• Chapitre 1

    Chapitre 1

    Je soupire en quittant ce qui est maintenant la maison de ma famille. On a emménagé il y a quelques semaines et comme à chaque fois, mes parents affirment haut et fort que c'est la dernière fois que l'on déménage. Avec le temps, j'ai fini par ne plus les croire, ils sont incapables de rester plus d'un an au même endroit, alors je sais que bientôt ils ne se plairont plus et partiront à la recherche de l'endroit qui saura définitivement les conquérir.

    Mes parents passent un peu pour des illuminés auprès des gens. Ils ne sont pas comme la majorité des parents Thaïlandais, ils veulent élever un être libre, alors je n'ai que très peu de restrictions. Je sors beaucoup, je ne suis pas un très bon élève,  mais ils ne me mettent pas vraiment la pression. Et même si je ne me plains pas de la vie que je mène, parfois j'aimerais juste avoir quelques interdits.

    Je claque la porte sûrement beaucoup trop fort et sors dans la rue en me frottant le visage. Je suis épuisé, je me suis encore couché trop tard parce que je me suis laissé convaincre par la fille que je fréquente actuellement de la suivre dans un club. J'ai à peine dormi et maintenant je dois me rendre au lycée pour les cours. 

    Les yeux à moitié fermés, je ne fais pas attention à ce qui se trouve autour de moi. Je percute quelqu'un de plein fouet. Ce n'est pas violent, pourtant le jeune homme qui était plongé dans un livre s'étale de tout son long sur le trottoir alors que son ouvrage glisse jusqu'au caniveau poussiéreux. 

    Oh merde ! Désolé.

    Je m’exclame sans même réfléchir à qui je viens de percuter. Je me précipite pour ramasser le bouquin en essayant d'enlever les saletés et en dépliant les pages cornées. Je me tourne ensuite vers un adolescent qui doit avoir mon âge, il est occupé à épousseter son short d'uniforme, le même que le mien. On va dans le même lycée et on peut dire que pour une première impression j'ai fait plutôt fort. 

    Je m'approche de lui, quand il se redresse et je remarque qu'il fait environ ma taille. Cependant, il paraît plus frêle que moi, moins robuste et puis ses lunettes légèrement de travers le rendent plutôt mignon. 

    — C'est rien, je ne regardais pas non plus où j'allais.

     Il me répond d’une voix douce et me fait un petit sourire d'excuse en reprenant son livre et le serrant précieusement contre sa poitrine. Je l’observe un petit instant et finalement, je ne résiste pas. Je tends la main vers lui, notant le tressaillement sur son visage, mais je mets ça sur le compte de la surprise. Je redresse lentement ses lunettes pour qu’elles soient de nouveau droites sur son nez avant de lui offrir un grand sourire.

    Tu vas au lycée Triam Udom Suksa ?

    Je lui pose la question, même si son badge accroché à sa chemise blanche est une réponse. Il fronce les sourcils et de l’inquiétude passe sur son visage. Je dois sembler bizarre avec mes questions. Alors je m’empresse de poser mon index sur ma poitrine, juste en dessous de l’écusson qui montre que je porte le même que lui tout en ayant un petit sourire

    J'y suis inscrit depuis quelques jours. 

    Je fini par le préciser, parce que je me doute que le lycée n’étant pas immense, il doit connaître de vue la plupart des étudiants et le fait de ne m’y avoir jamais vu doit lui paraître étrange.

    — Oh, tu t'y plais ? Tu es dans quelle classe ? 

    Le soulagement paraît sur son visage quand il comprend et c’est naturellement qu’il m’interroge. C’est sans y faire attention, que l’on se met à marcher ensemble tout en discutant de tout et de rien. Il est fasciné par les nombreux déménagements que j'ai vécus alors que lui est toujours resté à Bangkok. Et moi, j’aime le fait qu’il puisse me parler de la maison dans laquelle il a grandi et qui recèle de nombreux souvenirs.

    Rapidement, on approche de la grille du lycée et contrairement à d’habitude, je ne suis pas en retard. Je me surprends à me dire que j'aurais aimé être dans sa classe pour pouvoir rester avec lui. C'est simple de lui parler, je n'ai pas besoin de paraître être quelqu'un d'autre pour l'impressionner.

    Au fait,  je m'appelle Drake Ayutthaya. Et toi ?

    Je me présente car je me rends compte que l’on ne l’a pas fait avant. Je le fais d’une voix claire, forte et avec un grand sourire, heureux d’avoir fait une nouvelle connaissance.

