• Chapitre 13: (b)romance

    Chapitre 13
    (b)romance

    “Désolé... désolé de t’avoir fait maaaaal!(1)

     

    “Argh! Change de chanson! Mes oreilles vont saigner!”

    C’est peut-être le son le plus horrible que j’ai jamais entendu, et il est produit par le Star Gang et les Lions Blancs de Sarawat. Putain de merde!

    Au lieu de rentrer chez nous, nous sommes venus ici parce que tout le monde a insisté pour s’amuser un peu plus longtemps.

    Est-ce que c’est amusant, ça?

    Je préférerais rentrer à la maison. J’ai accidentellement dit à Sarawat que j’étais jaloux. Je n’ai pas vraiment le courage de rester près de lui maintenant. Ses amis me taquinent et n’arrêtent pas de parler de lui et je veux juste m’éloigner d’eux. Au moins, maintenant qu’ils sont aussi ivres, ils sont plus concentrés sur la chanson que sur le fait de m’embarrasser.

    Je jure que j’étais juste ivre! Rien de tout ça n’était vrai, c’était juste un accident!

    “Tine, encore un!”

    Theme essaie toujours de me saouler. Il ne se soucie de rien d’autre - pas même de chanter - à cause des 3000 bahts de Sarawat. Il est prêt à tout pour verser de la bière dans mon verre.

    “Non! Arrête!” Je ne suis peut-être pas un imbécile bavard comme les autres, mais ça ne veut pas dire que je veux boire plus.

    “Juste un verre de plus.”

    “Il t’a dit d’arrêter,” m’interrompt une voix familière. Il se rapproche de moi, m’obligeant à me déplacer sur le bord du canapé.

    “La mission n’est toujours pas terminée.”

    “Tiens,” Sarawat sort son portefeuille de la poche arrière de son jean hors de prix. Il passe 3 000 bahts à son ami.

    C’est le pire! Il a déjà comploté pour me faire boire, et maintenant il paye même son complice sous mes yeux.

    Sarawat et moi sommes côte à côte dans un coin de la pièce. Il étend ses jambes sur le canapé pour nous séparer des autres, et je reste assis, sans rien dire. Lorsque Man laisse tomber son micro et s’assoit entre Sarawat et Theme, les jambes de Sarawat les tiennent toujours éloignés de nous. “Tine! Santé!” dit Man et il me tend un verre de bière. Je sais que je devrais juste le prendre, mais j’ai un peu peur du gars entre nous.

    “...” Je ne réponds pas.

    “Allez! Pas de bière, pas d’encouragement.”

    “Il est déjà bourré,” dit Sarawat à Man.

    “Comment sais-tu s’il est ivre ou pas? Envoie-le-moi! Je veux le serrer dans mes bras.”

    Je ne peux pas entendre, mais je peux facilement lire sur les lèvres de Sarawat.

    “Va te faire foutre.”

    Le sens derrière ses mots est très clair. Mais cela n’affecte pas Man, qui se contente de faire un sourire niais à Sarawat. “Tu es jaloux?”

    “...”

    “Tu es jaloux mais tu ne fais rien, quel amateur!”

    “Va te faire foutre.”

    “Si j’étais toi et que j’étais le mari de Tine, je suis sûr que je serais épuisé tous les jours.”

    PAF!

    “Oooowwwwww!”

    Sarawat vient de dégager son ami du canapé. Man gémit assez fort pour étouffer le chant terrible de Fong. Tout le monde reste silencieux et surpris pendant un moment, puis ils éclatent de rire. Même moi, je ne peux m’empêcher de rire en voyant Man se frotter les fesses. Tout le monde prend des vidéos de lui.

    “Je te déteste.”

    “Quoi?” Je me retourne pour regarder Sarawat, confus.

    “Pourquoi tu n’as pas évité Man quand il t’a embrassé sur le front?”

    “Quand?”

    “Arrête de faire semblant. Je l’ai vu.”

    “Oh, tu l’as vu? Je pensais que tu étais trop occupé à laisser les filles mettre leurs mains sur toi.”

    “Je ne les ai pas laissées faire. Elles m’ont traîné. Bref, j’ai vu ce que tu as fait.”

    “C’était inattendu.”

    “Ne laisse pas ça se reproduire. Je suis jaloux.”

    “Arrête de dire ce mot.”

    “Je suis jaloux.”

    “Je vais te frapper.”

    “Je suis jaloux.”

    “De quoi vous parlez les gars?” Puek se penche près de Sarawat et moi, et je lui adresse un regard noir, “C’est pas tes affaires, bordel.”

    “Quoi? Ah oui, j’avais oublié que je n’étais pas celui qui te plaisait. Au temps pour moi.”

