• Chapitre 10 - Turn Down the Lights

    Chapitre 10

    — Ohm ?

    Je me tourne sur moi-même à la recherche de mon petit-ami, mais je ne le vois nulle part. Pourtant je ne panique pas, je suis dans les bois juste derrière sa maison de famille. Celle où il m'a emmené en vacances et où on apprend à faire réellement connaissance, alors je n'ai rien à craindre.

    Je tente de me repérer. Mais la végétation luxuriante ne m'offre aucun point de repère et je n'entends même pas la rivière couler au loin. J'avale ma salive, je mordille ma lèvre, j'hésite. 

    — Ohm tu es là ?

    Est-ce que je dois bouger, aller à sa recherche ou chercher à rentrer seul ?

    Je ne sais même pas pourquoi je suis là, on ne devait pas revenir tout de suite ici maintenant que l'on avait trouvé la cabane et…

    Ma respiration se bloque dans ma poitrine quand la lumière baisse comme si en quelques secondes le soleil s'était couché. Le crépuscule m'opresse et quand enfin j'entends un bruit de pas derrière moi, je suis incapable de me retourner.

    Mon ventre se noue, ma gorge se serre et je sais d'instinct que ce n'est pas Ohm. Un épais brouillard blanc s'élève soudain du sol et mon menton se met à trembler.

    Je veux fuir, mais je suis paralysé sur place, incapable de bouger, même quand une branche craque dans un bruit sec et sonore, glaçant.

    C'est comme une brise à mon oreille, un vent léger et chaud. La bile remonte dans ma gorge car ce n'est pas le vent, c'est son souffle chaud qui s'accélère petit à petit alors qu'il…

    Mes yeux s'ouvrent en grand dans la chambre plongée dans la pénombre. J'ai le souffle court, le corps trempé de sueur et je tremble de la tête aux pieds. Mes joues sont humides de mes larmes et je pousse un petit cri quand une respiration se fait entendre sur ma droite.

    Cependant, je me détends aussitôt, cette respiration m'apaise et je me tourne sur le côté pour apercevoir Ohm endormi sur le sol. Je n'ai pas fait de cauchemars depuis plusieurs semaines maintenant et celui-ci m'a terrifié. 

    Est-il possible qu'il m'ait retrouvé, qu'il soit là dehors à attendre le bon moment pour m'attaquer. Je ressens rapidement les signes avant coureur d'une violente crise d'angoisse. 

    En tremblant, je repousse la couverture, je ne veux pas gâcher mon séjour avec Ohm. Je ne veux pas que sa sœur me voit dans cet état et à cet instant je ne veux qu'une chose. Sentir les bras chaleureux de Ohm m'étreindre avec force pour maintenir la peur à distance. Je me laisse tomber au sol et je le rejoins sans attendre

    Il dort profondément sur le dos, je me glisse à ses côtés de manière discrète. Pourtant dès que je pose ma tête contre son épaule, il émerge de son sommeil et semble surpris de me trouver là. 

    — Nanon ! Tout va bien ?

    Il murmure et n'articule pas vraiment, mais l'inquiétude transparaît dans sa voix. Il se tourne vers moi en m'enlaçant comme j'en avais besoin.

    Je ne veux pas troubler plus son sommeil alors je hoche la tête lentement, mais je ne veux pas non plus lui mentir.

    — Un cauchemar. 

    — Tu veux en parler ?

    Sa main caresse mon dos et petit à petit, la peur, la crise et le rêve s'éloignent alors je secoue la tête. Je ne veux pas en parler, je ne veux plus y penser jamais.

    — Je peux dormir dans tes bras ?

    — Bien sûr.

    Il bouge pour s'installer confortablement, rapidement on se retrouve tous les deux allongés l'un en face de l'autre. Ma tête repose contre son torse, son menton sur le sommet de ma tête et il me serre contre lui. Je me sens en sécurité dans ce cocon de chaleur et tous mes muscles se détendent.

    — Bonne nuit mon cœur.