    Moi, c'est Frank Cherinsuk. 

    Sa réponse est murmurée, je l’entends à peine, comme s’il était soudain devenu timide.  Aussitôt après, il se met à regarder frénétiquement autour de lui comme s’il cherchait quelque chose. Curieux je fais la même chose, mais je ne vois rien, il y a bien quelques élèves qui trainent sur le trottoir, mais ils ne font pas attention à nous. Je reporte mon attention sur lui et remarque qu’il semble se détendre.

    On peut refaire le trajet ensemble demain ?

    Ma bouche a pris le contrôle un instant pour lui poser la question avant que je n’y réfléchisse vraiment, Enfin, ça ne me dérange pas, car j’ai envie de passer encore le trajet à discuter avec lui. Je marche à reculons pour lui faire face, les mains dans les poches, un petit sourire aux lèvres. 

    J'espère qu'il sera d'accord, j'aime son calme, son petit air de premier de la classe et tout simplement être avec lui. Je me demande si pour la première fois depuis longtemps je ne suis pas en train de laisser mes barrières se baisser pour laisser un potentiel ami s’approcher de moi.

    — Ce serait sympa oui.

    Il répond rapidement, de cette voix timide qu’il n’avait pas quelques minutes auparavant. Il me fait un sourire discret avant de presser le pas, de me dépasser et de passer le portail. Je tourne sur moi-même pour l’observer, se dépêcher de rejoindre sa classe. Je ne le quitte pas des yeux, mon petit sourire en coin, jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière le bâtiment. Je ne sais combien de temps je serais resté immobile, si le surveillant ne m’avait pas apostropher, me forçant à rentrer à mon tour dans le lycée.

    -----------

    Je fronce des sourcils en regardant le haut de la rue, là où Frank aurait dû apparaître depuis dix bonnes minutes déjà. Je regarde ma montre une fois de plus en soupirant et en sautillant un peu pour essayer de me réchauffer. J'attends encore cinq minutes avant de me résigner à faire le trajet tout seul. J'aime vraiment beaucoup les moments passés avec lui, je me sens étrangement à l'aise avec lui même si on ne se connaît que depuis un mois.

    Il ne veut pas que l'on se voit dans le lycée, il n'a jamais expliqué pourquoi et je ne comprends pas vraiment. Car je l’ai souvent observé de loin et je me suis rendu compte qu'il est toujours seul. Je soupire encore une fois, désappointé, les mains dans les poches et je hâte le pas pour ne pas être en retard. 

    Je voulais aller près de sa classe pour essayer de l'apercevoir, mais je passe la grille pile au moment de la sonnerie. Je n’ai donc pas d’autres choix que de courir pour me rendre dans ma propre classe. Je sais que le surveillant serait bien trop heureux de me faire faire des pompes si jamais je suis en retard.

    Il est midi et j’espère que je pourrais le croiser à la cantine pour me rassurer, mais, il n’y est pas. Je sens l’inquiétude me gagner et me rend dans tous les endroits où il aime aller. Seulement, il n’est ni dans sa classe, ni à la bibliothèque, ni dans la cour à l’ombre d’un arbre.

    Un instant, j'envisage le fait qu'il pourrait être malade. Seulement, il n'a pas répondu à mes messages et j'ai la sensation qu'il se passe quelque chose. Je ne sais pas ce qui me pousse à aller sur le toit, peut-être le besoin de m'isoler pour réfléchir à la situation et comprendre ce qui est en train de se passer.

    La porte s’ouvre silencieusement et je soupire en laissant le soleil me réchauffer le visage. Tout est calme et ça fait du bien de quitter un instant le bruit incessant de tous les élèves réunis.

    Un premier reniflement me fait ouvrir les yeux. Un deuxième me fait froncer les sourcils alors que je tourne la tête de tous les côtés pour déterminer d’où vient le bruit. Un troisième me fait me mettre en mouvement et il ne me faut que quelques secondes pour en trouver l’origine. Il n’y a pas réellement d’endroit où se cacher ici.

    Mes yeux s’ouvrent sous la surprise quand je découvre celui que je cherche depuis un moment assis contre le mur. Ses genoux sont remontés contre sa poitrine et il essuie inutilement les larmes qui lui coulent le long des joues. 

    Frank !!

    Je m'exclame sans pouvoir me retenir et il lève les yeux vers moi surpris. Les miens s’écarquillent quand je vois son visage. Je m’agenouille à côté de lui sans le quitter du regard. Je prends délicatement son menton entre mes doigts, observant sa lèvre fendue et le contour de son œil orné d’un énorme hématome.

