• 18ème Chaos

    18ème Chaos
    Rappelle Toi

    C'est vrai que Phun conduit assez vite, mais il est presque 22 heures quand nous arrivons à voir la plage de Bang Saen. Lui et moi décidons de garer la voiture près d'un trottoir pour pouvoir prendre un dîner tardif dans un restaurant. Nous choisissons celui-la en particulier car nous voyons que beaucoup de clients sont des étudiants.

    — Il y a beaucoup de monde, je parie que la bouffe est bonne.

    C'est ce que mon chauffeur me dit et qui me fait faire un grand sourire. Ça veut dire que je ne suis pas le seul qui pense qu'un restaurant rempli est égal à de la bonne nourriture. Je devrais foutre ça dans la tronche de Ohm quand je serai rentré. (Il dit toujours que je suis bizarre à chaque fois que je lui dis ça. En quoi j’ai tort exactement ?)

    Phun coupe le moteur, puis il vérifie que je porte bien ma veste avant d'ouvrir la portière de la voiture.

    Pour une raison étrange, j'ai l'impression que nous avons fait une grande impression quand nous avons passé la porte du restaurant. Tous les regards sont sur nous. Ça pourrait être à cause de l'uniforme avec les initiales de l'école dessus, plus le short bleu qui fait que les gens se retournent. Mais si j'y pense attentivement...

    Le mec avec qui je suis est trop beau.

    Au fond, c'est une combinaison des deux. Un mec est beau et l'autre porte un uniforme d'école donc nous nous faisons remarquer. C'est simplement naturel que je me crispe quand je réalise que tous ces étrangers nous fixent. Cependant, Phun semble plutôt détendu. Je ne sais pas s’il est conscient que tout le monde dans ce restaurant nous regarde.

     Je m’en fous. Je vais arrêter de m’inquiéter.

    Une serveuse vient finalement nous aider à trouver une table après que Phun et moi avons tourné en rond pendant un long moment puisque nous n'arrivons pas à trouver des places. Je m'assieds mais je suis toujours confus, cet endroit c’est un restaurant ou un bar ? Je remarque que certaines cartes ne contiennent que des boissons et pas de nourriture. (C'est quoi ça ?). Je me demande également si porter mon uniforme scolaire dans ce type de lieu est bien ou non.

    Je trouve la réponse à ma question quand je vois que les étudiants de la table d'à côté portent leurs uniformes en demandant des bières.

    La voix de quelqu'un qui commande de la nourriture interrompt le fil de mes pensées . 

    — Nous allons prendre... une salade de porc épicée, une salade de viande hachée épicée, des tendons de poulet frits, des craquelins au piment croustillants, et une bouteille de Heineken.

    Putain celui-là. Je pense que ces plats sonnent bizarres. Je tends mon bras et frappe la tête de cet étudiant modèle. 

    — Commande-moi de la vraie nourriture ! Putain de merde.

    — Hein ?! Tu n'as pas encore mangé ?

    — Non…

    Quand étais-je supposé trouver le temps de manger ? J'étais trop occupé à parler avec Yuri ce soir. J'étais d'humeur à ne rien faire quand je suis rentré à la maison puisque j'étais trop troublé. Alors j'ai fini par emballer des affaires dans un sac et aller chez Phun. Au début, je pensais juste que j'allais passer la nuit là-bas. Mais le propriétaire de cette maison a décidé de m’embarquer jusqu'ici. Tu parles que je suis verni, lorsqu'il s'agit de voyager.

    — Commande autre chose alors, dit Phun en me passant le menu malgré le fait qu'il ne l'a jamais ouvert ni regardé à l'avance. 

    Alors pourquoi il l’a gardé pour lui au départ ? Je ne comprends pas ça non plus. Je me gratte la tête en regardant le menu pendant exactement deux secondes. 

    — Du riz frit... c'est tout.

    — C'est fou à quel point tu es créatif, Noh.

    Ce crétin a le courage de dire quelque chose. Bien, à qui la faute ?

    — Tu nous as déjà commandé de la bière, bordel qu'est-ce que je suis censé ajouter ? Ça va bien ensemble. C’est tout.

    Je rends le menu à la serveuse avec un petit sourire. C'est suffisant pour qu'elle soit séduite. Hé, hé. Parfois, nous les gars avons besoin de mettre notre art de séduction en pratique.

    — C'était quoi ce sourire ? Tu étais en train de flirter avec elle ?

    Ce crétin veut commencer une autre dispute avec moi.

    — Putain, de quoi tu parles ? Je meurs de faim. Tout le monde n'est pas repu et content comme toi.

    — Exactement.

    Hum. Il ne jouait pas autant au malin quand nous n'étions pas proches, si ? Merde, je ne devrais pas laisser ça se produire. J'ai une expression irritée sur le visage, je tape sur la table avec le bout de mes doigts en rythme avec le groupe qui joue dans le restaurant.

