• Règle n° 4

    Règle n°4
    N'oubliez jamais ce que le Bizuteur vous a dit

    — Où est ton badge ?

    Pour d'autres, cela aurait pu être une simple question.

    Mais pour le première année qui avait été sommé de se lever au milieu de la salle d'activités d'ingénierie, cette question était une condamnation à mort, surtout lorsqu'il était la cible du regard noir d'Arthit qui était un étudiant de troisième année. Ce regard intensifiait le sentiment de malaise dans ses tripes, car le regard du junior semblait pénétrer dans son esprit intérieur, et il n'avait d'autre choix que de dire la vérité malgré sa peur.

    — Je... Je l'ai laissé chez moi.

    Arthit laissa échapper un soupir pesant en entendant cette réponse. Il n'était pas résigné, non, mais il en avait assez de devoir rappeler sans cesse aux gens une tâche aussi simple.

    — Vous pensez que je vous ai donné ce badge juste pour le plaisir ? Vous vous rendez compte de l'importance de celui-ci ? C’est une manière de faire savoir à vos amis et à vos aînés qui vous êtes. Mais tu ne l'as pas apporté et porté. Donc, tu ne veux pas que nous sachions qui tu es, n'est-ce pas !?

    Celui qui se faisait engueuler sursauta, secouant violemment la tête pour démentir l'affirmation.

    — N-non, bien sûr que non !

    S'excuser ne servait à rien. Arthit plissait les yeux comme s'il réfléchissait à quelque chose et finit par émettre une conclusion.

    — Dans ce cas... tu dois penser que tous tes amis te connaissent, donc que tu n'as pas besoin d'accrocher le badge autour de ton cou. Alors, prouvons que tout le monde connaît ton nom. Vous tous, levez les yeux vers lui, et dites-moi son nom !

    Alors que les derniers mots émis par le chef des bizuteurs s'estompaient, aucun des étudiants de première année assis dans la rangée n'avait bougé ou ouvert la bouche. Ils se taisaient tous, peut-être pas parce qu'ils ne connaissaient pas le nom de leur ami, mais parce qu'ils avaient peur de la colère du bizuteur. De toute façon, ils finiraient tous par être punis.

    — Personne ? Aucun d'entre vous ne sait qui il est ? Personne ne le considère comme un ami, c'est ça ?

    L'affirmation acerbe fit pâlir celui qui était la cible de la question. Même s'il était un homme, il avait envie de pleurer devant une telle pression. La tête basse, il était prêt à subir la plus dure des punitions de la part du bizuteur, mais avant qu'Arthit ait pu prononcer un autre mot, une voix s'éleva.

    — Son nom est 'M', monsieur.

    La phrase qui brisa le silence poussa le chef bizuteur à se retourner et à aboyer sa question.

    — Qui est celui qui a répondu ?

    — C'est moi.

    Un jeune homme leva la main et se leva, se dévoilant au bizuteur. Les yeux d'Arthit s'écarquillèrent dès qu'il posa son regard sur l'homme qui osait prendre la parole. C'était encore lui, ce vaurien qui se donnait le rôle d'un chevalier en armure brillante. Il était, en fait, l'épine dans le pied du bizuteur !

    ...0062, ce maudit Kongpob !

    Même si l'homme avait défié son autorité à maintes reprises, un homme comme Arthit ne se laissait pas abattre. Il se sentait encore plus motivé en étant défié par un adversaire audacieux. Pourquoi laisserait-il filer cette nouvelle victime alors que le type s'était servi lui-même sur un plateau ? Il ne dirait pas non pour ne pas blesser les sentiments du gars. Il changea donc sa cible pour la nouvelle.

    — Tu connais cet homme ?

    — Je le connais !

    La réponse confiante lui donna des démangeaisons dans les pieds sans raison. Voyons si ce connard arrogant connaissait vraiment son ami !

    — Montre-moi ta carte d'identité. 

    'M' sursauta une nouvelle fois en entendant l'ordre et tâtonna pour trouver son portefeuille. Il en sortit sa carte et la tendit au bizuteur dont les lèvres s'étirèrent en un rictus. Il commença ensuite à poser une série de questions à Kongpob.