    Merde! Tu penses que tu es mignon?

    Je ne sais pas ce que je ressens. Je veux nier, mais quelque chose m’empêche de le faire. C’est un sentiment tellement bizarre.

    Dix minutes plus tard, Man apporte une autre tournée de bières dans la pièce. Il semble avoir oublié que Sarawat l’a frappé. La plupart des autres sont toujours en pleine forme : pendant un moment, ils semblaient même vouloir plus chanter que boire. Mais cela n’a duré qu’un temps, et maintenant ils semblent tous collaborer pour que Sarawat et moi soyons également ivres. Ils puent tous l’alcool. Il est presque 3 heures du matin. Je veux rentrer chez moi.

    Je n’avais pas prévu d’être aussi ivre que je le suis. C’est probablement à cause de Theme et des 3000 bahts de Sarawat, mais je commence à me demander s’il a payé tous les autres aussi.

    Bon sang! Je n’arrive même pas à marcher droit.

    “Theme, lâche-le. Je vais m’occuper de lui.”

    “C’est bon. Je veux vraiment t’aider.”

    “Abruti.”

    “C’est toi l’abruti! Je l’ai porté jusqu’ici en premier.”

    “Tu veux mourir?”

    “Putain! Ne sois pas si jaloux! Voilà!” Le Lion Blanc me fait glisser de son dos et me jette sur Sarawat. J’ai envie de lui dire que je peux très bien marcher tout seul, mais je n’ai pas le courage de le faire.

    Mes trois amis joyeux sont tout aussi bourrés que moi. Peut-être même plus, car ils ne semblent pas enregistrer quoi que ce soit autour d’eux.

    “Et les amis de Tine?”

    “Emmène-les dans ma chambre, s’il te plaît,” je murmure parce que lorsqu’on est bourré, on finit toujours par tous rester au même endroit.

    “Non. On va les emmener dans ma chambre. Ce n’est pas loin,” dit un Lion.

    “Ok! C’est parti!” Man-Oh-Hum et ses amis acceptent tous sans me demander mon avis.

    Nous nous séparons sur le parking car Sarawat et moi allons dans une autre direction que les autres. Je le laisse s’occuper de moi pour le moment.

    Je mets du temps à comprendre qu’il me palpe le corps. Je gémis doucement et ouvre les yeux. Sarawat essaie de trouver mes clés dans mes poches. Pourquoi sa main est-elle là? La poche n’est pas au milieu!

    “Tu peux les trouver?” Je demande.

    “Non.”

    “Quand le feras-tu?”

    “Quand je pourrai profiter de toi.”

    “Ordure.”

    Apparemment, c’était le mot de passe pour trouver ma clé. Sarawat me traîne à l’intérieur et me jette sur le lit. Hé! Je suis un humain, pas un sac de patates!

    Je ferme les yeux sous la lumière vive, ignorant volontairement tout. Je suis si fatigué et j’ai vraiment besoin de dormir. Quelque chose me dérange.

    Sarawat essaie de faire quelque chose avec mon pantalon! Mais qu’est-ce qui se passe?

    “Hé! Qu’est-ce que tu fais?” Mes yeux s’ouvrent, je réalise qu’il essaie d’enlever mon pantalon.

    “Je l’enlève pour toi,” dit-il sans sourciller.

    “Non! Arrête ça!”

    “Tu n’es pas mal à l’aise? Enlève juste ton pantalon.”

    “JE VAIS BIEN.”

    Je crie, mais il s’en moque. Sarawat m’oblige à enlever mon pantalon, puis à retirer ma chemise également, ne me laissant qu’avec mon caleçon. Je ne fais que lui crier des insultes confuses. Je jure devant Dieu que je ne me soûlerai plus jamais.

    “Arrête ça!”

    “Je sais.”

    “Je veux dormir!”

    “Bonne nuit.”

    C’est la dernière chose que j’ai entendue avant de m’endormir.

     

    Quand je rouvre les yeux, il est déjà midi et j’ai la tête qui tourne. J’essaie de me rappeler ce qui s’est passé la nuit dernière. Il n’y a personne à côté de moi.

    Je regarde mon téléphone et je trouve beaucoup d’appels manqués du Star Gang. Je les rappelle, à moitié parce que je suis tout aussi inquiet pour eux.

    Ohm met du temps à décrocher.

    [Salut.]

    “Ohm? Qu’est-ce qu’il y a? Pourquoi tu m’as appelé?”

    [Rien. Tu vas bien?]

    “Euh, un peu étourdi, mais rien d’inhabituel. Pourquoi tu poses des questions stupides?”

