• Chapitre 19

    Chapitre 19

    Quand je me réveille le lendemain matin...

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    J'ai envie de pleurer...

    Je suis content que personne ne m'ait demandé si j'avais sorti ce cou de dinde parce qu'on aurait dit que j'avais un double menton. Pour l'amour de Dieu, je venais de manger un hot pot et la nourriture était montée dans ma gorge. Je dirige ma colère vers Mork et lui seul. Il a choisi la photo où il a l'air beau et je ressemble à un ogre.

    Attendez ! Peut-être que j'ai l'air horrible sur chacune d'entre elles ?

    — Qu'est-ce qui ne va pas, Pi ? Tu ressembles à un chien qui mange son propre vomi.

    Yep, c'est Pae avec ses nouvelles insultes.

    — Est-ce que je ressemble vraiment à ça ?

    — Argh, je me sens mal pour le chien d'être comparé à toi.

    Il pourrait juste me casser les dents et ça ferait moins mal que ça.

    — D'accord, j'arrête de t'embêter. Prévois du temps jeudi prochain. Je t'emmènerai au bar avec ma bande. 

    Mes oreilles se tendent. Est-ce que Pae a des amis ? Mis à part moi, je ne l'ai jamais vu traîner avec quelqu'un. Même les chiens refusent de hurler quand il passe devant eux.

    — Quelle bande ? Tu as des amis ?

    — Hé ! Espèce de connard, bien sûr que j'ai un gang dans ma faculté. Tu me vois souvent seul parce que je suis un introverti.

    Tout cela pour dire que, en conclusion, Pae a des amis.

    — Mais pourquoi je dois y aller ? Vous n'êtes pas tous de la même faculté ?

    — Ils veulent te voir. Je leur ai parlé de mon seul frère si précieux et je souhaitais te les présenter.

    Concentre-toi sur ma bouche. PUTAIN DE MENTEUR !

    Moi ? Le précieux frère de Pae ? On est à deux doigts de se briser le cou à chaque fois qu'on se rencontre. J'ai de la chance que ma tête ait encore la forme d'un humain normal après toutes ces claques. Il me frappe tout le temps.

    — Il y aura beaucoup de monde ?

    — Environ six personnes.

    Ouais, pas autant que les autres gangs. En fin de compte, Pae est toujours Pae.

    — Très bien, alors. Rappelle-le moi plus tard.

    — Je t'appellerai.

    — Tu as de l'argent pour faire ça ?

    — Tu veux un pain pour le déjeuner ?"

    DING !

    Le son de la notification Facebook interrompt notre agréable conversation. Mon cœur bat la chamade quand je vois le nom de Mork. Je peux à peine me contenir, voulant vérifier tout de suite.

    — C'est qui ?

    — Mork.

    — Oh, mon frère biologique.

    J'ai envie de me taper la tête sur la table. C'est n'importe quoi.

    — Comme tu veux.

    — Tu es amoureux ? 

    — Je ne le suis pas. Qui l'est ? Tu dis n'importe quoi.

    J'aimerais que mon expression reflète ce que je dis, mais mon visage montre probablement que je suis un menteur. Pae pince les lèvres si fort que son visage se tord.

     

    Sutthaya Nithikornkul

    Tu es libre ? Retrouvons-nous.

     

    Pourquoi tu ne m'appelles pas si tu veux me voir ? A-t-il peur que je ne décroche pas comme l'autre jour ? Je dois le maudire dans ma tête tout le temps. Il n'est intelligent que pour les trucs inutiles.

     

    Pattawee Panichapun

    Je discute avec Pae.

    S'il y a quelque chose d'urgent, dis-le moi maintenant.

    Je n'ai pas le temps de te voir.

    Sutthaya Nithikornkul

    Je suis occupé demain.

    Pattawee Panichapun

    Et alors ? Tu es obligé de me dire ça ?

    Sutthaya Nithikornkul

    Je serai absent pendant une semaine.

    Un événement académique en dehors de la ville.

     

    Une semaine... Je roule les yeux dans tous les sens, en calculant dans ma tête. Il ne s'agit que de sept jours, cent soixante-huit heures, dix-huit minutes et soixante-quatre mille huit cents secondes. C'est touuuuuuuuut. Ce n'est pas si long. Pourquoi est-ce que je dois le voir ?

     

    Pattawee Panichapun

    Tu es où maintenant ?

     

    Putain ! Je me déteste, merde.

     

    Sutthaya Nithikornkul

    Tu es où ? Je vais te rejoindre.

