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Chapitre 8
Chapitre 8Je n’ai presque pas dormi de la nuit, mais j’ai l’impression de déborder d’énergie. L’embrasser a été la meilleure expérience de toute ma vie. Il est mon premier baiser et j’ai adoré chaque sensation que cela a éveillé en moi. Je n’imaginais pas qu’aimer quelqu’un pouvait donner cette sensation de force.
Je suis sûr que je pourrais réussir tout ce que j’entreprends, que je pourrais soulever des montagnes juste parce que Khao est près de moi. Il m’a fallu du temps pour le comprendre, mais je ne ressens pas d’amitié pour lui, c’est bien plus que ça, c’est plus fort, plus tendre aussi. Je suis tombé amoureux de lui et hier soir, j’ai décidé de le lui faire comprendre.
J’étais mort de peur, pourtant contrairement à d’habitude, je n’avais pas fuis, au contraire, j’avais fais face et quand il s’était accroché à moi, me rendant mon baiser, j’aurais pu mourir, je n’aurais eu aucun regret.
Je descends rapidement les escaliers, un sourire gravé sur le visage. Dans la cuisine, c’est le calme plat et tout le monde lève la tête quand je fais mon entrée alors qu’ils finissent de petit-déjeuner. Même si j’étais réveillé, j’ai passé beaucoup de temps à rêvasser et j’ai eu du mal à me préparer.
— Bonjour tout le monde.
Mon ton est enjoué, un peu survolté même, mais surtout, habituellement je les salue à peine. Mon grand-frère fronce les sourcils en me regardant me diriger vers le panier où se trouve toute sorte de fruits. Je choisis une pomme et croque à pleine dents dedans.
— First assieds-toi pour manger, tu vas avoir mal au ventre.
Ma mère ne me dit pas bonjour, elle ne cherche pas à savoir comment je vais, elle se soucie simplement du fait que je ne suis pas installé comme d’habitude, dans cette scène de famille parfaite.
— Je n’ai pas très faim ce matin.
Ce n’est pas vrai, je meurs de faim, mais je n’ai pas envie de les rejoindre, de me laisser atteindre par cette ambiance bien trop sérieuse. La surprise passe sur le visage de ma mère qui n’a franchement pas l’habitude que j’aille contre ce qu’elle demande. Je la vois jeter un petit coup d'œil à mon père qui reste silencieux, la page de son journal replié afin de pouvoir m’observer.
— On doit être à quelle heure au restaurant ? J’ai un truc de prévu après.
Je sais que je suis à la limite de l’insolence pour ma famille, mais je n’arrive à penser qu’à une chose, cet après-midi, je dois rejoindre Khao et Dao, je vais passer du temps avec eux et peut-être si j’en ai le courage, je pourrais lui avouer ce que je ressens vraiment pour lui.
— Ta mère t’as demandé de t’asseoir.
— Hm, je devrais aller me changer, je ne peux pas y aller habillé comme ça.
J’entends à peine mon père m’ordonner de m’asseoir, mon esprit semble à mille lieux d’eux. Je viens de me rendre compte que j’avais enfilé un jean, mais je ne peux pas aller au restaurant comme ça. Surtout que ce n’est pas un petit restaurant, non mes parents ne se contenteraient pas de ça. Ils veulent en mettre plein la vue et on donc tabler sur un grand restaurant.
Je jette ma pomme à moitié mangée avant de me diriger vers la sortie, je suis déjà en train de passer en revue dans ma tête toute mon armoire. Je suis en train de chercher ce que je pourrais porter et qui plairait à Khao pour quand je le verrai ensuite.
CLAC !
Je sursaute et me stoppe quand un poing s’abat brutalement sur la table de la cuisine. Je me retourne la bouche entrouverte pour voir mon père fulminer en me fixant son deuxième poing froissant le journal.
— Viens tout de suite t’asseoir, ta mère te l’a demandé.
— Mais…
Ma sœur m’envoie alors un regard horrifié, elle me supplie d’obéir et de les rejoindre. Mon père n’est pas un homme violent de nature, mais il ne supporte pas la désobéissance. La seule fois où je l’ai vu perdre patience, c’est envers mon grand frère, celui-ci avait testé les limites. Mon père l’avait violemment frappé et j’ai dans l’idée qu’il n’hésitera pas une seconde à recommencer avec moi si j’insiste trop.
Mes épaules se voûtent et je me dirige d’un pas lourd jusqu’à rejoindre ma famille. La tension est palpable à table alors je fais la seule chose sensée et qui pourra instaurer le calme.
— Je suis désolé maman.
— Ce n’est rien mon grand.