    — Drake… part, s’ils te voient avec moi… tu auras aussi des problèmes.

    Il me le demande d'un ton suppliant en posant sa main sur celle qui maintient son menton. Ma mâchoire se crispe, je ne sais pas ce qu’il se passe, mais il est hors de question que je lui tourne le dos. Sans lui répondre, je fais le contraire de ce qu’il me demande, je l’attire contre moi. Son visage se pose contre ma poitrine, mes bras l’entourent et je caresse lentement ses cheveux. 

    S’il s’est tendu un instant, il finit rapidement par entourer ma taille de ses bras et s'accroche à moi. Ses épaules sont secouées par de violents soubresauts alors que je sens ma chemise s’humidifier. Mon sang se met à  bouillir alors que des dizaines de scénarios me viennent à l’esprit pour expliquer son état. 

    Frank… Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi j’aurais des problèmes ? 

    Je le questionne d'une voix douce, il ne bouge pas de contre moi, ses mains resserrant leur prise sur ma chemise. Je n’insiste pas, je le laisse aller à son rythme. J’imagine qu’aborder le sujet doit être compliqué.

    Mon meilleur ami était dans ce lycée avec moi. Il est parti il y a trois mois maintenant.

    Sa voix me parvient légèrement étouffée et heureusement, le calme règne sur le toit, alors je comprends plutôt bien ce qu’il dit. Par contre, je ne comprends pas le rapport entre le départ de son ami et les blessures sur son visage. Lentement, il reprend son récit d’une voix tremblante.

    Il aime les hommes, moi je le savais, il ne me cachait absolument rien. Un jour, il a rencontré un garçon du lycée et ils sont tombés amoureux.

    Je l’écoute attentivement, je ne l'interrompt pas. Sans même m’en rendre compte, ma main caresse lentement son dos pour lui apporter tout mon soutien. Je sais que la suite de son histoire sera tout sauf plaisante.

    Ils sont restés discrets, mais leur histoire a fini par se savoir et… ils se sont fait harceler. Les autres élèves se sont montrés horrible avec eux. 

    Il prend une profonde respiration pour se contrôler, afin de pouvoir continuer à me raconter toute l’histoire sans s'effondrer. 

    Son petit ami a fini par le quitter, mais ça n’a rien changé… au contraire, ça a empiré jusqu'à ce qu'il essaie de se suicider sur ce toit.

    Malgré ses efforts, sa voix se brise sur ses derniers mots. Mon étreinte autour de lui se resserre et je me mords fortement à l'intérieur de la bouche pour ne pas parler et le laisser finir de tout me raconter. 

    — Ses parents l’ont enlevé du lycée et il commence à se remettre, mais… celui qui le harcelait le plus, il n’a pas eu de problème et… de temps en temps, quand il s'ennuie ou est en colère, il passe ses nerfs sur moi. 

    J'entends la peine et la peur dans sa voix quand il finit son récit. Je ne comprends pas pourquoi ce mec est encore là après avoir failli pousser un autre élève au suicide ? Pourquoi les adultes le laissent s’en prendre à Frank sans intervenir ? Mes mains se posent sur ses épaules et je le force en douceur à reculer pour me faire face. Je pose mes mains sur ses joues et j'essuie les larmes qui s'y trouvent.

    Montre le moi…

    Je réussis à lui parler d'une voix calme, même si je bous à l'intérieur. Je comprends tout maintenant. Pourquoi il ne voulait pas que l’on se parle au lycée. Pourquoi il est toujours seul. Pourquoi il semble si nerveux à chaque fois que l’on se trouve à proximité de l’établissement. 

    D… Drake… n… non…

    Il panique complètement quand il comprend ce que je veux faire et moi la colère monte d’un cran quand je le vois dans cet état. Il s’accroche désespérément à moi, mais cette fois ce n’est pas pour chercher du réconfort. C’est pour m’empêcher de bouger de là. Mes mains quittent son visage pour se poser sur les siennes. Toujours avec beaucoup de douceur, je le force à me lâcher pour me laisser me relever. Je lui souris doucement,  essayant de le rassurer d’un regard.

    — Tu es mon ami, que ce soit en dehors du lycée, ou bien à l’intérieur. Je ne laisserai personne te frapper sans en payer les conséquences.