     

    On échange tellement de questions que l'écran du téléphone manque de se briser à force de taper. J'ai complètement oublié Pae, qui a fini trois assiettes de salade épicée et bu chaque goutte de mon eau. Mork se pointe heureusement dix minutes plus tard.

    — Pourquoi tu me fixes ? Salut, Pae.

    Je déteste son sourire suffisant. Ça me donne envie de lui claquer la bouche.

    — Rien. Ta chemise est trop blanche. Ça me fait mal aux yeux.

    — Je l'ai beaucoup porté alors elle est devenue blanc cassé. Comment ça peut te faire mal aux yeux ?

    Il prend place à côté de moi car mon bel aîné a réservé le siège d'en face pour sa salade de porc haché épicé.

    — La ferme. Qu'est-ce que tu veux me dire ? Je suis là pour écouter.

    — Je n'ai rien à te dire. J'ai dit que je voulais juste te voir.

    — C'est tout ?

    — Oui, je suis déjà heureux.

    — Tu es bizarre.

    — Je veux que tu voies mon visage. Au cas où tu m'oublierais pendant mon absence d'une semaine.

    — Comme si je pouvais oublier un visage comme le tien.

    Il rit. Je ne sais pas où est passé mon agacement quand je vois son visage et entends sa voix. Mais oui, Mork n'est pas si mauvais. Je suppose que c'est bon s'il veut venir jouer dans ma vie, en amenant ses fans et leurs pagaies pour me donner parfois mal à la tête.

    (Rrrr - - Rrrr - -)

    — Pourquoi tu m'appelles, putain ?

    Mes yeux se tournent vers lui. Il tient son téléphone sur son oreille, donc je pense qu'il me joue encore un tour.

    — Ce n'est pas moi. Je parle à mon ami.

    — Oh, qui m'appelle, alors ?

    Je sors mon téléphone de ma poche. Ooh, c'est mon frère.

    Pour faire court, je dois rentrer directement à la maison juste après les cours car nous avons une réunion spéciale. Wan, mon frère aîné, va passer ses jours de congé dans le berceau maternel avant de retourner dans une autre province pour être un médecin ringard. Il faudra des mois avant qu'il puisse revenir.

    C'est rare que notre famille se réunisse. Comme j'ai fini ma journée, je rassemble mes affaires à la hâte.

    — Où tu vas ? demande Mork en fronçant les sourcils.

    — Chez moi. Je dîne avec ma famille.

    — Tu veux que je te dépose ?

    — Non, je vais prendre le Skytrain.

    Duean n'est pas à l'université, donc je dois rentrer chez moi tout seul.

    — Pourquoi te tracasser ? Je peux te ramener chez toi, propose Mork.

    Je pèse les options et décide de mordre à l'hameçon.

    — Très bien, alors.

    Mork s'approche à nouveau de moi. Il me connaît à peine, et voilà qu'il m'attaque en allant rencontrer ma famille. Il pense que je vais lui donner cette chance ? Quand nous arriverons chez moi, je le chasserai très vite.

    Avec cette pensée en tête, je dis au revoir à Pae et monte dans la voiture de Mork. Il me conduit directement chez moi.

    — On est arrivés. Merci beaucoup, marmonné-je en ouvrant la porte de la voiture et en sortant. Pars maintenant.

    — Um.

    — Pi, mon cheriiiii.

    La voix joyeuse appartient définitivement à ma mère. Pourquoi tu sors, ma douce maman ?

    — Oui, maman.

    — Oh, qui c'est ? Ton ami ? demande ma mère, le visage rayonnant. 

    C'est rare que je rentre à la maison avec quelqu'un d'autre que Duean. Vous pouvez deviner à quel point elle est heureuse ? Eh bien, elle a couru pour ouvrir la porte sans chaussures. Avant que je ne m'en aperçoive, elle est sortie... se précipitant ici pour attraper les mains de Mork. Qui est ton fils, maman ?

    — Tu es l'ami de Pi ?

    — Je m'appelle Mork. Ravi de vous rencontrer, la salue-t-il en lui faisant un si beau sourire.

    Il sait même que ma mère aime les gens doux. Elle adore tous ceux qui lui font des câlins et lui disent des choses gentilles.

    — Quel joli nom, et tu es très beau. Gare ta voiture à l'intérieur et dîne avec nous.

    — Hein ?! Ce n'est pas censé être un jour de famille ? Je rechigne.

    — C'est bon si ton ami se joint à nous. Je suis si heureuse que tu te sois fait un ami, Pi. J'ai parlé à mon collègue hier pour savoir quoi faire. J'avais peur que tu sois suicidaire.