    Il murmure replongeant déjà dans le sommeil, il bouge juste le temps de déposer un baiser sur mon front et sa respiration se fait à nouveau plus lente.

    — Merci Ohm.

    Il ne m'entend déjà plus, mais je veux le lui dire quand même. Il m'apporte tellement depuis qu'il est entré dans ma vie. Mon cœur s'emballe, ce n'est pas la peur cette fois, juste l'amour qu'il a réussit à faire naître en moi alors que je m'en pensais incapable.

     

    Un bruit dans la pièce à côté me réveille en sursaut alors que des voix s'élèvent, se disputant à moitié sur le fait que le bruit va finir par me réveiller. 

    J'ai un sourire en coin avant de m'étirer. Je suis emmitouflé dans une grosse couverture sur le sol où j'ai dormi dans les bras de Ohm. Avec ce souvenir qui me rend heureux, revient également la crainte. Je m'assois rapidement, sans surprise Ohm n'est plus là, mais en train de se disputer avec sa sœur.

    Je me relève restant enroulé dans ma couverture avant de me diriger vers la fenêtre. La mer semble calme sous le soleil et de nombreux bateaux naviguent sur ses eaux limpides. Pourtant une ombre passe sur mon visage alors qu'au lieu de m'émerveiller une nouvelle fois de la vue, je ne vois que toutes les cachettes où il pourrait se cacher pour essayer de m'attraper.

    Je m'accroupis soudain pour lui échapper et me cacher à mon tour. Seul le parfum de Ohm sur la couverture me permet de rester lucide. Je prends plusieurs inspirations profondes, mais au même moment la porte s'ouvre, je perds le peu de contrôle que j'avais et un couinement de terreur m'échappe. 

    — Mon cœur ?

    Ohm s'accroupit à côté de moi et j'ai l'impression d'avoir fait un désagréable retour dans le passé car il ne me touche pas et fait des gestes lents comme si le moindre geste brusque de sa part allait me faire peur. Il n'a peut-être pas tort, cependant cette constatation me fait mal.

    — Je peux te prendre dans mes bras ?

    Je voudrais rire quand cette phrase revient dans sa bouche, mais je ne peux que pleurer en hochant la tête. Aussitôt il s'assoit contre le mur et m'attire contre lui.

    Il me caresse lentement la tête et me laisse plusieurs longues minutes pour évacuer tout mon stress. Il ne montre aucun signe de colère de me voir si lamentablement replonger, au contraire il n'est que tendresse et douceur.

    — C'est à cause de ton cauchemar ?

    Je prends une profonde inspiration avant de lentement essuyer les dernières traces de larmes sur mes joues quand je réussis finalement à me calmer 

    — Je suis désolé. 

    Je ne lui réponds pas, à la place je m'excuse et je l'entends soupirer fortement. Cela me donne l'impression qu'il est en colère contre moi et je baisse les yeux.

    — Je gâche nos vacances.

    — Ne dis pas de bêtises.

    Sa main me force à lever la tête pour croiser son regard et il me fait un petit sourire pour me rassurer 

    — Tu ne gâches rien du tout. Tu as fait beaucoup de progrès Nanon, tu es déjà une tout autre personne qu'au moment de notre rencontre. Je suis fier de toi.

    Il se penche et embrasse légèrement ma joue pour bien appuyer ses paroles avant de me regarder à nouveau, son pouce caressant ma joue.

    — La guérison est un long chemin semé d'embûches et il t'arrivera encore de trébucher. Seulement, je serai toujours là pour t'aider à te relever et à reprendre la marche.

    J'arrive à lui sourire alors qu'il me fait un petit discours d'encouragement et une belle promesse en plus. Je me redresse et l'embrasse rapidement sur la bouche.

    — Merci.

    Cette fois il entend mes remerciements et les accepte avec le sourire, me reprenant dans ses bras et le silence retombe à nouveau un long moment.

    — LES GARÇONS À TABLE !

    La voix aiguë de Phi Dream nous parvient et je pouffe quand Ohm grommelle contre moi. 

