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Chapitre 7
Chapitre 7Il était 7h45. Plus tôt dans la matinée, il avait profité du bain chaud qu'il avait fait chauffer et avait oublié l'heure. Le professeur volontaire, qui était en retard pour le second cours, monta la pente en trottinant jusqu'à l'école située sur la falaise. Les élèves étaient déjà alignés, prêts pour le rituel matinal qui consistait à rendre hommage au drapeau et à chanter l'hymne national thaïlandais. D'après ce qu'il avait vu, il manquait au moins cinq élèves.
Il savait que sa méthode d'enseignement était problématique et peut-être que les parents le jugeaient inutile et empêchaient leurs enfants de rejoindre la classe.
Dès que les enfants Akha virent leur Kru See Thien, ils levèrent leurs mains pour faire un wai et dirent "Sawadee" à l'unisson. Thien accepta leurs salutations en faisant le même geste mais avec la main sur la poitrine, en se forçant à sourire même si son cœur se mourait à l'intérieur. En regardant autour de lui, il aperçut deux rangers inconnus qui patrouillaient dans la zone.
Aussitôt que les aiguilles d'une grande horloge murale ronde sonnèrent le chiffre 8, deux élèves s'avancèrent et se tinrent devant le mât du drapeau.
Il n'y avait pas de musique. Pas d'orchestre. Seulement le bruissement des feuilles dans la brise qui créait une mélodie naturelle que seuls quelques-uns avaient la chance d'entendre.
Thien se tenait près du mât de drapeau en bambou, parcourant des yeux les enfants de cette région reculée qui chantaient l'hymne national en harmonie. Pourtant, il resta immobile, déglutissant bruyamment, les lèvres fines s'ouvraient mais seul un léger souffle en sortit.
… Il ne savait pas depuis quand la nouvelle génération avait commencé à croire qu'elle aurait dû avoir honte de montrer du respect à la plus haute institution de la nation.
Mais ici, il n'y avait personne pour le juger.
Inexplicablement, la voix grave d'un jeune homme qui sautait toujours ce rituel matinal à l'école retentit et se mêla à celles de ses élèves. Le drapeau délavé et délabré fut tiré par une poulie rouillée jusqu'au sommet du mât et brandi au-dessus de tout le reste sur cette terre lointaine aux confins de ce pays.
Il ne pouvait pas expliquer ce qu'il avait ressenti après la fin de l'hymne. Tout ce qu'il savait, c'est qu'un lourd verrou dans son esprit avait été déverrouillé et qu'il avait envie de rire aux éclats. Thien prit une profonde respiration et prit une décision. Il se dirigea vers les enfants, un pas plus près et dit d'une voix forte et claire :
— À partir d'aujourd'hui, j'aimerais que tout le monde m'appelle P'Thien.
Le garçon de la ville scruta les visages des enfants qui tombèrent dans un silence complet avant de le fixer à leur tour d'un air perplexe. Soudain, il se sentit découragé.
— P' veut dire grand frère ou grande sœur. Vous connaissez ce mot, non ?
— Pourquoi on ne vous appelle pas Professeur alors que vous êtes notre professeur ? demanda Mee Ju dont le grand frère n'était pas venu en classe. C'était une question qui semblait être dans l'esprit de tout le monde.
… Parce que ce professeur n'avait pas ce qu'il fallait pour être un professeur. Il ne savait pas comment organiser la classe ou planifier les instructions. Il ne savait pas comment aborder les enfants. Les entendre l'appeler professeur ne faisait que souligner le fait qu'il était inutile. La seule raison pour laquelle il avait tenu aussi longtemps était son "entêtement".
Thien leur offrit un sourire penaud et une réponse honnête.
— J'aimerais que tout le monde soit mes… petits-frères et petites-soeurs. Je peux être votre grand-frère ?
Les enfants hochèrent la tête en signe de perplexité, mais ils acquiescèrent.
— Oui, P'See Thien !
L'homme qui avait demandé à être rétrogradé du statut de professeur à celui de frère laissa échapper un lourd soupir avant de conduire les élèves dans la salle de classe. Il découvrit plus tard que l'enseignant précédent s'était surtout concentré sur l'épellation des mots en langue thaï et très peu sur l'anglais. Les enfants avaient seulement appris à citer l'alphabet.
Thien n'avait pas dormi de la nuit et avait décidé à 2 heures du matin que, même s'il ne remplaçait pas un vrai professeur, il pouvait essayer sa méthode, en commençant par la matière qu'il maîtrisait le mieux.
Une main fine griffonna les chiffres arabes avec la prononciation thaïe et il demanda :
— Vous pouvez lire ces nombres pour moi ?
Même si les élèves faisaient quelques erreurs, il avait appris qu'on leur avait enseigné quelques bases. Ensuite, il écrivit un exercice d'addition simple pour qu'ils le résolvent et presque tous échouèrent.
Donc…ils savaient lire les chiffres mais ne savaient pas calculer.