    Comment peut-elle avoir cette pensée ? Quelqu'un comme moi n'aurait pas le courage de faire une chose pareille. J'ai peur que le porc ait mal quand je le coupe, sans parler de me faire mal.

    — Tu ne vas pas rester, hein ? J'ai entendu dire que tu avais une course à faire.

     Je lui fais un clin d'œil, lui signalant qu'il doit jouer le jeu.

    — Non, je n'en ai pas. Je peux rester un peu ?

    — Bien sûr, mon chéri. Amène ta voiture à l'intérieur.

    Arrrrrgh, c'est quoi ce bordel ? Il se trouve qu'il est maintenant assis sur le canapé avec ma famille.

    Mon père n'est pas encore rentré. Wan non plus. Il n'y a que ma mère et Duean, qui fixent Mork avec des regards différents. L'un paraît très affectueux tandis que l'autre serre les dents si fort, prêt à attaquer sa proie.

    — Pourquoi tu es chez moi ? dit mon frère qui brise le silence.

    — J'ai raccompagné Pi, et maman m'a invité à dîner.

    — Qui t'a permis d'appeler ma mère 'Maman' ?

    — Duean, comment tu peux parler à l'ami de ton frère comme ça ? Viens là. Aide-moi à laver les légumes. Tu peux le faire, pas vrai ? Ne me force pas à te l'apprendre à nouveau. Je suis toujours ennuyée par le fait que tu n'aies pas eu ton diplôme.

    — Allez, maman. C'était il y a des lustres.

    — Et alors ? Viens là. Dans la cuisine.

    — Ta famille est mignonne. Que fait ta mère ? demande Mork, essayant d'apaiser la tension puisque nous sommes maintenant seuls.

    — Elle est médecin et mon père est infirmier.

    — ... ?

    — Mon père est banquier. Tu ne comprends pas la blague ?

    — Ils se sont rencontrés comment ?

    — Ils étaient amis à l'université. Pourquoi ?

    — Rien. Je veux juste connaître le début de leur amour.

    — Fouineur.

    — Je peux te tenir la main ?

    — Qu'est-ce qui te prend de demander à me tenir la main tout d'un coup ? Ne t'approche pas de moi.

    — Laisse-moi te tenir la main. Je serai absent demain.

    C'est bien joué. Sans hésiter, il prend ma main dans la sienne. Aucun de nous deux ne dit rien. Je le laisse caresser ma main jusqu'à ce que mon épiderme soit sur le point de tomber.

    BAM !

    — Bonjour, amis du monde entier. Aujourd'hui... Je suis de retour à la maison. Mais au lieu de me sentir heureux, mes mains et mes pieds me démangent pour étrangler quelqu'un. Ne pense pas que je suis gentil, au vu de mon beau visage. Quiconque flirte avec mon petit frère sera mis en pièces.

    Un homme fait de longs pas dans la maison.

    Ce visage, ce corps et ces lunettes à monture rose n'appartiennent à personne d'autre que mon frère aîné.

    Nous avons atteint le quorum : Wannawee, Dollawee, et Pattawee.

    — Wan !

    Je m'élance et étreins la grande silhouette de mon frère, même si ses boutons durs me font mal à la poitrine. Il tient une caméra pour tout enregistrer en temps réel.

    — Tu m'as manqué, petit frère, mais s'il te plaît, éloigne-toi. Tu bloques la caméra.

    Wan me repousse sans ménagement et s'avance à grands pas, tournant la caméra vers Mork de manière impitoyable.

    — C'est mon nouvel ennemi. Il tenait ouvertement la main de mon frère. Qui tu es, toi ? Tu veux te battre, en me regardant comme ça ? Tu ne sais pas qui je suis ? Je suis un putain de gangster, compris ? Ha ! Tu m'as compris ?

    — ...

    — Tu sais ce qui est arrivé à mon précédent ennemi ? Il a rampé sur le sol, en me suppliant d'épargner sa vie d'une voix tremblante, alors ne me cherche pas des noises. Si tu es assez intelligent, ne cause pas de problèmes. Sinon, tu n'auras pas la chance de passer ton temps tranquillement au manoir des Panichapun.

    — Wan... Ça suffit, mon chéri. Tu récites les répliques d'un feuilleton ?

    — Allez, maman. C'est juste pour s'amuser.

    Merci, maman, d'avoir mis fin aux conneries de mon frère aîné. Je ne sais pas quel genre d'esprit maléfique a possédé son corps. Il s'en est pris à Mork dès qu'il est arrivé ici. J'ai peur que Mork soit réduit en cendres si Wan et Duean combinent leurs forces.