    — On ferait bien de la rejoindre… Elle peut être casse-pieds quand elle a cuisiné.

    Il m'embrasse avant de se relever et de me tendre la main pour m'aider à faire pareil. Ses bras entourent ma taille autour de la couverture et il m'attire contre lui.

    — Prends le temps de te préparer, ensuite on ira au village. Tu en as toujours envie ?

    Je hoche la tête et cette fois notre baiser emballe mon cœur. Je l'apprécie, le savoure, seulement, il est vite interrompu par la voix de Phi Dream et Ohm sort de la chambre non sans m'avoir sourit, tout en criant après sa sœur.

    Ces deux-là s'adorent, pourtant, ils passent leur temps à se chamailler pour tout et n'importe quoi. Je rejette un coup d'œil à l'extérieur et le paysage me paraît beaucoup moins inquiétant qu'auparavant,  mais le sentiment de danger est toujours là. Je soupire avant de me détourner pour aller chercher mes habits pour affronter cette journée que je sens compliquée. 

     

    Comme je l'avais prévu, c'est difficile, malgré les paroles rassurantes de Ohm, le cauchemar ne me quitte pas. J'ai à peine mangé ce matin, la vue de la nourriture, même si elle sent bon, me soulève le cœur.

    Le frère et la sœur ont fait comme si de rien était, mais je sens régulièrement leur regard sur moi. Je ne peux pas leur expliquer que j'ai l'impression d'être surveillé parce que j'ai fait un mauvais rêve.

    J'ai l'impression d'être complètement fou et je ne veux pas que l'on me regarde encore plus étrangement. Je sais que Ohm ferait tout pour m'aider, qu'il ne me jugerait pas pour ça. Seulement, je bloque complètement et je ne veux pas leur gâcher la journée avec mes problèmes alors qu'ils ont l'air super contents d'être ensemble.

    Comme il me l'avait dit, le village n'est pas très grand, mais il y a de nombreuses personnes à aller voir, des ateliers à découvrir et un magasin à visiter. J'avais hâte d'y être, de continuer à suivre les souvenirs de Ohm et Phi Dream alors qu'ils se racontent joyeusement des anecdotes de leur enfance pendant le trajet.

    Je les écoute attentivement curieux d'en découvrir toujours plus sur l'homme que j'aime. Si au début me concentrer sur leurs voix suffit à m'apaiser et à ne plus penser à lui caché et attendant le moment propice pour m'attaquer, une brusque bourrasque caresse mon oreille et j'ai un haut le cœur. Le frère et la sœur continuent de discuter joyeusement et ne remarquent pas que je ralentis.

    Ma respiration est difficile, j’ai l’impression d’avoir les jambes en coton et une pellicule de sueur froide se forme le long de mon dos. Je fais un pas, puis deux et je m’arrête totalement en fermant les yeux. Imaginer Bay se faufilant derrière moi, près à me sauter dessus, est en train de m’oppresser la poitrine et pourtant je n’arrive pas à me retourner, je suis saisis par la peur. 

    Un nouveau coup de vent et le bruit d’un caillou dévalant le chemin de terre suffit à me faire basculer dans un état de panique. Mon corps agit seul, je n’ai plus de contrôle, il faut juste que je me mette à l’abri. Sur ma gauche, il y a une maison et une palissade en bois. Je n’attends pas une seconde et me précipite derrière, le dos collé au mur de la maison, je rapproche mes genoux de mon torse, me bouche les oreilles et ferme les yeux aussi fort que possible.

    Je ne me rends pas compte que je suis en train de me balancer sur moi-même, la respiration haletante, les larmes coulant le long de mes joues, j’attends qu’il me trouve. Alors quand des mains se posent sur mes épaules, je pousse un hurlement et je me débats comme un diable pour l’empêcher de me faire du mal.

    Un éclair de douleur me force à prendre une grande inspiration d’air. Je ne m’étais même pas rendu compte que je retenais ma respiration. Soudain, le monde semble reprendre sa place, je suis allongé dans la poussière, la joue douloureuse alors que Ohm me tient par les épaules, une expression de peur sur le visage. 