Le professeur novice se gratta l'arrière du cou, en réfléchissant. Il demanda à tout le monde de se rassembler, s'assit en tailleur devant eux et leva ses deux mains.
— Ces deux mains ont dix doigts.
Il compta de 1 à 10 en guise de démonstration, puis serra le poing d'une des mains et leva l'index.
— C'est le numéro un.
Il mit l'autre doigt à côté du premier.
— Mettez un autre doigt avec l'autre, maintenant combien vous avez de doigts ?
Les enfants de la tribu des collines qui voyaient deux index répondirent en même temps.
— Deux !
Thien leva trois doigts de sa main droite et deux de sa main gauche, les ajoutant aux autres.
— Et maintenant ?
— Cinq !
La voix des enfants était devenue plus confiante et il se sentit soulagé.
— Mettre des choses ensemble s'appelle une addition.
Le garçon de la ville montra le symbole de la mini-croix sur le tableau noir et posa une nouvelle question.
— S'il y a cinq doigts comme ça…
Il leva sa main droite et replia deux doigts.
— combien il en reste ?
— Trois !
Thien se sourit à lui-même et durcit la question en levant les dix doigts.
— Maintenant, j'en ai dix.
Il baissa l'auriculaire et l'annulaire.
— Il en manque deux. Et nous avons…
— Huit !
La réponse rapide et correcte l'incita à applaudir la vivacité d'esprit des enfants, même s'ils étaient défavorisés dans tous les domaines imaginables. Il se leva et retourna vers le tableau noir pour rendre l'exercice un peu plus facile.
— Très bien, si vous pouvez donner les bonnes réponses à toutes ces questions, j'ai une récompense pour vous dans l'après-midi.
La forte acclamation dans la classe attira les deux gardes forestiers en patrouille à se retourner et à regarder avec curiosité. Ils virent les enfants compter sur leurs doigts en s'amusant. Certains avaient même levé le pied pour additionner et tout le monde avait ri.
La peau claire du jeune homme, son visage radieux et les vêtements colorés qu'il portait faisaient que Thien se faisait remarquer. Même s'ils avaient entendu parler de lui par le Ssg. Yod et d'autres copains qui avaient rencontré le nouveau professeur volontaire, ce n'était pas comme le rencontrer en personne. Thien avait l'air d'être né avec une cuillère en argent dans la bouche, ce qui les poussait à se demander ce qu''il" faisait dans un endroit comme celui-ci.
Même les personnes aux idéologies les plus fortes qui venaient ici avaient fait leurs valises et étaient parties dès le premier mois si bien que la compagnie avait commencé à parier pour le plaisir sur la durée de vie d'un professeur.
Pourtant, moins de trois heures plus tard, le jeune homme spécial se fondait dans cette scène simple. Les deux rangers se regardèrent et rirent. Ils devraient peut-être faire un nouveau pari sur le gars, sur le fait qu'il réussirait à terminer son mandat de trois mois, car ils pourraient bien gagner !
Trois jours plus tard, les enfants Akha étaient toujours aussi excités par les récompenses de P'See Thien, car dès qu'il y avait une pause, ils pliaient des morceaux de papiers restants en oiseaux de différentes tailles. Au début, P'See Thien voulait faire des origamis d'oiseaux et les donner aux enfants comme récompenses, mais lorsqu'ils lui avaient demandé à plusieurs reprises de leur apprendre à en faire, il n'avait pas su résister. Il y avait maintenant une famille d'oiseaux en papier éparpillés sur le sol. Il demanda à Khama Bieng Eae un bocal en plastique pour les mettre dedans.
Il déjeunait avec les enfants, mangeant dans le bento que le maître du village avait demandé aux rangers de lui apporter chaque jour. Cela faisait des jours qu'il n'avait pas vu Ayi et il se demandait s'il n'avait pas contrarié le garçon qui semblait adorer Kru Thorfun.
— Mee Ju, pourquoi P'Ayi ne vient pas en classe avec toi ?
Il marcha pour s'asseoir à côté de la petite fille qui roulait une boule de riz gluant et la mangeait avec un morceau de bœuf séché.
— Papa a mal au dos, alors P'Ayi doit travailler au champ à sa place.
Mais ce n'était qu'un garçon ! Pourquoi devait-il faire le travail d'un adulte ? Thien ne savait pas comment répondre.
— Ça doit être fatiguant pour lui…
Mee Ju secoua la tête, souriant fièrement.
— Ça l'est mais nous avons du riz à manger, ma mère me l'a dit. Je les aide aussi à cueillir les feuilles de thé !
Les mots innocents venant d'une fillette de huit ans qui exprimait ses sentiments honnêtes le firent s'étouffer, en pensant à lui-même quand il avait son âge. Il jetait des snacks pour tuer le temps, ne finissait pas son repas qui était jeté et avait des tonnes de jeux vidéos provenant de l'étranger. C'était une vie de luxe incomparable.
Mais pourquoi il n'avait jamais été heureux et n'avait jamais eu un beau sourire comme celui de cette petite fille ?
