• Scène Vingt-trois

    Scène Vingt-Trois
    Pran

    — Ils veulent vous caser ensemble ?

    La question que j'ai lâchée résonne encore dans ma tête. C'est terrible, même si c'est moi qui l'ai posée. D'innombrables fois, je me suis assis et je me suis demandé à quel moment nous avons développé ces sentiments interdits l'un envers l'autre. Pat est juste un gars typique qui peut sortir avec des filles sans problème. Moi aussi. Quand avons-nous commencé à désirer le contact de l'autre ? Est-il trop tard pour revenir en arrière, à l'époque où les choses étaient plus faciles ?

    L'image de Pat ouvrant la portière de la voiture à cette fille est encore vive dans mon esprit. Son sourire et la façon dont ils allaient si bien ensemble. Nous sommes dans un monde où il est considéré comme normal pour les filles d'être avec des garçons. Personne n'a besoin de me dire que nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre.

    Par chance, le téléphone sur mon lit sonne. Toutes ces pensées disparaissent avant que je ne perde la tête.

    En voyant le nom sur l'écran, je pose mon doigt sur l'icône pour répondre. 

    — Hey, Wai.

    — Bonjour, Monsieur. Vous êtes chez vous aujourd'hui ?

    — Bien sûr, j'y suis. Je viens juste de rentrer. Où est-ce que je pourrais aller ?

    — Super. Je suis venu dans ton quartier pour faire une course et j'ai pensé que je devais m'arrêter. Tu es occupé ?

    — Je suis sur le point de tuer des moustiques pour passer le temps. Viens.

    — D'accord. Je vais acheter du poulet frit. J'en ai une envie folle.

    — Ok, ok.

    — A plus.

    Wai raccroche immédiatement après ça. Je ris doucement à la façon dont il est insouciant. C'est une bonne idée d'arrêter de trop penser. L'habitude d'imaginer des milliers de scénarios catastrophes quand j'ai des problèmes est difficile à perdre.

    Toc, toc.

    — J'entre, Pran.

    La voix de maman suit les coups. Elle ouvre la porte après que j'ai répondu, portant une assiette de fruits coupés.

    — Tu as été long, alors j'ai pensé t'apporter ça.

    Je la remercie et prends l'assiette. C'est toujours gênant entre nous. Nous ne nous regardons pas dans les yeux, et je n'ai pas le courage de lever le regard vers elle.

    — Pran, commence maman.

    — Oui ?

    — Ne sois pas en colère contre ton père pour ce qui s'est passé. Il était un peu impétueux. Il ne voulait pas te crier dessus.

    — Ce n'est pas grave. Il est en bas ?

    — Il vient de partir en voiture. Il reviendra en début de soirée.

    — Je vois, marmonné-je, sans rien dire de plus. 

    J'ai souri tout au long de la conversation, bien que le sourire n'ait pas atteint mes yeux. Le remarquant, maman tend la main pour me serrer doucement l'épaule et part.

    Après avoir mangé quelques bouchées de fruits, Wai m'appelle à nouveau. Sachant qu'il attend devant chez moi, je raccroche, laisse mon téléphone sur le lit et porte l'assiette de fruits en bas. Wai discute avec ma mère. Il se retourne pour me sourire avec un énorme sac en plastique de poulet frit. Sa gloutonnerie me fait sourire. Nous transvasons la nourriture dans des bols et des assiettes et nous engloutissons tout.

    Après ce repas copieux, nous regardons la télévision dans le salon jusqu'à cinq heures, lorsque le ciel commence à changer de couleur. Nous sortons et traînons sur le banc dans le jardin, emportant avec nous des snacks stockés dans les placards depuis toujours. Je me demande secrètement si nos estomacs peuvent le supporter. Mais quand on ouvre les snacks, je continue à les mettre dans ma bouche.

    Nous parlons tranquillement pendant que les snacks sont vidés. Nos rires s'éteignent progressivement après une heure de discussion bruyante. Je ne peux pas nier le fait que je peux compter sur mon ami quand j'ai des problèmes.

    — Pran.

    — Hmm ?

    — Tu ne t'es toujours pas réconcilié avec Pat ?

    Sa question soudaine m'arrête. En croisant son regard, je réalise qu'il attendait le bon moment pour en parler. 

    — Qu'est-ce que tu veux dire ?

    — Ne fais pas l'idiot.

    Je soupire, me sentant trop fatigué pour prétendre que tout va bien. 

    — Um… C'est difficile cette fois.