    Ce restaurant a un groupe live. Ils jouent de la musique de variété comme tous les autres petits groupes le font. Je compte environ cinq membres en tout. J'ai envie de me lever et de me joindre à eux sur scène. Oh, en parlant de jouer d'un instrument, cela me rappelle quelque chose.

    — Je suis allé au bureau du conseil des étudiants pour déposer la proposition pour la fête de Noël, vers midi, mais je ne t'ai pas vu.

    — Hein ? C'est pas comme si je travaillais comme garde de sécurité dans ce bureau. Il était midi, je devais être parti chercher un déjeuner !

    Oh, donc en gros je viens de poser une question stupide ? Ça me fait chier. Je ne suis pas d'humeur à discuter avec lui, en plus je suis affamé.

    Je lui fais un faux sourire pour me moquer de lui et me force à rire.

    — Hé, hé. Alors, la nourriture à la cafétéria du lycée privé est bonne, Khun Phun ?

    Je voulais seulement dire ça comme un sarcasme inoffensif. Je ne savais pas que cela surprendrait réellement Phun.

    — Elle est bonne …

    Phun me donne cette réponse courte et se tait. Je fronce les sourcils et commence à réfléchir. Donc Aim a dû découvrir ce que Phun a fait quand ils ont déjeuné ensemble.

    — Je suis tombé sur ton junior au lycée privé. Celui qui est en quatrième.

     Il continue à me raconter des banalités alors qu'il se retourne pour prendre notre premier plat, la salade de porc épicée, à la serveuse. L'odeur piquante du citron me titille le nez. Je me noie dans ma propre salive et j'ai encore plus faim.

    Je lève ma fourchette avec l'intention de la piquer dans un des bouts de porc avant de poursuivre la conversation. 

    — Oh, Per va généralement là-bas et déjeune avec certaines des filles.

    Mais comme j'étais trop occupé à parler, Phun est plus rapide que moi, devant mes yeux, il attrape un morceau de porc et le fourre dans sa bouche. 

    — Trou du cul.

    Je n'ai pas pu m'en empêcher.

    — Ouais, je voulais dire que je tombe sur lui à chaque fois que je vais là-bas, haha, dit-il en mâchant le morceau de porc qui était légitimement le mien. 

    Bientôt, le reste des plats que nous avons commandés commencent à arriver à notre table avec une bouteille de bière.

    — C'est naturel pour les membres de mon club d'être séduisants tout comme leur président.

    J'ai l'opportunité de le surpasser donc je l'a prend et il ne peut pas s'empêcher de ricaner.

    — Probablement pas aussi séduisant que moi.

    D'accord, il faut être sans vergogne pour admettre ça. Je lui jette un coup d'œil et il hausse un de ses sourcils d'un air moqueur.

    — Je suis d'accord, ce qui explique pourquoi cette vieille dame meurt d'envie de te ramener à la maison.

    J'ai remarqué que l’étudiante près de notre table regarde mon ami avec des yeux de braise depuis un long moment maintenant. Je faisais semblant de ne pas le voir car je pensais que ce serait plus sûr de cette façon.

    — Il y en a une derrière toi aussi, rétorque Phun avec un sourire. 

    Je pense que ça aurait été mieux s'il n'avait jamais rien dit. Hé hé. Je hausse les épaules pour lui montrer que je n'ai pas prêté attention à ce qu'il a dit avant de me servir un verre de bière, pour me rincer la bouche.

    La mousse atteint rapidement le sommet du verre me forçant à prendre une gorgée à la hâte avant qu'il ne déborde. Je réalise qu'il y a un sombre sentiment qui provient du côté gauche de ma poitrine.

    Je n'aime pas quand ça arrive. C'est comme s'il y avait quelque chose qui m'empêchait de rire et de sourire joyeusement. Je peux faire le malin avec Phun en lui jetant quelques insultes ce qui fera qu'il aura l'impression que tout est parfaitement normal. Mais au fond, la vérité c'est que je mets un masque pour cacher ma tristesse. Je la masque même si je sais qu'il n'y a aucun moyen possible d'y échapper. Mais au moins, je suis capable de me tromper en pensant que je vais bien, même si c'est seulement pour un moment.

    Notre conversation s'apaise, Phun continue à siroter son verre de bière tranquillement et cesse d'essayer de m'énerver. Je le guette du coin de l’œil et vois que ses yeux semblent être terriblement ternes et vides. Parfois, je ne peux pas m’empêcher de me demander à quoi le propriétaire de ces yeux pense.