    — Arrête de t'en prendre à ton frère et garde tes farces. Tu dois être fatigué, alors repose-toi. Et voici Mork, l'ami de Pi.

    — Ami ou petit ami ? Je vous ai vu vous tenir la main.

    — Non, rien de tout ça. On est amis. On est vraiment amis.

    Je bondis et couvre la bouche de Wan avec ma main. Petit ami, mon cul. On n'en est pas encore là.

    — Ok, vous êtes amis. Pourquoi tu t'énerves ?

    Je... Je le suis ?

    — Bonjour, Wan. Je suis ton junior. On est dans la même faculté.

    — Tu me connais ?

    — Oui.

    Pourquoi le monde est-il si petit ? Le hasard est encore plus imprévisible que d'obtenir une quinte flush. Le département de médecine n'est pas grand, et c'est la première année que Wan rembourse ses prêts étudiants. Il n'est pas surprenant que son junior le reconnaisse, lui qui est connu pour son apparence douce et sa bouche aussi mauvaise que celle de Duean.

    — Ne crois pas que je vais y aller doucement avec toi juste parce que tu es mon junior.

    Il pointe le visage de Mork de manière menaçante et jette son sac à dos Pororo sur le sol avant de s'affaler sur le canapé, épuisé. On dirait qu'il est sur le point de s'endormir, probablement fatigué par tout cet enregistrement.

    — Les ingrédients sont prêts. Attendons que papa fasse la cuisine pour nous.

    Ma mère entame une conversation avec tout le monde assis sur le canapé blanc au milieu de la maison. Le seul travail de maman... c'est de préparer les ingrédients. Mon père est le cuisinier. On peut dire qu'il est aussi un excellent homme d'intérieur.

    C'est pourquoi mon père dit toujours qu'il n'aurait pas dû courtiser maman. Mais c'est trop tard. Ils sont restés ensemble jusqu'à ce que leurs enfants soient grands.

    — Très bien, bavardons un peu. Ça fait longtemps que je n'ai pas vu vos visages. Vous m'avez tellement manqué.

    — Tu m'as manqué aussi. Donne-moi de l'argent, maman.

    Duean tend sa main, en remuant ses doigts comme il le fait toujours.

    — Si tu continues à me demander de l'argent, le futur de mon fils est voué à devenir celui d’un extorqueur.

    — Argh...

    — Et toi, Mork ? Qu'est-ce que tu étudies ?

    Hmm ? L'attaque a commencé ? On dirait que tout le monde s'intéresse à Mork : ma mère, Wan, et Duean.

    — La médecine.

    — Pourquoi tu es devenu ami avec Pi ? D'habitude, les gens ne se soucient pas de l'approcher.

    Les mots durs de ma mère me font pleurer.

    — En fait, beaucoup veulent se lier d'amitié avec lui, mais il ferme son cœur, il ne les laisse pas entrer.

    Tu parles des autres ou de toi-même ? Je ne peux que froncer les sourcils en signe de confusion.

    — Que font tes parents ?

    — Mon père est médecin. Ma mère est femme au foyer.

    — C'est merveilleux. Wan et moi sommes aussi médecins.

    — Si j'ai un problème, je peux vous demander conseil ?

    — Bien sûr, mon cher. 

    Mork est doué pour plaire aux adultes. Je suis étonné. 

    — Comme tu es l'ami de Pi, tu veux voir ses photos ? Je vais t'en montrer.

    — Attends une secooonde.

    Elle change de sujet si vite, et le nouveau sujet, c'est moi. Il n'y a pas de temps à perdre. Je me jette en avant et enroule mes bras autour de la taille de ma mère, mais je suis trop lent. Elle a déjà attrapé notre album de famille avec sa main maléfique.

    — Là, c'est lui. Pi avait l'air assez bizarre quand il était petit.

    — ...

    — Juste après sa naissance, j'étais contente qu'un gardien de zoo ne m'ait pas contactée pour emmener Pi au zoo.

    Je n'ai jamais eu autant envie de pleurer de toute ma vie. C'est de ta faute, Maman. Mon look actuel est emporté par mon passé maussade. Ne me demandez pas de quoi j'avais l'air quand j'étais jeune. Je vous ai dit que j'étais tout le temps comparé à mes frères. J'enviais tellement Duean que je voulais utiliser un sort maléfique pour l'enlaidir.

    — Pi était très mignon.

    — Pas vrai ? Il pense qu'il n'est pas mignon, mais c'est faux.

    Tu viens de dire que tu étais contente qu'un gardien de zoo ne m'ait pas emmené. 