    — Ohm ?

    Le soulagement passe dans ses yeux humides et d’un geste brusque il me ramène contre lui. Je m'agrippe à lui un peu décontenancé par ce qui vient de se passer. Je me sens faible et un peu cotonneux. 

    — Je vais acheter une bouteille d’eau.

    J’entends vaguement Phi Dream prendre congé la voix inquiète et je sens juste Ohm hocher la tête. Il ne me relâche pas, caressant ma nuque encore et encore. Je n’ose pas bouger, du moins jusqu’à ce que je sente quelque chose d’humide tomber sur ma peau. Je me redresse brusquement, surpris de le découvrir en train de pleurer.

    — Je suis désolé… je t’ai frappé.

    La culpabilité ronge ses traits alors que son index touche avec hésitation ma joue. Sur le moment, je ne comprends pas de quoi il veut parler et puis je m’en rappelle, la sensation de douleur, ce qui m’a permis de reprendre pied dans la réalité. 

    — Tu n’as rien fait de mal.

    Ma voix est un peu éraillée et sèche, mais je n’en tiens pas compte, tout ce qui compte actuellement, c’est rassurer mon petit ami. Lentement, les membres raides, je réussis à me mettre à genoux devant lui et c'est à mon tour de le prendre dans mes bras. Ses bras s’enroulent autour de ma taille et je lui caresse lentement les cheveux.

    — J’ai eu tellement peur… tu te débattais et hurlais à pleins poumons et soudain ta respiration s'est coupée. Qu’est ce qui s’est passé Nanon ?

    Il pose sa question en levant la tête vers moi et je ne peux pas m’empêcher de rougir de honte. J’avale doucement ma salive, il mérite la vérité et je ne dois pas garder ça pour moi. Cependant j’évite son regard et il soupire doucement. Tranquillement, il s’adosse contre le mur de la maison avant de m’attirer à côté de lui. 

    On est tous les deux assis en tailleur l’un à côté de l’autre. Sa main saisit la mienne et il les pose entrelacées sur sa cuisse. Je me sens bête, si ce matin j’avais réussi à lui parler de mon cauchemar, on n’en serait peut-être pas là actuellement. Je prends une profonde inspiration pour me donner du courage avant de me lancer.

    — Cette nuit j’ai rêvé que j’étais perdu dans la jungle derrière le verger. Je t’appelais, mais tu ne me répondais pas.

    Je frissonne quand je repense à la sensation désagréable que j’ai éprouvée quand je me suis rendu compte qu’il n’était pas à mes côtés.

    — Et puis… il y a eu son souffle contre mon oreille quand… quand…

    Sa main se resserre contre la mienne et je prends une grande inspiration. Je n’arrive toujours pas à le dire et je pense qu’il a parfaitement compris à quoi je faisais allusion. 

    — Et s’il était là Ohm… Il aurait pu me retrouver.

    Une boule d’angoisse se forme dans mon estomac et je ne peux pas m’empêcher de regarder partout autour de nous. Il soupire avant de passer son bras autour de mon épaule et de sortir son téléphone. Je fronce les sourcils quand je vois qui il est en train d’appeler, mais je n’ai pas le temps de le questionner que la personne décroche. 

    — Hey ! Quoi de neuf ?

    La voix enjouée de Chimon résonne dans la rue vide et je ne peux pas m’empêcher de sourire. Même s’il est loin de nous, sa voix et la présence de Ohm m'offrent un sentiment fort de sécurité.

    — On va bien, on profite, mais… il est toujours bien là ?

    Je sursaute quand il questionne Chimon et en même temps, je fixe le téléphone attendant avidement la réponse, mon cœur battant à tout rompre. 

    — Toujours à sa place. Nanon ?

    Mon corps me donne l’impression d’être de la gelée quand il annonce que celui qui hante mes rêves est toujours à Bangkok loin de moi. Je m’appuie un peu plus contre Ohm et pousse un petit soupir de soulagement.

    — Oui ?