    — Tu t'es finalement ouvert. Tu pensais que j'étais si stupide que je ne pouvais même pas écouter les problèmes de mes amis ?

    — Je n'ai jamais dit ça.

    — Tes actions en disent long.

    — Allez, je ne savais pas par où commencer.

    — Commence juste quelque part.

    J'émets une longue expiration et pose mes mains sur le banc en me penchant en arrière. 

    — Comme tu le sais, nos familles ne sont pas en bons termes.

    — C'est vrai. Ça n'a pas toujours été comme ça ? Pourquoi est-ce que ça te dérange maintenant ?

    — Parce que les choses ne sont plus les mêmes.

    — Oh, tu veux dire que vous étiez amis, mais maintenant vous baisez.

    — Espèce de salaud.

    — Je plaisante. 

    Il change de ton en recevant ma réponse sévère, et me regarde avec mécontentement. 

    — Que s'est-il passé ?

    — Eh bien, nos parents ont découvert que nous vivions dans le même immeuble et en ont fait toute une histoire. Pat a dû déménager et rentrer chez lui.

    — Merde, c'est comme un feuilleton. Vous êtes Roméo et Juliette ? Attends ! Ça devrait être Roméo et Roméo, non ? 

    Wai me taquine, et je lui donne une bonne claque dans le dos.

    — Calme-toi. Tu veux que ma mère nous entende ?!

    Wai s'excuse rapidement et baisse la voix. 

    — C'est vrai, désolé. Continue.

    — Il n'y a pas grand chose. Je me suis disputé avec mes parents, et il s'est disputé avec les siens. Une histoire sans fin.

    — Ça a commencé il y a longtemps. Tu ne peux pas tout résoudre en un clin d'œil.

    — Je sais. 

    Je soupire et je regarde ailleurs, dépité. 

    — Le problème c'est que ses parents essaient de le mettre en couple avec une fille.

    Wai se tape le genou, me faisant sursauter. 

    — Je le savais.

    — C'est quoi ce bordel ? Tu m'as fait peur.

    — Elle est jolie ? Tu l'as vue ? Je la connais ?

    — Elle est jolie. Je l'ai aperçue aujourd'hui. Je ne pense pas que tu la connaisses.

    — Et alors ? Tu vas laisser tomber ?

    Je reste silencieux, ne sachant pas quoi dire. C'est une question facile, mais je ne comprends toujours pas mes propres pensées. C'est trop compliqué de trouver les bons mots pour décrire ce que je ressens.

    — Tu t'inquiètes pour les adultes ou pour Pat lui-même ?

    — Qu'est-ce que tu veux dire ?

    — Tu penses qu'il va recommencer à sortir avec des filles, n'est-ce pas ?

    — … 

    Mince… 

    — Laisse-moi deviner. Quand tu l'as vu avec la fille, tu as pensé que c'était comme ça que les choses devaient se passer, hein ? 

    Ce satané devin continue, ayant l'air de tout savoir en grignotant des chips. Mais ses mots font mouche et me font taire.

    Parce qu'une partie de moi le croit vraiment.

     

    ‘Chef de gang de l'Ingé 2m

    Appels manqués (11)’

     

    Je regarde mon téléphone. Il vient d'arrêter de vibrer après plusieurs appels. J'étais à côté de mon téléphone pendant tout ce temps, donc ce n'est pas que je n'ai pas pu l'entendre ou le prendre à temps. Je ne suis pas prêt à continuer notre conversation. Je ne veux pas parler lorsque je suis de mauvaise humeur ou que j'ai quelque chose en tête. Je pourrais laisser mes émotions prendre le dessus et finir par nous blesser tous les deux.

    Je regarde l'écran affichant les appels manqués et me perds dans mes pensées. Le nom bizarre que j'ai enregistré me fait craquer à chaque fois. Avant, je l'avais enregistré en tant que simple "P" pour éviter les problèmes si mes amis ou mes parents le voyaient. Mais quand notre relation a changé et qu'il a été assez effronté pour le révéler à mes amis, il a réinitialisé son nom sur mon téléphone. "Le Beau Pat, Papa de Nong Nao, Amoureux de Pran" était trop long et insupportablement stupide. Ça m'ennuyait au plus haut point, alors je l'ai changé.

    C'est hilarant, mais je n'ai pas du tout envie de sourire.

    Toc...

    Je me fige et fronce les sourcils. Quel son familier. Ou est-ce que j'entends des choses ?

    Toc...

    Je fais une grimace. Ne me dites pas...

