• Chapitre 9

    Chapitre 9

    — Tu resteras… même si je ne suis qu’un minable petit vendeur ?

    Sa voix résonne à mon oreille et je ne comprends pas pourquoi il me demande ce genre de chose. Est-ce que je lui ai déjà fait penser que sa carrière comptait pour moi plus que lui. Enfin maintenant je n’ai plus aucun doute, la rencontre de ce matin avec sa famille s'est mal passée. Même si mes parents m’ont mis à la rue, jamais ils n’ont eu de paroles blessantes pour moi. Je ne sais pas si c’est une meilleure chose, mais je peux me raccrocher au fait que mes parents m’aimaient un minimum.

    En tout cas, maintenant je comprends pourquoi je n’ai pas eu de nouvelle de lui de toute la journée. Pourquoi je me suis fait un sang d’encre en voyant les heures passer sans qu’il ne réponde à mes appels. Pourquoi j’ai dû abandonner Tay et Dao quand enfin quelqu’un a répondu à son téléphone pour me dire que First était ivre mort dans son bar. 

    Mon cœur s’était serré quand je l’avais vu écroulé sur cette table, une main tenant fermement un verre à moitié vide. Je ne sais pas s’il s’était rendu compte que c’était moi qui me trouvait près de lui, mais quand ma main s'était posée sur son front, il avait réagi en cherchant à venir vers moi, à s’accrocher à moi. 

    Mon visage avait rougi quand le propriétaire m’avait annoncé comment je suis enregistré dans son téléphone. Pourquoi First peut se montrer aussi mignon et me faire complètement craquer pour lui ? Je l’avais raccompagné chez moi, je ne m’étais même pas posé la question de savoir s’il préférerait rentrer chez lui, de toute façon, je n’avais aucune idée de l’endroit où il vivait. 

    — Bien sûr que oui et puis tu ne seras jamais un minable First. 

    Je réponds d’une voix aussi douce que possible et un petit sourire se dessine sur son visage. Il semble savourer ma réponse. Je pousse un petit couinement étranglé quand il me serre subitement et de toutes ses forces contre lui. Je passe mes bras autour de sa taille et lui caresse lentement le dos ma tête posée contre son épaule, je savoure les quelques secondes qui restent de la montée avant que les portes de l’ascenseur ne s’ouvrent.

    — Je savais que mon père disait n’importe quoi.

    Il ne me parle pas vraiment, c’est une constatation de sa part, mais ma mâchoire se crispe quand j’imagine les paroles qu’ils ont dû échanger pour que First ait cette idée en tête. Je me dégage en douceur de son étreinte et l’aide de nouveau à marcher pour que l’on puisse rejoindre mon appartement. 

    Il est plongé dans la pénombre et le calme, Dao ne s’est pas relevée et doit dormir profondément, même si elle a été déçue de ne pas pouvoir voir son Phi First adoré. Je ne l’avais jamais vu s'accrocher à quelqu’un qu’elle ne connaît pas de cette manière, ça m’a fait un peu peur au début, mais maintenant je comprends totalement.

    — Tu as faim ?

    — Non… je suis fatigué.

    J’ai un petit sourire en coin, s’il ne faisait pas une tête de plus que moi, tout dans sa manière de parler me fait penser à un enfant un peu grognon. Je sais qu’il a besoin de beaucoup d’attention et de tendresse et j’ai envie d’être celui qui lui donnera. Il réveille des choses en moi dont je n’avais pas conscience et je ne veux pas que son père lui mette des idées à la con dans la tête. Je ne veux pas qu’il s’éloigne de moi en pensant qu’il ne vaut pas assez.

    — Alors tu vas aller te laver et dormir, d’accord. 

    Enfin, même si je suis sûr qu’une douche lui ferait du bien, je ne suis pas sûr qu’il réussisse à se laver. Il a dû mal à ouvrir les yeux et je ne parle même pas de tenir debout. Je n’ai pas envie qu’il tombe et se blesse, je pense que sa journée a été assez merdique pour éviter en plus un séjour aux urgences. 

    — Seulement si tu viens avec moi.

    Je me fige quand il formule sa demande en s’accrochant un peu plus fermement à moi. Mon esprit s’est complètement vidé et je n’arrive à réfléchir à rien d’autre que lui et moi sous la douche. J’avale difficilement ma salive, essayant de repousser les images qui se forment dans ma tête. Je n’aurais jamais osé lui demander que l’on prenne notre douche ensemble, dans l’idée, j’allais le mettre au lit et le laver rapidement, comme on voit dans tous les dramas à la télé.

