• Chapitre 12

    Chapitre 12

    En effet, personne ne fait quelque chose gratuitement.

    Mais parfois, ce qu'on attend en retour...

    ce ne sont pas des objets ou des choses chères.


    C'est la même personne qui avait fait que Seeiw attendait la fin des cours, qui l'avait fait rire à s'en faire mal aux joues quand ils discutaient, qui l'avait fait sourire tous les jours et avec qui il était agréable de traîner. Malgré cela, il se sent si mal à l'aise qu'il a envie de partir rien qu'en se tenant près de lui.

    — ... Je te rends l'argent, dit Sand en tendant une enveloppe brune.

    Seeiw la regarde et jette un coup d'œil à son visage. Il a plus de bleus que Cake. 

    — ... 

    Il accepte l'enveloppe.

    — Je sais que ça ne résoudra rien, mais je suis désolé, dit doucement Sand. Je n'ai pas d'excuses.

    — Moi aussi, je suis désolé, répond Seeiw, qui surprend Sand en train de le fixer du coin de l'œil. Je ne savais pas que tu te sentais mal quand je parlais de ma mère.

    — Oublie ça.

    Seeiw acquiesce. 

    — Je tiens tout de même à m'excuser de ne pas m'en être rendu compte. Je ne vis pas non plus avec mon père. Ça m'a fait du bien d'écouter les histoires sur le tien, alors j'ai pensé que tu ressentirais la même chose si je t'invitais chez moi pour voir ma mère, pour manger sa nourriture.

    — … 

    Le garçon à la peau bronzée reste silencieux. Il n'a rien à dire, alors il reste là à écouter.

    — J'y vais.

    — Seeiw.

    Seeiw s'arrête à mi-chemin et se retourne en haussant un sourcil en guise de réponse.

    — Je suis désolé.

    Le garçon plus petit se tait et réfléchit, le regard sur ses pieds. 

    — Quand tu as dit que personne ne faisait quelque chose gratuitement, j'y ai pensé.

    — … 

    — Je crois que j'attends aussi quelque chose en retour.

    — ...

    — Mais je ne veux pas d'objets ou d'argent. 

    Seeiw soutient le regard de Sand et sourit doucement. 

    — Je veux simplement un bon sentiment et une relation sincère en retour.

    — … 

    — Donc, quand je t'ai prêté mon argent, je ne souhaitais rien d'autre que d'être ton ami, s’amuse-t-il. Je comprends que tu ne veuilles pas ça, mais quand même. Merci. Je me suis vraiment amusé lorsque nous avons joué ensemble.

    “Je suis désolé” est probablement la meilleure chose que Sand puisse dire. Il se sent un peu coupable, mais et alors ? Au début, il n'avait pas l'intention de le piéger pour qu'il lui donne de l'argent. Il voulait juste que Seeiw lui achète des friandises, qu'il a remboursées en jouant avec lui. Où est le problème ?

    Seeiw acquiesce. Il ne veut pas que Sand se sente coupable ou qu'il ait besoin de s'excuser.

    Ce qu’il s'est passé lui a fait prendre conscience de quelque chose...

    Il n'était qu'un minuscule humain dans le monde, avec si peu d'expérience. Il jugeait tout avec des sentiments superficiels et faisait confiance à quelqu'un parce que cette personne le rendait heureux. Il croyait que c'était une bonne chose tant qu'il était heureux.

    Seeiw ne comprenait pas les pensées compliquées des autres. Il ne comprenait pas ceux qui agissaient gentiment alors qu'ils pensaient tout le contraire. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un de mal intentionné à son égard.

    C'était la première fois qu’il sortait de l'espace derrière Cake. C'était la première fois qu'il décidait d'agir de son propre chef. Même si le résultat n'est pas agréable, il pense qu'il a au moins grandi.

    Hier soir, Hia-Pao lui a dit que même si nous ne faisons pas de mal aux autres, cela ne veut pas dire qu'ils ne nous feront pas de mal. De plus, même si nous sommes de bonnes personnes, cela ne veut pas dire que nous ne rencontrerons que des bonnes personnes.

    De même, même si les lapins ne mangent pas les tigres, cela ne veut pas dire que les tigres ne mangent pas les lapins.

    Seeiw se prend pour un lapin...

    Un lapin qui va essayer de distinguer les lapins des tigres qui se font passer pour des lapins.