    FWIP !

    Je me lève et j'ouvre le rideau d'un coup sec. J'ai envie de m'engueuler pour avoir de bonnes oreilles et un bon flair. Ce chien fou a encore grimpé sur mon balcon. Je me renfrogne et ouvre la bouche, mais Pat met son doigt sur ses lèvres pour me faire signe de me taire et de déverrouiller la porte. Je pousse un soupir d'exaspération et fais glisser la porte vitrée aussi silencieusement que possible. Pat fait un pas à l'intérieur avant que je ne referme la porte et tire le rideau.

    — Qu'est-ce que tu crois… !

    Avant que je puisse terminer, le fauteur de troubles me prend dans ses bras.

    — Ne sois pas fâché.

    — Comment je pourrais ne pas l'être ? A quoi tu penses !!!

    — A quoi je pourrais penser ? Wai est venu traîner avec toi toute la journée et tu n'as pas fait attention à moi. Je ne peux pas supporter de te voir rire avec quelqu'un d'autre. 

    Pat gémit et embrasse ma tempe. Je me penche en arrière. 

    — Et tu n'as pas répondu à mes appels ni lu mes textos.

    — Tu ne peux pas être patient ? Tu ne peux même pas supporter Wai, mon ami. Je n'ai jamais dit quoi que ce soit sur ta fiancée. 

    — Ne l'appelle pas ma fiancée. Je ne l'accepte pas.

    — Tes actions indiquent le contraire, pourtant.

    — Ne dis pas ça. Tu sais combien je t'aime. Je n'ai plus de place dans mon coeur pour les autres.

    — Tu es un putain d'égoïste.

    — Seulement quand ça te concerne. Ne bouge pas. Tu me manques.

    — Ne me serre pas dans tes bras. Lâche-moi.

    — Arrête de me frapper. Ça fait mal.

    — Alors laisse-moi partir.

    — Ça fait encore plus mal si je ne peux pas te prendre dans mes bras quand tu es en colère.

    Mon Dieu, comme c'est mignon…  

    — Je vais vomir.

    — Tu es tombé enceint à cause d'une étreinte ?

    — Pat.

    — Ne sois pas en colère. 

    Il me relâche rapidement et me lance un regard suppliant, puis il me prend la main et m'entraîne pour qu'on s'assoit ensemble sur le lit. 

    — S'il te plaît, arrête d'être en colère contre moi.

    — Je ne suis plus en colère contre toi, dis-je en évitant le contact visuel. Je ne veux juste pas encore parler.

    — Pran… 

    Pat continue de geindre. Il caresse ma main et en embrasse le dos. Je ne résiste pas, faisant semblant de ne pas être gêné.

    — Je suis désolé de te l'avoir caché. S'il te plaît, ne m'ignore pas comme ça.

    — J'ai dit que je n'étais pas en colère. Mais comment je peux oublier ça ?

    — Je vais tout arranger. Je ne vais pas te laisser tout endurer tout seul. Je te le promets.

    — Ne fais pas une promesse que tu n'es pas sûr de pouvoir tenir.

    — Je vais essayer. Je vais le faire. Fais-moi confiance.

    — … 

    — Fais-moi confiance. Pran.

    — … Quand est-ce que je pourrai te dire non ?

    Comprenant le sens de mes mots, Pat sourit largement et me serre dans ses bras. Bon sang, il se comporte mal parce que je le gâte toujours.

    — Dis-moi tout à partir de maintenant. Je ne suis pas un type faible que tu dois protéger et éloigner du danger. Nous devons résoudre les problèmes ensemble, sinon mon existence est inutile.

    — Compris, monsieur. Mais ne dis plus de choses comme ça. Ton existence signifie le monde pour moi.

    — … La prochaine fois, je ne me soucierai plus de toi.

    — Je te le promets.

    Je l'ai laissé m'enlacer, sans me dégager. Au lieu de cela, je mets mon poids sur lui et place mes mains sur son dos dans une étreinte lâche. Nous ne disons rien, nous enfouissant dans les bras l'un de l'autre, respirant les odeurs familières, et partageant les mêmes sentiments que lorsque nous étions ensemble dans l'appartement.

    — Heureux maintenant ? Rentre vite.

    — Non, gémit Pat en resserrant son étreinte. Je reste ici.

    — Pat, reprends tes esprits.

    — Je vais dormir ici avec toi. Je mettrai le réveil à cinq heures du matin et je rentrerai rapidement.

    — Pourquoi tu ferais ça ? Retourne dans ta chambre.