    [Ce n’est pas une question stupide, tu agis bizarrement. J’ai appelé pour demander si tu étais mort ou si tu avais déjà perdu ta virginité avec Sarawat. J’étais tellement bourré la nuit dernière, je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé.]

    “Qu’est-ce que tu veux dire par j’ai perdu ma virginité? Je vais bien!”

    [Vraiment? Je suis content! J’ai vu la photo que tu as postée, alors j’ai pensé que tu avais transformé le petit ami de tout le monde en ton petit ami.]

    “Quoi? Quand est-ce que j’ai posté une photo?”

    [La nuit dernière.]

    “Je n’ai rien posté du tout.”

    [Tais-toi et jette un œil à la photo.]

    Ohm raccroche. De quoi est-ce qu’il parle?

    J’ouvre Instagram et je suis accueilli par près d’une centaine de notifications. La moitié d’entre elles proviennent de quelqu’un qui ne m’est que vaguement familier: ça doit être ce type qui m’a demandé mon numéro hier soir. Il a aimé toutes mes photos.

    Le reste des notifications proviennent toutes de personnes que je ne connais pas. Je tape sur ma photo la plus récente, me figeant alors qu’elle s’affiche à l’écran. C’est une photo de moi.

    Une photo de moi sur mon lit, allongé juste avec mon caleçon et un maillot de foot. C’est la couleur de l’équipe de sciences politiques. L’image ne montre pas le côté avec le nom dessus. Qu’est-ce que c’est que ça? Je ne me souviens de rien de tout ça!

    Comme si la photo elle-même n’était pas déjà mauvaise, la légende est pire.

     

    Tine_chic jsuis prix et je be veix pas qu’ob me deague

     

    Je-n’ai-pas-fait-cela! Jamais! Je ne posterais jamais une photo avec une légende comme celle-là!

    Les commentaires viennent de mes amis et de ceux de Sarawat. Ils commentent comme s’il n’y avait pas de lendemain. Putain! Foutez-moi la paix!

     

    Man_maman wow! c’est le maillot de Sciences Po!

    Bigger330 ne supprime plus jamais ça!

    Boss-pol quelqu’un revendique la propriété?

    KittiTee Je l’ai traduit par ‘Je suis pris et je ne veux pas qu’on me drague’, compris tout le monde?

    Thetheme11 continue comme ça mec!!

    I.amFong Je pense que tu as besoin de t’entraîner à taper. Tu me fais penser à quelqu’un qui tape toujours comme ça

    Bigger330 Awwwww. Je me demande si c’est ‘lui’ qui a tapé ça???

    i.ohmm qu’est-ce que tu as fait à mon ami!!??

    Man_maman je comprends, Tine, je ne te toucherai plus. Ce chien mord.

    Boss-pol @Man_maman quel chien? hehe

    Man_maman je sais pas. demandons à ce type @Sarawatlism

     

    Je reste longuement cloué sur mon lit, à lire les commentaires encore et encore. J’espère que ‘lui’ viendra répondre à cette question. N’importe quoi est mieux que ça.

    DING!

    De nouvelles notification apparaissent. Je les parcours, mais rien de Sarawat.

     

    Bigger330 yo mec! nous avons besoin de porter le maillot pour le match de lundi. si tu ne l’as pas, s’il te plaît récupère-le.

    KittiTee awwwwwww!!!! quelqu’un a-t-il laissé le maillot de notre équipe chez quelqu’un d’autre? trooop terrible! Le match a lieu ce lundi!!!!

     

    Enfin, Sarawat a répondu.

     

    Sarawatlism je vais le reprendre bientôt.

    Man_maman @Sarawatlism aha! le maillot de Tine sur la photo est le tien?? ooh! ce n’est plus un secret pour personne hahahaaaha

     

    Je devrais me sentir mieux.

    Au lieu de cela, j’ai envie de pleurer.

    Mon cœur...

     

    Quand le lundi arrive enfin, je suis bombardé de questions.

    ‘C’était le maillot de Sarawat?’

    Finalement, je dois expliquer qu’il l’a laissé dans ma chambre après que nos bandes aient traîné ensemble. Je m’assure d’insister sur le pluriel, ce qui apporte aux femmes de Sarawat un soulagement évident. Je ne suis pas seulement beau, je suis aussi intelligent. Je poste un statut sur Facebook:

     

    Tine TheChic

    Tant de filles m’ont envoyé des messages récemment. J’ai peur de ne pas pouvoir répondre à toutes parce que je suis juste méchant. C’est comme ça.

     

    Le lendemain du jour où il a posté la photo, j’ai appelé Sarawat et je l’ai engueulé si fort que ses ancêtres ont dû le sentir. Sa seule réponse a été ‘je suis jaloux’. C’est pas vrai! Tu pourrais au moins t’expliquer.