    — Quel est le vrai nom de ton ami ?

    — Kathawut, monsieur.

    — Et son nom de famille ?

    — Hathaiprasert, monsieur !

    — Sa date de naissance !

    — Le 12 décembre 1995, monsieur !

    Merde... ce type a bouffé le certificat de naissance ou quoi ?!!

    Arthit voulait crier sa frustration. Il posait beaucoup de questions mais ce con avait réussi à y répondre correctement. Comment pouvait-il y arriver ? Ou... peut-être qu'ils se connaissaient depuis longtemps ? Pas étonnant qu'il ait été si sûr qu'il serait en mesure de répondre à tout ce que Arthit allait demander.

    Mais pensait-il que quelqu'un comme Arthit le laisserait partir si facilement ? Ce ne serait pas lui s'il ne pouvait pas se venger de quelqu'un !

    — Tu peux t'asseoir. On dirait que ton ami te connaît bien. Mais je veux savoir maintenant si ton 'ami' va connaître tous les autres amis comme il te connaît !

    L'homme qui avait été ciblé voulait soupirer de soulagement mais il ne pouvait pas, sachant très bien que celui qui était devenu sa nouvelle cible... son meilleur ami se retrouvait dans ce pétrin pour l'avoir sauvé. Pire, il savait que son ami avait été ciblé depuis le jour où il avait défié l'autorité du bizuteur. Il craignait que Kongpob ne reçoive la pire des punitions, et il s'avérait qu'il avait raison quand le chef du bizutage cria son ordre.

    — Tout le monde met son badge à l'envers !

    Ils ne comprenaient pas pourquoi ils devaient le faire mais l'ordre du bizuteur était définitif et ne pouvait être remis en question. Ils retournèrent tous leur badge et dès qu'ils le firent, un autre cri retentit.

    — 0023, lève-toi !

    L'étudiante ayant ce code se leva d'un bond. C'était une jolie jeune femme qui tenait l'ourlet de sa chemise alors que la peur l'envahissait. Oh, ma belle, tu n'as pas besoin d'être effrayée parce que c'est ce connard de je-sais-tout que je vise !

    Arthit se dirigea vers elle, qui se tenait de l'autre côté, pas très loin de Kongpob. Il se retourna et fixa l'homme qui le regardait avec un air interrogatif.

    — Maintenant, donne-moi son nom.

    Kongpob resta silencieux comme s'il avait reçu un coup de poing dans les tripes, réalisant la stratégie que le bizuteur utilisait contre lui. Mais il n'avait pas le droit de se plaindre, et ne pouvait que se conformer aux directives qui lui étaient données. Il prit une profonde inspiration avant de répondre.

    — Son nom est 'Maprang', monsieur.

    Même s'il n'avait pas l'air aussi assuré que la première fois qu'il avait répondu, la réponse était toujours claire et nette, incitant Arthit à vérifier qu'il avait raison.

    — Tourne ton badge pour que je puisse voir.

    L'étudiante s'exécuta et le badge révéla le nom. C'était "Maprang", comme Kongpob avait répondu.

    Très bien, tu as réussi à survivre une fois de plus. Mais ne pense pas qu'un homme comme Arthit abandonnerait facilement.

    — 0038 !!

    Un garçon joufflu se leva à la rangée de gauche comme on le lui avait ordonné. Arthit se dirigea vers lui en aboyant sa question en chemin.

    — Quel est le nom de ton ami ?

    — C'est 'Oak', monsieur.

    Cette fois-ci, il n'a pas eu besoin d'attendre que le jeune homme retourne le badge, car il tendit la main et le fit. Sa frustration doubla quand il vit le nom inscrit sur le badge.

    Putain ! Il connaissait tout le monde ou quoi ?! Il y avait plus de deux cents étudiants de première année dans le département d'ingénierie industrielle, donc il n'y avait aucune chance qu'il connaisse tous les noms, à moins qu'il soit un Monsieur Cordialité ! Il devait bien y avoir des noms qui lui échappaient !

    — 0151 !