Thien se leva et prétendit s'étirer langoureusement en regardant par la fenêtre. Le ciel était nuageux et le soleil n'était pas trop fort. La brise fraîche qui lui frôlait le visage lui donnait envie de se promener dans le village.
— Très bien, tout le monde !
Il tapa dans ses mains pour attirer l'attention des élèves.
— Cet après-midi, nous allons faire une sortie éducative en langue anglaise. Préparons nos affaires et partons.
Dix paires d'yeux fixèrent P'See Thien avec confusion. Le garçon de la ville gémit alors que quelque chose lui venait et il utilisa un mot simple.
— Nous allons faire une balade et étudier l'anglais.
Les enfants se levèrent et applaudirent. Il réalisa qu'il n'y avait pas vraiment de différence entre les enfants de la ville et ceux de la campagne. Ils étaient tous heureux de ne pas être confinés dans une salle de classe. Il haussa les épaules. Eh bien, qui ne serait pas heureux ? Même un professeur comme lui ne voulait pas être enfermé dans une boîte et il n'était pas étonnant que les enfants préfèrent avoir la chance de jouer dehors.
Lorsque les rangers virent le professeur et une douzaine d'enfants sortir, ils se précipitèrent vite en demandant :
— Où allez-vous, professeur ?
— Nous allons faire une balade autour du village. Il fait beau et il n'y a pas trop de soleil.
Les deux jeunes soldats échangèrent un regard et l'un deux dit:
— Restez à l'intérieur du territoire du village, s'il vous plaît. Il n'y a rien d'autre que la forêt par ici.
Thien ne vit aucune raison de ne pas être d'accord et hocha la tête avec conformité. Les enfants Akha conduisirent leur Kru See Thien le long de la route sur la crête, en passant par une plantation de thé sur les terres que le gouvernement leur avait données pour qu'ils puissent gagner leur vie. Alors qu'ils se promenaient dans la région. Thien montra du doigt les environs et apprit aux enfants à dire les mots en anglais - en passant par le soleil, le ciel et les nuages.
Sur les collines, il entendit des bruits de communication radio et le dialecte indigène des enfants flottant dans le vent et réalisa que les deux rangers les suivaient au loin pour surveiller leurs arrières.
Finalement, le groupe d'excursionniste arriva à la plus grande plantation de thé en cascade qui dévalait la pente de la montagne. De nombreux enfants dirent que leurs maisons se trouvaient dans cette zone, alors Thien les autorisa à rentrer chez eux. Il ne lui restait plus que quelques élèves.
— Comment cela s'appelle en anglais ? demanda Mee Ju à propos du thé, impatiente d'apprendre.
— T-E-A - Tea.
Il épela le mot pour elle, sachant que les professeurs précédents leur avaient déjà appris l'alphabet thaï et latin.
Thien se promena plus loin entre les rangées de théiers car les élèves lui avaient dit que c'était un raccourci qui menait à la route principale du village. Il salua les trois autres enfants qui partirent jusqu'à ce qu'il ne resta plus que Mee Ju et lui.
— Tu habites où ? demanda-t-il à la fille qui trottait joyeusement devant lui.
— Là-bas.
Elle pointa de son petit doigt la plantation au pied de la colline voisine.
— Je vais te raccompagner.
Mee Ju tapa joyeusement dans ses mains avant de se retourner vers un camion et une foule près de la plantation à côté de la route de terre. Les yeux de la jeune fille Akha s'agrandirent comme si elle voyait quelqu'un qu'elle connaissait et tira la main de son professeur.
— Ada, Ama ! C'est ma mère et mon père là-bas !
Thien trottinait à moitié alors qu'on le traînait vers la foule. Il remarqua qu'un garçon portant le costume de la tribu des collines soulevait des sacs et les plaçait soigneusement un par un à l'arrière du camion, tandis que cinq ou six personnes en vêtements de ville restaient là.
Ayi, qui avait de la saleté sur le visage, se tourna vers sa sœur lorsqu'elle s'approcha de lui avec l'enseignant et leva sa main pour faire un wai. Les autres adultes continuèrent à discuter par l'intermédiaire d'un interprète qui parlait le thaï et le hani, le dialecte natal d'Akha.
— Hé, qu'est-ce que ces gens font ici ? demanda-t-il à l'élève qui était absent de sa classe depuis quelques jours.
— Ils nous achètent du thé séché.
Thien fit un hum en signe d'acquiescement et s'approcha pour regarder. Les villageois prirent les sacs remplis de feuilles de thé séchées. L'ouverture était cousue et ils les mirent sur la table pour les peser avant de les empiler dans le camion qui appartenait à l'intermédiaire.
— Quatre kilogrammes.
Il entendit l'annonce du poids avant que le sac ne soit soulevé de la balance.
Il fronça les sourcils, ne sachant pas pourquoi il voyait le chiffre 5 sur la balance. Lorsque les autres sacs furent posés, les chiffres restèrent les mêmes malgré les différents poids. Il regarda l'homme Akha qui faisait office de témoin et resta impassible, puis il se tourna vers Ayi.
