce sera ton tour, d’accord ?

    Je me contente de hocher la tête et je le suis en jouant nerveusement avec mes doigts. Billkin m’attire depuis que j’ai croisé son regard, mais au fil du temps, ce qui n’était que de l’attirance s’est transformé en sentiment bien plus fort, plus profond. 

    Je reste plongé dans mes pensées tout le temps où il prend les places et achète du popcorn et des boissons pour nous. Moi, je tente de découvrir si je dois trouver le courage de lui parler, de lui dire. Seulement, j’ai peur, il est aussi et surtout mon premier ami, je ne veux pas risquer de le perdre, je suis déjà bien trop habitué à l’avoir dans ma vie. 

    — PP ? Ça va ? demande-t-il, sa main se pose sur mon épaule et je sursaute en revenant à la réalité, il me regarde en fronçant les sourcils. Je t'ai appelé plusieurs fois, mais tu n'as pas réagi et tu as l'air… triste.

    Je regarde brusquement autour de nous, surpris. On est toujours au milieu du hall, sa main n'a pas bougé de mon épaule pendant que son autre main maintient les snacks pour le film dans un équilibre précaire.

    — Oui désolé,  je me suis perdu dans mes pensées.

    Je lui fais un grand sourire, prenant le temps d'apprécier sa main qui serre en douceur mon épaule. Il me scrute un instant avant de soupirer.

    — OK, allons-y.

    Il passe devant et je soupire longuement pour me reprendre et s’il comprend ce à quoi je pense, il ne dit rien. Je suis terrifié à l’idée de le perdre, je dois oublier ce sentiment qui me prend à la gorge à chaque fois qu’il sourit, qu’il me regarde ou effleure simplement ma peau. Est-ce que j’en serais capable ? Je l’espère vraiment en tout cas, sinon, je n’aurai pas le choix, je devrai mettre de la distance entre nous.

    C’est encore pire que ce que je pensais, on est assis tous les deux dans le fond de la salle. Il n’y a presque personne dans la salle et être plongé dans la pénombre exacerbe les sensations. Je suis bien trop concentré sur son genoux qui est collé au mien pour suivre le film. Il est bien plus agréable d’observer son profil juste éclairé par l’écran, de voir les expressions de son visage selon comme il interprète le film et ses fossettes encore qui me donnent des papillons dans l’estomac.

    Régulièrement, il tourne la tête vers moi, parfois j’arrive à me détourner avant qu’il ne me voit le dévorer du regard. Malheureusement, le plus souvent, il me prend la main dans le sac et reste un instant à m’observer, songeur, avant de reporter son attention sur l’écran. A chaque fois, mon souffle se coupe, m’attendant à des remontrances, puis j’expire de soulagement quand il garde le silence. 

    Je reporte un instant mon attention sur l’écran, je n’arrive pas à comprendre ce qui s’y passe, je ne connais même pas le titre du film. J’essaie de ne pas tourner les yeux vers lui malgré la tentation et j’y arrive jusqu’à ce qu’un chatouillement couvre mon bras de chair de poule. En baissant les yeux, je découvre les doigts de Billkin caressant lentement la peau de mon avant bras. 

    J’avale ma salive avec difficulté et manque de m’étrangler quand, en levant les yeux, je croise son regard. Il me fixe intensément et j’ai l’impression de me liquéfier. 

    — T...to… tout va bien ? bégayé-je timidement alors qu’il se contente de hocher la tête et ses doigts remontent doucement. 

    Ma respiration s'accélère et le monde s’efface, il n’y a plus que lui et moi. 

    — Billkin ?

    Je souffle son prénom quand ses doigts arrivent à mon cou, c’est un toucher léger et doux, mais qui fait naître une tension en moi que j’ai du mal à gérer.

    — Je n’ai jamais pensé être attiré par un homme un jour.

    Mon esprit se vide, est-ce que j’ai bien compris ce qu’il vient de dire ? Ses doigts suivent le tracé de ma mâchoire, il semble rêvasser alors que moi, je suis en train de vivre un véritable supplice. 

    — Pourtant, depuis que je t’ai rencontré, je n’arrive pas à penser à autre chose que toi.

    Toujours avec lenteur, totalement concentré sur ce qu’il fait, il découvre la courbe de mes lèvres et un long frisson me saisit, plus encore quand il me regarde droit dans les yeux. 