    — Je veux te faire un câlin. Ça fait un moment. Je ne t'ai pas manqué ?

    — On ne peut pas prendre ce risque insensé. C'est ma maison. Mes parents sont dans la pièce d'à côté. Tu veux te faire tirer dessus par mon père ?

    — Je suis amoureux de son fils. Ça fait partie du risque.

    — Pat. 

    Je baisse la voix et j'essaie de me libérer de son étreinte. Il est toujours en train de plaisanter, il ne prend jamais les choses au sérieux.

    — Je t'en supplie. Tu me manques.

    — Non.

    — S'il te plaît, Pran.

    — J'ai dit non.

    J'insiste. Pat se dégage pour me regarder et bat des paupières pour me supplier. Quel spectacle douloureux. Ce n'est pas du tout mignon. Quand se débarrassera-t-il de cette fausse impression ? Mais si je lui dis honnêtement, il pourrait perdre confiance.

    En y pensant, ce serait mieux s'il en perdait un peu.

    — Pran…  

    Et cette voix mignonne (?).

    — Arrête de faire le mignon. Non c'est non.

    — Je ne t'ai pas manqué du tout ? Quelle cruauté.

    — Tu m'as manqué…  marmonné-je. 

    Pat remue la queue et se penche plus près de moi. 

    — J'ai pensé à ce qui se passerait si mes parents l'apprenaient. Les choses sont déjà assez compliquées. Va-t'en.

    — Ugh, Pran.

    — Tout ça, c'est pour nous deux.

    — D'accord. Mais viens t'asseoir ici. dit-il en tapotant l'espace entre ses jambes. Viens ici et apaise mon désir.

    Je ferme les yeux, hésitant à le faire car je ne sais pas quel genre de tour il va me jouer. Pat est implacable et têtu. De toute façon, en pensant à la façon dont il a transpiré en grimpant furtivement jusqu'ici, je m'adoucis. Je me laisse aller et m'assois comme demandé.

    En une fraction de seconde, Pat me serre contre sa poitrine. Ses lèvres chaudes effleurent mes oreilles jusqu'à mon cou, me faisant sursauter. Il glisse ses mains sous ma chemise et caresse mon abdomen.

    — Pran.

    — Um… 

    — Tu m'as manqué.

    — Je sais. Hmm, ne me suce pas le cou. Ça va laisser des marques.

    — Tu m'as manqué. Ton odeur m'a manqué, putain.

    — Renifle juste ta peluche miteuse.

    — Nong Nao ne pourra jamais prendre ta place.

    Avant que je puisse répondre, Pat touche ma joue et m'oblige à le regarder. Nous soutenons le regard de l'autre, comprenant l'implication de ce geste. Il caresse mes lèvres avec son pouce et les sépare, et je le laisse faire. Quelque chose nous rapproche. Nos visages se déplacent jusqu'à ce que nos lèvres soient scellées. Le doux contact sur mes lèvres fait son chemin jusqu'à ma bouche. Il lèche mes dents avant de s'emmêler avec ma langue.

    Ce baiser est plus lent que d'habitude, il ne révèle pas d'émotions ou de désirs. C'est comme si nous transmettions combien nous avons manqué l'un à l’autre à travers nos langues. Je bouge la mienne en fonction de ses mouvements. Notre baiser est intime comme notre étreinte, nos souffles se mêlent. Il fait de plus en plus chaud quand Pat essaie d'enlever ma chemise.

    — Pat… Ça suffit.

    J'halète et me recule, essayant de libérer mes lèvres, mais Pat ne me laisse pas faire. Il continue à mordre et à grignoter mes lèvres. Maintenant que je commence à haleter pour respirer, il me lâche et pose son front sur le mien. On ferme les yeux et on écoute la respiration de l'autre.

    Mon cœur s'emballe encore quand Pat me surprend avec son chuchotement.

    — Pran… Je veux le faire, dit-il à mon oreille puis il me picore doucement le cou. Faisons l'amour.

    Je recule d'un bond et lui gifle le bras.

    Ce satané chien n'a aucune idée de l'heure et du lieu !



  • Commentaires

    2
    Mercredi 2 Novembre 2022 à 23:39

    Sacré Pat ;D 

    Merci pour ce chapitre, bises <3

    1
    Mercredi 2 Novembre 2022 à 19:51

    oooooooooooooh il s'emballe le petit Pat XD

    Un joli petit chapitre, merci pour sa traduction !

    ✿◠‿◠

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