    Peu importe si je m’énerve ou si je suis grossier, tout ce qu’il dit c’est ‘je suis jaloux’ et ensuite il s’attend à ce que tout aille bien, c’est ça? Eh bien, tu as tort!

    L’après-midi, je passe au club de musique pour m’entraîner. Il n’y a que quelques personnes car apparemment tous les autres sont partis encourager Sarawat au match entre les Sciences Politiques et les Arts de la Communication.

    Même si j’ai promis à Sarawat d’être présent à chacun de ses matchs, j’ai décidé de ne pas y aller. Je ne supporte pas l’idée d’attirer davantage l’attention en ce moment.

    BAM!

    La porte s’ouvre en claquant. Je me retourne pour voir P’Dim qui ressemble à une bombe à retardement. “Où est passé tout le monde?” crie-t-il bruyamment alors que nous ne sommes que deux dans la pièce.

    “Ils sont allés voir le match,” je réponds à la place de l’autre gars, qui semble vraiment timide.

    “Bon sang! J’en ai marre de ces enfants!”

    “D’accord.” Je n’ai pas l’intention d’engager une quelconque conversation. Je veux juste que tout le monde me laisse tranquille pour le moment.

    “Pourquoi n’es-tu pas allé avec eux?”

    “Je n’en ai pas envie.”

    “Tu ne veux pas aller l’encourager?”

    “Hm? Encourager qui?”

    P’Dim secoue juste la tête, reportant son attention sur son téléphone pendant un moment. Puis il change de sujet, “Je vais mettre en ligne vos vidéos, une par une.”

    “Tu les as déjà postées?”

    “Nan, je le ferai quand mes sous-fifres auront fini de faire leur travail. Si vous avez fini pour aujourd’hui, n’oubliez pas de verrouiller la porte. Je frapperai tout le monde à la gorge demain quand ils reviendront.”

    Il est parti. Chaque fois que je le vois, je me demande pourquoi tout le monde autour de moi semble avoir un problème. Pourquoi je ne rencontre jamais de gens sains d’esprit?

    Je suppose que je suis la seule personne normale qui reste dans ce bâtiment.

     

    Vingt minutes après le départ de P’Dim, je reçois une notification de l’Association des Music Lover sur Facebook. Je tape rapidement dessus pour voir les nouvelles vidéos. Seules certaines d’entre elles sont suffisamment intéressantes pour que je les regarde. Je n’arrive pas à trouver celle de Prae. Je n’ai pas vu Prae depuis le jour où Sarawat était en colère contre moi à la cafétéria, agissant comme un petit ami jaloux. Je me demande si elle est vraiment en colère contre moi. D’habitude, je fais en sorte de réparer rapidement mes erreurs si je mets mes copines en colère, mais pour une raison ou une autre, je n’ai pas vraiment envie de la voir en ce moment.

    Je continue à regarder les vidéos jusqu’à ce que je trouve enfin la mienne. Oh là là. Quelle beauté! Super chanteur aussi! Ouah!

    Le commentaire, par contre, c’est une toute autre histoire. Il n’y va pas de main morte - il est en fait inutilement vicieux si vous voulez mon avis.

     

    ‘Si tu ne peux même pas faire un do, comment comptes-tu faire autre chose correctement?’

     

    P’Dim... Connard! Son visage est vraiment la seule chose que ce gars a pour lui. Sa personnalité est complètement pourrie.

    J’ignore facilement P’Dim en faveur des autres commentaires des filles et de mes amis qui me remontent le moral. Et puis je trouve enfin la vidéo de Sarawat.

    J’espère enfin trouver une personne normale.

    Bien sûr, il ne l’est pas. Seules ses jambes poilues et un petit bout de sa guitare sont dans le cadre, et la vidéo est inclinée de presque 45 degrés.

    L’avantage de ne voir que ses vilaines jambes est que je peux me concentrer sur la chanson.

    Il joue une chanson intitulée The Tunnel of Time d’un groupe appelé Inspirative que j’ai découvert il y a peu de temps. La chanson a une belle mélodie et il en a fait un arrangement cool - et il n’y a que dix secondes de chant. Petit malin, tu sais que ta voix n’est pas ton point fort. P’Dim fait tellement l’éloge de la vidéo que je me demande s’il est payé pour ça. Il termine par:

     

    ‘Tu t’es tellement amélioré contrairement à quelqu’un d’autre qui fait toujours des fausses notes. S’il te plaît, aide-le.’

     

    Il parle de moi! Quel salaud!

     

    Ça fait presque une heure que je suis dans la salle de musique à gratter ma guitare. Je m’ennuie. Aucun de mes amis ne décroche son téléphone quand je l’appelle, et l’autre gars ici me tourne le dos. Je décide de tuer le temps sur mon téléphone en attendant qu’il ait fini pour qu’on puisse fermer la pièce et rentrer chez nous.

