• LE KIMONO INFLUENCEUR DE TENDANCE

    Le Kimono : influenceur de tendance

     Aujourd’hui j’ai décidé d’aller au Musée du Quai Branly à Paris avec ma mère, une de mes cousines et une de mes belles sœurs. Nous aimons toutes ce qui vient d’Asie et l’exposition KIMONO nous a séduite.

     Comme beaucoup, je voyais le kimono comme un vêtement traditionnel japonais, un symbole de sa culture mais je n’en savais pas plus que ce que j’avais pu voir dans les films, les mangas et les animés. Pour moi il était du même type que les robes à crinoline ou à paniers d’il y a plusieurs siècles que l’on met pour une soirée à thème.

    Pourtant le kimono a influencé la mode occidentale depuis longtemps et tout comme cette dernière est cyclique, le kimono a connu ces dernières années une véritable renaissance. De plus en plus de jeunes portent le kimono.

    Tout d’abord, il faut savoir que le mot KIMONO est un terme générique que l’on peut mettre en parallèle avec le mot « vêtement ». Il signifie « chose à porter » en japonais, tout comme il y a plusieurs sortes de vêtements (robe, chemise, pantalon etc…) il y a plusieurs sortes de kimonos (Furisode, KatabiraUchikake) qui sont portés à différentes périodes de l’année ou à différents moments de la journée. Les gens veillaient tout particulièrement à porter le bon kimono au bon moment. Quant à la forme du kimono, cette dernière a très peu varié.

     L’exposition retrace l’évolution du kimono et son influence sur la mode depuis le 17ème siècle. Il s’agit de période Edo qui est la capitale du Japon unifié, c’est l’actuelle Tokyo. C’est une période de grande stabilité politique, de paix et de croissance économique qui sont des conditions favorables à l’épanouissement de la mode.

    Les japonais portaient déjà des kimonos avant cette époque; avec l’émergence d’une clientèle fortunée une certaine « culture de la mode » s’est développée.

    Selon le statut, il n’était pas porté le même type de kimono, de même certains kimonos n’étaient autorisés qu’à l’occasion de certaines cérémonies bien précises.

    A l’époque du Moyen-Age, le Japon est une société hiérarchisée fondée sur les enseignements de Confucius. Les samouraïs se trouvaient au sommet de cette hiérarchie, suivis des paysans et des artisans qui assuraient la subsistance de la nation et tout en bas de l’échelle, la classe des marchands, car l’on considérait qu’ils ne faisaient que profiter du travail des autres. Cependant ces derniers sont souvent ceux qui sont les plus riches, prêtant même de l’argent aux samouraïs.

    Les femmes de la cour et de la classe des samouraïs portaient des kimonos de type Goshodoki (1). Ils évoquent souvent dans leur couleur et leur motif la littérature japonaise. Ainsi, pour montrer ses connaissances littéraires, l’entourage de la personne devait être capable d’identifier ces références.

    Les femmes célibataires portaient des Furisode (2), ce sont des kimonos à manche très longue, plates et évasées. Celui qui est en photo a été réalisé à partir de plusieurs techniques de teinture comme le shibori, qui consiste à nouer, coudre et plier le tissus, puis à l’immerger dans la teinture pour que les parties nouées produisent l’effet de dégradé.

    La teinture rouge vif obtenue est appelée benibana ou fleur de carthame, il faut environ 12 kilos de pétales pour confectionner un vêtement entier. Il est supposé que ce vêtement très luxueux ait appartenu à la fille d’un très riche marchand. Ainsi grâce à la mode, les marchant pouvaient afficher un statut qu’ils n’avaient pas.

    Ce qui pour la société très hiérarchisée de l’époque était très problématique. Le gouvernement promulguait régulièrement des lois sur la couleur, les matériaux et les techniques utilisés pour créer des kimonos, afin que les citoyens ne s’habillent pas au-dessus de leur statut et restent à leur place.

    Pour contourner ces lois, la population a commencé à créer son propre style, connu sous le nom de Iki qui signifie « chic discret », dont le chef de file est la geisha. Un style caractérisé par des couleurs sourdes, subtiles parfois ornées de petits détails luxueux comme par exemple une doublure rouge.

    Les kimonos portés l’été sont des Katabira (3), fabriqués en rami qui est un tissu semblable au lin et parfaitement adapté au climat chaud et humide des étés japonais. Une autre astuce utilisée par les japonais pour avoir un sentiment de fraicheur est d’utiliser des motifs automnaux.