Plus personne ne mange et n’a vraiment d’appétit à cause de moi, mais personne n’ose quitter la table. Mon père a repris la lecture de son journal et il faut attendre presque vingt minutes avant qu’il ne reprenne la parole.
— On doit être au restaurant dans deux heures. Allez tous vous préparer dans vos chambres et je veux que vos tenues soient impeccables. On se retrouve devant la porte dans trente minutes.
J’ai juste le temps de me demander s’il n’a pas été le garde du roi dans une autre vie. Il est beaucoup trop habitué à donner des ordres et à s’attendre à ce que tout le monde lui obéisse au doigt et à l'œil.
C’est d’ailleurs ce qui se passe puisque dans un même mouvement on se lève tous pour rejoindre nos chambres nous préparer, néanmoins, je sens son regard me brûlant la nuque tout le temps où je monte les escaliers avant de fermer la porte derrière moi.
Comme je le prédisais le restaurant est clinquant, la clientèle bien habillée transpire la richesse et tout cela ne ressemble absolument pas à ce que l’on est vraiment. On est assis depuis cinq minutes en silence quand quatre personnes arrivent devant nous. Aussitôt mon frère se lève et leur présente ses respects.
Sa fiancée est minuscule, toute frêle et semble timide, par certain côté, elle me fait penser à ma mère. J’espère que mon frère sera moins strict que mon père, qu’il saura que reproduire son schéma ne fera que rendre une autre famille malheureuse. Parce que même si on a l’argent, les études et de bons travails, on ne peut pas dire que mes parents ont su transmettre leur amour à leurs enfants.
Les parents discutent, le couple se dévore des yeux et nous autres on attend que le temps passe. Heureusement, maintenant, mon esprit est complètement accaparé par une certaine personne et je n’ai qu’une hâte, aller le retrouver.
— Et toi First, tu penses combler tes parents avec un bon mariage bientôt.
— Oh… je ne pense pas me marier.
Attention, j’aimerais bien me marier, seulement, je sais qu’avec la personne dont je suis tombé amoureux, c’est pour le moment une idée impossible à réaliser, alors je préfère couper court à la conversation.
— Qu’est ce que tu racontes fils ?
La voix de mon père est tranchante, décidément aujourd’hui, je ne fais rien de ce qu’il attend de moi et je peux voir la colère briller dans le fond de son regard. S’il se contient, c’est parce que l’on est en public et que le désir de l’apparence parfaite vaut plus que tout pour lui.
— Je veux déjà réaliser mes rêves avant d’envisager de construire quoi que ce soit.
Le père de la fiancée éclate de rire avant de me mettre une grande claque sur l’épaule.
— C’est parce que tu n’as pas rencontré la bonne personne, si tu veux, moi je peux te présenter une paire de jolies femmes, tu m’en diras des nouvelles.
Sérieusement ? Il vient de me proposer ça comme ça. Je sens la bile qui me remonte dans la gorge et j’ai l’appétit coupé. Je me sens mal à l’aise pour sa femme et sa fille qui doivent subir ça, mais aussi pour le reste de ma famille qui font semblant de rire.
Je comprends ce que je viens de faire quand il est déjà trop tard. Je me suis brusquement levé, faisant taire toute notre tablée et j’ai soupiré très fort.
— Je suis attendu ailleurs, veuillez m’excuser.
Je suis fatigué de cette famille, de ces faux semblants et de ces relations vides de sens qui ne sont là que pour le profit de l’autre. Je ne veux plus de ça, je veux vivre des relations vraies, des relations qui comptent et qui me donnent l’impression d’être vraiment importantes pour quelqu’un.
Rencontrer Khao, l’aimer et sentir que je compte pour lui m’ont fait ouvrir les yeux. Je suis une personne à part entière, je suis majeur et j’ai le droit de décider pour moi. C’est pour ça que sans plus d’explication, je récupère mes affaires et quitte le restaurant. Je ne pense plus à rien, mis à part aller retrouver le duo qui m’apprend à être un adulte.
— Reviens là tout de suite !
Je suis surpris quand la voix vibrante de colère de mon père retentit et qu’il m’attrape par l’épaule pour me faire me retourner et lui faire face. Il est blême et je sais que la confrontation va avoir lieu maintenant, sur le parking de ce restaurant huppé.
— Retourne à l’intérieur et présente tes excuses.
— Non !
Il s’approche dangereusement de moi et je déglutis, me sentant de nouveau dans la peau de ce petit garçon qui ne doit qu’obéir pour espérer une miette de récompense de la part de ses parents. Mes genoux tremblent et j’ai même un mouvement pour retourner vers le restaurant. Seulement, je ne suis plus seul maintenant, j’ai deux personnes importantes dans ma vie et je veux pouvoir être qui je suis vraiment.