    Je zappe sans but, ne suivant pas assez de comptes pour qu’il y ait beaucoup de nouvelles choses à voir. Jusqu’à ce qu’une nouvelle photo apparaisse.

     

    Boss-pol consolation nécessaire! Mon ami a été blessé et maintenant il pleure @Sarawatlism

     

    C’est une photo d’un Sarawat en sueur, assis sur le terrain, avec le même visage sans expression qu’il a toujours eu. Il ne pleure pas du tout. Mais...

    Il saigne!

    Merde! Il est entouré de gens et son genou est couvert de sang. Je ne peux pas dire ce qui s’est passé rien qu’avec la photo. Je fais rapidement défiler la page pour lire les commentaires.

     

    Amibabyliss @Sarawatlism Qu’est-ce qui ne va pas avec Sarawat?

    bell2882 les arts de la comm sont si durs! Sarawat, s’il te plaît, reste fort!

    Jener-ploy tellement de monde en ce moment! mais je serai toujours là pour te soutenir Sarawat!

    i.ohmm @Tine_chic tu peux venir? Tous ses amis sont sur le terrain et personne ne s’occupe de lui.

     

    J’ai envie de répondre à toutes les personnes qui ont commenté pour leur demander pourquoi aucune d’entre elles ne s’occupe de lui. Au lieu de cela, mes jambes décident de se lever et je remets ma guitare dans son étui, ordonnant à l’autre gars de s’occuper de la salle.

    Je rejoins rapidement le terrain, essayant fébrilement de le trouver. Je me dirige vers les gradins dès que j’ai compris de quel côté se trouve l’équipe de Sciences Politiques.

    Il n’y a pas beaucoup de monde, seulement leurs remplaçants qui encouragent l’équipe. Et puis le crétin que je cherchais, assis tout seul.

    Tous les autres Lions blancs sont sur le terrain. C’est le milieu d’un match qui semble plutôt important. Personne ne prête attention à ce pauvre Sarawat.

    “Hé,” dis-je d’une petite voix quand je l’atteins.

    “Alors maintenant tu te montres enfin.”

    Il fait la moue et je me sens immédiatement coupable. Ugh.

    “Pourquoi n’as-tu pas été soigné? Pourquoi tu l’as laissé saigner comme ça? Où est le staff? Où sont les femmes de Sarawat? Où sont tes amis? Pourquoi restes-tu assis ici? Est-ce que ça ne fait pas mal?”

    “Je suis juste tombé.”

    Il interrompt la cascade de mots de colère que je lui adresse.

    “‘Juste’? On dirait que tu t’es fait écraser par un camion!”

    “J’ai juste raté la balle, calme-toi.”

    “Pourquoi je me calmerais?” Je lui aboie dessus et je me mets à genoux pour regarder son genou. Il saigne toujours et il est couvert de saletés. Merde.

    “Je leur ai dit que je le soignerai moi-même,” me dit Sarawat en me tendant une trousse de premiers soins.

    Pardon? Quand ai-je dit que je le soignerai pour toi?

    “Pourquoi dois-je le faire? Tu ne peux pas le faire toi-même?”

    “Non. Ça fait vraiment mal.”

    “Arrête de faire semblant. Tu repousses toujours les gens quand ils veulent t’aider et dès que j’arrive, tu es comme ça, hein? Que ferais-tu si je n’étais pas là en ce moment?”

    “Je mourrais…”

    “Je parie que tu le ferais! Tu vas probablement mourir bientôt.”

    Je verse de l’alcool sur un coton et essuie la blessure qui saigne, peut-être un peu plus durement que nécessaire.

    “Oh! Mon Dieu! Ah, merde!”

    “Merde! Ducon! Arrête de gémir!”

    “Ça fait mal quand tu le nettoies.”

    J’ai juste envie de lui fourrer le coton dans la bouche. Il n’y a pas grand monde ici, et ils font tous attention au match au lieu de nous. C’est sympa.

    “Où est l’antiseptique?” Je demande après avoir fouillé dans la boîte.

    “On n’en avait plus.”

    “Pourquoi tu t’es blessé alors qu’il n’y avait plus d’antiseptique?”

    “C’est de ma faute?”

    “Oui! C’est ta faute si tu t’es blessé.”

    “Je sais que tu t’inquiètes pour moi. Mais je vais bien.”

    Ok. Pas d’antiseptique, donc je vais devoir me contenter d’alcool.

    “Tes mains tremblent.”

    J’arrête ce que je fais pour lever les yeux vers lui. “Peut-être que j’ai peur du sang.”