    Le Katabira de la photo est un kimono de rang inférieur du fait de ces motifs présents seulement au-dessous de la taille. Il devait être porté à l’occasion de cérémonies ordinaires, en opposition aux cérémonies particulières.

    L’une des cérémonies particulières est le mariage, lors de cette cérémonie, comme c’est encore le cas dans certaines cérémonies notamment indiennes ou musulmanes, la mariée va changer plusieurs fois de tenues. A l’époque, au Japon, il s’agit de l’Ironashi (4), le rituel du « changement de couleur ». La mariée commençait la cérémonie dans un ensemble blanc immaculé (symbolisant la pureté, la clarté et l’état naturel), qu’elle portait lors de la procession vers la maison du marié et lors de la cérémonie sacrée. Puis elle revêtait un kimono raffiné richement orné pour le banquet et pouvait même parfois se changer à nouveau. Ce kimono était souvent de couleurs noir et rouge représentant le fait que la jeune femme allait pouvoir devenir la matriarche du foyer.

    La mode masculine s’est peu à peu différenciée de la mode féminine par des couleurs plus sobres et des motifs plus discret alors qu’au début de la période Edo, les hommes pouvaient porter des kimonos très colorés et très raffinés.

    Les kimonos permettaient de différencier le statut des personnes, voire leur métier, comme les acteurs de kabuki (genre théâtrale populaire de la période Edo) qui étaient de véritables stars à leur époque. Leurs fans essayaient d’imiter leur style ou achetaient des accessoires en lien avec eux (est-ce que ça en rappel certaines d’entre-nous ? ). Par les symboles sur leurs kimonos, les acteurs pouvaient s’exprimer d’une manière différente, avoir des messages sur la société. Le gouvernement cherchait régulièrement à imposer des restrictions au théâtre kabuki.

    Selon le kimono que portait une femme on savait si elle appartenait ou non au « monde flottant » Ukiyo. C’est le monde du divertissement et de l’érotisme regroupant le théâtre kabuki mais également les oiran (les courtisanes) et les geishas. Ils ne font pas les confondre car elles jouent un rôle très différent.

    Les geishas avaient pour rôle de divertir le client par la musique et la danse. Elles assuraient le divertissement du client avant son rendez-vous avec l’oiran qui elles étaient des travailleuses du sexe.

    Tout comme vous pouvez le voir sur la photo (5), les oiran portaient les kimonos les plus fastueux et les plus extravagants. Celui de la photo présente un ourlet rembourré très épais, des couleurs très vives et des broderies très denses. Les geishas ne pouvaient pas leur faire concurrence, elles portaient donc des tenues moins voyantes, à l’esthétique plus discrète.

    Pendant la majeure partie de la période Edo, le Japon est un pays très fermé, il a pratiqué une politique isolationniste limitant considérablement ses relations avec l’étranger. Seule la Compagnie néerlandaise des Indes orientales commerçait avec le Japon. Malgré cela, le Japon exportait énormément de produits exotiques provenant d’autres régions d’Asie, notamment des textiles et donc le kimono.

    C’est ainsi que le kimono est arrivé en Europe, où il a fait fureur par ses couleurs et ses décorations riches. Les japonais ont même adapté les tissus pour qu’ils puissent s’adapter au climat des différentes régions d’Europe.

    Cependant, le kimono exporté se portait souvent sur des vêtements occidentaux, soit comme une robe de chambre ou un vêtement d’intérieur.

    Dans la deuxième partie du 19ème siècle, le Japon est passé de l’ère Edo à l’ère Meiji, une période d’ouverture et de modernisation du Japon et cela va se ressentir dans la mode.

    La population va peu à peu adopter la tenue occidentale, pour les femmes cela se fera lentement, elles vont être encore très nombreuses à porter le kimono car les tenues des femmes occidentales étaient considérées comme peu décentes (oui vous avez bien lu, au 19ème siècle en France les femmes portaient encore des corsets et plusieurs couches de jupons longs, bon il est vrai qu’elles avaient un décolleté ).

    Ainsi on pouvait voir les hommes habillés à l’occidental dans la sphère publique et les femmes restant en kimonos et préservant les valeurs traditionnelles japonaises, davantage associées à la sphère privée du foyer.

    Le passage à l’ère Meiji, va entrainer l’abolition du système de classes et des lois discriminantes. Le commerce va utiliser des teintes chimiques et les kimonos aux couleurs vives deviennent accessibles.

    L’ouverture du Japon va entrainer une exportation massive de produit japonais dont le kimono. Des pièces de théâtre sur le Japon vont être jouées, on pourrait penser que la culture japonaise va influencer l’occident mais le public y verra une vision stéréotypée du Japon. C’est le cas de l’opéra LE MIKADO joué 672 fois à Londres.

