• Chapitre 7 - Desperation

    Chapitre 7

    L'euphorie de sa déclaration, de ce baiser même des plus chastes retombe dès le lendemain. C'est douloureux, inquiétant et plus les heures passent, plus je sens les griffes acérées du doute m'étreindre à nouveau avec force.

    Il n'est pas venu, je l'ai attendu une partie de la nuit assis au comptoir de la cuisine. J'ai l'impression que le peu de progrès que j'ai fait disparaît complètement dès le lendemain quand pour le deuxième soir consécutif, il ne vient pas.

    Le troisième soir, je suis resté assis dans le canapé, je n'arrive de nouveau plus à dormir, mais cette fois ce n'est pas à cause de mon passé. C'est à cause de l'inquiétude et de la douleur que je n'arrive pas à fermer l'œil.

    Je m'inquiète pour Ohm, j'ai peur qu'il ait eu un problème et puis je ressens de la douleur quand je pense que finalement j'avais raison. Mon passé est trop lourd à accepter pour lui, il a juste cherché un moyen de fuir et même si ça fait mal, je ne peux pas lui en vouloir.

    Qui pourrait réellement vouloir de moi ? Je suis cassé, inutilisable. On ne peut pas m'aimer, pas quand je ne sais pas si je serai capable de rendre les sentiments. Je suis juste condamné à rester seul, car je le sais, Ohm a fui, un jour Chimon rencontrera quelqu'un et s'éloignera et puis même ma mère finira par en avoir marre de moi et de mon comportement.

    Je broie du noir, j'ai l'impression d'être à nouveau au fond du gouffre. Je n'aurais pas dû le laisser entrer dans ma vie. Je savais que ça finirait comme ça, que j'allais souffrir et que ce serait terrible quand il ne serait plus près de moi.

    Je resserre la couette autour de mes épaules quand je frissonne fortement. Lentement, je compose à nouveau son numéro et me mordille la lèvre nerveusement quand, sans aucune sonnerie, je tombe sur sa messagerie où une voix féminine m'invite à laisser un message.

    Toutes les nombreuses autres fois, j'ai raccroché avant le bip d'enregistrement. Là, je reste le téléphone contre l'oreille, la respiration sonore.

    — Ohm… je… 

    Je n'y arrive pas, je ne sais pas quoi dire et surtout un sanglot parfaitement audible bloque ma gorge, alors je raccroche. Je me sens tellement minable, peut-être que si je lui avais dit ce soir-là qu'il me plaisait, peut-être que si j'avais compris plus tôt ce que je ressentais alors, il serait là avec moi.

    Le bruit des serrures que l'on déverrouille me fait sursauter et je me serre dans un coin du canapé. Je sais que ce n'est pas Chimon, il passe un examen aujourd'hui. C'est donc ma mère, j'ai évité tous ses appels et je n'ai répondu à aucun message.

    — Nanon ? 

    Sa voix inquiète s'élève dans l'appartement. Je ne réponds pas, mais il ne faut pas longtemps avant qu'elle n'arrive dans le salon. Le soulagement qui passe dans ses yeux est de courte durée quand elle me voit.

    — Je m'inquiétais pour toi mon cœur. Tu semblais aller si bien ces derniers temps…

    Elle me parle avec douceur, s'asseyant à l'autre bout du canapé. La voir ainsi avec un mélange d'inquiétude et de déception me fait complètement craquer, j'éclate en sanglots avant de me décaler vers elle et en quelques secondes je suis dans ses bras. La tête contre sa poitrine frêle, son odeur maternelle emplit mes narines et ses mains caressent lentement mes cheveux et le haut de mon dos.

    — Je suis désolé maman… je suis tellement désolé.

    Je m'excuse de ne plus être comme avant, de ne pas réussir à m'en sortir et de lui causer autant de soucis. Je m'excuse de ne pas réussir à lui expliquer pourquoi je suis devenu comme ça et plus encore je m'excuse car jamais je ne pourrai lui offrir de belle-fille ou de petits enfants.

    — Chuuut… Arrête mon cœur.