    “Je tremble aussi en ce moment,” dit-il.

    “Tu ne trembles pas.”

    “Mon coeur si.”

    “Tu as probablement bu trop de café.”

    “Tu as peut-être raison…”

    “...”

    “C’était un café noir, je pense.”

    “Mmh, ouais, et je crois que j’ai vraiment peur du sang.”

    Oh, mon coeur...

     

    Le concert “Play Together” avec Scrubb est à 8 heures dans le stade couvert. Le Star Gang, les Lions Blancs et moi sommes tous ensemble ici. Nous regardons les événements sur la scène principale que le comité des étudiants a arrangée. Aujourd’hui est un jour spécial, car les personnes extérieures à l’université sont autorisées à venir voir le concert. Il y a beaucoup d’étudiants d’autres universités.

    Je n’ai pas vu Sarawat depuis le match de football d’il y a trois jours. Il s’est terminé par un score de 1-1. Il m’avait dit qu’il devait s’entraîner avec le groupe avant le concert d’aujourd’hui et je ne voulais pas le déranger. Et pourtant, je suis ici aujourd’hui juste pour voir comment il va. Quand suis-je devenu sa deuxième maman?

    Je suis arrivé au premier rang, attendant que Ball et Muey apparaissent. J’ai mis un t-shirt Scrubb pour l’occasion, mais je sais que cela va prendre du temps avant qu’ils ne montent sur scène.

    “Tine, quand Sarawat sera sur scène, n’oublie pas de prendre des photos, d’accord?” me dit Man-oh-Hum, le meilleur ami de Sarawat.

    “Pourquoi je dois le faire?”

    “Parce que tu es sa femme. S’il te plaît, sois une bonne épouse!”

    “Man!”

    “Ok, c’est pas grave. Fais comme tu veux.”

    A contrecœur, je me prépare à prendre des photos de Sarawat quand même. C’est toujours comme ça, la personne la plus insignifiante est celle qui doit prendre des photos.

    Nous attendons pendant des heures. Puis les projecteurs commencent à changer progressivement de couleur pour devenir bleu foncé et un léger son de batterie se répand dans le stade.

    Nous tournons tous notre attention vers la scène, chacun d’entre nous ayant l’air d’attendre le résultat du loto. J’essaie de repérer un certain grand type, mais je n’arrive pas à voir son visage.

    “Bonjour, tout le monde! Nous sommes les Sssss..!”

    La voix profonde du chanteur salue le public en criant. Cela promet déjà une nuit sympa!

    “Nous sommes les gagnants des Music Awards de l’université de l’année dernière! Nous étions impatients de vous voir tous aujourd’hui!”

    “Yaaaaaaaaaaaayyyyyyyyy!”

    “Bon, maintenant je veux juste vous poser une question les gars - vous êtes prêts?!”

    YEAH!

    Les instruments se connectent tous les uns aux autres. Le public commence à sauter et à crier avec la chanson qui commence à être jouée.

    Je reconnais la chanson de la nuit au bar. Aujourd’hui, c’est tellement différent - un grand stade, un éclairage magnifique... et Sarawat est superbe.

    “Aaaaaaaah! Sarawat!”

    Les spots baignent de lumière les visages des musiciens et les font ressortir à tel point que même Sarawat, qui se trouve à l’extrême droite, est bien visible. La guitare lui va bien. Je ne peux pas le quitter des yeux.

    Il porte un t-shirt Scrubb, tout comme moi. Tous les autres membres du groupe portent une veste.

    “Tout le monde, s’il vous plaît, chantez avec nous! Sautez avec nous! Allez les gars! Se réveiller dans la ville troublée. Regarder le ciel, que cherchons-nous? Le grand rêve que nous voulons atteindre…(2)

    Tout le monde commence à s’amuser dès que la chanson commence. Je trouve mon téléphone et me dirige vers le côté de la scène pour prendre des photos de Sarawat. Je prends rapidement beaucoup de photos car je sais qu’il ne me remarquera pas pour le moment.

    Au moment où je prends la dernière photo, je réalise que je suis complètement entouré de filles. Il y a beaucoup plus de filles ici, devant Sarawat, que partout ailleurs.

    “Oh, mon Dieu! Il est si beau! Quel est son nom? Je dois le savoir.” “Regarde! Il nous regarde! Oh mon Dieu!”

    Leurs cris forts me font lever la tête. Sarawat regarde par ici.

    “Putain! Tellement sexy! Allons le séduire!”

    Il est évident, d’après leur conversation, que ces filles ne sont pas des étudiantes de cette université, car tout le monde ici sait qui est Sarawat.