    — Et Duean...

    — Non, merci. Je ne suis pas l'ami de Mork. Tu n'as pas à lui montrer des photos de moi, aboie Duean. 

    Il doit avoir peur que Mork voit la photo où il s'est tressé les cheveux pour rivaliser avec une fille d'à côté.

    — Le mec cool c'est Wan. Il a son propre style.

    — Ouaip, quel mec cool. Tu as frappé ton ami au visage parce qu'il avait volé ta casquette militaire. Bruh.

    — J'étais dans ma phase rebelle.

    — Phase rebelle, mon cul. Tu étais en terminale au lycée, alors les grands chiens ne pouvaient pas te lécher le cul.

    — Comment ne le pourraient-ils pas ?

    — ...

    — J'étais assis.

    Je déteste vraiment les chamailleries de Wan et Duean, mais elles font rire Mork. Les rires continuent jusqu'à un peu plus de dix-neuf heures. Papa rentre à la maison et se précipite dans la cuisine. Peu après, une nouvelle conversation commence délicieusement à notre table. Tout le monde s'intéresse particulièrement à Mork, m'ignorant.

    On m’a complètement oublié.

    — Tu es l'ami de Pi ?

    — Oui.

    — Je suis heureux que Pi ait un ami. Je suis si ému que mes larmes sont sur le point de couler.

    Tu es trop dramatique, papa. Il devrait être nommé aux Oscars cette année.

    — Pi est une bonne personne.

    Mork n'arrête pas de me flatter. Je parie qu'il a l'intention de gagner le cœur de ma famille.

    — Mork, j'ai quelque chose à te demander. Tout ce que tu as à faire, c'est de répondre, a coupé Wan. 

    J'abandonne ma nourriture, trop excité de savoir quelle question ma famille va poser.

    Comment ça va, Mork ? Tu dois être mal à l'aise. Tu n'as jamais rencontré une famille avec un tel excès d'énergie, hein ?

    — Tu te trouves beau ?

    — Je ne l'ai jamais pensé.

    Meeeerde, la maison tombe dans le silence, avec le son de l'air conditionné comme musique de fond.

    — T'es riche ?

    — C'est l'argent de mon père, pas le mien.

    — Tu es populaire ?

    — Oui, je le suis.

    — Et donc tu te crois supérieur ? Que tu es parfait et que tout le monde t'envie ?

    — C'est ce que tu penses.

    —  Tu mens. Pourquoi j'ai l'impression que ce que tu dis est faux ?

    — Mes parents m'ont appris à ne pas mentir. Je dis toujours ce que je pense et j'exprime mes sentiments.

    — Si je te frappe, tu me frapperas aussi ?

    — Je le ferai. Je frappe les gens déraisonnables qui le méritent.

    — Tu as une intention en venant ici. Tu veux quelque chose ?

    — Oui, en effet.

    — Puisque tes parents t'ont appris à ne pas mentir, dis-moi ce que tu veux. Je t'écouterai.

    Mork ne regarde pas Wan. Ses yeux papillonnent vers ma mère, qui est assise en face de lui avec une expression indéchiffrable.

    — Je... Je...

    — ...

    — M'dame, j'aime bien votre fils.

    BOOM ! BOOM ! BOOM !

    Voilà les feux d'artifice du Nouvel An, sauf que ça se passe dans ma tête, des milliers de feux d'artifice.

    — Mork…

    Alors que tout le monde est abasourdi, ma mère déglutit difficilement et parle, la voix tremblante.

    — … 

    — Chéri, tu aimes Duean ? 

    C'est quoi ce bordel ?! Ma mère est la pire. Que je sois maudit.

     

    Presque une semaine plus tard.

    Cela fait environ une semaine que Sutthaya est hors de ma vue. Je me sens un peu seul. Il m'envoie parfois des SMS ou m'appelle pour me demander comment je vais, mais cela ne dure pas très longtemps. Je ne sais pas à quel point il doit être occupé. Quoi qu'il en soit, j'ai été un peu surpris de recevoir des collations et des jus de la part de Prik et de ses fans. Ils ont dit que c'est Mork qui leur a demandé de le faire.

    Eh bien, il s'inquiète pour moi même quand il est loin de la ville. C'est son seul point positif. C'est vraiment tout.

    Parce qu'il se comporte comme une vraie ordure sur son profil Facebook.

    Fils de pute, je sais que tu n'as pas de temps pour moi parce que tu es occupé à flirter. Beaucoup de filles et de garçons l'ont tagué sur leurs photos. Je ne suis pas jaloux. C'est juste ennuyeux.