    — Ne pense plus à lui, il ne pourra plus jamais t'atteindre, Ohm et moi on veille au grain. Profite juste de l’instant d’accord ?

    — D’accord.

    Je ferme les yeux, savourant juste le soulagement de me savoir encore en sécurité. J’écoute à peine Ohm et Chimon discuter, mais bien vite, il raccroche et le silence retombe entre nous. 

    — Je vais te ramener à la maison, tu dois te reposer, on en discutera plus tard d’accord ?

    Je me contente de hocher la tête, je me sens complètement vidé de mon énergie, même si je me sens mal de gâcher une journée. J’ai envie de rentrer et me reposer dans ses bras, on se relève tant bien que mal et je tangue un peu sur mes jambes. 

    — Allez grimpe.

    Il se retourne et me montre son dos, j’hésite une seconde, puis très vite je me retrouve perché sur son dos, mes bras entourent son cou et ses mains tiennent maintenant fermement mes cuisses 

    — Si je suis trop lourd, je peux marcher. 

    Il quitte notre abri avant de prendre la route pour retourner à la maison, son dos large vibre quand il rigole doucement. 

    — Tu t'es remplumé, mais tu n'es pas encore assez lourd pour m'empêcher de te ramener.

    Je souris la bouche contre la peau de son cou. Si moi j'ai tendance à me laisser dépasser par les événements, lui arrive à les surmonter et à m'aider à ne pas trop ressasser les choses.

    — Ohm… je t'aime.

    Je le sais depuis longtemps, je l'ai déjà sous entendu, mais c'est la première fois que je le dis si clairement. Mon cœur s'envole alors que lui se fige une seconde avant de reprendre sa route.

    — Je t'aime aussi mon cœur.

    Mon cœur accélère, un sourire se dessine automatiquement, je ne peux pas le réprimer et je cache mon visage contre lui, laissant juste le bonheur parcourir mon être.

     

    Je ressors timidement de la chambre plusieurs heures plus tard, Ohm est resté près de moi jusqu’à ce que je m’endorme après qu’il m'ait porté sur tout le chemin. Je me suis réveillé il y a un moment, mais j’ai eu du mal à trouver le courage de sortir pour les affronter. 

    C’est la faim qui finit par me faire ouvrir la porte et comme depuis son arrivée, j’entends Ohm se chamailler avec Phi Dream dans la cuisine. Un moment j’hésite à les rejoindre, je baisse les yeux pour regarder ce que je porte et je dois résister pour ne pas retourner dans la chambre pour me changer. J’ai eu un peu froid en me réveillant et j’ai enfilé le sweat de Ohm pour être entouré par son odeur. 

    — Ne dis pas n’importe quoi… tu fais peut-être vingt centimètres de plus que moi… mais je peux encore te botter les fesses. 

    Je fronce les sourcils quand j’entends la menace provenant de Phi Dream et m’approche en silence. Focalisés sur leur conversation, ils ne me voient pas sur le pas de la porte. Ohm est assis au comptoir alors que sa sœur est en train de cuisiner. Deux bouteilles de bière se trouvent entre eux et ils sont plongés dans une conversation dont je ne comprends ni les tenants, ni les aboutissants. 

    — Je ne dis pas n’importe quoi… c’est juste la vérité.

    Ohm éclate de rire avant de boire une gorgée de bière alors que Dream pose brusquement son couteau sur la planche à découper. Elle lance un regard noir à son frère et je me demande un instant, si je ne devrais pas intervenir pour les empêcher d’en venir aux mains.

    — Tu avais à peine cinq ans, comment tu pourrais te souvenir de ça ?

    — Parce que c’est mon rôle de petit frère, de me souvenir d’absolument tous les moments gênants que ma chère grande sœur a vécus. 

    Elle fait un petit bruit de bouche agacé, mais un fin sourire apparaît aussitôt et elle boit à son tour, le regard perdu dans le vide avant de reprendre la parole.