    — Dis-moi que je ne suis pas le seul à ressentir ça.

    Sa voix n’est qu’un murmure, mais je l’entends parfaitement et mon cœur loupe plusieurs battement avant de repartir à un rythme soutenu. Il ressent la même chose que moi, il est troublé par moi, et sans réfléchir j’embrasse ses doigts qui continuent de caresser mes lèvres. Son regard se trouble un instant avant qu’il ne laisse un petit sourire naître sur son visage. 

    — Je le ressens aussi, mais j’avais peur que tu t’éloignes si je t’en parlais.

    Pouvoir lui dire honnêtement ce que j’ai sur le cœur allège ma poitrine d’un poids et je me sens comme si je pouvais déplacer des montagnes.  Ses doigts quittent mes lèvres et je voudrais les retenir, mais il continue ses caresses légères sur ma peau jusqu’à s’accrocher à ma nuque. 

    — Je ne veux pas m’éloigner de toi… au contraire, je veux toujours être près de toi.

    Sa prise sur moi se fait plus ferme, ma langue passe rapidement sur mes lèvres sèches et son regard s’enflamme l’espace d’un instant. 

    — PP, je peux t’embrasser ?

    J’ai la gorge nouée, alors tout ce que je peux faire c’est hocher la tête un peu trop vigoureusement peut-être, mais je veux moi aussi ce baiser.

    — O… Ok…

    C’est un murmure que j’entends à peine avant qu’il ne s’approche de moi, nos fronts se collent et je ferme les yeux, savourant la sensation de son souffle s’écrasant contre mes lèvres. Ma main se pose sur son épaule et enfin nos bouches se rencontrent pour la première fois, c’est un feu d’artifice dans ma tête et une fanfare dans mon cœur alors que délicatement, elles bougent l’une contre l’autre. C’est doux, léger et addictif, je veux l’embrasser encore par la suite, je ne veux pas que mon premier baiser soit juste un essai timide.

    Il s’éloigne quelques secondes pour prendre une grande inspiration, puis revient tout de suite à l’assaut de mes lèvres, le baiser est moins sage, sa langue apparaît et c’est timidement que j’entrouvre la bouche, l’invitant à m’offrir un vrai baiser qui me retourne complètement. On n’arrive pas à se détacher l’un de l’autre, dès que l’on s’éloigne, c’est comme si un aimant nous ramenait pour nous retrouver à chaque fois.

    Perdu dans notre bulle, on s’embrasse sans s’arrêter, presque sans respirer et sans voir le temps passer. C’est la lumière qui s'allume brusquement qui nous ramène à la réalité. On s’éloigne à regret l’un de l’autre et je me retrouve à rougir quand je vois ses lèvres humides et rougies par nos baisers. Les gens quittent la salle, certains nous jettent un petit coup d'œil, mais aucun de nous deux ne s’en préoccupe. On est encore perdu dans le regard de l’autre, on se sourit presque timidement et la réalité revient petit à petit. On a passé la moitié du film à s’embrasser, mais est-ce que c’était juste de la curiosité ou….

    — PP, tu veux bien sortir avec moi ?

    Mon cœur bondit, mon sourire s’agrandit et j'ai envie de rire tant le soulagement est intense.

    — Oui.

    Je ne lui laisse pas le temps de se poser de questions, je réponds tout de suite en hochant vivement la tête. Oui, je veux sortir avec lui, je veux apprendre à le connaître, je veux réussir un jour à mettre un mot sur ce qu’il me fait ressentir et puis je veux continuer à l’embrasser encore et encore. 

     

    J’ai du mal à croire que cette scène s'est passée dans cette salle six ans plus tôt, parfois j’ai l’impression que c’est hier que ça s’est passé. Me retrouver assis à la même place, seul, à regarder le même film est un peu étrange, mais une fois encore, je ne vois pas vraiment le film, complètement pris par mes souvenirs. Le générique défile lentement sous mes yeux, je laisse la nostalgie m’étreindre et je me demande si je dois sortir ou bien attendre que Bass, qui m’a laissé seul, revienne.

    “Bonjour mon coeur.”

    Je tressaille et me tourne vers l’écran géant où Billkin vient d'apparaître. Il est magnifique, un petit sourire en coin, ses yeux pétillants, mon amour pour lui semble se décupler alors que j’ai l’impression qu’il me regarde droit dans les yeux. 