— J’en ai fini avec tout ça papa, je ne veux plus être juste là pour que tu aies l'impression d’être important.
Derrière mon père, je vois ma mère qui sort à son tour, visiblement inquiète par la situation, mais je ne sais pas si elle est inquiète pour leur réputation ou pour ce que mon père pourrait faire.
— Et tu vas faire quoi hein ? C’est ton devoir de m’obéir tu m’entends.
— Non, mon devoir maintenant est de faire ce qui me rend heureux, de rendre la personne que j’aime heureuse et de devenir quelqu’un de bien.
Mon père a un rire méprisant alors que je lui explique ce que je ressens au plus profond de moi, qu’enfin j’exprime qui je suis, ce que je veux. Pour lui, mon rêve d’une vie simple est une insulte à tout ce dont il rêve. Il s’approche de moi, l’air mauvais et je reconnais encore moins ce père qui ne me regarde vraiment pas comme son enfant mais comme une marchandise pouvant lui apporter quelque chose.
— Tu penses que cette personne voudra encore de toi si tu n’es qu’un petit vendeur minable ?
— Maman t’a bien épousé alors que tu n’avais pas un sou.
Je ne suis même pas surpris qu’il connaisse mon rêve, j’ai bien dû leur en parler à un moment donné. Pourtant, je réponds sans réfléchir car c’est une évidence et sa réaction est brutale. Il me gifle de toutes ses forces, ma joue me brûle, mes yeux se mettent à pleurer et en fond sonore j’entends l’exclamation de ma mère.
— Tu crois que ta mère serait restée avec moi si j’étais resté sans le sou. Je lui ai promis qu’elle aurait une vie riche et confortable. Je suis partie de rien et je vous offre la possibilité de vous élever pour ne pas avoir à lutter comme moi.
Mon père est fou, je n’ai pas d’autre explication. Sa vision étriquée du monde me fait peur et je comprends que quoi que je dise, il ne pourra jamais entendre raison. Mes poings se crispent pour ne pas réagir, pour ne pas en dire plus, mais lui éclate de rire en me voyant essayer de me maîtriser.
— Vas-y cours, va lui dire à cette personne que tu ne seras pas un grand journaliste. Qu’elle va devenir la partenaire de quelqu’un qui ne veut rien d’autre qu’ouvrir un magasin de merde et ne jamais chercher à faire plus. Elle se sauvera en courant pour trouver quelqu’un qui a de l’ambition et qui réussira à l’élever socialement.
— Tu… tu as tort.
Je ne veux pas croire ses paroles, je ne veux pas penser que Khao pourrait être comme ça, mais il met tellement de conviction dans ses mots que je finis par laisser le doute entrer dans ma tête. Ma détermination vacille et je ne sais plus ce que je dois faire, jusqu’à ce que mon père me pousse brutalement.
— Allez dégage et ne reviens pas à la maison tant que tu n’auras pas retrouvé la raison.
Il me pousse une dernière fois, manquant de me faire tomber. Il réajuste sa veste, me lançant un regard méprisant avant de faire demi-tour, de saisir ma mère par le bras et de rentrer dans le restaurant comme si l’incident n’avait jamais eu lieu.
Je reste un moment debout au milieu du parking, je ne comprends toujours pas ce qui vient de se passer. Je suis complètement perdu et je ne peux ni retourner avec ma famille, ni rentrer à la maison et encore moins aller rejoindre Khao et Dao alors que je ne pensais qu’à ça quelques minutes plus tôt.
Je me mets à marcher sans faire attention à la direction que je prends, sans le vouloir, je prends la direction de l’appartement de Khao, mais à pied, il me faudra des heures pour le rejoindre. Je marche lentement, les mots de mon père tournant en boucle dans ma tête, ne voulant pas me laisser tranquille.
Il a réussi à semer le trouble et le doute et maintenant j’ai besoin de temps pour faire le point. Au bout d’un long moment, je suis épuisé et j’ai soif alors je fais sûrement la chose la plus stupide au monde, je rentre dans un bar.
Je m’installe à une table, ne pensant rien commander de trop fort. Je veux juste me reposer, me reprendre et faire le point. Seulement, ma bouche prend les commandes et je me retrouve avec un grand verre de whisky dans les mains. Je bois de longues gorgées, elles me brûlent la gorge, elles m’irradient dans l’estomac, mais je continue, jusqu’à ce qu’elles finissent par m’anesthésier complètement.
— Il est là depuis longtemps ?