    Seeiw sort de la cafétéria pour retrouver le garçon qui l'a emmené ici. Il attend au même endroit. 

    — Cake.

    — Tu as mis si longtemps. Tu ne viens pas d'avoir l'argent ?

    — Si, indique Seeiw en lui montrant l'enveloppe brune. On a parlé un peu.

    — De quoi vous avez parlé ?

    — Sand s'est excusé.

    — Ha, se moque le plus grand des garçons. Je ne l'accepte pas.

    — Je l'ai fait.

    — Seeiw.

    — Je viens de le faire, explique-t-il rapidement, en se faisant reprendre d'une voix sévère. Le pardon est une bonne chose.

    — Oui, c'est bien. Maintenant, tu es libéré de lui.

    Le garçon plus petit rit.

    — Tu as l'air d'un géant en colère.

    — Ne me tapote pas la joue.

    Seeiw fait la moue. 

    — Tu vas voir Rin, n'est-ce pas ? Je vais rejoindre Kung au bâtiment. 

    D'habitude, Cake se rend à l'arrière de l'école à cette heure-là. Mais comme Sand devait rendre l'argent après les cours aujourd'hui, il a insisté pour accompagner Seeiw. Il a fallu un certain temps à ce dernier pour le persuader d'attendre à distance.

    — Je n'y vais pas. Je vais rentrer avec toi maintenant.

    — Hmm ? s’étonne Seeiw, surpris. Pourquoi ?

    — Rentrons à la maison.

    — Tu n'as pas besoin de faire ça pour me réconforter, dit Seeiw en fronçant les sourcils. Je vais bien maintenant. Je ne suis plus triste.

    — Ce n'est pas ça. 

    Cake sourit et pince le nez de Seeiw. 

    — Je veux juste rentrer à la maison. De toute façon, ça fait un moment qu'on n'a pas joué au bord du canal.

    — Tu y vas ? 

    Les yeux de Seeiw brillent.

    Cake sourit et acquiesce. Le visage heureux de Seeiw fait naître un pincement de douleur dans sa poitrine. Depuis combien de temps n'y sont-ils pas allés ? Depuis combien de temps n'ont-ils pas passé de temps ensemble ?

    Cake n'a aucune idée de la joie que lui procure le fait d'avoir une petite amie.

    Mais ce n'est pas comparable au sourire de Seeiw.

    — Allons-y.

    — Oui. 

    Le garçon sourit de toutes ses forces. 

    — Allons-y.

    Le sourire qui fait sourire Cake à tous les coups... comme maintenant.


    Seeiw adore le quartier du canal situé derrière chez eux, à trente mètres de marche dans l'allée de la rizerie. Il n'y a pas beaucoup de monde le soir. Le temps est agréable et l'air du canal est frais.

    Ils adoraient rester sur le pont en bois, regarder les mouvements de l'eau, écouter le bruissement des feuilles dans la brise et le gazouillis des oiseaux au loin. Lorsqu'ils s'ennuyaient, ils faisaient des ricochets l'un contre l'autre. Seeiw n'a jamais battu Cake. Ses pierres coulent dès qu'il les lance.

    — Je n’y arrive pas. 

    Seeiw fait la moue. Il n'y arrive toujours pas, pas plus maintenant qu'avant.

    Cake rit et se rapproche. 

    — Ne le lance pas trop fort. Tu dois fouetter ton bras vers l'avant avec la pierre parallèle à l'eau.

    — C'est dur.

    — Tu peux le faire. Choisis un caillou plat, incline ton corps et lance-le en ligne droite, explique Cake en passant un caillou à Seeiw. 

    Il lui tient la main et guide l'élan.

    — Oh ! 

    Seeiw sursaute lorsque le galet qui sort de sa main saute une fois et s'enfonce. Même si cela n'a duré qu'une fraction de seconde, le garçon qui n'a jamais réussi rayonne. 

    — J'ai réussi.

    — Tu vois ? rit Cake. Entraîne-toi constamment et tu pourras le faire toi-même.

    — Je m'entraînerai jusqu'à ce que je puisse le faire ricocher plusieurs fois comme toi.

    Le plus grand garçon acquiesce. 

    — Entraîne-toi jusqu'à ce que tu me battes.

    — Quand je serai bon, je te défierai.

    Cake ébouriffe les cheveux de Seeiw avec sa grosse main tandis que Seeiw sautille.