    Ce phénomène va aussi se retrouver dans la peinture, de nombreux artistes se sont intéressés au Japon et à son langage visuel et ont adopté le kimono, pouvant être considéré comme une œuvre d’art à part entière, pour imprégner leurs œuvres de ce caractère exotique.

    La mode Meiji s’est caractérisée par une tendance à porter deux ensembles superposés, un vêtement extérieur et un vêtement intérieur du même motif cet ensemble s’appelle un kasane (6). Le vêtement intérieur, appelé donuki (7), présente une version simplifiée des motifs du kimono extérieur. Le kimono intérieur n’est pas conçu pour être vu. Cela traduit l’influence de la mode occidentale, qui tend généralement davantage à, être assortie plutôt qu’à créer le contraste, comme la mode japonaise le fait habituellement.

    Avec l’abolition du système de classes, les kimonos très codifiés, dont ceux de la classe des samouraïs, n’étaient plus portés au Japon. Il y avait énormément de stocks de kimonos invendus. Ce sont surtout ces kimonos qui ont été exportés et ont fait la joie de femmes européennes, bien sûre celles qui avaient un mari fortuné. C’est le cas de Mrs Elisabeth Smith dont le kimono est en photo (8).

    Par la suite, le Japon va commencer à fabriquer des kimonos spécifiquement pour l’exportation. Ces derniers seront principalement en satin avec de grandes broderies. Ces kimonos seront portés comme des sur-vêtements, par-dessus les vêtements occidentaux et pouvant être cintrés à la taille par une ceinture.

    Le kimono a une grande influence sur la mode européenne du début du 20ème siècle. Il a permis de s’éloigner des créations étroitement corsetées. On lui attribue aussi le mérite d’avoir libérer les femmes du corset grâce à son influence sur les créateurs et leur intérêt pour l’art du drapé.

    La japonaise du 20ème siècle porte toujours le kimono avec un changement de style. Les anciennes boutiques de kimono se sont transformées en grandes enseignes, comme l’Echigoya qui est devenu le grand magasin Mitsukoshi, magasin qui existe toujours.

    Le kimono devient « prêt-à-porter », fabriqué avec un tissus bon marché (meisen) et métiers à tisser mécanisés. Il fallait qu’il soit très résistant et accessible au grand public. Les motifs ne rappelleront plus la littérature japonaise, ils seront plus urbains.

    A cette époque, la figure de la jeune fille moderne apparait au Japon. Elle travaille, vit en ville, s’intéresse à la culture occidentale et veut porter des vêtements à la mode. Cette évolution montre que même si une femme porte un kimono, son style vestimentaire peut cependant refléter la vie moderne.

    Après la seconde guerre mondiale, on assiste réellement au tournant le plus important dans l’histoire du kimono. C’est à ce moment-là qu’il passe du statut de vêtement de tous les jours à celui de costume de cérémonie, puisque les femmes commencent alors à porter des vêtements occidentaux dans leur vie quotidienne.

    Malgré cela, des sommes d’argent colossales sont dépensées pour les cérémonies qui rythment le cycle de vie des japonais. Les parents consacrent beaucoup d’argent à l’achat de kimonos en soie teinte, même s’ils sont destinés à n’être portés qu’une seule fois. Et pour cette occasion, presque toutes les femmes portaient des furisode aux couleurs vives. On peut faire le parallèle avec les coutumes occidentales où dans certaines familles pour marquer le passage à l’âge adulte les parents offrent des bijoux à leur fille.

    Afin de protéger la culture japonaise face à l’occidentalisation grandissante de la population, le gouvernement a introduit, en 1955, la loi sur la protection des biens culturels ainsi que le titre « Trésor National Vivant ». Il est décerné aux artisans qui représentent le plus haut degré de maîtrise de leur art. Ce titre n’empêche pas l’art d’évoluer. Les motifs évoluent pour devenir plus moderne, on abandonne la littérature japonaise devenue trop désuète et considérée comme un cliché. Les créateurs souhaitent que les kimonos adoptent un langage plus universel (9).

    Le fait de parler « Trésor National Vivant » pour valoriser le savoir-faire m’a fait penser au « Meilleur Ouvrier de France » qui sélectionne dans chaque corps de métier les personnes qui pratiquent le mieux leur art. La préservation des savoir-faire est commune à toutes les cultures.

    Dans la deuxième partie du 20ème siècle, Le kimono a aussi trouvé sa place au cinéma, à la différence du théâtre du siècle précédent, ce n’était pas pour reproduire le mode vie à la japonaise mais pour créer un univers, un stype particulier. Par exemple dans les costumes de la saga Star Wars, que ce soit pour les vêtements des jedi ou les habits d’apparat de la Reine Amidala (10).