    Elle murmure à mon oreille tout en me berçant, je m’accroche à elle sans vraiment réussir à me calmer. Je voudrais être capable de tout lui dire, de tout lui raconter, mais plus que les difficultés de mettre des mots sur ce qui m’est arrivé, je ne veux pas qu’elle se sente coupable de ne pas avoir pu me protéger ou bien que son regard change sur moi. Pourtant, il faut que je me décharge de quelque chose sans quoi je vais exploser.

    — Maman… j’ai tellement peur.

    Son étreinte se resserre, elle réprime ses larmes pour essayer de m’aider autant qu’elle le peut. Je la sens prendre plusieurs grandes inspirations avant de réussir à parler.

    — De quoi as-tu peur mon coeur ?

    — De ne pas aimer normalement. De… de ne pas aimer la personne que tu voudrais. 

    Je tente de lui dire, de lui avouer que je n’aime pas les femmes, mais encore une fois je n’ai pas le courage de le dire clairement. Maman me repousse lentement, prend mon visage entre ses mains et me regarde droit dans les yeux avec un sourire tendre. Elle repousse quelques mèches de cheveux qui me barrent le front.

    — Je suis ta maman Nanon, je t'aimerai toujours. 

    Ses yeux se plissent légèrement alors que son sourire s'agrandit. 

    — Et tout ce que je veux c'est que tu sois heureux. Peu importe que ce soit un homme ou une femme.

    Elle est douce et bienveillante, j'ai cru que je pourrais lui cacher mon homosexualité, mais elle me connaît bien. Je tressaille un instant en me demandant si elle se doute de la raison de mon comportement ou bien si ça reste un mystère.

    Je hoche doucement la tête, heureux de sentir ce poids en moins sur ma poitrine, même si mon cœur se serre aussitôt. Même si ma mère l'accepte, Ohm lui ne vient plus, il m'a laissé entrevoir une possibilité avant de la reprendre brutalement.

    — Est-ce que c'est Chimon ? 

    Sa question saugrenue bien que légitime a au moins le don de me faire oublier ma peine quelques secondes. Je me redresse la bouche entrouverte.

    — Quoi ! Non !

    Je m'exclame avec une drôle de grimace sur le visage alors que j’essaie de m’imaginer en couple avec lui.

    — Hey, ne m'en veux pas de penser ça… il est toujours ici et inquiet pour toi.

    Je me laisse retomber contre le dossier du canapé en soupirant. Mon menton se met à trembler, mais je réussis à me contenir. Je l'apprécie beaucoup, mais jamais je n'ai eu de pensées romantiques pour lui.

    — Chimon est comme un frère pour moi maman. Ohm… c'est… il… il ne me donne plus aucune nouvelle.

    J'essuie rageusement les larmes qui réussissent à passer la barrière de mes paupières. Le dire à haute voix est difficile et son absence soudaine est encore plus douloureuse.

    — Tu le connais depuis quand ?

    Avant que Bay n'abuse de moi, je parlais beaucoup avec ma mère, alors cette conversation même difficile me ramène à ces après-midi ou je refaisais le monde en sa compagnie.

    Deux mois, on se voyait tous les jours et puis… il y a quatre jours… il a arrêté de venir. 

    Je passe beaucoup de détails sous silence, mais si je parle de nos soirées lectures à travers la porte, elle va se poser des questions. Si je lui parle de nos rendez-vous et de ce baiser sur la joue, je me sentirai encore plus mal. Elle passe lentement la main dans mes cheveux et je tourne la tête vers elle, un regard triste sur le visage.

    — Je suis sûre qu'il a une bonne explication. En attendant, il ne faut pas te laisser abattre. Je… je ne veux plus te voir à nouveau dans cet état. Nanon, tu es mon fils et tu sais que tu peux tout me dire pas vrai ?

    Elle me donne la possibilité de tout lui dire, d'enfin lui faire comprendre pourquoi je suis comme ça. Je me contente juste de hocher la tête en jouant nerveusement avec mes doigts.