    J’hésite sur la marche à suivre, je ne sais pas si c’est une bonne idée, je ne veux pas qu’il pense que je profite de la situation ou quelque chose comme ça. Cependant, il semble être décidé car, alors que c’était moi qui le guidait depuis le début, c’est soudain lui qui prend les commandes et m’entraîne en chancelant vers la salle de bain. 

    — D’accord, on va faire comme ça. 

     

    Il est assis contre le meuble de la salle de bain, sa tête appuyée contre le mur, il m’observe d’un œil endormi, il ne me quitte pas du regard, suivant chacun de mes gestes alors que dans un silence un peu gêné, je règle l’eau. Je me tourne vers lui et je sais que mes pommettes doivent être un peu rouges. Il semble déjà moins ivre que tout à l’heure, car il se redresse quand je me rapproche de lui. 

    — C’est prêt, il faut que tu te déshabilles. 

    Je ne sais pas vraiment où regarder quand avec des gestes maladroits, il tire sur son t-shirt pour le faire passer par-dessus sa tête. J’aimerais dire que j’ai gardé mes yeux dans ma poche, mais je ne peux pas m’empêcher de le détailler, son torse est bien fait, ses muscles sont présents mais pas trop et je me mordille la lèvre en ayant de nouveau l’imagination un peu trop débordante. 

    — A ton tour. 

    Je n’ose pas tout de suite le regarder, mais j’attrape le bas de mon t-shirt que je fais timidement passer par-dessus ma tête. Je ne me trouve pas moche, mais depuis six ans, je n’ai absolument pas le temps de prendre soin de moi et…

    — Tu es beau.

    Je relève la tête surpris quand il coupe mes pensées, comme s’il avait pu comprendre ce que je ressentais et je ne peux pas m’empêcher d’aimer ses paroles. 

    — Je te trouve beau aussi.

    Je lui retourne naturellement le compliment, parce que ce serait mentir que de dire le contraire. Sa main se pose sur ma nuque et il m’approche de lui, il semble sur le point de dire quelque chose, mais il se retient et pose finalement son front contre le mien. 

    — Tout va bien se passer First.

    Je veux lui remonter le moral autant que je peux, lui faire oublier chaque mot que sa famille a pu prononcer au cours des années passées. Il hoche la tête restant silencieux et je vois la fatigue qui l’accable, les cernes sous ses yeux et je me sens mal.

    — Allons prendre cette douche, comme ça tu pourras dormir.

    Rapidement, on se déshabille, mais aucun de nous ne regarde le corps de l’autre, on reste concentré sur nos visages. La situation ne prête pas à autre chose que de l'aider à se laver puis de l’emmener se coucher. Il aura l’esprit plus clair et je ne veux pas qu’il pense que je pourrais vouloir profiter de la situation. 

    Il frissonne violemment quand l’eau pourtant tiède frappe son corps, il m’attire dans ses bras en tremblant et je ferme les yeux, appréciant son étreinte. On reste un long moment debout dans les bras l’un de l’autre, l’eau le dégrisant petit à petit et lui permettant de s’éclaircir l’esprit.

    — Je ne veux plus faire partie de cette famille. 

    Je soupire quand il reprend la parole à voix basse et je dépose un baiser sur son épaule pour lui montrer que je suis près de lui, qu’il n’a rien à craindre avec moi. 

    — Tu veux me raconter ? 

    Je ne veux pas le forcer, mais parfois mettre des mots sur ce qui se passe permet de mettre en perspective et de savoir ce que l’on veut réellement. 

    — Je ne veux pas vieillir et me rendre compte un jour que je n'ai pas vraiment vécu ma vie. 

    Je caresse doucement sa nuque, je voudrais le regarder, lui montrer que je le soutiens, mais il me maintient serré contre lui. Je ne cherche pas à en bouger, je l'écoute alors qu'il livre enfin ce qu'il a sur le cœur. 

    — Actuellement je vis la vie de mon père, pas la mienne. Seulement, j'ai peur… 

    — Tu as peur de quoi ? 

    Je réussis à lever la tête et lui trouve le courage de me regarder dans les yeux. J'ai la sensation qu'il pleure, même si les larmes se confondent avec l'eau de la douche. Je ne fais aucune remarque, je ne veux pas qu’il se sente mal à l’aise.