    Je repense au baiser de Phun dans la voiture. Il paraissait si triste, comme s'il implorait pour que quelque chose se produise. Je ne sais pas si c’est juste mon imagination, mais il semble que Phun a beaucoup de choses en tête, tout autant que moi.

    La triste mélodie de la chanson ‘Thank You’ continue de jouer tandis que je continue à serrer mon verre de bière. Si quelqu'un prête attention, je ressemble probablement à un vieil oncle dont le patron a réduit le salaire (ceux que vous pouvez voir en visitant les terrasses des bars). Phun pense probablement la même chose quand il décide d’attraper mon bras pour m'arrêter avant que je finisse mon cinquième verre comme si je buvais sans m’arrêter.

    — Yo ! Tu n'as pas encore mangé, tu te souviens ?! Tu es en train d'essayer de tuer ton estomac c’est ça ?

    Comme je le pensais, il me gronde et m'arrache le verre de la main. Hé hé. J'ai entendu dire que tu es celui qui a commandé ça ? Maintenant, tu essaies de me faire arrêter de boire ? Hé hé. Connard.

    Je hausse les épaules de façon provocante et finis par boire un verre d'eau pour me rincer la gorge avant de commencer le grand plat de riz frit. Pendant ce temps, Phun semble être heureux avec ses tendons de poulet frits.

    — Yuri a fait tout le chemin jusqu'à l'école pour me voir, j'étais vraiment inquiet.

    Je commence une autre conversation pour briser le silence de notre table (même avec le groupe qui continue de jouer en arrière-plan). Je remarque qu'il tressaille une seconde. Je suppose qu'il lui aussi était perdu dans ses propres pensées.

    Il y a un petit flash dans les yeux de Phun, puis il fait lentement son sourire habituel. 

    — Oh vraiment ? Que c'est-il s'est passé ?

    — Tu devrais mettre en place une norme pour les tondus de notre école. Ils étaient tous ébahis devant Yuri. Si j'étais arrivé un peu plus tard, elle se serait sûrement fait enlever.

    Je me plains auprès de lui pendant que je mâche la nourriture dans ma bouche tout en entendant la personne assise en face de moi éclater de rire.

    — Tu les appelles les tondus, comme si tu n'avais pas la même coupe qu'eux.

    Oh, ce connard ! Je m'en fous s'il m'insulte, mais il me fait une tappe sur la tête aussi ? Voilà comment une dispute commence.

    Je pousse rapidement sa main. 

    — Ça s'appelle des skinhead , connard !

    — T'es shooté ou quoi ? Ce ne sont pas des putains de skinhead. Pourquoi tu as soudainement amené Yuri de toute façon ?

    C'est vrai, pourquoi je l’ai fait ? Je ne veux pas vraiment lui dire que Yuri est venue me parler de lui.

    — Je ne sais pas. Alors, comment ça se passe entre toi et Aim ?

    Je pense qu'il est plus intelligent de changer rapidement de sujet. Je n'avais pas vraiment l'intention de poser une telle question avec tout ce qu'elle implique, mais ça l'a pris par surprise.

    — Couci-couça… répond Phun d'une voix faible avant de faire une pause pendant un moment puis de continuer. Je suis  beau et elle est sexy, comme toujours.

    Oh, ce putain de trou du cul ! Je commence à te haïr maintenant !

    Je ne sais pas quoi dire d'autre (puisqu'il se trouve que c'est la vérité) donc je fais semblant de m'étouffer avec le riz et de boire un peu d'eau. Je lui fais un doigt d'honneur mais il se moque de moi, comme s'il était vraiment heureux de ça. Cela m'irrite encore plus.

    Je devrais te crever les yeux.

    Je mets mon verre d'eau vide sur la table avant de ramasser mes couverts pour continuer à manger. Cependant, je laisse une phrase glisser hors de ma bouche.

    — C'est bien. Je craignais que tu oublies l'avant maintenant que tu as essayé l’arrière. Hahaha.

    Je ris. Je ris. Même si ce n'est vraiment pas drôle du tout. A l’intérieur, je ne rigole pas du tout. Il y a des rires qui viennent de moi, mais ils ne sont pas réels. C'est comme s'il y a un millier de couteaux qui poignardent mon cœur.

    Plus je ris, plus je me rends compte que je suis vraiment pathétique... voilà tout.

    — Hé hé.

    Phun s'oblige à rire avant de se pencher pour verser un peu plus de bière dans son verre qui est presque vide. Mais ensuite, il dit les mots suivants, sans émotion dans ses yeux.

    — Non, je n'oublierai pas…

    Une vive douleur traverse tout mon corps de mes orteils jusqu'à mon cœur quand j'entends ces mots. Je hausse un de mes sourcils, comme quelqu'un qui accepte ce fait.

    Vous voyez ? Quand je vous dis que je suis le stupide idiot qui gâche tout ici.



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