    J’essaie de le rassurer, mais mon ton est plus dur que je ne le voudrais. Il prend une profonde inspiration et hoche timidement la tête. Il se relève lentement, époussetant ses habits. Je ne le connais pas depuis longtemps, mais je sais qu’il essaie de gagner du temps, espérant sûrement que le temps calmera ma colère et que l’on pourra éviter l’affrontement. Je l’observe faire, les poings profondément enfoncés dans mes poches pour ne pas lui montrer que ma colère ne redescendra pas si facilement.

    Il quitte le toit, marchant le plus lentement possible. Je ne cherche pas à le faire accélérer, ne voulant pas le bousculer. Je marche quelques pas derrière lui et cette fois je me rends compte de tout ce que j’ai loupé depuis mon arrivée ici. Les regards moqueurs, les messes basses sur son passage, les gestes déplacés et les insultes murmurées.

    Il avance sans regarder ni rien, ni personne sur son chemin. Il rase le mur pour se faire le plus discret possible. Je me mordille la lèvre inférieure, j’en veux à ses camarades, mais je m’en veux aussi d’avoir été si aveugle depuis le départ, pour ne pas avoir vu sa détresse, alors qu’elle me semble si criante à présent.

    Hey Cherinsuk, tu es venu en redemander ?

    Il est apostrophé par un autre élève au sourire mesquin alors que l’on approche de sa classe. Ce dernier est appuyé contre un mur, entouré d’autres élèves qui semblent soudain pressés de voir la suite. Frank se fige, il recule d’un pas, mais l’autre enfoiré l’attrape par le col empêchant toute chance de fuite.

    Je soupire relativement fort dans le couloir qui est devenu silencieux. Plusieurs élèves tournent la tête vers moi avec un regard curieux. Je fais deux pas vers celui qui tient Frank par le col, je lui attrape le poignet et le tords d’un coup sec pour le forcer à lâcher prise. Il laisse échapper un petit couinement avant de me lancer un regard mauvais.

    — Hey ! De quoi tu te mêles le nouveau ?

    Il me parle sur un ton menaçant, s’attendant sûrement à ce que je panique et recule. Il est le genre de mec qui sait qu’il a un ascendant facilement sur les autres. Seulement, moi ça ne me fait pas grand-chose.

    Le nouveau, il t’emmerde et si tu poses encore une fois la main sur lui, je te jure que je te fais avaler tes dents.

    Je lui réponds exactement sur le même ton qu’il a employé et le fixe droit dans les yeux, le regard mauvais. Je sais que j’ai de la prestance car la peur passe fugacement dans son regard avant qu’il n’avale bruyamment sa salive. Je lui tient toujours le bras, il aura peut-être une marque sur le poignet, mais je m’en fous. 

    J’en profite pour regarder chacune des personnes présentes dans le couloir. Celles qui à chaque fois restaient là à profiter du spectacle quand Frank se faisait frapper et je crois que pour elles aussi le message passe. Plusieurs d’elles s'esquivent discrètement, alors que les autres baissent la tête pour regarder leurs chaussures

    Quoi ? C’est ta chérie ? Toi aussi t’es un gros pédé ? 

    L’idiot éclate de rire en essayant de me blesser et en regardant autour de lui pour essayer d’embarquer les autres à se moquer. Seulement, c’est un silence pesant qui lui réponds, les autres eux, ont compris

    Je soupire encore bruyamment et resserre ma prise sur son poignet, je sens ses os grincer sous mes doigts ce qui me plait pas mal, autant que la grimace de douleur qui passe sur son visage. Il tire brusquement sur son bras pour essayer de me faire lâcher prise.

    Tu es stupide où tu le fais exprès ? Je n’ai pas peur de toi et je me fous de ce que tu crois. Je sors avec qui j’ai envie sans que tu aies quoi que ce soit à dire, c’est compris ?

    Je mets les choses au clair d’un ton bas et menaçant avant de le relâcher brusquement, ce qui le fait reculer de quelques pas avant qu’il ne heurte le mur. Il me fixe du regard, un mélange de colère et de peur, il ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Il se tient le poignet qu’il masse lentement. Frank se tient derrière moi, je ne me tourne pas vers lui pour le moment, je m’assurerai que tout va bien après pour lui. 

    Le prochain qui s’en prend à lui… Il s’en souviendra longtemps quand moi j’aurai fini de m’occuper de lui. C’est clair ?

    Je parle fort, clairement et lentement en regardant toutes les personnes présentes autour de moi pour être sûr que le message passe bien. Le silence accueille mes paroles et j’en suis satisfait. Je sais que je peux paraître impressionnant quand je le veux et là clairement, je brûle de colère. 