— Vous savez combien de grammes il y a dans un kilogramme, ou différencier le numéro 4 et 5 ?
Ayi agit comme s'il entendait une langue étrangère.
— Quel kilogramme ?
— Le kilogramme est une mesure de poids. Thien pointa du doigt la balance. Cet équipement utilise cette unité de mesure.
— Unité ?
Thien avait envie de se tirer les cheveux et laissa échapper un gros soupir avant de changer de question.
— Comment achetez-vous et vendez-vous en général ?
Le garçon se gratta la tête, essayant de trouver une réponse.
— Ils viennent acheter et nous les vendons dans des sacs.
— Et pour le paiement ?
— Ils nous donnent l'argent qui correspond aux chiffres du reçu.
Ayi se tourna vers l'homme de la ville qui tenait un carnet de poids dans sa main.
— Ça veut dire…
Ils ne se rendaient pas compte qu'ils se trompaient ! Il se mordit les lèvres avant de lâcher qu'il savait ce que les marchands manigançaient. Ces escrocs trompaient les villageois parce qu'il n'y avait personne de bien informé de leur côté. Thien s'avança vers l'homme qui prononça la mesure alors que le dernier sac de thé était posé sur la balance.
— 4 kilogrammes.
— 5 kilos et 2 grammes !
Le commis s'arrêta en entendant le cri et leva les yeux vers le grand jeune homme maigre et séduisant vêtu d'une veste moderne qui se distinguait comme un pouce endolori.
— Qui êtes-vous putain ?
— Quelqu'un qui connaît les différences entre les chiffres 4 et 5.
Thien poussa sa main vers le cahier, voulant regarder à l'intérieur et ne se souciant pas de savoir s'il allait offenser quelqu'un.
— Je peux regarder ?
L'annonceur de poids ferma le livre et lança un regard brûlant au jeune homme.
— Vous n'êtes pas un vendeur et vous n'avez rien à faire ici, alors allez vous faire voir.
L'homme lui fit un signe dédaigneux mais le fils d'un ancien général ne voulait pas reculer.
— Si vous ne pouvez pas me laisser la voir, ça veut dire que vous trichez !
— Putain, qu'est-ce que tu viens de dire ? Tu nous traites de tricheurs ? Nous payons 80 bahts par kilo et ces sacs pèsent 4 kilos chacun. Fais-le calcul.
Le scribe du marchand agita le carnet pour montrer qu'il avait tout écrit, mais il n'avait pas laissé Thien le voir.
— J'ai vu de mes propres yeux que chaque sac pesait plus de 5 kilos et vous avec dit qu'il n'y en avait que 4 !
Il n'y avait aucune raison d'être gentil quand ils étaient méchants.
— Tu veux nous faire chier, voyou ? Tu as envie de mourir ?
Quand ils virent que le jeune homme ne reculait pas, ils eurent recours à des tactiques de peur mais cela ne fonctionnait pas sur un combattant comme Thien. Il se moqua et s'avança pour soulever un sac au sol et le poser sur la balance alors que les personnes ayant entendu les bruits commençaient à se rassembler. Tous les regards étaient tournés vers lui.
— Vous voyez ? 5 kilogrammes. Ou alors, vous êtes des putains d'analphabètes. Je suis professeur bénévole ici, alors vous pouvez venir dans ma classe quand vous voulez. Je vous apprendrai moi-même.
La bouche de l'homme qui travaillait pour le marchand de la ville s'ouvrit lorsque le voyou lui rétorqua en pleine face. Le grand patron que tout le monde appelait Maître Sakda s'approcha d'eux dès qu'il eut fini de payer la tribu des collines.
— Qu'est-ce qui se passe ici ?
Thien regarda l'intervenant. À en juger par sa silhouette potelée et son apparence fortunée, ce vieil homme devait être le grand patron.
— Le poids des sacs ne correspondait pas au prix que vous payez.
Maître Sakda ricana et choisit de l’emmerder en retour.
— Nous payons ce que nous notons.
Il prit le carnet de son homme de main et l'ouvrit.
— Tu vois, c'est écrit 4 kilos par sac juste ici. Les vendeurs se sont mis d'accord sur les chiffres et n'ont jamais eu de problèmes. Mais vous, un étranger, pourquoi vous mettez votre nez dans nos affaires ?
Cette phrase se traduisit par "Dégage, bordel." Thien serra les poings et regarda les visages innocents des tribus des collines, il était en colère à leur place. Comment quelqu'un pouvait-il tromper des gens aussi pauvres et travailleurs juste pour quelques centaines de bahts ?
La forme maigre se retourna et Thien avança vers l'arrière du camion. Il sauta dedans pour compter tous les sacs et se retourna pour compter les quelques sacs restant sur le sol. Il s'approcha ensuite de l'homme Akha qui tenait un reçu de l'intermédiaire.
— Puis-je ?
Il n'attendit pas la permission et prit à la fois le reçu et l'argent de la main rugueuse pour compter.