    — Eiw.

    — Hmm ?

    — ...

    — Qu'est-ce qu'il y a ? demande Seeiw quand Cake se tait après l'avoir appelé par son nom.

    — J'allais te demander si tu as faim. On rentre à la maison ?

    Seeiw regarde l'heure sur sa montre. 

    — D'accord, il est plus de seize heures. Tu as dit à tante Prao que tu serais rentré avant dix-sept heures.

    — Oui. Je suis puni.

    — Rentrons à la maison, alors, dit Seeiw.

    Cake acquiesce. Il se retourne et s'accroupit.

    Le garçon à côté de lui s'interroge, confus. 

    — Qu'est-ce que tu fais, Cake ? Tes lacets sont défaits ? 

    Pourquoi lui tourne-t-il le dos ?

    — Monte. Mets-toi sur mon dos.

    — Hein ?

    — Sur mon dos. Comme avant.

    — … 

    Seeiw se lèche les lèvres. Cake avait l'habitude de le faire monter sur son dos, mais c'était il y a longtemps. Ça fait bizarre de le faire maintenant, surtout quand quelque chose n'est plus pareil... 

    — Je suis lourd.

    — Tu parles... 

    Le plus grand des garçons ne peut s'empêcher de rire. 

    — Monte. Je vais courir jusqu'à la maison. On y sera en un clin d'œil.

    — Mais tu es toujours blessé.

    — Plus maintenant. 

    Cake tourne la tête et répète. 

    — Monte.

    Puisque Cake insiste, Seeiw se baisse lentement jusqu'à ce que sa poitrine touche le large dos. Il enroule ses bras autour du cou de Cake et presse ses lèvres l'une contre l'autre en posant son menton sur l'épaule de Cake.

    Seeiw aime l'odeur de Cake. Cette odeur unique le met à l'aise.

    Seeiw aime la température du corps de Cake. C'est agréable quand leurs peaux se touchent.

    Seeiw aime sa voix, son regard, son sourire, tout ce qui le concerne et tout ce qu'il fait.

    Seeiw aime tout cela.

    Mais Seeiw a aussi peur...

    Il a peur que si leurs corps se touchent, Cake entende les battements de son cœur.

    Il a peur que s'ils sont si proches, Cake découvre un jour ses sentiments.

    Et il a peur que si Cake le sait, il change. Comme Seeiw.

    La différence, c'est que le changement dans leurs sentiments... pourrait ne pas être le même.

    — Tu as dit que tu courrais, dit Seeiw, essayant d'avoir une conversation pour se distraire.

    — J'ai changé d'avis. 

    Cake a l'air de s'amuser comme un fou. 

    — Je veux prendre mon temps pour marcher comme ça. Il fait beau.

    — Tu vas rentrer tard et te faire frapper.

    — On a tout notre temps.

    — …

    — Tu te souviens quand je t'ai porté jusqu'à la maison ? demande Cake en avançant lentement. Tu as trébuché et ton genou a saigné, alors j'ai dû te porter sur mon dos. Tu pleurais tellement que tu as eu le hoquet.

    — J'étais un petit enfant.

    — C'était drôle.

    Seeiw fronce les sourcils et frappe une fois l'épaule de Cake. 

    — Tu es méchant.

    — Méchant ? Je t'ai ramené à la maison et j'ai nettoyé ta blessure.

    — C'est tante Prao qui l'a fait à la fin.

    — Parce que tu n'arrêtais pas de crier que j'étais trop brusque.

    — Tu l'étais. Tu as la force d'un éléphant.

    — Est-ce qu'un éléphant a déjà soigné ta blessure ?

    Le garçon plus petit boude. Cake est une vraie plaie. 

    — ...

    — Eiw.

    — Hmm ?

    — Quand tu traînais avec Sand, qu'est-ce que vous faisiez ensemble ?

    — … 

    La question éveille la curiosité de Seeiw. Pourquoi Cake veut-il savoir ? 

    — Pourquoi cette question ?

    — Dis-moi simplement. 

    Comme la voix de Cake ne montre aucune émotion, Seeiw est paranoïaque. Il n'est pas sûr que Cake soit irrité. 

    — Je viens de me rendre compte que nous n'avons pas beaucoup parlé ces derniers temps. Je ne sais rien de ce que tu as fait.