    — N’empêche mes cheveux ne sont pas devenus roses… violets peut-être… 

    Le visage outré de Ohm me fait pouffer de rire alors qu’il semble sur le point de s’emporter contre sa sœur qui joue sur les mots. Aussitôt son attention se dirige vers moi et ses yeux se mettent à pétiller quand il voit son sweat sur moi.

    — Oh Nong ! Tu vas mieux ?

    Je détourne le regard et j’ai du mal à soutenir le regard de la jeune femme. Elle m’a vu dans un état effroyable, j’aurais aimé qu’elle ne me voit jamais de cette manière et je ne sais pas comment me comporter. Alors je reste collé contre la porte, jouant avec les manches du pull nerveusement. 

    — Oui… désolé, je ne voulais pas gâcher ta journée.

    — Ça arrive à tout le monde de se sentir mal. Arrête de t’excuser et viens boire une bière avec nous. 

    Sans attendre, elle se dirige vers le frigo pour sortir une bouteille fraîche. J’avance dans la cuisine et viens m’installer sur un tabouret à côté de Ohm qui me fait un petit sourire. Une bouteille ouverte apparaît devant moi et j’ai du mal à avaler ma salive. 

    Je n’ai pas bu d’alcool depuis ce soir-là, en plus de la peur que quelque chose se trouve dans la boisson, je veux éviter les situations où je ne suis pas maître de moi-même. Je pose ma main dessus avant de l’enlever brusquement. Je me mordille la lèvre en hésitant, je ne veux plus ne pas être comme les autres, je veux retrouver l’insouciance qui m’a été volée.

    — Tu n’as pas à boire si tu ne veux pas tu sais.

    Encore une fois, il me rassure et me montre que je n’ai pas à me forcer, à me précipiter. Pourtant, partager une bière avec des amis, avec mon petit-ami, j’en ai vraiment envie. Je jette un coup d'œil à Phi Dream qui me fait un petit sourire amical tout en continuant à cuisiner.

    — J’en ai envie…

    Je lève la bouteille, pose le goulot sur mes lèvres avant de la reposer brusquement sur la table d’une main tremblante. J’entends le léger soupir de Ohm, il n’est pas déçu ou en colère, mais je sais que me voir comme ça ne doit pas être facile pour lui. Si j’arrive à manger ce que me prépare Ohm, si je recommence à manger les plats de ma mère, mais je n’ai pas vu Phi Dream ouvrir la bouteille et… mon cerveau lutte de toutes ses forces pour ne pas me laisser ingérer quelque chose de potentiellement dangereux. 

    La main de mon petit-ami passe devant mon nez, il saisit la bouteille d’une main ferme avant d’en boire une longue gorgée sans aucune hésitation. Il la repose devant moi en me faisant un petit clin d'œil et si je n’étais pas déjà autant amoureux de lui, je pense que je retomberais sous son charme à cet instant. 

    — Ohm… pourquoi tu bois sa bière ?

    — La mienne n’est plus très fraîche, je voulais une gorgée de bière bien froide. 

    J’ai un petit sourire alors que Phi Dream s’insurge des mauvaises manières de son frère et je pose mes deux mains autour de la bouteille pour empêcher sa sœur de la changer. Je suis ridicule j'en ai bien conscience, mais pendant le quart d'heure qui suit, je n'écoute pas du tout la conversation, j'observe Ohm. 

    Il ne montre aucun signe de malaise, il ne devient pas somnolent, il continue de discuter tranquillement et je suis rassuré, tout va bien et je suis en sécurité ici. Je lève la bouteille, la porte à ma bouche et laisse le liquide légèrement amer glisser dans ma gorge. Il est devenu tiède et l'amertume me fait légèrement grimacer, mais j'ai soudain la sensation d'avoir accompli une grande chose, d'avoir fait un pas de géant juste en buvant cette gorgée. 

    C'est presque naturellement que je me joins à leur conversation. Le repas se passe dans la joie et la bonne humeur et pour l'espace de quelques heures, j'oublie tout ce qui est négatif dans ma vie, profitant simplement de ce qui m'est offert. Phi Dream passe ensuite un moment à m'apprendre à jouer au poker, c'est sans surprise, que je me révèle être un très mauvais joueur, incapable de mentir. 

