• Scène Une

    Scène Une
    Pran

    Quelqu’un m’a dit qu’il n’y a pas de secrets dans ce monde. Une fois qu’il est connu par plus de deux personnes, ce n’est plus un secret. Je n’aime pas en avoir. Je n’ai jamais pensé que c’était amusant de cacher quelque chose. Cela ne fait que causer des problèmes à répétition.

    Malgré cela, j’ai toujours eu ce secret depuis ma naissance. C’est un secret connu de plus de deux personnes, quelque chose qui s’est produit sans que je le veuille et que j’essaie de garder caché du mieux que je peux.

    Peut-être ai-je peur... que si le secret n’en est plus un... quelque chose sera perdu.

     

    — Pran ! Attention !

    FWIP ! BAM !

    Wai crie derrière moi et j'esquive par instinct. Un autre type s'élance vers l'endroit où je me tenais et tombe sur le sol, manquant sa cible.

    Il tourne la tête et me dévisage avant de se relever. Son poing serré se lève, prêt à me briser la mâchoire. J'en profite pour me pencher, incliner la tête pour esquiver son attaque, et lui asséner un coup sous le menton.

    Je halète et recule d'un pas, perdant pas mal d'énergie avec ce mouvement.

    — Toi !

    BAM !

    — Ugh !

    — Pran !

    Mettant du temps à me ressaisir, je me fais attaquer par derrière, recevant un coup de pied de quelqu'un dans le dos, suivi d'un coup de poing dans la bouche. Je tombe et me tord de douleur à cause de la collision entre mon bras et le sol en béton.

    En levant les yeux, je vois Wai qui essaie de retenir ces étudiants en ingénierie en les repoussant à coups de pied. Je crache un peu de sang, essuie négligemment le liquide au coin de ma bouche et me relève avec l'aide de mon pote.

    — Wai, va aider Ke d'abord ! lui dis-je et je lui fais signe d'aller directement vers notre ami qui se fait tabasser par deux types. 

    Wai acquiesce et frappe l'un des adversaires au ventre, puis il se dirige vers lui à grandes enjambées.

    Même si j'ai dit cela, j'ai du mal à avaler ma salive maintenant que je suis face à trois chiens qui montrent leurs crocs.

    Dans ce genre de moment, où sont les jeunes qui ont commencé cette merde ?!

    — C'est quoi ce bordel ? Je suppose que quelqu'un comme Pran Parakul peut blêmir aussi ?

    Me demande l'un d'eux d'une manière tellement irritante. Il se rapproche de moi, un sourire en coin sur les lèvres, et met ses deux mains dans ses poches. Je fronce un peu les sourcils et plisse les yeux comme pour demander, 'Qu'est-ce que tu veux, bon sang ?'

    — Tu es figé ?

    Huh.

    Je grimace et me moque.

    POW !

    Je lance mon poing sur sa joue sans prévenir. Sa tête s'est tournée sous la force du coup, un agaçant sourire en coin toujours collé sur son visage.

    — Espèce de fils de pute !

    Ses acolytes derrière lui sont troublés par les mots que je prononce pour leur chef. Ils aboient comme des chiens, prêts à me charger, mais quand ils voient un bras bronzé se lever devant eux, ils se figent tous, l'air confus.

    — Quoi, Pat ?

    — Laissez-le moi.

    En disant ces mots, Pat me fait un sourire mauvais, le sourire familier que j'ai vu plusieurs fois lors des précédentes bagarres. Nos regards se croisent, et je lui souris pour accepter son défi. Nous nous regardons jusqu'à ce que nous entendions la cloche sonner dans nos têtes. C'est notre dernier regard avant de nous précipiter l'un vers l'autre.

    Le premier coup de poing atterrit dans mon ventre, mais il n'est pas assez fort pour me blesser. Je saisis sa nuque et lui envoie mon genou dans le ventre en retour. Nos visages sont si proches qu'ils se touchent presque avant qu'il ne s'effondre, enroulant ses bras autour de son abdomen.

    — Tu ne te retiens pas du tout.

    Il murmure entre ses dents, me faisant sourire un peu. Il se lève et se jette à nouveau sur moi. Je monte ma garde sur la droite en m'attendant à ce que son poing arrive, mais il bloque son bras autour de ma gorge par la gauche à la place. Je grimace à cause de la suffocation. Je lance mon poids sur lui pour lui faire perdre l’équilibre et enroule mes jambes autour des siennes, nous envoyant au sol. Nous continuons à échanger nos coups de poing jusqu'à ce que nous soyons à court d'énergie et tombions à l’opposé l’un de l’autre.

     

    — Putain, ça fait un mal de chien.

    Wai grogne et retient son souffle en nettoyant la blessure sur ses sourcils avec un chiffon humide.