    — Cake...

    — Donc, à partir de maintenant, parlons beaucoup et racontons nous tout.

    — D'accord.

    — Dis-moi maintenant, lance Cake en tournant la tête vers Seeiw et en sautillant pour lui mettre la pression.

    Seeiw est surpris. Il resserre ses bras autour du plus grand des garçons. 

    — Je vais tomber !

    — Je ne te laisserai pas te blesser.

    — … 

    — Alleeez.

    — J'ai compris, répond Seeiw. 

    Il fait une pause avant de commencer.

    — Sand m'a emmené dans le jardin sous les autoroutes. Il y avait des écureuils. Ils couraient si vite que je ne les ai jamais rattrapés. Certains jours, nous jouions sur les balançoires du bâtiment de la police à côté de notre école. Un homme vendait des glaces là-bas. Du lait de coco dans du pain. Oh, il ajoutait aussi du riz gluant et beaucoup de crème. C'était si bon. Je pensais t'emmener là-bas pour la goûter.

    — … 

    — Et j'ai regardé Sand jouer de la guitare dans la salle de musique. La chanson a un rythme étrange, mais les paroles sont significatives. J'ai noté le titre. Je te la montrerai plus tard.

    — … 

    — Je suis aussi allé chez Sand. Ses frères sont adorables. Deux d'entre eux sont des jumeaux. Ils étaient espiègles comme des singes, dit Seeiw en riant. Ils ont grimpé à l'arbre avec beaucoup d'agilité malgré leur petite taille. Je n'ai pas pu le faire. J'ai perdu contre les enfants.

    — … 

    — Je parie que tu aurais gagné.

    — Eiw.

    — Hmm ?

    — Tu as aimé jouer avec Sand ?

    — Oui. Sand était gentil quand on jouait ensemble. Il ne m'a pas fait de mal et ne m'a pas mis mal à l'aise. Il m'a fait essayer plein de nouvelles choses. 

    Même si cette histoire s'est terminée de cette façon, les bonnes choses qui se sont produites étaient réelles.

    — Tu as aimé ça plus que quand tu étais avec moi ?

    — Comment c'est possible ?

    — Tu avais l'air heureux.

    — J'étais heureux parce que je m'amusais.

    — ...

    — Mais j'ai tout quand je suis avec toi.

    — Qu'est-ce que c'est ?

    — Tout. T'avoir, c'est comme avoir tout.

    — ... 

    Cake sourit. 

    — Hum.

    — Tu souris, pas vrai ?

    — C'est pareil pour toi.

    — Je ne souris pas. Tu dis n'importe quoi.

    — Non. Je veux dire, je ressens la même chose.

    — … 

    Avoir Seeiw, c'est comme avoir tout. C'est ce que veut dire Cake.


    Seeiw dîne chez Cake aujourd'hui. C'est l'un des rares jours où Thanet est rentré tôt. La table à manger est rectangulaire, contrairement à la table ronde de chez Seeiw. Oncle Thanet est assis en bout de table, avec tante Prao et Cake à sa droite et Cream à sa gauche. Seeiw est assis en face de Cake.

    Si l'oncle Thanet rentre tôt, toute la famille mange ensemble. Au contraire, dans la famille de Seeiw, on se débrouille tout seul quand on a faim. Ils n'ont pas le temps de mettre la table et de manger ensemble. Manger ensemble est plutôt amusant, en fait. Ils essaient de se parler et rient aux éclats. La plupart des sujets abordés sont les histoires de Cream à l'école, les bêtises de leurs amis, leur école et des choses plus générales.

    — Seeiw, tu es déjà rassasié ? demande Praoprapa lorsqu’il est le premier à poser sa cuillère et sa fourchette dans son assiette.

    — Oui, répond Seeiw. Je suis repu.

    — Mange beaucoup, Eiw. Tu es si petit, dit Thanet en jetant un coup d'œil à son fils. Je croyais que Cake prenait toute la nourriture.

    — Quoi, papa ? Eiw ne mange pas beaucoup lui-même, grogne Cake en prenant une autre bouchée.

    — Je serai bientôt plus grande que toi, Eiw, souffle la fille à côté de Seeiw.

    Se faisant traiter de petit, Seeiw pince la joue de Cream en s'amusant. 

    — Tu as encore beaucoup de centimètres à gagner, Cream.