    Maintenant, il va être célèbre dans toutes les universités de la région. Je suppose que je devrais l’envier, mais ce n’est pas ce sentiment qui me noue l’estomac.

    Je ne veux pas qu’il connaisse les autres et je ne veux pas que les autres le connaissent.

    “Je vais t’emmener le rencontrer dans les coulisses.”

    “Vraiment?”

    “Bien sûr! Ne t’inquiète pas. Tu es si belle.”

    Pendant une seconde, je suis tellement pris dans mes pensées que j’en oublie la réalité, jusqu’à ce que je réalise soudain que j’ai été poussé dans le coin le plus éloigné de la scène. Et vous savez quoi? Je suis toujours en train de le regarder.

    Il a probablement utilisé la magie noire sur moi.

    Quand la première chanson se termine, la seconde commence. Et ainsi de suite - le groupe ne présente pas ses membres, mais continue à jouer. Et moi, qui ne connais aucune autre chanson que Scrubb, je suis juste debout dans un coin sans pouvoir voir clairement la scène.

    Après la dernière chanson, les Sssss..! prennent un long moment pour remercier le public. Certains crient le nom de Sarawat, d’autres demandent aux membres de se présenter. Bien sûr, Sarawat laisse tomber sa guitare et quitte la scène dès qu’ils ont terminé.

    Je me force à chasser Sarawat de ma tête et à me concentrer sur le fait que mon groupe préféré va monter sur scène d’une minute à l’autre. Puis les lumières s’allument et ils sont là. Pendant un instant, j’oublie tout en criant sans réfléchir.

    “Salut, tout le monde!”

    “Wheeeeeeeeew!”

    Je suis en train de mourir! Dès que je vois Muey et Ball sur la scène, j’essaie de me frayer un chemin dans la foule pour m’approcher. C’est inutile, je ne peux pas bouger et je ne vois rien.

    Merde! C’est ta faute, et uniquement la tienne! Tu m’as fait penser à toi tout le temps et je n’ai même pas réalisé que j’étais poussé jusqu’ici!

    Je suppose que même si je ne peux pas me rapprocher de la scène, être ici est suffisant. Être capable de regarder le concert est tout ce dont j’ai besoin.

    Je sens soudain quelqu’un se tenir à côté de moi.

    Je me retourne pour reconnaître son t-shirt blanc Scrubb et son jean 25oz. Il hausse les sourcils et prend la liberté de me tenir la main sans rien demander.

    “Comment m’as-tu trouvé?”

    “Je te vois toujours.”

    “Vraiment? Et moi qui pensais que tu flirtais avec les filles qui te demandaient ton numéro.”

    “Comment tu le sais?” demande-t-il en gardant son sérieux.

    “Eh bien, tu es un beau garçon.”

    “C’est vrai.”

    “Tu leur as donné ton numéro?”

    “Non, tu es plus important. C’est pour ça que je suis là.”

    “Pourquoi? Je suis si important?”

    “Je suis inquiet.”

    “...”

    “Que tu demandes à quelqu’un de coucher avec toi.”

    “Va te faire foutre!” J’ai envie de m’engueuler avec le gars, mais je me calme en serrant sa main, et il serre la mienne en retour plus fort que je ne l’ai fait avec lui.

    Arrête ça! Ça fait mal!

    “Cette chanson me rappelle cet endroit parce que je l’ai écrite quand je vivais à Chiang Mai. C’est…” Muey n’a pas fini de parler, mais je sais ce qu’il va dire.

    “See Scape.”

    “Tu connais cette chanson?” me demande Sarawat.

    “Yep. Il l’a dit l’année dernière aussi, mais à Bangkok.”

    “Où?”

    “Université Silpakorn.”

    Il acquiesce. Ce concert était incroyable. Je me souviens encore du sentiment que j’ai eu en le regardant.

    “C’était bien?”

    “Tellement amusant! J’étais sur un petit nuage.”

    “Je sais.”

    “Comment?”

    “Je peux le dire en regardant ton visage maintenant.”

    “Mmh. Mais à ce moment-là, j’étais juste à côté de la scène. Regarde Muey et Ball! D’ici, ils ne sont pas plus gros qu’une crotte de nez.”

    “Tu veux les voir plus clairement?”

    “Bien sûr que oui.”

    “Monte,” dit Sarawat en s’agenouillant au milieu de tous les gens qui nous entourent. Il me regarde et tapote doucement son épaule.

    “Allez! Ne fais pas ça.”

    “Monte, fais-moi confiance. Je ne te laisserai pas tomber.”

    “Ce n’est pas de ça que j’ai peur, mais... tu es sûr que tu veux que je monte sur ton dos?”

    “Allez! Dépêche-toi! C’est bientôt le refrain.”