    On est restés silencieux après ça, perdus dans nos pensées respectives. Elle n'est pas restée très longtemps après ça, elle a dû comprendre que le moment était passé, que je m'étais renfermé à nouveau dans ma bulle de sécurité. 

    Je suis resté prostré dans le canapé,  je sais que bientôt ce sera Chimon qui va débarquer, j'essayerai de ne rien montrer, d'éviter qu'il s'en prenne à Ohm, parce que je suis sûr qu'il l'a menacé de mille et un supplices s'il venait à me faire du mal.

    Il faudra que je le raisonne, j'ai mal, mais Ohm n'est pas responsable. C'est moi qui ai voulu faire confiance, qui ai baissé ma garde et laissé des sentiments apparaître. Tout simplement, je ne dois pas être fait pour avoir des relations.

     

    La journée a laissé place à la pénombre alors que le soleil se couche à l'extérieur. Je ne prends pas la peine d'allumer la lumière, je suis bien dans le noir. Même si les ténèbres me font peur, là au moins je n'ai pas à me forcer à paraître heureux, rien ni personne ne peut me voir dans le noir.

    Je sursaute quand on frappe soudain à la porte, durement, fortement et je me fige un instant. La première chose à laquelle je pense et qui me terrifie depuis des années, c'est que Bay est venu.

    J'hésite un long moment en mordillant l'ongle de mon pouce. Comment réagirais-je si en regardant à travers le judas je voyais son visage ? Je serais incapable de lutter contre la crise et sombrement je me demande si je pourrais mourir d'une de ses crises.

    On frappe à nouveau un peu plus doucement et ça me semble soudain plus familier. Mon cœur accélère et je me lève rapidement. J'ai le corps raide et la démarche mal assurée, mais je me dépêche d'aller vers la porte.

    Mes mains se posent sur le bois et je regarde qui se trouve derrière en retenant mon souffle. La personne à la tête baissée, elle frappe à nouveau et mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sans attendre, je déverrouille chaque verrou et pour la première fois depuis que je les ai installés, j'enrage qu'ils soient là.

    Je ne sais pas pourquoi il s'est absenté,  je ne sais pas pourquoi il est revenu. Mais quand j'ouvre la porte à la volée je ne lui laisse pas le temps de parler que j'entoure mes bras autour de son cou, je me colle contre lui en cachant mon visage contre son cou.

    J'entends le geignement de douleur, mais pour le moment, je n'y prête pas attention. Je veux juste sentir sa chaleur, son odeur et son étreinte autour de moi pour trouver le courage de lui dire.

    Il est peut-être là pour me dire adieu, mais je ne pourrai jamais le laisser partir si je ne partage pas ce que je ressens pour lui. Il hésite un moment, puis doucement ses bras s'enroulent autour de ma taille et me ramènent contre lui.

    Je prends une inspiration tremblante, mon corps se détend et mon cœur s'emballe. Je me sens à ma place dans ses bras, je ne veux pas qu'il me quitte, je ne veux pas vivre sans lui à mes côtés. Alors je prends mon courage à deux mains et je me lance.

    — Tu me plais aussi beaucoup Ohm… ne me laisse pas… ça fait trop mal. 

    Ma voix est étouffée et je sens ses lèvres se poser au-dessus de mon oreille. Il me frotte le dos et je me retrouve à trembler, je veux juste qu'il me rassure.

    — Entrons dans l'appartement.

    Sa voix n'est pas comme d'habitude. Elle est faible et basse et je m'inquiète aussitôt. Je relève la tête et le regarde vraiment pour la première fois depuis son arrivée. Ma bouche s'entrouvre, mes yeux s'écarquillent et je me souviens de son petit grognement de douleur qu'il a laissé échapper quand je me suis jeté sur lui.

    — Ohm, qu'est-ce que…? 

    La partie gauche de son visage est couverte d'hématomes et de griffures, alors que le côté droit est livide. Quand je me recule et qu'il me lâche, je remarque sa main bandée, le fait qu'il se tient légèrement voûté et que sa main droite vient se poser sur ses côtes en grimaçant.