    Je n'ai bu que trois bières tout au long de la soirée, mais je finis par avoir la tête posée contre l'épaule de Ohm avec la sensation que la pièce tangue légèrement. Je n’ai pas l’impression d’être totalement ivre, mais je n’ai plus du tout l’esprit clair.

    — Je ferais bien de l'emmener se coucher.

    — D'accord, je range tout ça et j'y vais aussi.

    Ohm passe son bras autour de ma taille et je me laisse entraîner dans la salle de bain tout en ayant des petits gloussements que même moi je ne pourrais pas expliquer. Je me passe de l'eau fraîche, qui m'éclaircit un peu les idées, sur le visage puis on se lave les dents. Il reste étrangement silencieux, les sourcils froncés et quand je m’essuie la bouche, je décide de tout simplement le questionner.

    — Pourquoi tu es aussi sérieux ?

    — Tu es sûr que ça va ?

    Il répond à ma question par une autre question, je me sens un peu perdu et je n'arrive pas vraiment à me concentrer. Je passe mes bras autour de son cou en riant doucement avant de masser la zone entre ses sourcils pour le faire se détendre.

    — Je ne m'étais pas senti aussi bien depuis longtemps.

    Un petit sourire flotte sur mon visage, lentement, mon doigt glisse le long de son nez et je ressens une émotion naître au creux de mon ventre. Je m’humidifie rapidement les lèvres tout en l’observant avec attention. Mon doigt souligne les traits de son visage et je sens son souffle s’accélérer un peu.

    — Mon petit ami est beau.

    J’ai un petit rire qui s’étrangle quand mon souffle se coupe au moment où je caresse ses lèvres. Elles sont charnues, douces et tendres et je veux les goûter encore, je veux savourer ces baisers, comme celui de notre premier jour.

    Je ferme les yeux avant de les capturer, je ne ressens pas la peur, elle est anesthésiée par l'alcool, je veux juste être avec lui, je veux tout découvrir de lui et ne plus avoir cette barrière qui nous sépare.

    Mon ventre se tord délicieusement alors que nos lèvres se retrouvent et cela éveille de nouveau ces sensations étranges. Sauf que ce soir elles ne sont pas tenues en laisse, l'alcool les a libérées et l'intensité du désir me coupe le souffle.

    Il répond à mon baiser, il me serre contre lui, je prends une grande inspiration et je me souviens parfaitement du moment où je l'ai repoussé la dernière fois. Ma bouche s'entrouvre, ma langue vient caresser ses lèvres et je ne veux qu’une chose, que sa langue vienne à ma rencontre, j’ai l’impression que tout mon corps est en train de brûler pour ce moment. 

    Seulement, il se fige soudain et au lieu de partager un premier vrai baiser passionné, ses mains se posent sur mes épaules et il me repousse avec douceur. Je ne comprend pas ce qui ce passe, pourquoi il ne veut pas de moi. 

    — Ça ne va pas ?

    Je ne remarque même pas, que totalement pris dans le baiser, je l’ai collé contre la porte, que nos corps sont excessivement serrés l’un contre l’autre. Je ne vois que son regard gêné, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il me rejette alors que je m’offrais à lui avec envie. Mon esprit embrumé par l’alcool s’emballe et saute à une conclusion qui me fait monter les larmes aux yeux. 

    — Je te dégoûte…

    Son visage sombre se transforme aussitôt en une expression choquée. Il attrape mon visage entre ses mains et me regarde droit dans les yeux pour me répondre en détachant chaque mot afin que je ne comprenne bien.

    — Ne dis pas de bêtises. Tu ne me dégoûteras jamais, tu m'entends ?

    — Alors… pourquoi tu ne veux pas m'embrasser comme le premier jour ?

    Ma voix se fait plaintive et je boude presque autant que je dois lutter contre les larmes.  L'alcool qui avait fait disparaître la peur, fait resurgir certaines angoisses et je ne sais pas comment gérer tout ça. 