    — Qu'il ait raison. 

    Je soupire, je ne connais pas son père, mais j'aurais bien deux mots à lui dire sur la façon d'élever un enfant. Mes mains attrapent son visage et je le force à se pencher pour que nos visages soient plus proches l'un de l'autre. Je veux que chacun de mes mots s’impriment dans son esprit et efface ceux de son père.

    — Je t'assure qu'il a tort, les personnes qui tiennent vraiment à toi ne le font pas pour ton travail, ton argent ou ton statut social. 

    Ses lèvres tremblent légèrement, mais il ne dit rien, il m'écoute attentivement alors que je cherche les mots pour le rassurer. 

    — Est-ce que tu apprécies d'être avec moi ? 

    Il hoche la tête pour me répondre, se demandant sûrement pourquoi je lui pose cette question. 

    — Même si je ne suis qu'un pauvre petit fleuriste ? 

    Ses yeux s'agrandissent quand il comprend où je veux en venir et il secoue vivement la tête. 

    — Ça ne change rien pour moi. 

    — C'est pareil pour moi, journaliste, vendeur ou tout autre chose, je veux juste que tu sois heureux. 

    Ma respiration s'est légèrement accélérée, mais c'est la vérité, je veux juste le voir heureux, épanoui et vivant la vie qu'il s'est choisi. Pour souligner mes propos je l'embrasse tendrement, doucement et je sens son corps se détendre. Son front se pose contre le mien et il pousse un long soupir. Son visage se décrispe et il retrouve le sourire. 

    — Merci Khao… 

    Je lui souris, il n’a pas besoin de me remercier, mais je ne dis rien, à la place, je prends le shampoing et commence à lui laver les cheveux. On reste un moment sous la douche et quand on sort enfin, ses yeux semblent plus vifs. On se rhabille rapidement avec les habits que j’avais préparé, puis il sourit quand je prends soin de lui et que je lui sèche les cheveux.

    Depuis notre rencontre, je me suis laissé éblouir par son sourire, si bien qu’au début, je n’ai pas remarqué que son regard semblait éteint. Ses parents ne lui ont jamais donné l’amour et la tendresse dont il avait besoin et je me rends compte qu’aujourd’hui, il est très gourmand, il semble aller mieux à chaque marque d’affection que je peux avoir à son égard. 

    Quand on se glisse dans le lit, il est beaucoup moins ivre, même s'il reste encore fortement alcoolisé. J'ai à peine le temps de m'allonger qu'il a entouré mon corps de ses bras et sa tête est posée sur mon torse. J'ai un petit rire en le laissant faire et aussitôt ma main trouve sa place dans ses cheveux avec lesquels je joue négligemment. 

    — Khao, c'est qui Tay ? 

    Je suis surpris par sa question, je n'étais même pas sûr qu'il soit vraiment conscient quand il l'a sorti du taxi. Je me souviens aussi des mots un peu durs qu’il a eu envers lui et j’espère vraiment qu’il ne s’en souviendra pas demain.

    — C'est mon meilleur ami. Il est un peu plus vieux que moi. Quand mes parents m'ont jeté dehors, il m'a ouvert sa porte et m'a laissé vivre chez lui avec Dao pendant trois ans. 

    — Juste ton ami. 

    Il est soulagé quand il comprend que Tay ne représente pas un danger, il n’a pas de soucis à se faire, il n’aura aucun rival amoureux. J’ai un petit sourire en coin quand je me souviens que Malaï l’avait rassuré de la même manière. 

     

    Le silence retombe, First est collé contre moi, je ne peux pas bouger, captif de ses bras. Je pense qu'il s'est endormi, terrassé par sa longue journée et l'alcool car son corps s’est petit à petit détendu. Je caresse doucement son dos et son bras essayant de faire le point sur ce que je ressens, mon cœur tambourine dans ma poitrine et je me demande si le bruit ne va pas finir par le réveiller. 

    Soudain un léger gémissement m'échappe quand je sens ses lèvres capturer la peau de mon cou et la mordiller doucement. Ma main s'accroche à son épaule et je prends une profonde inspiration alors qu’un long frisson parcourt mon dos.

    La sensation est divine et je ferme les yeux pour la savourer encore plus. Quand il voit que je ne le repousse pas, il se montre un peu plus entreprenant. Sa main glisse sous mon t-shirt et il caresse lentement la peau de mon ventre. 