— Vingt-trois sacs, 80 bahts le kilo et 5 kilos par sac. Ça fait 9200 bahts. Qu'est-ce que c'est ?
Il souleva l'argent et hurla.
— 7300 bahts ! Vous avez même enlevé 60 bahts pour les frais de transport. Ce n'est pas seulement de la triche. C'est une sale arnaque !
— Fais attention à ce que tu dis, voyou. J'ai payé pour ce qui est écrit sur le reçu. Tu m'accuses sans aucune preuve. Je vais appeler la police pour diffamation ! dit le riche joufflu avec véhémence, essayant de trouver un moyen de s'en sortir.
Thien ricana en sachant qu'il avait le dessus et allait chercher le téléphone dont la batterie s'était épuisé dans une fausse menace.
— On va peser les sacs une nouvelle fois, alors. Je vais prendre une photo de chaque sac pour avoir une preuve. Ensuite, nous pourrons aller au commissariat.
Maître Sakda serra les dents. Ce voyou était trop intelligent et trop intrépide, contrairement aux précédents enseignants volontaires qui avaient essayé d'aider les villageois mais qui étaient partis la queue entre les jambes dès qu'il les avait menacés. Il semblait qu'il devait utiliser une mesure extrême.
— Vous prenez l'argent ou pas ?
Il mit les mains sur ses hanches, en criant aux villageois Akha et l'interprète s'empressa de traduire la phrase.
L'homme qui semblait être le père de Mee Ju et Ayi, puisque les enfants s'accrochaient à sa taille, regardait dans les deux sens entre les deux parties qui se disputaient, ne sachant pas quoi faire. D'après ce que son fils lui avait dit avec une traduction approximative, il avait deviné qu'il était dupé et que le professeur se battait pour lui.
— Donnez-lui 1840 bahts de plus, ou vous pouvez retirer 40 bahts pour le coût de l'essence.
Thien haussa les sourcils en signe de moquerie, rendant l'autre homme encore plus furieux.
— Cette conversation est stupide. Ne prenez rien du tout, alors ! Les mecs, descendez les sacs et écrasez-les en morceaux !
Le patron cracha son ordre pour que tout le monde l'entende. Ses hommes commencèrent à jeter les sacs par terre et les mailles s'ouvrirent. Des feuilles de thé séchées se répandirent sur le sol. Pire encore, ils sautèrent à terre et piétinèrent les sacs avec leurs pieds.
Les villageois, qui voyaient comment leurs produits étaient détruits, se précipitèrent pour arrêter les hommes. Le visage de Thien devint rouge et il balança son poing et frappa l'homme le plus proche, l'envoyant en arrière. Lorsque les autres hommes virent que l'un d'entre eux était blessé, ils se jetèrent sur lui et une bagarre éclata.
Soudain, le son d'un coup de feu retentit dans toute la zone. Le chaos s'arrêta lorsque dix hommes en uniforme de patrouille et gilet pare-balles intervinrent pour arrêter le combat. Les soldats séparèrent les combattants en les tirant à part.
Le capitaine Phupha, qui portait un fusil M16 qu'il avait abattu au sol, fixait silencieusement le professeur intrépide. Ses yeux intenses subjuguaient et intimidaient même les hommes endurcis, mais ça ne fonctionnait pas avec Thien Sophadissakul car le jeune homme au visage meurtri leva le menton en signe de défi.
— Tu as la gâchette facile, capitaine.
— Tu as encore le cran de parler ? Que se serait-il passé si je n'étais pas arrivé à temps, hein ?
Il emmenait ses hommes patrouiller dans la zone de Pha Pan Dao quand les rangers lui avaient signalé la bagarre par radio, et heureusement, il était arrivé avant que quelqu'un puisse être sérieusement blessé.
— Pourquoi tu me blâmes ? Pourquoi tu n'arrêtes pas ce tricheur sans honte ?
Il désigna l'homme riche et les hommes qui semblaient être tout aussi meurtris que lui.
— Tricher c'est tricher. Se battre c'est se battre. Et s'ils étaient armés, qu'allais-tu faire ?! Tu aurais pu déclencher une bagarre qui aurait conduit à ta mort pour rien et les villageois auraient eu de plus gros problèmes !
— Tu voulais que je reste là à regarder ces voyous voler les villageois ? Ou que j'attende que des officiels interviennent ?! Peut-être dans une autre vie !
Voyant que Thien s'acharnait à discuter avec lui et qu'il ne réalisait pas ses propres erreurs, Phupha craqua. Il saisit le poignet fin et tira le jeune homme vers lui, en grommelant d'une voix basse et glaciale.
— Thien, tu es un garçon intelligent. Tu sais qu'il y a d'autres moyens de traiter avec ces gens sans avoir recours à la force brute.
Les lèvres fines s'ouvrirent comme pour rétorquer mais le regard intense qui brillait de déception le fit se taire et presser les lèvres.
Peu importe ce que j'ai fait, je n'ai rien pu faire de bien, n'est-ce pas ?