    — Il faut que tu manges plus, Eiw, sourit Thanet. Quand ils iront s'installer là-bas, je suis sûr qu'ils deviendront encore plus grands. Tu ne pourras pas les rattraper quand ils reviendront.

    — Pardon ? 

    Seeiw hausse les sourcils, ne comprenant pas.

    — Papa, je ne lui ai pas dit, avoue Cake en fronçant légèrement les sourcils, très sérieusement. 

    La table entière tombe dans le silence.

    — … Ah. 

    Seeiw regarde autour de lui, incapable de comprendre la situation.

    — Eiw, tu es rassasié, n'est-ce pas ? 

    Cake change de sujet.

    — Oui.

    — Moi aussi. 

    Le plus grand des garçons pose sa cuillère et sa fourchette avant de se tourner vers sa mère. 

    — Je pourrais ne pas t'aider à nettoyer aujourd'hui... ? Il faut que je parle à Eiw.

    — Bien sûr, acquiesce Praoprapa en esquissant un petit sourire. Parlez bien.


    Seeiw ne sait pas pourquoi il fronce les sourcils, mais quelque chose lui dit qu'il va se mettre en colère.

    — … 

    — Pourquoi tu es renfrogné ? demande le propriétaire de la chambre après avoir fermé la porte et s'être tourné vers le garçon perché sur son lit.

    — Qu'est-ce qu'il y a ?

    — … 

    — Pourquoi je n'ai pas compris ce que l'oncle Thanet a dit ? Pourquoi tout le monde était silencieux ?

    Cake pousse un soupir et s'installe à côté de lui. 

    — Eiw, l'appelle-t-il doucement. Tu te souviens quand je t'ai dit qu'il fallait que je te parle de quelque chose après que ma mère m'ait parlé ?

    Seeiw acquiesce. 

    — Oui. J'attendais que tu me le dises.

    — C'est vrai...

    — Qu'est-ce que c'est ?

    — … 

    — Cake, ne reste pas silencieux. Je commence à avoir peur.

    — … Je sais. 

    Le plus grand des garçons prend une grande inspiration. Le stress lui retourne l'estomac. 

    — Promets-moi d'écouter attentivement jusqu'à ce que j'aie fini. Ne fais pas d'histoires. Ne pleure pas. Ne refuse pas d'écouter. Et ne t'éloigne pas.

    — Qu'est-ce que tu vas dire ?

    — Promets-moi d'abord.

    — Je te le promets.

    — Ne croise pas les doigts. Montre-moi tes mains.

    Seeiw boude en levant les deux mains. 

    — Je ne croise pas les doigts !

    — D'accord. 

    Cake inspire et expire lentement, organisant ses pensées. Tout ce qu'il faut pour que cela ait moins d'impact. 

    — Mon père a eu l'opportunité de travailler aux États-Unis... C'est un peu comme s'il allait aider dans une succursale. Il sera promu s'il part. À un poste beaucoup plus élevé.

    — … 

    — S'il est d'accord, c'est un contrat de trois ans.

    — Et ? 

    La voix de Seeiw tremble pour une raison inconnue.

    — L'entreprise fournira le logement et... la famille pourra s'y installer.

    — … 

    — Et...

    — Vous allez aux États-Unis ? l'interrompt Seeiw. 

    Il ne veut pas connaître les détails pour l'instant. Il souhaite une conclusion et la réponse à sa question.

    — … 

    — Tu vas vivre aux États-Unis ? demande Seeiw en serrant les poings. Tu ne seras pas mon voisin ? Tu n'iras pas à l'école avec moi ? Je ne te verrai plus tous les jours, n'est-ce pas ?

    — ...

    — Tu ne seras plus avec moi ?

    — … 

    Seeiw pleure et fait la moue quand Cake ne répond à aucune question. 

    — Je te pose des questions.

    — Eiw...

    — Réponds à toutes les questions tout de suite.

    Cake presse ses lèvres l'une contre l'autre, regardant les yeux pleins de larmes de Seeiw. 

    — Non.

    — … 

    — Mais je reviendrai. Ce n'est que trois ans.

    — Je ne pense pas que trois ans soient courts.

    — … 

    — Qu'est-ce que je peux faire ?

    — … Je ne sais pas.

    — Je peux rentrer chez moi pour l'instant ?

    — Non. Je ne vais pas te laisser partir.