    — Je serais surpris que ça ne le fasse pas, dit Ke. 

    Il n'a pas l'air différent. Ses lèvres sont fendues, et il grimace à chaque fois qu'il parle.

    — Où est Golf, au fait ? je demande, en cherchant autour de moi un autre membre de notre bande. 

    Depuis que la voix lointaine d'un professeur nous a éparpillés dans toutes les directions, je ne l'ai pas aperçu.

    — La dernière fois que je l’ai vu, il conduisait les juniors dans l'autre sens. Il va nous rattraper, je suppose.

    Ces foutus juniors continuent à nous causer des problèmes. Comme si je n'étais pas assez occupé avec mon projet. Si le sujet de ma thèse est désapprouvé, je vais leur botter le cul.

    — De quoi s'agissait-il cette fois ?

    — Pas sûr, répond Ke en penchant la tête. D'après ce que j'ai entendu, les étudiants en ingénierie de deuxième année se sont moqués de nos étudiants de première année.

    Encore cette merde. Quand nos professeurs vont-ils allouer le budget de l'université pour fournir des muselières afin de faire taire ces chiens ? Comme ça, on vivrait en paix et on n'aurait pas à les battre nous-mêmes.

    — Tu vas bien ? C'est une longue blessure sur ton bras. Pourquoi ne pas la nettoyer d'abord ? dit Wai en prenant soudainement le bras que je tiens pour vérifier la blessure.

    — Je vais la soigner chez moi. Ce n'est pas très loin à pied.

    — Je t'y accompagne. Tu auras des ennuis si tu tombes sur ces bâtards.

    — Ils ne sont pas différents de nous. Ils doivent probablement lécher leurs propres plaies quelque part.

    — Allons-y. Ke, tu viens avec nous ? demande Wai à l'autre gars pour couper court à la discussion.

    — Vous deux, allez-y en premier. Je vais rester ici un moment.

    — Très bien, on se voit demain alors. N'oublie pas de réécrire ton projet.

    — Tu peux éviter de parler du projet maintenant ? Je suis trop épuisé pour cela.

    Wai ricane et retient à nouveau son souffle parce qu'il a mal à la joue. Nous disons au revoir à Ke et partons.

    Vous êtes probablement confus de voir comment l'histoire a commencé avec une bagarre sauvage. Eh bien, la bagarre entre gangs est devenue une tradition pour nous, les gangs principaux de deux facultés, qui sont rivaux depuis la première génération: nous, le gang des architectes, et eux, le gang des ingénieurs.

    Maintenant que nous sommes des seniors, nous devons nettoyer tout le désordre causé par nos juniors. Nous n'avons même pas besoin d'une rancune pour nous faire courir les uns vers les autres. Parfois, nous, les seniors, rejoignons la lutte sans en connaître la raison exacte.

    Mais nous sommes fiers. Quand nous nous battons... nous devons gagner.

     

    — La blessure sur ton sourcil, ça va s'aggraver demain.

    Wai me regarde avant de toucher son sourcil et de haleter.

    — Oui, j'ai été trop négligent. Il m'a attaqué par derrière. Comment va ton estomac ? Tu te tiens le ventre depuis un moment.

    Comment ça va, tu demandes ? Ce connard de Pat m'a donné un autre coup de poing dans le ventre quand je suis tombé la première fois. On a mal calculé la force à mettre et on s'est fait mal.

    — C'est réglé, dis-je en haussant les épaules. Je vais bien.

    — Tu vas mourir d'une hémorragie interne un jour.

    — Et tu mourras probablement avec le visage écrasé.

    — Va te faire foutre, Pran.

    Je lui fais un faible sourire. Nous traversons le chemin bordé d'arbres jusqu'à la zone arrière de l'université, où se trouvent de nombreux appartements pour étudiants.

    — Hé, laisse-moi acheter un dîner vite fait. 

    Wai me tape sur l'épaule et nous conduit vers un stand de nouilles. 

    — Je peux avoir un grand plat de nouilles de riz épicées, s'il vous plaît ? Tu en veux un ? me demande-t-il après avoir commandé son menu préféré.

    — Nan. Tes lèvres sont dans un sale état et tu vas manger de la nourriture épicée. Regarde-toi.

    Il rigole. 

    — Ouais, je suis un sadique. Mais qu'est-ce que tu prends ?

    — Je ne sais pas. Les coups de poing m'ont rassasié.

    Il sourit, hoche la tête pour mettre fin à la conversation et tourne son regard vers la marmite de soupe bouillante, attendant que le propriétaire de l'échoppe fasse bouillir les nouilles et les emballe.

    — On se voit demain, alors.