Thien dégagea son bras de l'emprise du capitaine et s'en alla sans dire un mot de plus. Phupha le regarda partir le cœur lourd, fixant le dos fin de Thien, à bout de nerfs. Il ordonna alors aux deux rangers de suivre le professeur jusqu'à son logement afin qu'il puisse s'occuper du désordre que le morveux avait déclenché et empêcher les choses d'empirer.
La lumière de la lampe éclairait la minuscule hutte, tandis que la forme maigre, vêtue d'un t-shirt froissé et d'un caleçon mou, était allongée à plat ventre sur le vieux matelas, sous la nouvelle moustiquaire blanche enroulée sur le dessus. Ses fines jambes se balançaient dans l'air en feuilletant le petit carnet fait main qui contenait le récit d'une femme qui lui avait donné une seconde vie.
Thien soupira lourdement, épuisé. La première semaine où Thorfun était ici, elle s'était levée à l'aube pour aider les villageois à ramasser les feuilles de thé et elle avait apprécié l'expérience. Et lui, alors ? Il avait déclenché une bagarre et avait fini par détruire leurs produits.
Pourquoi est-ce que je me compare à elle ?
Avant de rentrer chez lui, il s'était arrêté à la maison de Khama Bieng Lae, voulant lui raconter l'incident. Il avait découvert que le maître du village était parti depuis le matin au centre-ville de Chiang Rain pour une réunion et qu'il n'était pas revenu. Peut-être que les marchands connaissaient son emploi du temps et qu'il n'y aurait personne pour protéger les intérêts des villageois et qu'ils étaient venus pour profiter d'eux.
Le garçon de la ville ferma le journal pastel, en ayant assez et le jeta dans son sac à dos. Il roula sur le dos par habitude avant que la douleur ne lui traverse le corps. Même s'il n'y avait pas de miroir pour vérifier dans la salle de bain, les picotements dans sa bouche et son torse annonçaient trop bien ses blessures. Il se demandait comment les soldats s'étaient occupés de la situation après son départ.
Était-il en colère ?
Il pensa à l'expression sombre et furieuse du capitaine et la culpabilité s'empara de son cœur. Pourtant, il était trop têtu pour admettre sa faute.
Thien regarda l'horloge. Il était déjà 22h30. Il aurait dû aller dormir, mais il n'y arrivait pas. Le jeune homme se leva et sortit sur l'étroit balcon devant la cabane et s'assit.
Pas très loin de là, sur le chemin de terre accidenté qui servait de route principale à la communauté du village, une moto de “mère au foyer” roulait dans l'obscurité vers le logement du professeur qui se trouvait au bout. La grande silhouette massive gara le véhicule et coupa le moteur sous le même arbre que la dernière fois puis il alla chercher un sac plastique ainsi qu'un sac de voyage dans le panier de devant.
Il se dirigea vers la petite cabane qui était encore éclairée à cette heure et sursauta un peu lorsqu'il vit une silhouette sombre, obscurcie et voûtée, assise sur le balcon près de la porte.
— Pourquoi tu nourris les moustiques dans le noir ? dit-il avant d'enchaîner avec la phrase suivante qui lui valut un regard noir.
— Ou bien est-ce que tu m'attends ?
— Tu as bu ? Pourquoi tu dis des conneries ?
Thien fit mine d'être exaspéré même si le capitaine était à moitié dans le vrai.
Phupha qui portait sa chemise de nuit, pantalon et veste de camouflage, et conduisait sa moto à travers le vent commença à monter le petit escalier et tendit le sac en plastique au plus jeune homme.
— Voici de la pommade et du baume cicatrisant pour les bleus. J'en ai demandé au médecin.
En fait, ledit docteur avait plaidé pour voir Thien et vérifier son état mais le capitaine s'était enfui avant qu'il ne puisse le rejoindre.
— Tu peux lui transmettre mes remerciements ?
Thien tendit le bras pour prendre le sac mais le capitaine ne le lâcha pas.
— Et moi, alors ?
Les yeux de Phupha se fixèrent sur le jeune homme et Thien réalisa que ce n'était pas seulement un remerciement pour les médicaments mais aussi pour la façon dont l'officier avait pris soin du désordre qu'il avait créé dans l'après-midi. Il baissa les yeux et marmonna tout bas.
— … Merci.
— Quand tu cherches des ennuis, peut-être peux-tu mieux te comporter… comme tu le fais maintenant.
— Tu es venu ici pour te moquer de moi ?
Le garçon déconcerté était de nouveau frustré. Thien arracha le sac des mains du capitaine, mais l'autre homme le reprit et le déchira presque.
— Tu peux voir ton propre dos ? Entre. Je vais te mettre du baume.
La grande silhouette n'attendit pas la réponse et disparut derrière la porte. La bouche du jeune homme blessé s'ouvrit alors qu'il se levait d'un bond et suivait le mouvement.
— Non, non ! Je peux le faire. Tu peux rentrer chez toi maintenant.