    Pourtant, il essaie de sourire, de faire comme si tout allait bien. Et moi je m'en veux de me sentir aussi soulagé de comprendre qu'il n'est pas venu me voir parce qu'il ne le voulait pas, mais parce qu'il ne pouvait pas.

    Il ouvre la bouche pour me répondre, mais je secoue la tête pour l'empêcher de parler. Timidement, je passe mon bras autour de sa taille et même si j'y vais délicatement il grimace. On entre lentement dans l'appartement et je me demande comment il a fait pour monter tous les escaliers.

    Il s'appuie beaucoup sur moi et je remarque aussi que sa jambe gauche est un peu raide. Du pied, je referme la porte derrière nous, ne pensant même pas à la fermer à clé,  je veux juste l'emmener dans le canapé.

    Il nous faut un certain temps, au rythme d'une tortue, pour qu'avec lenteur il s'assoie avec un soulagement certain dans mon divan. Il est pâle, le visage recouvert de transpiration et à la manière dont il serre les dents je sais qu'il souffre.

    Ne bouge pas. 

    Je lui en donne l'ordre, mais je suis sûr que de toute façon, il n'y arriverait pas vraiment. Rapidement, je retourne à la porte et ferme un verrou, je n'ai pas le temps de tous les verrouiller. Je veux retourner auprès de Ohm au plus vite.

    Je me rends dans la cuisine pour lui préparer un grand verre d'eau et également une serviette humide pour lui rafraîchir le visage. Je reviens aussi vite que possible vers lui, j'ai peur, mais pour la première fois depuis longtemps je n'ai pas peur pour moi, mais pour quelqu'un d'autre.

    Il n'a pas bougé d'un pouce, la tête appuyée contre le dossier, il a les yeux fermés, même si ses sourcils sont froncés sûrement à cause de la douleur. Je m’assois juste à côté de lui, il entrouvre un œil et me fait un petit sourire.

    — Tiens bois.

    Je lui tends le verre, attends qu’il en boive quelques gorgées avant de le reprendre et le poser sur la table quand il a fini.

    — Merci.

    Il se réinstalle correctement avant de grogner doucement et de grimacer. La main un peu tremblante je lui rafraîchis le visage avec ma serviette humide. J’évite les zones blessées et il soupire de bien-être en refermant les yeux. Je m’applique à faire glisser le tissu sur son cou en me questionnant et imaginant des choses.

    Ohm… qu’est-ce qui s’est passé ? 

    Je lui demande à voix basse, terrifié à l’idée que quelqu’un ait pu l’agresser. Sa main se pose sur mon poignet, il ouvre les yeux et m’attire en douceur contre lui. Il me fixe droit dans les yeux avec un petit sourire rassurant. Sa main se place sur ma joue et il fronce les sourcils quand il caresse le dessous de mon œil où doit se trouver une belle cerne noire.

    Je suis désolé que tu te sois inquiété. C’est moins grave que ça en à l’air d’accord ? 

    Je hoche la tête, je veux le croire, même si malgré tout, je ne peux pas m’empêcher de rester inquiet pour lui quand je le vois dans cet état. Et puis, si ce n’était pas si grave, pourquoi est-ce qu’il ne m’a jamais répondu et pourquoi il débarque seulement maintenant avec…

    Son pouce se pose sur ma tempe et la masse doucement interrompant le flot de questions qui se bousculent dans ma tête. Je reporte mon attention sur lui et mon cœur a un soubresaut quand nos regards se croisent. Il y a tellement de douceur et de tendresse dans la façon dont il m’observe que je ressens comme un picotement sous ma peau.

    — J’ai eu un accident quand je suis reparti de chez toi il y a quatre jours. 

    J’ouvre la bouche pour parler, mais il pose un doigt sur mes lèvres pour me faire taire. 

    — J’étais heureux, un peu dans la lune et j’ai traversé sans trop faire attention. Je n’ai pas vu la moto qui arrivait au même moment.