    Une étudiante portant des lunettes et une queue de cheval, à l'allure sinistre, se tenant droite comme l'avait ordonné le bizuteur, attendait d'entendre son nom de la bouche de son camarade. Mais tout ce qu'ils entendirent fut... le silence.

    Je t'ai eu ! Il avait enfin trouvé le point faible de ce con !

    — Quelle est la réponse ? ! Quel est le nom de ton amie !?

    Arthit accentua ses mots, jetant un regard dur à Kongpob qui avait du mal à trouver ses mots.

    ... Alors, tu n'es pas un Monsieur Je-sais-tout, après tout. Comment oses-tu défier mon autorité ? C'était à son tour d'apprendre à ce morveux à connaître sa place. Un simple tour de piste ne suffirait pas, pas plus que des squat ou des rotations. Pour un morveux aussi arrogant, il avait quelque chose de pire en tête.

    — Donne-moi ton badge.

    Arthit se dirigea vers la fille et lui demanda son badge, elle était restée figée sur place, peut-être attristée par le fait que son ami ne se souvenait pas de son nom. Pourtant, elle dut remettre le badge au chef du bizutage qui l'agita à la vue de tous les élèves de première année.

    — Je vous ai déjà expliqué la raison pour laquelle je vous ai donné ce badge, c'est que je voulais que vous fassiez attention à vos amis. Mais vous ne pouviez même pas vous souvenir du nom des autres. Alors, quel est l'intérêt d'avoir ce badge de ma part ?

    Il s'interrompit, levant le badge en carton avec une corde orange de ses deux mains pour que tout le monde puisse le voir, et appuyant sur chaque mot avec un grognement.

    — Comme vous ne voyez pas la valeur de ce badge, alors il est inutile !

    Il déchira le badge en morceaux alors que les étudiants de première année restaient stupéfaits - tous les yeux de la salle d'activité étaient braqués sur lui alors qu'il déchira le papier. Kongpob était déconcerté, regardant les morceaux de papier tomber sur le sol - le papier qui avait été le badge d'une amie qu'il ne pouvait pas reconnaître, atterrissant lentement sur le sol morceau par morceau.

    — ...N'oubliez jamais que cela a seulement montré à quel point vous avez tous été ignorants, en ne faisant pas assez attention à vos amis.

    Arthit laissa tomber les morceaux restants de ses mains comme s'il s'agissait de simples déchets avant de retourner à sa place pour prononcer la fin de son discours.

    — Aujourd'hui, mon devoir s'arrête ici. Demain, j'espère voir votre badge sur vous, sur vous tous ! Mais si vous pensez que vos amis ici vous connaissent bien, ne prenez pas la peine de le porter à nouveau ! Compris !?

    — Oui, monsieur ! !

    La réponse retentit à l'unisson dans la salle. Le chef des bizuteurs hocha la tête en signe de satisfaction avant d'éloigner le groupe de bizuteurs du rang, laissant la place à l'équipe récréative - les étudiants de deuxième année qui enseigneraient aux étudiants de première année comment chanter les hymnes et faire des activités amusantes - afin de rééquilibrer les émotions des étudiants de première année.

    Il reconnaissait avoir dépassé les bornes à l'instant, mais c'était à lui, en tant que bizuteur, de jouer les durs et de montrer l'exemple. Pour contrôler une centaine de personnes, il fallait utiliser l'intimidation et la pression comme tactiques principales.

    Donc, même s'il était perçu comme un bizuteur sans coeur, brutal et sans pitié, il devait garder son calme pour que personne ne conteste son autorité et ne manque de respect aux bizuteurs.

    Il semblait que ce qu'il avait fait était efficace. L'élève de première année qui avait été sa cible était pétrifié comme s'il se sentait coupable d'avoir causé la perte de son badge à son amie.

    ...C'était la conséquence du manque de respect et de l'insulte envers les seniors ! Tu as été choisi d'être blessé de la manière la plus douloureuse possible !

    Arthit regardait Kongpob avec mépris en s'éloignant de la salle d'activités. Mais soudain, celui-ci se mit à bouger, quittant la file des élèves de première année en courant, faisant fi de toutes les règles. Il se dirigea droit vers la fille dont le badge avait été déchiré en morceaux alors qu'elle essuyait les larmes de son visage. Arthit regarda Kongpob se pencher pour ramasser les morceaux de papier, prenant le badge dans ses mains, et leva les yeux vers la fille qui pleurait.