    En plus de ça, ses amis n'arrêtent pas de dire qu'il est célibataire pour donner de l'espoir à tout le monde. Je ne comprends pas pourquoi je suis contrarié alors qu'ils ne font que dire la vérité.

    Il devient plus populaire maintenant que les gens savent qu'il est célibataire. De nombreux nouveaux visages flirtent avec lui sur son profil. Il doit y en avoir d'autres dans sa boîte de réception, probablement innombrables.

    Je me laisse noyer dans cet étrange sentiment de solitude. Je n'ose pas interroger Mork à ce sujet, comprenant qu'il doit passer du temps à faire autre chose et à être avec d'autres personnes aussi. Je connaissais le mode de vie de Mork avant même que nous soyons amis, alors je ne veux pas qu'il se sente mal à l'aise ou qu'il change quoi que ce soit pour moi.

    Parce que nous sommes juste des amis. Ouais... amis.

    Ça fait mal quand je dis ce mot.

    Les jours passent tandis que je m'hypnotise pour ne pas trop y penser. Mais j'ai vérifié son profil tous les jours, et nos appels n'ont duré que quelques minutes. Sut revient aujourd'hui, mais l'inconfort de mes propres pensées ne disparaît pas. Pire encore, on va se voir en cours de chimie analytique aujourd'hui.

    Mueangnan est absent. Son ami dit que Nan a demandé une note d'absence pour s'occuper de certaines affaires pendant environ une semaine. Donc, je me retrouve avec vous-savez-qui pour discuter entre nous.

    — Étudiants, vous pouvez entrer.

    Le professeur crie dans le couloir, faisant se précipiter ceux qui discutent dans la salle de cours. À ce moment-là, je vois Mork... debout de l'autre côté.

    On soutient le regard de l'autre. Si je m'avance, je n'aurai pas d'autre choix que de lui faire face, ce que je ne suis pas prêt à faire, de peur de faire quelque chose de terrible. Je choisis comme solution de reculer et de me diriger dans l'autre sens. Quand il a dit que je lui plaisais devant ma famille, on a pris des heures pour en parler. En plus, mes parents n'ont pas fait de scandale, se contentant de nous dire de ne rien faire d'inapproprié.

    J'avais l'impression d'avoir été demandé en mariage par un mec.

    — Prenez rapidement vos places. Nous allons continuer là où nous nous sommes arrêtés, dit le professeur dans le micro.

    — Je peux m'asseoir ici ? demandé-je à quelqu'un de ma faculté. 

    Mais, quelqu'un m'attrape le bras avant que je ne m'assoie.

    Mork.

    — Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je platement.

    Pourquoi est-ce que je réfléchis trop quand il passe du temps avec d'autres personnes ? Ça va être comme ça à partir de maintenant de toute façon. C'est peut-être parce que nous avons eu si peu de temps pour nous parler au cours de la semaine écoulée. Même si j'avais préparé de nombreux sujets, ça se terminait toujours par 'Je dois raccrocher maintenant. Je suis occupé.'

    Je comprends, vous savez. C'était inévitable qu'il soit occupé, mais je ne peux pas arrêter mes sentiments. Quand je me sens attaché à quelqu'un, j'ai peur de le perdre un jour, et d'être blessé comme avant.

    Je n'ai pas appris ma leçon.

    — Pi, asseyons-nous ensemble, dit-il à voix basse.

    — Je suis trop paresseux pour marcher jusque là. C'est fatiguant.

    — Ce siège est libre, alors ? Laisse-moi m'asseoir ici, demande Mork au gars à côté de moi. 

    Ce type ramasse son cahier, qu'il a posé sur la table vide et sans aucune question, il laisse Mork prendre le siège. Nous sommes tous les deux silencieux. Il doit être fatigué alors que je n'ai tout simplement pas envie de parler. Quelques instants plus tard, la gêne est tellement insupportable que je me mets à parler.

    — Tu es parti pendant une semaine. Tu as dû recevoir des tonnes de numéros.

    — Tu es contrarié, pas vrai ? Je ne t'ai jamais trompé.

    — C'est quoi ce bordel ? Tu parles comme si nous étions ensemble.

    — On le sera bientôt si tu es aussi jaloux.

    — Je ne suis pas jaloux.

    — Ok, tu n'es pas jaloux. Mais tu me regardes de travers.

    — Va te faire foutre.

    On n'a plus rien à ajouter, alors on reste silencieux pendant les deux heures qui suivent, gribouillant dans nos cahiers, écoutant le cours jusqu'à ce qu'il soit terminé et que tout le monde se sépare pour vaquer à ses occupations.