    De même certaines stars de la musique pop et rock ont également été inspirée par le kimono. Il y a eu Freddy Mercury, Boy George, La pochette de l’album Kiomono My House des Sparks, David Bowie. Pour ma part, je me rappelle surtout de la pochette de CD de la chanteuse islandaise BJök (11) pour son album Homogenic sorti en 1997. Même, si différentes cultures sont représentées, je trouve que la référence à la culture japonaise est la plus frappante. On y retrouve le drapé du kimono qui dans sa conception et ses couleurs rappellent les courtisanes de l’époque Edo.

    Les créateurs de mode ont également été influencés par le Japon et plus particulièrement par le kimono à partir de la seconde moitié du 20ème siècle. Depuis les années 1950, à chaque décennie ou presque, différentes parties du kimono sont adaptées aux différentes modes de l’époque.

    Le créateur John Galliano s’est beaucoup intéressé au Japon, il disait qu’il aimait « la façon dont les kimonos sont coupés et la façon dont ils font de la nuque des geishas la zone la plus érotique. », le rappel des kimonos se traduisent sur les manches et la ceinture le plus souvent.

    Le kimono permet également de mixer les cultures, un exemple avec le créateur camerounais Serge Mouangue. Après une mutation au Japon, il a trouvé des similitudes entre ce pays et le Cameroun. Ces deux pays ayant une culture très ancienne, des croyances animistes (croire que tout êtres vivants même les objets ont une âme) et un héritage ancestral dont la population était très fière. Ainsi qu’une passion commune pour les étoffes. Il a donc créé sa marque WAFRICA qu’il a fondé en 2008 avec l’entreprise japonaise de kimono Odasho. Il cherche à créer ce qu’il appelle une « une troisième esthétique authentiquement mondiale (12). Pour ma part j’interprète son message comme étant une réponse à la vision négative de la mondialisation, les cultures ont bien souvent plus de points communs que de divergences. Il est intéressant de pouvoir mixer plusieurs culture ou s’inspirer d’une culture dans sa vie quotidienne.

    Depuis le début du 21ème siècle, on assiste à un grand renouveau de la mode kimono. Cela a vraiment commencé dans les rues de Tokyo, avec la mode « street », et en particulier avec cette nouvelle génération qui n’entretenait pas vraiment les mêmes liens avec le kimono que les précédentes. Ce phénomène, qui a ensuite été relayé dans les magazines, les blogs et sur internet est à l’origine des styles de kimono très créatifs qui voient le jour en ce moment au Japon. Les créateurs cherchent à rendre plus accessible au jeune public le kimono, avec des matériaux plus abordables et des techniques décoratives moins exigeantes en main-d’œuvre.

    Voilà, vous en savez tout autant que moi sur le kimono et sa place dans l'évolution de la mode. Est-ce que cela vous a donné envie de porter un kimono? Moi j'avoue qu'en sortant de l'exposition j'en aurai bien ramené un chez moi. J'ai trouvé que l'exposition avait été très bien faites, et très riche tant des les pièces exposées que sur les explications données.

    Si vous voulez aller plus loin vous pouvez aller voir les livres suivant:

    - Petit manuel de KIMONO décontracté de Sakura Yamaguchi et Susumu Zenyôji chez Le Lezard Noir

    - Les kimonos Introduction à leurs tissus et motifs de Keiko Nitanai chez NUINUI

     

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  • Commentaires

    3
    Vendredi 9 Juin 2023 à 19:28

    Merci pour vos retours. Je suis contente que l’article vous ai plu. L’exposition était très bien faite et très intéressante. Si vous avez l’occasion d’aller au Musée du quai Branly n’hésitez pas, il y a beaucoup d’expositions de ce type et en plus ce n’est pas cher.

    Je suis désolée pour les photos car je n’ai pas réussi à les mettre dans le bon sens.

    A bientôt 

    MiniElise

    2
    Jeudi 8 Juin 2023 à 21:16

    Coucou MiniElise, 

    Et bien quel article documenté ! Merci pour cette découverte. Je voyais le kimono comme un article de mode, jolie et assez original, mais c'est tout. Du coup, j'ai appris plein de chose. C'est top ^^

    1
    Jeudi 8 Juin 2023 à 14:27

    Coucou,

    Je vous envie cette chouette sortie expo, ça devait être vraiment chouette happy Merci de nous en partager un pti bout ;D

    Bises <3

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