    — Je suis désolé, quel est ton nom ?

    La fille sursauta un peu mais lui répondit en sanglotant.

    — Je... je m'appelle M... May.

    Kongpob hocha la tête en signe de compréhension puis fit quelque chose dont Arthit ne put croire ses yeux.

    Le jeune homme retira le badge qu'il portait autour de son cou et alla chercher un stylo pour griffonner quelque chose au dos du papier. Une fois terminé, il le tendit à la jeune fille avec un sourire.

    — Tiens. Prends-le.

    Le mot "May" avec le code "0151" était visible sur le badge. La jeune fille était décontenancée, touchée, contrairement à Arthit qui était aussi stupéfait alors que sa colère montait en flèche et le faisait trembler.

    ...Comment ose-t-il ? Comment ose-t-il ?

    Il se dirigea vers eux deux, attrapant le grand corps de l'étudiant pour le faire tourner vers lui et lui faire face en criant.

    — Qu'est-ce que tu fous, Kongpob !?

    Le ton et le regard féroce qui cherchait à faire couler le sang ont fait comprendre à Kongpob à quel point l'autre homme était en colère. Pourtant, il répondit d'une voix calme.

    — Je viens de lui donner mon badge, monsieur.

    — Pourquoi tu as fait ça ? Qui te l'a dit ?

    — Personne, mais c'est ma faute si je n'ai pas pu me souvenir de son nom ! Donc c'est ma responsabilité.

    L'explication prit Arthit de court. Il croisa le regard perçant de Kongpob.

    ...Il n'y avait aucun défi dans les yeux du jeune homme, seulement une détermination sans faille qui le fixait.

    Cela le calma soudainement tandis que sa fureur se dissipait. Il décida de parler sur un ton plus sinistre.

    — Tu sais que si tu donnes ton badge à ton amie, tu ne l'auras plus ?

    — Je le sais, monsieur.

    Très bien. Le gars connaissait le règlement, mais il avait quand même choisi de le faire. Cela signifiait qu'il assumerait toutes les conséquences qui s'ensuivraient, comme une punition. Un chef bizuteur comme Arthit n'allait pas refuser ce privilège à ce mec.

    — Si tu ne portes pas de badge, je considère que tu as enfreint le règlement de ta classe. À partir de maintenant, tu ne t'assieds plus avec les autres pendant les réunions et tu seras isolé. Et si tes amis sont punis, tu seras puni deux fois. C'est clair ?

    — Oui, monsieur !

    La réponse forte et audacieuse de Kongpob qui ne semblait pas du tout effrayé, alors qu'il s'agissait de la punition la plus sévère jusqu'à présent, poussa Arthit à se détourner. Il ne se dirigea pas vers les rangs des étudiants de première année, mais sortit tout simplement de la salle d'activités.

    ... Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait comme ça. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il ne supportait plus de rester dans cette salle un instant de plus. Il avait fait tout ce qu'il devait faire en tant que bizuteur et la punition était amplement méritée.

    Pourtant... il ne pouvait s'empêcher de se sentir vaincu... par la détermination de Kongpob qui voulait juste sauver son amie.

    Il venait juste de réaliser que... à part son arrogance qui lui donnait l'envie de lui frapper la bouche à coups de pied plusieurs fois par jour, ce qu'il détestait était aussi le regard déterminé que Kongpob lui lançait toujours.

     



  • Commentaires

    5
    Mardi 11 Avril 2023 à 20:06

    C'est vraiment gentil de laisser son badge.... Mais je pense qu'il va lui arriver quelques bricoles du coup

    4
    Mercredi 13 Juillet 2022 à 22:46

    *o*

    J'adore, j'ai rien d'autre à dire XD

    Vivement le prochain chapitre !

    Merci pour la traduction.

    • Voir les réponses
    3
    Mercredi 13 Juillet 2022 à 22:18

    Toujours un plaisir de retrouver ces 2 là :D

    Merci pour ce nouveau chapitre, bises <3

    • Voir les réponses
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