    — Où tu vas ? demande-t-il, en mettant ses affaires dans son sac à dos.

    — La bibliothèque. Ne me suis pas.

    — Il pleut. Je vais t'accompagner.

    — C'est juste de la bruine. Ça va aller, dis-je en quittant la pièce au pas de course, sans attendre qu'il bronche. 

    Je ne pourrai aller nulle part si je continue à l'écouter.

    La bibliothèque est, heureusement, près du bâtiment principal. Je peux y courir puisque la pluie n'est pas forte. Mes cheveux sont un peu mouillés quand j'arrive, tout comme Mork, à qui j'ai dit de ne pas me suivre.

    — Pourquoi tu souris ? demandé-je, essayant de provoquer une dispute.

    — Je ne peux pas sourire ?

    Quel emmerdeur. Il m'ébouriffe même les cheveux, faisant gicler des gouttes de pluie sur le sol.

    — Mais qu'est-ce que tu fais ?

    — Je ne veux pas que tu prennes froid, alors je t'essuie les cheveux.

    — Tu essuies vraiment ou tu essaies de me frapper la tête ?

    — Je suis inquiet.

    — Tu crois que je vais te croire ?

    — Si je dis que tu es le seul à m'avoir manqué pendant mon absence, tu me croirais ?

    — Je t'ai manqué ? On parlait à peine deux minutes, mais tu pouvais prendre des photos avec d'autres personnes toute la journée.

    — Tu le sais ?

    — Je devine juste.

    — J'avais besoin de prendre des photos pendant les activités. On ne parlait pas beaucoup parce que j'étais vraiment fatigué. Mais je voulais entendre ta voix, alors je te passais de courts appels.

    En entendant cela, mon amertume se dissipe en un instant. Je savais qu'il participait à des activités, qu'il ne flirtait avec personne. Je le savais, mais malgré tout, je ne pouvais pas empêcher qu’il me 'manque'. Si cela continue, comment pourrais-je passer ma vie seul ?

    Je déteste le fait que je me perde lentement tout en laissant quelqu'un prendre une grande place dans ma vie. Et je ne sais même pas comment sera notre avenir.

    Un jour, on pourrait s'aimer davantage. On pourrait devenir des amants ou redevenir des amis comme maintenant. Dans le pire des cas, on deviendrait des étrangers. L'avenir est incertain, et ça me fait peur.

    — Allons à l'intérieur. Tu cherches quel livre ?

    Mork rompt le silence alors que je suis perdu dans mes propres pensées.

    — La génétique. Tu peux aller faire ce que tu veux. Je ne vais pas m'enfuir.

    Cela dit, j'entre à grands pas dans la bibliothèque.

    On s'est séparés. Je suis dans la zone scientifique au troisième étage et Mork n'est nulle part. Je m'en fiche de savoir dans quel coin il se cache. Tout ce que je sais c'est que je ne vais pas trop lui parler aujourd'hui pour protéger ma fierté. Je dois garder mon image cool.

    Je me débarrasse de ces pensées distrayantes et passe mes doigts sur les reliures des livres, essayant de trouver celui qui est intéressant à lire pour les examens finaux. Je sursaute lorsque mes yeux se posent sur le visage de quelqu'un qui apparaît entre les livres.

    Est-ce un fantôme ? Je serai horrifié si je le voyais la nuit.

    — Mork ! crié-je. 

    Mork me fait signe de baisser la voix.

    — Shushhhh.

    Les autres élèves nous regardent fixement pendant une seconde avant que tout ne revienne à la normale.

    — Qu'est-ce que tu fais ? chuchoté-je en utilisant le langage des signes cette fois.

    Il ne donne pas de réponse.

    Il place un petit morceau de papier sur ce minuscule espace.

    ‘Es-tu contrarié ?’

    La phrase est écrite sur le papier devant moi. À quoi il joue ? Il trouve ça drôle ? Avant que je ne m'embrouille davantage, Mork me tend un autre morceau de papier.

    'Arrête d'être contrarié.'

    — Je ne suis pas contrarié, dis-je d'une voix posée.

    Mork baisse les yeux. Il écrit quelque chose et me tend un autre morceau de papier.

    'Jouons à un jeu.'

    — Non.

    'A quoi penses-tu quand tu entends le mot 'Pi' ?'

    Bon, il m'envoie quand même un autre message même si j'ai refusé de jouer le jeu. Alors, je vais jouer le jeu. Je suis curieux de savoir quel genre de tour il va me jouer.