    J’arrive très bien à imaginer la scène, Ohm la tête ailleurs après m’avoir déclaré avoir des sentiments pour moi, traverser la route pour rentrer chez lui. Ne pas voir la moto qui se rapproche dangereusement de lui avant de le percuter de plein fouet. Je vois Ohm voler sur la route comme une poupée de chiffon avant de s’écraser lourdement sur le sol, inconscient et baignant dans son sang…

    Nanon, c’est mille fois moins pire que ce que tu es en train d’imaginer.

    Ohm éclate de rire avant de couiner de douleur en posant sa main sur le côté gauche. 

    — La moto ne roulait pas très vite et mis à part une côte fêlée et le corps un peu raide, je vais bien, je te le promets.

    Sa main passe dans mes cheveux et j’entends que son cœur reste au même rythme, il ne ment pas pour me rassurer. Je me redresse, je suis heureux de savoir qu’il va bien, que ce n’est pas trop grave, mais je ne comprends toujours pas pourquoi il y a eu ce long silence radio qui m’a fait tellement peur.

    — Pourquoi tu ne répondais pas au téléphone, j’étais mort d’inquiétude. Je pensais que finalement tu… tu avais décidé que…

    Sa main se pose sur ma nuque et il me force à me rapprocher de lui. Nos visages sont extrêmement proches, au point où je sens son souffle s’écraser sur mes lèvres. Je suis surpris quand au lieu de reculer et de laisser la panique m’envahir, je me demande ce que je ressentirais si jamais il venait à m’embrasser pour de vrai.

    — Nanon, je ne t’aurais jamais dit que tu me plaisais pour ensuite disparaître. Je n’ai pas répondu et je n’ai pas pu te joindre, parce que ma mère a eu la peur de sa vie quand elle est venue me chercher à l’hôpital, elle m’a confisqué mon téléphone pour que je sois obligé de me reposer.

    Mon cœur accélère encore, c’est une sensation grisante, une sensation de bonheur simple que je n’ai pas ressentie depuis longtemps. Je me sens heureux de compter pour lui et de savoir qu’il n’est pas responsable du silence de ces derniers jours. 

    Je dois prendre une décision sur ce que je veux vraiment, continuer à vivre seul, à oublier ce que Ohm me fait ressentir ou bien tenter le tout pour le tout, me laisser une chance d’aller mieux, de vivre et de ne pas laisser ce qui m’est arrivé guider le reste de ma vie.

    Seulement, j’ai peur de prendre la mauvaise décision, car dans chacune des voies, il y a du bon, comme du moins bon. Alors je décide de lui laisser une dernière chance de décider pour nous, de ne pas faire ce chemin avec moi alors que je suis plein d'incertitudes. 

    — Ohm… je ne veux pas que… tu perdes ton temps avec moi. Tu dois avoir conscience que je… que je ne pourrai peut-être jamais…

    Il pose son index sur mes lèvres pour me forcer à me taire. On se fixe un moment droit dans les yeux et j’avale difficilement ma salive. Une seule personne m’a un jour regardé avec ce qui était censé être de l’amour, mais quand je vois Ohm, je me rends compte que Bay ne m’a jamais aimé, il voulait juste me posséder.

    — Tu me plais… non en vrai, je crois que c’est plus que ça. 

    Il parle d’une voix lente et basse pour me laisser le temps d’assimiler chaque mot qu’il me dit avec intensité. 

    — Nanon, j’ai des sentiments pour toi, depuis que tu es entré dans le magasin et que j’ai croisé ton regard. Je ne te forcerai jamais à faire quoi que ce soit, je ne veux pas être avec toi pour ça. Je veux être avec toi parce que j’aime les moments que l’on passe ensemble.

    Mes yeux se sont remplis d’eau, jamais je n’aurais imaginé qu’un jour quelqu’un me ferait une telle déclaration. Timidement, j'embrasse son doigt encore présent sur mes lèvres et son regard se trouble. Ma main se pose sur la sienne et avec douceur pour ne pas lui faire mal, je la baisse. Je me laisse une seconde pour réfléchir, pas plus pour ne pas fuir et me cacher alors que j’en meurs d’envie depuis qu’il s’est approché de moi.