    Je jette un regard hésitant sur son visage avant de balancer mes jambes sur ses épaules. Il se lève lentement. Je peux voir le paradis maintenant, juste en face de moi. C’est comme un rêve.

    “Oh mon Dieu! C’est tellement bien!” Je pose mes mains sur la tête de Sarawat pendant une seconde avant de les lever pour les balancer et chanter en même temps.

    See Scape est terminée, remplacée par Answer. Puis Close, Get Along, Our Song, You Orbit around Me, I Orbit around You, Together... ils jouent beaucoup de chansons.

    Enfin, ils arrivent à leur dernière chanson. La chanson que moi, Sarawat et tous les autres chanteront à tue-tête en espérant que nous pourrons nous revoir bientôt.

    Sarawat me fait descendre juste au moment où la dernière chanson va commencer.

    “Je dédie cette chanson à tous ceux qui tombent amoureux. On peut se demander si c’est de l’amour ou pas. Mais ce n’est pas important - il suffit de lâcher prise, de tout oublier et de regarder la personne à côté de soi. De quoi ont-ils l’air maintenant?”

    “...”

    “Est-ce qu’ils vous sourient?”

    “...”

    “Est-ce qu’ils vous regardent dans les yeux?”

    “...”

    “Est-ce qu’ils vous tiennent la main?”

    “...”

    “S’ils font ça, chantons cette chanson ensemble.”

    Tout le monde crie de tout son cœur pendant que les instruments jouent. Le rythme doux me donne l’impression de flotter dans le ciel.

    Je ressens chacune des paroles de Muey à cause du gars à côté de moi.

     

    “Au fond de nos cœurs, nous savons tous deux si bien,

    comment chaque minute a une histoire

    que toi et moi devrons affronter.

    Les jours ont passé mais nous sommes toujours ensemble.

    Cherche-le dans chaque sentiment que nous avons.

    Au fond des sentiments que nous connaissons tous les deux.

    Ils flottent autour de nous. Je veux aller les chercher.”(3)

     

    Je ne suis pas intelligent. D’habitude, je ne comprends pas grand-chose à ce qui se passe. Tout ce que je sais, c’est que ses yeux sur moi en ce moment font trembler mon cœur.

    Nous ne parlons pas. On se regarde juste et on chante jusqu’au dernier couplet.

     

    “Peut-être à cause de ces moments que nous avons passés

    ou peut-être les émotions qui ont fait battre mon cœur.

    Les vieux souvenirs sont clairs comme le jour,

    les moments qui nous ont liés.

    Au moins, je t’ai à mes côtés et je comprends,

    peu importe le temps que ça prendra, tout ce dont j’ai besoin c’est toi et moi.”

     

    Le dernier son que j’entends est la voix de Muey. Je comprends enfin Sarawat.

    “Et tous ceux qui ont souri, t’ont regardé, t’ont tenu la main depuis le début de la chanson et jusqu’à maintenant. C’est tout…”

    “...”

    “C’est l’amour.”

     

    Je suis de retour dans ma chambre, allongé sur le lit et je me sens épuisé. Je n’ai pas envie de bouger, alors je reste immobile et j’écoute le son des notifications.

    Je ferme les yeux pendant un long moment avant de prendre mon téléphone pour ouvrir Instagram. Je ne fais pas vraiment attention au début, mais je me contente de faire défiler sans réfléchir. Ce sont surtout des vidéos du Star Gang et des Lions blancs en train de danser au concert. Puis je regarde enfin mes notifications, voyant des alertes de Man-Oh-Hum m’ayant tagué dans une section de commentaires.

     

    Man_maman @Tine_chic Il m’a dit qu’il avait fait de gros efforts pour taper

     

    J’ouvre grand les yeux. C’est le compte Instagram de Sarawat. Sur la photo, il porte un uniforme de lycéen et se tient près d’un panneau d’un concert de Scrubb. Mais...

    Je suis sur la photo!

    Il a posté un total de trois photos. C’est la première. La deuxième est celle où je suis sur les épaules de Sarawat. Elle a été prise par quelqu’un d’autre.

    Et la dernière...

    Sarawat et moi nous tenant la main en quittant le concert.

    Toutes les photos sont légendées. Je les lis lentement avec un sentiment grandissant dans ma poitrine.

     

    La première...

     

    Sarawatlism l’année dernière à Silpakorn

     

    La deuxième...

     

    Sarawatlism cette année à Chiang Mai

     

    Et la dernière...

     

    Sarawatlism n’importe où... tant que je suis avec toi


    Notes

    (1) “Unfriend” de Helmetheads

    (2) “Dancing” de Musketeers

    (3) “Luek Luek” (Deep) de Scrubb


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