Dans le brouillard de l’alcool j’entends une voix qui me donne le sourire. J’essaie d’ouvrir les yeux, mais mes paupières me donnent l’impression de peser dix tonnes. Une main fraîche se pose sur mon front et je me sens apaisé, j’essaie de l’attraper, mais à la place j’entends un bruit de verre qui tombe.
— Le milieu de l’après-midi je dirais.
— Merde. First, tu m’entends ?
On me secoue légèrement, je grogne car ce n’est pas très agréable, je veux juste que la main revienne sur mon visage. Je la cherche et soupire quand elle saisit la mienne et ne la lâche plus, c’est un bon compromis.
— Il ne semblait pas pouvoir partir de sitôt, c’est pour ça que j’ai répondu, mais j’ai été surpris d’entendre la voix d’un homme.
— Pardon ?!
Nooon… il ne doit pas parler, c’est mon secret, il n’a pas le droit de le lui dire. J’essaie de me redresser, mais mon corps ne veut pas coopérer. Je veux taper du poing sur la table et de lui dire de se taire, puis d’entraîner Khao loin de cet idiot. Malheureusement tout ce que j’arrive à faire, c’est de laisser tomber ma tête contre son ventre. Bon ce n’est pas désagréable, au contraire, ça vaut bien la révélation de mon secret.
— C’était écrit ‘Mon rayon de soleil’
— Oh… je vois…
Il est surpris, mais j’entends le sourire dans sa voix alors finalement, je suis content, rien d’autre ne compte que ça.
— Alors je vais l’emmener, merci d’avoir répondu, je m’inquiétais.
Khao passe son bras autour de ma taille et mon bras autour de ses épaules et il réussit à m’aider à me redresser. Je ne pensais pas avoir bu au point d’être redevenu un poids mort pour lui. J’arrive à ouvrir les yeux, mais tout tourne autour de moi, je réussis plus ou moins à marcher, mais heureusement qu’il me soutient sans quoi je serais incapable de le faire.
Un taxi nous attend et Khao me pousse dedans sans attendre, soupirant de soulagement quand il donne l’adresse. Aussitôt ma tête se pose contre ses cuisses et j’apprécie ses caresses dans mes cheveux qui me détendent et m'aident à me reposer, d’ailleurs, il ne faut pas longtemps pour que je sombre à nouveau.
— Tay fait attention à sa tête.
— Il est lourd ton pote.
Je me réveille en sursaut quand on me tire soudain à l’extérieur du taxi, la voix de l’homme n’est clairement pas heureuse de devoir être là. Il me tient par le bras et quand j’entrouvre les yeux, je tombe sur un brun en costard qui me fixe sans savoir s’il doit être dégouté ou non.
— Tu es sûr de vouloir quelqu’un comme ça dans ta vie ?
La question me dessaoule légèrement, elle me ramène aux paroles de mon père. Est-ce que je suis assez bien pour Khao ? La panique me tord l’estomac autant que l’alcool que j’ai ingurgité. Heureusement, les bras de Khao reviennent m’entourer et je me sens un peu mieux.
— Ne dis pas n’importe quoi, il doit avoir une bonne raison d’être comme ça. C’est quelqu’un de bien, je te le promets.
La personne nommée Tay pousse un grand soupir et le silence retombe alors que je suis complètement écroulé contre l’homme que j’aime.
— Je te fais confiance, mais fais attention d’accord. Dao dort, elle ne devrait pas se réveiller. Appelle-moi si tu as besoin.
— Merci Tay, à bientôt.
On se remet en route et je l’aide un peu plus, j’ai l’esprit un peu moins embrumé et la peur qui m’a fait faire n’importe quoi, sauf que cette fois, j’ai ma personne importante pour me rassurer.
— Khao ?
— Oui.
On est tous les deux dans l’ascenseur qui nous amène jusqu’à son étage et il me maintient contre le mur pour éviter d’avoir à supporter tout mon poids. On est proche l’un de l’autre et je n’ai pas besoin de parler fort pour qu’il m’entende.
— Tu resteras… même si je ne suis qu’un minable petit vendeur ?
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Commentaires
Ah put**** mais quelle famille de merde. Je vais aller avec Yu9 claquer le père histoire de lui remettre les idées en place!
Vivement la suite, merci pr ce chapitre <3
Rah, j'ai trop envie de mettre une bonne baffe à ce "père"
ᕦ(ò_óˇ)ᕤ
Comment on peut être aussi con ?!
Heureusement Khao est là *o*
Merci pour ce nouveau chapitre !
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Son père a perdu la raison, il est aveugler par la réussite je dirai.....
"mon rayon de soleil" trop mignon
Merci pour ce chapitre
Hâte de lire la suite