    Si je m’écoutais, je lui mettrais mon poing dans la figure à cet abruti. Alors pour éviter de déraper, je fais demi-tour en saisissant Frank par le poignet avant de l'entraîner avec moi. Je marche d’un pas vif sans faire attention à ce qui se passe autour de moi.

    Drake ?

    J’entends sa voix, mais je ne réagis pas. Je sais que si je m’arrête maintenant, je ne vais avoir qu’une envie, celle de retourner dans le couloir pour lui casser la gueule. Il me suit sans chercher à résister, mais quand il voit que je m’apprête à sortir du lycée, il tente d’attirer mon attention. J’ai juste besoin de m’isoler pour me calmer avant de faire une connerie.

    Drake !

    Il parle plus fort quand il voit que je ne réagis pas et tire brusquement sur son poignet pour me faire arrêter. Je ne résiste pas et ne le force pas à avancer,  je m’arrête à dix mètres de la grille en soufflant longuement.

    Où est-ce que tu vas ?

    Il me questionne avec de l’inquiétude dans la voix. On se regarde dans les yeux quelques instants et je me détends un peu. Je prends une profonde inspiration avant de lui faire un petit sourire pour le rassurer.

    — J’ai juste besoin de prendre l’air un moment sinon je vais exploser. 

    Je suis honnête, si je ne sors pas du lycée, je vais faire une connerie. Il hésite un moment, car on a cours dans pas longtemps. Il regarde vers le bâtiment que l’on vient de quitter avant d’observer la grille. Finalement, je suis surpris quand il prend l’initiative d’attraper ma main et de m'entraîner hors du lycée.

    -----------

    Je baille à m’en décrocher la mâchoire et j’entends aussitôt le rire discret de Frank résonner juste à côté de moi. Je lui jette un coup d'œil pour râler, mais son sourire et son regard pétillant me font oublier ce que je voulais dire. Depuis un mois que je suis intervenu en menaçant celui qui l’intimidait, Frank s’est complètement ouvert. Il n’a plus peur de venir me voir, il bavarde et rigole sans se soucier des autres et ça me plait bien. 

    Arrête de te moquer.

    Je grogne juste pour la forme alors qu’on se trouve tous les deux sur le toit du bâtiment principal. Petit à petit, cet endroit est devenu notre refuge. On a réussi à trouver un peu d’ombre pour se protéger du soleil de plomb du mois de janvier et on est censé réviser. Enfin, il m’aide surtout à rattraper mon retard qui est énorme et je ne sais pas comment il fait pour se montrer si patient avec moi. 

    Si tu arrêtais de sortir tous les soirs, alors tu serais en forme pour travailler avec moi.

    Il répond du tac-au-tac sans même relever les yeux de son livre. Je marmonne quelques mots incompréhensibles même pour moi avant de m’allonger sur le sol et de poser ma tête contre sa cuisse. 

    Il râle un peu, mais rapidement je sens ses doigts se glisser entre les mèches de mes cheveux. J’adore la sensation que ces massages sur mon cuir chevelu déclenche en moi. Je n’arrive pas vraiment à expliquer notre relation, quand on est en public, on est juste amis.  Mais quand on est seuls, isolés du reste du monde alors on a des gestes parfois étranges l’un pour l’autre. 

    J’essaie de ne pas y penser, j’aime notre relation comme elle est aujourd’hui et puis je ne suis pas du genre à me prendre la tête. Comme mes parents, j’ai tendance à prendre ce qui vient et à profiter de l’instant. 

    Je ne sors plus vraiment tu sais.

    Je murmure ma réponse les yeux fermés, savourant son massage. Je ne lui ai pas caché être un gros fêtard, tout comme il sait que je suis sorti avec beaucoup de femmes. Il ne m’a pas jugé, même s’il m’a bien dit qu’il n'approuve pas ce mode de vie. C’est pour ça que même si j’en ai pas l’air, je suis content de pouvoir lui annoncer que j’ai vraiment décidé de changer et d’être plus sérieux.. 

    Vraiment ?

    Il s’exclame surpris par mes propos et j’entrouvre les yeux pour poser mon regard sur lui. Mon cœur s’emballe sans raison apparente. Il ne semble pas convaincu, mais je ne lui en veut pas, il sait que je ne suis pas très sérieux. Je lui fais alors un grand sourire pour le convaincre de mon innocence.