    Lentement je me penche, je comble l’espace entre nous et dépose mes lèvres sur les siennes. Une sensation de vertige me submerge alors que mon cerveau bataille pour déterminer si c’est une bonne chose, si c’est un danger ou si je suis en sécurité.

    Il rend les armes quand Ohm bouge légèrement ses lèvres, quand un long frisson me parcourt l’échine et que mon cerveau décide que cet instant sera mon premier vrai baiser, celui que j’aurais dû vivre dès le départ. C’est doux, timide et nos lèvres bougent à peine, mais c’est énorme pour moi.

    Je me recule soudain, avant de poser ma tête sur son épaule, prenant le temps de respirer lentement, il ne bouge pas, se contente de me caresser les cheveux. Il me laisse le temps de me reprendre, alors que mon visage est en feu.

    — J’ai des sentiments pour toi, mais j’ai peur. 

    Je ne relève pas la tête, je lui dis ce que j’ai sur le cœur, ce que je ressens, c’est la clé du succès pour nous, que j’arrive à dire à haute voix comment je me sens.

    — Je sais… mais je ferai en sorte d’effacer la peur, on a toute notre vie pour ça, alors on ne se met pas la pression et on va juste vivre cette histoire comme on peut d’accord ?

    Sa réponse me fait sourire, je m’installe un peu plus confortablement contre lui et ferme les yeux, je me sens apaisé. La nuit est tombée depuis longtemps, on n'a pas bougé du canapé, moi je somnole à cause des heures de sommeil loupées, lui se repose à cause de son accident. La seule chose qui change de d'habitude c'est qu'il a la tête posée sur mes genoux et si au début je ne me suis pas senti à l'aise, maintenant je joue tranquillement avec ses cheveux.

    — Qu'est-ce que tu as dit à ta mère pour que finalement elle te laisse venir ?

    Ohm m'a rarement parlé d'elle, il m'a souvent raconté comment était son père, mais la femme qui a élevé mon… petit ami est un mystère pour moi. J'entrouvre les yeux quand je n'obtiens aucune réponse je pense qu'il s'est endormi et ça ne pourrait pas lui faire de mal. Alors je suis surpris quand je croise son regard gêné. Je fronce les sourcils, fais un petit mouvement de tête pour lui montrer que j'attends une explication. 

    — Et bien… j'ai profité qu'elle doive se rendre à un rendez-vous pour faire le mur.

    Mes yeux s'écarquillent, il est blessé et sa mère doit s'inquiéter pour lui. Je me redresse brusquement, le forçant à faire de même, ce qui lui fait pousser un cri de douleur.

    — Doucement Nanon… ça fait mal.

    Je saisis mon téléphone et le lui tends, un air sérieux sur le visage. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète pour son fils, pas à cause de moi, je ne voudrais pas qu'elle me déteste.

    — Appelle-la.

    Il obéit, étrangement docile, mais je ne vais pas me plaindre. Il faut peu de tonalités avant que quelqu'un ne décroche.

    — Maman, c'est moi.

    Ohm retire rapidement le téléphone de son oreille quand soudain une voix féminine se met à lui hurler dessus. Ma bouche s'entrouvre en observant le jeune homme qui attend que la tempête passe avec un petit sourire au coin des lèvres

    Maman je vais bien, je suis avec… avec mon ami. 

    Il me regarde droit dans les yeux en même temps qu'il finit sa phrase et je me sens perturbé. La voix se calme un peu, mais lui pose plusieurs questions à la suite sans lui laisser ne serait-ce qu'une seconde pour répondre.

    — Tu ne le connais pas, mais je te le présenterai un jour. Il a bien pris soin de moi et non ça ne pouvait pas attendre. Je devais le retrouver et il était inquiet de ne pas avoir de mes nouvelles car une certaine mère poule m'a confisqué mon téléphone alors que je tiens à nouveau à signaler que je suis majeur.

    Il débite son discours sans même sembler respirer. J'ai l'impression d'assister à un numéro bien rodé et je souris légèrement, heureux de voir que sa mère ne semble pas lui en tenir rigueur. Je tressaille quand je l'entends donner mon adresse alors que lui éclate de rire et sa main se pose délicatement sur mon genoux et rien que par ce geste je me sens rougir.