    Ses lèvres quittent mon cou et remontent, il embrasse ma mâchoire, ma joue, mon nez avant de prendre d'assaut mes lèvres. On est loin de nos précédents baisers, ces derniers avaient été doux, timides alors que là, il m'embrasse avec une passion qui ne me laisse pas indifférent. Sa langue rejoint la mienne, la caressant suavement et je frissonne en m’accrochant à lui.

    Mon corps s'éveille sous ses baisers et ses caresses, je sais que l’on est en train de déraper, que ma raison devrait le faire arrêter, mais ses doigts jouent avec mes tétons et j’ai l’impression que mon esprit se fait la malle pour laisser mon corps profiter de l’instant présent dans ses bras. 

    Ces dernières années, je me suis tellement oublié pour être le père de Dao, que ressentir du plaisir sous les caresses d’une personne pour qui j’ai des sentiments me ferait presque chavirer. Seulement, une partie de moi reste suffisamment consciente pour savoir qu'il ne faut pas que les choses aillent plus loin ce soir. Je ne veux pas qu’il pense que j’ai profité de la situation.

    Alors quand sa main cherche à s'aventurer dans mon short, j'attrape son poignet le souffle court. Dans la pénombre, je vois son expression changé, de la tristesse passe dans son regard alors qu’il pense que je le repousse car je ne veux pas de lui. Pour éviter tout malentendu je me dépêche de lui expliquer. 

    — Ce serait une erreur de le faire ce soir First. Tu es encore ivre, on n'a pas vraiment parlé de nous et… Dao est dans la pièce d'à côté. 

    Heureusement, il a suffisamment dégrisé pour m’écouter et surtout comprendre ce que je lui dis. Quand je parle de Dao, il se fige et son regard se tourne vers ma porte de chambre comme si elle allait soudain arriver sans crier gare. Il pousse ensuite une petite exclamation et pose son front contre mon torse en prenant de profondes inspirations pour reprendre le contrôle de la situation. 

    — Je suis désolé…  je fais n'importe quoi.

    — Ne t'excuse pas, dans d'autres circonstances… 

    Je ne termine pas ma phrase, je n'en ai pas besoin car il comprend ce que je veux dire. Dans d’autres circonstances, je ne l’aurais pas arrêté, on aurait fait l’amour autant de fois qu’il l’aurait voulu. J’ai envie de lui, j’ai envie d’être avec lui et c’est juste l'idée que ma fille est dans les parages qui me bloque complètement. 

    — Khao je t'aime vraiment beaucoup tu sais. 

    Il veut vraiment me tuer à dire ce genre de chose sans prévenir. Mon coeur fond complètement. Je caresse ses joues avant de l’attirer dans un baiser plein de tendresse. J’espère qu’il comprendra ce que je n’arrive pas à dire à cet instant. On s’embrasse un long moment, ne cherchant pas plus, échangeant nos sentiments l’un pour l’autre de cette manière. 

    Il finit par se repositionner contre moi et cette fois il s’endort rapidement. Je reste un long moment éveillé, me posant beaucoup trop de questions pour réussir à m’endormir. Il éprouve des sentiments pour moi et j’en éprouve aussi pour lui, je n’ai aucun doute là-dessus, mais je n’arrive pas à le dire. La dernière fois que j’ai dit je t’aime à quelqu’un, cette personne m’a quitté sans se retourner à la première difficulté. 

    Est-ce que First fera pareil ? Au moment où je me pose cette question, il bouge contre moi, me serrant un peu plus étroitement dans ses bras, son nez se colle contre mon cou et il pousse un soupir de contentement qui me donne le sourire. 

    Non, avec First c’est différent, on est adulte maintenant, on n’est plus des adolescents, alors, je me promets que la prochaine fois que l’on en parlera, je n’aurai pas peur, je lui dirai que moi aussi je l’aime de tout mon coeur. J’embrasse son front, me positionne un peu plus confortablement et enfin j’arrive à trouver le sommeil.




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  • Commentaires

    3
    Mercredi 21 Décembre 2022 à 11:54
    Merci pour ce chapitre
    2
    Lundi 19 Décembre 2022 à 10:53

    Je fonds, c'est tout doux ^^

    Merci pr ce chapitre <3

    1
    Lundi 19 Décembre 2022 à 09:40

    C'est trop mignon, tout en douceur...

    Merci pour ce joli chapitre !

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