    Wai me dit au revoir une fois que nous avons atteint l'immeuble où j'habite. Nous nous séparons ici puisqu'il vit dans l'immeuble voisin. Je hoche la tête, franchis la porte d'entrée et me dirige directement vers l'ascenseur. Les portes s'ouvrent après un moment. Je monte à l'intérieur, appuie sur le bouton de l'étage et attends que la porte en fer se ferme lentement.

    — Attends ! J'y vais aussi !

    Une voix familière parvient à mes oreilles alors que la porte se referme. Elle est forcée de s'ouvrir à nouveau, révélant le visage taché de sang de la personne avec laquelle je me suis battu il y a quelques heures.

    Le fauteur de troubles sourit et se glisse à travers la porte pour se tenir à côté de moi, les yeux rivés sur les boutons des étages. La queue de cheval sur sa nuque m'agace au plus haut point. Il croise mon regard avec ce sourire agaçant alors que la porte de l'ascenseur s'est enfin refermée, prêt à monter.

    Pat, Napat, le chef de la bande des ingénieurs de quatrième année, mon rival tout au long de mes quatre années de collège. Il est connu que si nous sommes dans le même secteur, une bagarre est à prévoir. Nous échangeons des coups chaque fois que nous nous rencontrons. Au sens figuré, je suis le feu et il est un combustible. L'enfer se déchaîne quand on se heurte. C'est drôle parce que le ressentiment n'a pas commencé avec notre génération...

    Il a commencé à l'âge de nos parents.

    Mes parents et les siens sont rivaux en affaires depuis avant ma naissance. Ils ont une profonde rancune les uns envers les autres. D'aussi loin que je me souvienne, ils se maudissent mutuellement, inculquant la haine à leurs enfants.

    La plaisanterie s'est retournée contre nous deux, car nous vivions à côté et allions à la même école maternelle, primaire, au collège et au lycée. Quand on se croisait, on se lançait des coups de pied en guise de cadeau. La haine des adultes nous a été transmise à nous, les jeunes, ne nous laissant pas d'autre choix que de nous battre et de rivaliser en tout: notes, sports, force. Nous voulons tous deux être supérieurs en tout.

    Ironiquement, nous sommes dans la même université maintenant. Le seul changement est que nous sommes dans des facultés différentes, bien que les bâtiments se côtoient comme s'ils nous suppliaient de nous entretuer. La situation est incroyablement commode, comme si nous étions maintenant obligés de nous battre.

    Ça me stresse, de penser qu'on va probablement devoir se taper dessus pour le reste de notre vie. En y réfléchissant, c'est bizarre de naître avec un ennemi désigné avant même d'avoir appris l'existence de l'autre. Comme si je voulais gagner contre lui, même si on ne s'était jamais rencontrés.

    — As-tu mangé ?

    Je suis ramené de mes souvenirs poussiéreux du passé lorsque le chien fou à côté de moi me tape sur l'épaule.

    — Comment puis-je manger avec cette bouche ? dis-je d'un ton égal, en regardant son visage meurtri. Va te nourrir dans ta chambre avec un repas liquide.

    Il rit et presse sa langue dans le renflement de sa joue, le genre de geste qui fait tressaillir mon pied à chaque fois que je le vois.

    — Je vais partager un bol.

    Je lève les yeux au ciel, fatigué de son visage. Enfin... je l'ai giflé tellement de fois que ça me fait mal de le voir.

    — Garde-le pour toi.

     



  • Commentaires

    7
    Mercredi 16 Mars 2022 à 19:47

    Bonsoir la team merci de prendre ce projet

    et merci pour le premier chapitre !

    6
    Vendredi 11 Mars 2022 à 04:15

    Coucou ! Merci beaucoup d'avoir pris ce projet ! J'avoue avoir adoré, comme beaucoup, la série avec Ohm et Nanon. Avant de me lancer, j'aurais une question. C'est peut-être un spoil, alors je préviens avant de poser la question hihihi. J'ai cru comprendre, mais sans être certain, que dans les nombreux changements apporter à la série, par rapport au roman, la fin avais également était réécrite en plus joyeuse que celle du roman. J'aurais donc voulu savoir si cela est vrai ou pas ? Sans avoir de détail bien sûr, sinon, il n'y a plus d'intérêt à lire le roman, mais c'est juste pour me préparer mentalement. Merci beaucoup en tout cas ! 

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    5
    Vendredi 4 Mars 2022 à 21:58

    Merci pour ce premier chapitre, j'ai hâte de découvrir la suite et voir si sa suit la série ou si il y a des petits changements

    4
    Jeudi 3 Mars 2022 à 16:10

    Un vrai plaisir de retrouver Pran et Pat ;)

    Merci pour ce 1er chapitre <3 

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