    Seeiw se mord la lèvre inférieure, essayant tant bien que mal de retenir ses larmes.

    Non, je ne vais pas te laisser partir.

    Seeiw aimerait pouvoir le dire à voix haute comme l'a fait Cake. Il aimerait pouvoir être égoïste. Mais il sait que l'affaire est trop sérieuse pour qu'il soit irrationnel. Si la famille de Seeiw déménageait quelque part, il irait avec elle, malgré son désir d'être avec Cake.

    La famille passe en premier, en fin de compte...

    Il n'est pas assez cruel pour dire à Cake de rester et d'être loin de sa famille pendant trois ans.

    — J'ai besoin d'être seul pour réfléchir.

    — Non.

    — Je vais être déraisonnable si je suis avec toi.

    — Sois déraisonnable, alors. Ça ne me dérange pas.

    Seeiw fronce les sourcils. 

    — Ne me force pas à être le méchant.

    — Méchant ou pas, tu peux être n'importe quoi quand tu es avec moi.

    — … Tu ne penses pas aux moments où je ne t'ai pas avec moi ?

    — …  

    Le plus grand des garçons se tait, se sentant comme giflé par ces mots. Est-ce lui qui est déraisonnable ?

    — Je rentre à la maison. On se voit demain.

    — Tu me réveilleras comme d'habitude ?

    Seeiw s'arrête après s'être levé. Il se tourne vers Cake à la question. 

    — Oui.

    — … 

    — J'y vais. 

    — Eiw.

    Seeiw lève les sourcils.

    — Fais-moi un câlin.

    Seeiw serre le bout de ses doigts. Il n'a pas envie de pleurer, et serrer Cake dans ses bras rendra tous ses efforts vains. 

    — On peut se faire un câlin demain ?

    — On ne peut pas le faire maintenant ?

    — Non. Ne sois pas fâché.

    Les épaules de Cake s'affaissent. 

    — Je ne suis pas fâché...

    — Bonne nuit, Cake.

    — Ouais.

    — Lâche ma chemise, dit Seeiw quand Cake s'agrippe à sa chemise après avoir répondu d'une voix douce.

    — … 

    Cake soupire. 

    — Bonne nuit, Eiw.

    Cake finit par retirer sa main et laisse Seeiw quitter sa chambre.


    Une fois rentré chez lui, Seeiw se douche et se change. Il essaie de se mettre à l'aise, bien qu'il ait envie de pleurer et de crier à chaque seconde. Il se dit qu'il a grandi. Un grand garçon ne pleurniche pas. Un grand garçon est raisonnable.

    Il essaie d'accepter ce qu'il devrait comprendre, même s'il crie et hurle continuellement dans sa tête.

    Le petit garçon sort de sa chambre et se rend dans celle de sa mère. Il frappe trois fois à la porte et passe la tête à l'intérieur après qu'elle lui ait donné la permission.

    — Oh, Seeiw. 

    Netnapa regarde son fils depuis son lit. Elle glisse un signet dans son livre et le pose sur la table de nuit.

    — Qu'est-ce qu'il y a ?

    — Je peux dormir avec toi ?

    Sa mère hausse les sourcils et acquiesce. 

    — Entre.

    Seeiw ferme doucement la porte, se dirige vers le lit et s'installe à côté de sa mère. Il passe ses bras autour de sa taille et enfouit son visage dans son épaule. Son parfum l'apaise.

    — Qu'est-ce qui ne va pas ?

    — Je veux juste te serrer dans mes bras, murmure le garçon, en caressant la peau douce de sa mère et en essayant de cacher ses yeux remplis de larmes.

    — Tu es un grand garçon maintenant.

    — Oui, je suis un grand garçon.

    Netnapa rit, tapote la tête de son fils et tire la couverture sur ses épaules. Elle suppose qu'il a appris que son voisin déménagera aux États-Unis après avoir obtenu son diplôme de fin d'études secondaires. Elle pensait qu'il pleurerait, mais ne s'attendait pas à ce qu'il soit aussi calme.

    Même s'il essaie de retenir ses larmes au point de hoqueter, pensant que sa mère ne le remarquera pas.



  • Commentaires

    2
    Dimanche 28 Janvier à 19:18

    merci pour ce chapitre <3

    1
    Jeudi 18 Janvier à 21:45

    Merciii pour se chapitre 

    Qui fait mal au coeur

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