Phupha se tourna et regarda le visage rayonnant.
— Ai-je dit que j'allais partir ?
— Ne me dis pas que tu vas rester.
— Si, je reste. Tu as fait une belle connerie et nous ne savons pas si ces hommes reviendront se venger ce soir.
Il ne dit pas au plus jeune comment Maître Sakda et ses hommes avaient annoncé leur plan de vengeance avant que les soldats ne les fassent partir.
— S'ils viennent, que peux-tu faire ? Tu es tout seul.
Thien ricana mais se tut immédiatement lorsque l'officier souleva l'ourlet de sa chemise pour révéler un pistolet accroché à la ceinture.
— J'ai ordonné à mes hommes de renforcer la sécurité autour du village dans les prochains jours.
Le professeur au cœur de lion sentit sa respiration reprendre dans ses poumons, réalisant à quel point son comportement imprudent avait mis tant de personnes en difficulté. Il se dirigea vers son sac à dos, en sortit une enveloppe avec une liasse de billets et la tendit au capitaine.
— C'est l'argent des marchands. Je l'ai pris avant que le combat n'éclate. Et ça, c'est de ma part. Ce n'est peut-être pas beaucoup mais c'est tout ce que j'ai. Tu peux dire aux villageois que je suis désolé d'avoir endommagé leurs produits ?
Le capitaine Phupha prit la somme qui appartenait à Maître Sakda.
— Tu peux garder ton argent. En fait, ils m'ont demandé de te remercier de t'être occupé des traîtres en leur nom, dit-il sinistrement, en fermant la main sur celle qui tenait l'argent.
— Tu peux me promettre que tu ne seras plus imprudent ? S'il t'arrive quelque chose, tu sais que quelqu'un s'inquiétera pour toi ?
Tu parles de toi ?
Thien secoua la tête, essayant d'étouffer le rougissement qui s'insinuait sur ses joues et les rendait rouges.
— Je sais, je sais. Viens, on va me mettre du baume. Je veux déjà aller me coucher.
Il changea de sujet pour éviter le sujet gênant qui lui secouait le cœur, seulement pour réaliser qu'il venait d'aggraver la situation.
— Déshabille-toi et assieds-toi.
Il se figea en entendant l'ordre.
— Quoi ? Es-tu…
— Je vais te mettre de la pommade. Qu'est-ce que tu crois que je vais faire ?
Phupha fronça les sourcils en le regardant et s'approcha d'un pas comme s'il devait aider l'enfant gâté à enlever son t-shirt.
— Je peux le faire moi-même !
Le jeune homme protesta et fit un tour sur lui-même, tournant le dos au capitaine. Il retint son souffle en tirant le t-shirt au-dessus de sa tête et s'assit lentement en position de jambes croisées, frustré.
Le jeune officier s'assit et parcourut des yeux le dos autrefois lisse, devenu noir et bleu comme si quelqu'un l'avait éclaboussé de peinture. Il secoua la tête en signe d'exaspération devant la fougue de la jeunesse de Thien et pressa le tube.
Des doigts rugueux et épais frottèrent le gel piquant sur les bleus et Thien poussa un cri de protestation.
— Hé, doucement ! C'est de la peau humaine ! Pas une planche de bois à limer !
— Tu n'avais pas peur d'être blessé quand tu as commencé la bagarre.
Phupha malaxa la pommade jusqu'à ce qu'elle soit absorbée par la peau, sans trop de douceur.
L'homme se mordit les lèvres, frustré de ne pas pouvoir gagner ce round et laissa échapper un doux gémissement de protestation de temps en temps. Lorsque le capitaine eut fini de lui passer de la pommade sur tout le dos, il lui ordonna de se retourner et Thien dit immédiatement non.
— Quoi ? Non ! Je peux voir mon propre torse. Je vais le faire moi-même.
— Arrête de faire des histoires. Ma main est déjà sale alors laisse-moi finir le travail.
Phupha ne céda pas en saisissant le bras maigre aux muscles tendus et fit tourner l'autre homme pour qu'il lui fasse face dans une position inconfortable. Thien pressait la chemise contre sa poitrine comme s'il avait peur que le capitaine ne l'agresse sexuellement.
— …s'il te plait…Pas ici. Tu peux m'aider à d'autres endroits.
Thien garda les yeux fermés et leva le menton pour que le capitaine puisse voir que le coin de ses lèvres et sa joue étaient également noir et bleu.
— Tu es… embarrassé.
Soudain, l'image de quelque chose qu'il avait vu à la cascade surgit dans son esprit avant que le mot ne soit prononcé. Peut-être que le garçon ne voulait pas qu'il voie la longue entaille sur sa poitrine. Phupha secoua la tête. Il avait des cicatrices sur tout le corps et il n'avait pas peur que quelqu'un les voit. Les gens riches étaient si difficiles à comprendre.
— Mets la chemise pour pas avoir froid.
Le type prudent se tourna et enfila la chemise à la hâte, se sentant soulagé. Il fit ensuite demi-tour pour aller chercher plus de baume sans protester.