    — Je meurs d'envie de t'embrasser comme ce jour-là. 

    — Alors fais-le… 

    Aussitôt j'avance de nouveau ma tête cherchant à retrouver sa bouche, mais il me contre une nouvelle fois en m'empêchant de le faire. Je soupire vaincu en posant ma tête sur son épaule.

    — Je le ferai… quand tu ne seras pas ivre. Je ne veux pas que ce soit l'alcool qui te pousse à le faire. Je veux que tu aies envie de le faire pour de vrai.

    J'ai du mal à bien comprendre et suivre son raisonnement, mais ce que je retiens vraiment, c'est qu'il ne m'embrassera pas ce soir et j’ai du mal à retenir la frustration.

    — J'en ai envie tout le temps, mais j'ai peur.

    — Je sais, c'est pour ça que je ne t'embrasserai pas si tu as bu, je veux te prouver que tu peux avoir confiance en moi.

    Je fais un petit bruit pour lui répondre, je sais au fond qu'il a raison, alors je ne résiste pas quand il m'emmène dans la chambre et me couche dans le lit. Je soupire de bien-être quand ma tête touche l'oreiller même si tout tangue autour de moi. 

    Je pense que je vais vite m'endormir, mais Ohm a le temps de se coucher, d'éteindre la lumière et de se tourner plusieurs fois et je ne dors toujours pas. Lentement, je me relève et me glisse à ses côtés, le faisant sursauter.

    — Qu'est ce que tu fais ?

    — Je n'arrive pas à dormir.  Je peux rester dans tes bras ?

    L'ivresse est un peu passée et j'ai un peu honte de moi, je n'aurais pas dû lui sauter dessus comme ça. Je frotte le bout de mon nez contre la peau de son cou en soupirant. Je suis à peine installé contre lui que déjà je sens le sommeil me rattraper. Seulement avant je veux être sûr d'une chose.

    — Ohm ? Ça veut dire que… si je te le demande tu m'embrasseras ?

    Il a un petit rire quand il entend ma question avant de me caresser les cheveux tendrement.

    — Autant que tu le voudras.

    L'idée me fait sourire, je veux un vrai baiser, je le veux lui et… Ma tête se relève pour l’observer dans la pénombre, soudain inquiet.

    — Mais tu en as envie toi aussi, hein ?

    Sa main appuie sur ma tête pour me forcer à me rallonger et je me laisse faire. 

    — Évidemment, je veux t'embrasser tout le temps.

    Je me sens rosir, me sentir désiré par lui ne me met pas mal à l'aise bien au contraire. Le silence retombe et finalement il ne me faut pas longtemps pour m'endormir encore un peu grisé par l'alcool.



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    10
    Dimanche 3 Décembre 2023 à 22:26

    "La guérison est un long chemin semé d'embûches et il t'arrivera encore de trébucher. Seulement, je serai toujours là pour t'aider à te relever et à reprendre la marche." => ça c'est bien parlé =)

    encore un beau chapitre, hâte de lire la suite demain ^^

     

    9
    Mardi 2 Août 2022 à 18:57

    Merci pour ce 10e chapitre adorable. :) 

    8
    Dimanche 10 Juillet 2022 à 23:57

    Merci pour ce nouveau chapitre :)

    7
    Samedi 9 Juillet 2022 à 21:25

    Merci beaucoup!!! :)

    6
    Mercredi 6 Juillet 2022 à 23:06
    Encore merci pour se nouveau chapitre
    5
    Mercredi 6 Juillet 2022 à 19:59

    Oh c'est trop trop mignon...... J'espère qu'il demandera souvent des bisous du coup.....encore des cauchemars mais je pense que s'il continu à serrer Ohm dans ses bras pour dormir il ira mieux.C'est le nouveau remère, trouver un Ohm et vous ne ferez plus de cauchemar...

    merci pour le chapitre j'ai hâte de lire la suite

    4
    Mercredi 6 Juillet 2022 à 19:26

    Ohm est tellement adorable :')

    Merci pour ce chapitre <3

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