    “J’espère que tu as aimé le film et que cette fois, tu auras pu le regarder.”

    Je ne peux pas m’empêcher de pouffer, parce que non, même aujourd’hui, je serais incapable de dire de quoi parle le film. 

    “J’étais tellement nerveux ce jour-là, tu étais tellement craquant aussi et je suis l’homme le plus heureux que tu ne m’aies pas repoussé. Notre première année ensemble a été merveilleuse et maintenant j’aimerais que tu te rendes là où je t’ai offert mon premier cadeau. Tu te rappelles ?

    Instinctivement ma main se porte à mon doigt entouré d’une bague, je la fais lentement tourner alors que je dévore mon petit ami des yeux. 

    “Je voudrais être près de toi, mais promis, très bientôt, je te rejoindrai, sois patient.”

    Il m’envoie un baiser et l’écran s'éteint. Je ne peux pas m’empêcher de soupirer car maintenant, il me manque encore plus qu’avant. Je ne comprends toujours pas ce qu’il est en train de faire, mais je sais exactement où il veut me mener. Je me lève alors avec un petit sourire aux coins des lèvres, je jette rapidement le pop-corn que je n’ai pas terminé et sort de la salle où Bass m'attend patiemment. 

    — Alors, le film était bien ?

    Je lève les yeux au ciel en voyant son petit sourire sûr et fier de lui. Il est parfaitement au courant de ce qui se passe, mais me voir patauger comme ça lui plait beaucoup trop.

    — Je sais très bien que tu es au courant. dis-je vivement et comme pour me le confirmer, il éclate de rire en me tapant l’épaule avant de commencer à marcher, me forçant à courir à moitié pour le rattraper. Bass, je suis ton ami, tu devrais me dire ce qui se passe.

    — Justement PP, tu es mon ami, alors je resterai aussi silencieux qu’une tombe.

    Je soupire fortement pour être sûr qu’il m’entende, mais ça le fait plus rire qu’autre chose. Je n’insiste pas, car je sais qu’il ne dira rien, son air est déterminé et je vais juste devoir me laisser porter par le courant. 

    — Tu sais où tu dois aller ?

    — Bien sûr. Là où il m’a offert son premier cadeau, c’est aussi le jour où j’ai annoncé à ma famille que je sortais avec lui.

    Lui aussi doit très bien s’en souvenir finalement. Quand j’avais décidé d'annoncer à ma famille que j’aimais un homme, j’avais été intenable pendant des semaines. Je ne voulais pas inquiéter Billkin à l’époque, alors c’est Bass qui avait subi mes heures et mes heures d’angoisse et de doutes. Il éclate de rire à nouveau alors que l’on sort du cinéma, puis tranquillement, de l’immense centre commercial. 

    — Tu veux venir avec moi, ça ferait plaisir à ma mère de te voir.

    Il réfléchit un instant, comme si l’idée le tentait bien, avant de secouer rapidement la tête.

    — Ma mission s’arrête là pour aujourd’hui et puis je dois aller retrouver ma personne spéciale.

    Sa personne spéciale ? Je le regarde sans comprendre. La dernière fois que l’on a parlé, il ne m’a parlé de personne pourtant et il se disait totalement célibataire. Qu’est ce qui a pu changer en l’espace de quelques jours.

    — Je te la présenterai bientôt, ne t’inquiète pas. Allez file, tu as à faire.

    — Attends ! Quelle personne spéciale ?

    J’ai beau lui poser la question, il se contente de s’éloigner en souriant et en me faisant un large signe de la main. Mais qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Pourquoi est-ce qu’ils font tous autant de mystère ? Je reste un moment à le regarder s’éloigner avant de me décider à rejoindre le prochain souvenir qui a marqué notre histoire.

     



  • Commentaires

    4
    Samedi 4 Décembre 2021 à 23:18

    coucou oh j'ai adoré, merci beaucoup et j'étais sur qu'il allait l'emmener vers les endroits qui comptent pour eux;.....je maintien ma première idée ça se terminera avec une demande en mariage....

     

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    3
    Vendredi 3 Décembre 2021 à 12:20

    Je fooooooonds, c'est toujours aussi mignon ^^. J'aime bcp la structure que tu as donnée à tes chapitres, c'est top ce mélange présent/passé, et c'est très bien écrit cool

    Bisous <3

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