    — Très bien, je descends... Non… pas maintenant, pour le moment, je le garde rien que pour moi… Parce que tu vas lui faire peur maman.

    Il répond à chaque phrase, à chaque nouvelle question de sa mère en rigolant à moitié avant de finalement raccrocher.

    — Elle n'est pas en colère ? 

    Je ne peux pas m'empêcher de demander confirmation, même si son sourire et leur conversation ne m'ont pas donné cette impression.

    — Non, mais elle a promis de demander à papa de m'attacher à mon lit si jamais je recommençais un jour.

    Je pose ma main sur la sienne et la serre doucement, je suis rassuré qu'il ne se brouille pas avec sa famille par ma faute.

    Je suis soulagé.

    Je me redresse en souriant, avant de le regarder. Je le vois se pencher légèrement, je sais à cet instant précis que s'il ne s'était pas repris, alors il m'aurait embrassé. Au final, il se redresse avant d'ébouriffer tendrement mes cheveux et sur le moment je ne sais pas si je suis déçu ou pas.

    — Je dois descendre, ma mère arrive me chercher.

    Il fait mine de se lever et je l'attrape par la taille pour l'aider quand je vois sa grimace de douleur.

    — Tu veux que je t'accompagne ?

    Je pense aux escaliers à descendre et j'ai peur qu'il n'y arrive pas seul. Il secoue vigoureusement la tête et je ne sais pas si je dois me sentir vexé ou pas.

    Tu n'es pas prêt à faire face à ma mère. C'est une tornade. 

    Il fait un petit sourire avant de se diriger lentement vers la porte. Je ne l'ai pas lâché, je n'ai pas envie de le faire. En fait, j'aurais aimé qu'il reste près de moi, mais ça je ne le lui dirai pas. Je dois prendre le temps de réfléchir à la situation et à tout ce que cela implique.

    Nanon… je sais que tu aimes rester dans cet appartement… mais je me disais...

    On a atteint la porte quand il se met à parler, il hésite, il semble prendre le temps de réfléchir à comment formuler sa phrase, comme s'il avait peur de la manière dont j'allais réagir, et j'avoue que je suis curieux.

    — Je me suis dit que si on quittait la ville un moment. On pourrait passer du temps ensemble plus détendus.

    Je comprends ce qu'il essaie de dire. Si je m'éloigne physiquement de cette nuit-là,  si je vais dans une ville où rien ne m'est arrivé alors peut-être que je pourrai me retrouver, apprendre à me faire confiance à nouveau.

    — Tu n'es pas obligé bien sûr, mais c'est bientôt les vacances. Ma famille possède une maison à l'autre bout du pays. Et tu pourrais inviter Chimon si tu as peur de…

    Il s'enflamme en voyant que je ne réponds pas, il doit penser que je prends son invitation comme quelque chose de négatif. Alors pour le faire taire, j'attrape sa nuque et l'embrasse sur la joue, ce qui marche drôlement bien.

    Dans trois semaines, quand tu auras fini de passer tes examens. Partons tous les deux en voyage.



  • Commentaires

    6
    Dimanche 3 Décembre 2023 à 20:51

    Elle a l'air marrante sa mère à Ohm XD

    merci pour cette suite ^‿^

    5
    Mercredi 15 Juin 2022 à 23:27

    Merci pour ce chapitre :)

    Hâte de lire la suite ^w^

    4
    Mercredi 15 Juin 2022 à 21:42

    oh trop bien, et ils vont partir en voyage...

    merci beaucoup pour ce chapitre j'ai hâte de lire la suite

    3
    Mercredi 15 Juin 2022 à 19:23

    merci vivement la suite

    2
    Mercredi 15 Juin 2022 à 18:24

    Merci pour ce 7e chapitre absolument adorable <3 bises

    1
    Mercredi 15 Juin 2022 à 17:15

    Trop mimi ces 2 là ( ˘⌣˘)♡(˘⌣˘)     

    Merci pour ce nouveau chapitre et hâte de lire la suite!

    Bisous <3

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