    Voyant que je cède, Mork me donne sans cesse de nouveaux morceaux de papier.

    'Je pense aux douze mois.’

    "Les chiffres changent sur le calendrier.'

    'Leap Year de Tucker, le film.'

    'A Thousand Years de Perri.'

    'Pour moi, c'est cette année.'

    Son beau visage se concentre sur le papier qu'il écrit pendant un petit moment. Puis, une autre feuille de papier m'est tendue. Je la prends et je lis le message encore et encore. Mes sentiments changent lentement alors que mon cœur s'emballe.

    ‘Pi comme surnom de Pattawee.’

    Excité, heureux ou contrarié, j'ai l'habitude d'être confus à propos de ces sentiments. Cependant, je réalise maintenant ce que je ressens exactement. Mork me laisse réfléchir un moment avant de me tendre une nouvelle feuille de papier.

    'Qu'en est-il de moi ? Qu'est-ce que tu penses de moi ?'

    'Je ne suis pas quelqu'un de gentil. Tu me trouves si gentil ?'

    Je secoue la tête après l'avoir lu. Il n'est pas gentil puisqu'il fait battre mon cœur à tout rompre.

    'Je suis toujours en train de te harceler.'

    J'acquiesce immédiatement.

    'Je fais de ta vie un véritable bazar.'

    Je hoche encore la tête. Mork sourit et écrit un autre message.

    'Ça te fatigue ?'

    Je ne réponds pas. C'était peut-être le cas avant. Mais la vérité c'est que... je ne me suis jamais senti fatigué de l'avoir dans ma vie. Au contraire, j'attends toujours qu'il se montre pour qu'on puisse se chamailler comme on le fait d'habitude.

    En fait, j'ai beaucoup de défauts. Je ne suis pas un gentil garçon, comme tu l'as dit.

    — ...

    'Mais je veux devenir meilleur grâce à toi.'

    Je ne réponds toujours pas, me contentant de lire son écriture en silence. Quand j'ai fini, je lève les yeux et je vois son beau visage qui me sourit déjà.

    — Quand je pense au mot 'Pi', ça me fait penser à toi. Et toi ? Quand tu penses au mot 'Mork', à quoi ça te fait penser ? demande-t-il, de sa voix douce et ferme à la fois. Un rival, un ennemi dans ta vie passée, un ami...

    — ...

    — ... ou un petit ami ?

    Il le dit très rapidement. On est amis depuis peu, et maintenant il me demande d'être mon petit ami.

    — Qu'est-ce que tu veux être ? lui demandé-je en retour, et il répond immédiatement.

    — Je suis déjà ton ami. Je peux être ton petit ami maintenant ?

    Aucune réponse ne s'échappe encore de ma bouche, mais je suis sûr de mes sentiments. Je n'ai pas besoin de dire quoi que ce soit, mais je souris. Et le gars devant moi rayonne de bonheur.

    — Merci. Merci.

    — ...

    — Je te promets... Je vais prendre soin de toi.

    Ces mots doux résonnent encore dans ma tête, et mon cœur bat à tout rompre. Après toutes ces années de solitude, je ne regrette pas qu'aujourd'hui...

    je décide de laisser quelqu'un faire partie de ma vie.

     


    Fin Tome 1
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  • Commentaires

    4
    Vendredi 11 Novembre 2022 à 19:01

    Salut, désolé de ne pas avoir laissé de commentaire avant, j’ai enchaîné les chapitres.

    j’ai vu la série que j.ai trouvé vraiment sympa, je suis content de pouvoir lire le roman car il y a beaucoup de différences.

    merci beaucoup pour ta traduction et tout ton travail.

    3
    Jeudi 10 Novembre 2022 à 10:49

    J'ai adoré ce chapitre! Ptdr, cette famille he Les chiens ne font pas des chats comme on dit. La partie avec la famille de Pi m'a trop fait rire. Et c'est un détail mais Wan avec un sac à dos Pororo, mdr.

    En tout cas la sincérité de Mork est tjs aussi belle, quel super personnage. Et voir Pi qui se laisse enfin aller à ses sentiments, c'est trop chou ^.^

    Merci pour ce chapitre ;D

    2
    Mercredi 9 Novembre 2022 à 21:37
    Merci pour ce chapitre genial
    1
    Mercredi 9 Novembre 2022 à 20:02

    Wan et la mère semblent aussi space que Duean XD

    Pi qui commence à écouter son cœur c'est trop mignon *o* 

    Et Mork, aaaaaaaaaah Mork, je l'adore !

    Merci pour ce nouveau chapitre ^^

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