    Je joue aux jeux vidéos jusqu’à tard, mais je ne suis pas sorti depuis presque quinze jours depuis que… 

    J’ouvre les yeux quand je m’apprête à faire ma grande annonce. Je veux voir sa réaction et je ne sais pas pourquoi ça me semble si important. 

    — … j’ai quitté Aim.

    Ses yeux s’écarquillent, il mordille sa lèvre et sa main s’immobilise sur ma tête. Je ne sais pas pourquoi mais sa réaction me fait plaisir. J’aime voir la surprise se peindre sur son visage alors qu’il y a une étrange lueur au fond de ses yeux.

    Il se passe rapidement la langue sur les lèvres pour les humidifier. Mon ventre se contracte brusquement, c’est une sensation agréable et inédite. Mes yeux restent fixés sur sa langue et je suis surpris par les idées qui me passent brusquement par la tête.

    Tu as rencontré quelqu’un d’autre ?

    Il me questionne l’air de rien, sans quitter son livre des yeux et j’ai un petit sourire en coin. Ses pommettes se colorent de rouge quand il sent mon regard insistant sur lui et mon sourire s’agrandit encore plus. 

    Ça se pourrait. 

    J’ai un petit ton taquin quand je réponds et je ne sais pas à quoi je suis en train de jouer exactement. Seulement, j’aime ses réactions, j’aime comment il essaie de cacher sa déception. Je me surprends aussi à vouloir effacer cette grimace de son visage.

    Oh !

    Sa réponse est à peine audible et mon cœur se serre car je n’aime pas voir la peine qui se dégage de son expression. Il retire doucement la main de mes cheveux et je soupire, je n’aime décidément pas le sentir s’éloigner. J’attrape sa main avant qu’elle ne soit trop loin, juste par le bout de ses doigts, mais une chaleur se répand contre ma paume. Je me redresse et bascule sur mes genoux pour me tenir face à lui.

    Elle a de la chance alors.

    Il tente de garder contenance en continuant de me parler sans me regarder. Il est tellement transparent à cet instant que je dois me retenir pour ne pas rire de la situation. Je ne sais pas pourquoi d’un coup je me suis mis à le taquiner, pourquoi j’ai cette idée derrière la tête qui grandit de seconde en seconde et à laquelle je ne peux pas résister. 

    Je crois que c’est plutôt moi qui aie de la chance de l’avoir rencontré.

    Je ne le quitte pas des yeux espérant peut-être qu’il comprenne le message s’il venait à croiser mon regard. Il reste pourtant désespérément fixé sur son livre, qu’il ne lit plus depuis un moment. Seulement, je ne l’entends pas de cette oreille, je pince son menton entre mon pouce et mon index pour le forcer à relever le visage vers moi et lui souris doucement. 

    Drake… qu’est-ce que tu fais ? 

    Il murmure alors que son regard est fixé sur mes lèvres et c’est ce qui finit de me faire céder. Je me penche, fermant les yeux en même temps que lui alors que nos lèvres se rejoignent. C’est la première fois que j’embrasse un homme, jamais auparavant je n’avais été attiré par eux. Pourtant, quand elles bougent l’une contre l’autre, doucement, timidement, c’est une explosion dans mon crâne.

    Frank est une évidence, je n’ai pas voulu mettre de mots sur ce que je ressentais, mais dès notre rencontre il a été plus qu’un ami pour moi. Mes mains se posent autour de son cou et je le sens frissonner quand je caresse lentement sa peau. Il attrape ma taille et me rapproche de lui sans aucune hésitation alors que sa langue glisse contre mes lèvres.

    A cet instant, ma tête se vide, il n’y a plus rien autour de nous. Je n’arrive pas à rassembler la moindre idée cohérente. Je ne suis sûr que d’une chose, j’ai pris la meilleure décision de ma vie, quand j’ai finalement céder à cette irrépressible envie d’être plus pour lui. 



  • Commentaires

    2
    Mardi 26 Décembre 2023 à 18:36

    Ce 1er chapitre serait un os, que ça me satisferait rien que comme ça. 

    1
    Vendredi 4 Mars 2022 à 19:13

    La première rencontre est un coup de foudre direct.....

    Je pense que Drake s'en veut vraiment de n'avoir rien remarqué mais en même temps il était tellement entrain de le "matter" qu'il ne faisait pas du tout attention aux autres

    En tout cas Drake sait se faire respecter....

    OHhhhhhhhh leur premier baiser est trop bien, tout naturel....

    J'aime beaucoup ces deux personnages et cette histoire, j'ai hâte de découvrir la suite

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