— Les ecchymoses sont graves ?
Il se peignit le visage car il n'y avait pas de miroir pour vérifier.
Le jeune capitaine sourit, en pressant le tube de gel.
— Pourquoi ? Tu as peur de ne plus être beau ?
— J'ai peur, bien sûr ! J'ai craché du sang quand je me suis brossé les dents.
— Tu es toujours séduisant. Mais si tu as d'autres bleus, je ne peux pas te promettre que tu pourras garder ton apparence.
Il gloussa faiblement quand Thien lui montra les crocs.
Des doigts grossiers se déplacèrent pour frotter avec précaution le baume sur la joue lisse. C'était tellement dommage qu'elle soit maintenant couverte d'ecchymoses. Thien ouvrit lentement les yeux et fixa le capitaine. Ils voyaient le reflet de l'autre dans leurs yeux et le monde s'arrêta.
Phupha leva la main pour incliner le menton lisse de Thien. Les lèvres minces et rosées s'écartèrent lentement comme pour inviter l'autre homme à s'approcher. Le capitaine se pencha jusqu'à ce que les bouts de leurs nez se touchent… et soudain, les deux hommes s'écartèrent comme s'ils étaient électrifiés.
Thien se racla la gorge et se gratta la tête pour chasser l'embarras jusqu'à ce que ses cheveux soient ébouriffés. Que diable s'était-il passé ? Il se leva et rabattit les extrémités du filet avant de s'asseoir sur le matelas pour se calmer quelques minutes.
À l'extérieur du filet, l'officier normalement impassible se frottait le visage, tout aussi confus et entendit une faible voix provenant du filet.
— Tu passes la nuit ici ? Dépêche-toi et entre. Mes yeux se ferment.
Il n'allait pas agir comme une adolescente virginale. Il était un adulte et le capitaine était aussi un homme, même s'il n'était pas sûr des préférences sexuelles de l'officier au visage impassible.
Mais qui savait combien de volonté il avait dû marmonner pour finir sa phrase !
La lumière de la lampe à pétrole baissa lentement comme pour répondre à ses mots. Thien s'allongea et se tourna sur le côté, dos au capitaine, dès que la grande forme musclée souleva le bout du filet et entra à l'intérieur. Même si le matelas était petit, ils réussirent quand même à créer un espace entre eux.
Phupha roula sur le côté et s'appuya sur son bras plutôt que sur un oreiller. Le silence qui venait de l'homme qui était toujours argumentatif était sinistre.
— Thien, qu'est-ce que tu as mangé ?
Il avait envie de se gifler la bouche pour ce stupide début de conversation.
— Oncle Bieng Lae m'a donné du chou frisé et du riz au jasmin. J'allais faire du feu et bouillir de l'eau pour me baigner, alors j'ai fait une omelette.
La voix douce qui s'était élevée derrière lui avait l'air heureuse. Le garçon devait être fier de lui.
— Tu ne l'as pas brûlée en charbon de bois et jetée à la poubelle ?
— C'est rude ! Bien sûr, j'ai brûlé les bords, mais c'est quand même un progrès !
Le chef novice argumenta avec véhémence, oubliant la maladresse qui régnait entre eux.
— Je veux le voir par moi-même demain matin.
— Pas question, j'ai un cours à donner. C'est déjà assez difficile de se lever le matin et de préparer le bain chaud.
Après la fin du gémissement grave, Phupha se tourna et dit sur le ton le plus neutre qu'il pouvait, même s'il avait envie d'éclater de rire.
— Thien, demain, c'est samedi. Il n'y aura pas d'enfant en classe.
— Quoi ?
Le laborieux professeur bénévole se redressa en position assise et chercha à tâtons la montre-bracelet qu'il avait placée à côté de l'oreiller rectangulaire. Ses yeux s'écarquillèrent en regardant les minuscules lettres sur le cadran de la montre. "VEN". Demain serait donc samedi. Ça voulait dire un jour de congé, enfin !
Le sourire de Thien se fendit sur son visage et il se laissa lourdement tomber sur le matelas, couché sur le visage et se tourna vers le non-invité.
— Je n'ai pas besoin d'aller me coucher maintenant.
— Qu'est-ce que tu vas faire alors ?
Les yeux bruns malicieux de Thien roulèrent comme si les rouages fonctionnaient avant de regarder l'homme à côté de lui avec une lueur.
— C'est à toi que je parle.
— Tu as dit que tu avais sommeil, n'est-ce pas ?
— Maintenant, je suis complètement réveillé.
Phupha s'était tu et pointa ses lèvres.
— Lis sur mes lèvres : JE SUIS FATIGUÉ.
Il souligna chaque mot et tourna dédaigneusement le dos à l'autre homme, laissant Thien sans voix.
Comment oses-tu me dire non ! Il claqua des doigts et secoua le corps musclé de l'officier qui était couché comme une bûche. Il ne fallut pas longtemps pour que le jeune homme s'endorme lui-même.
Pourtant, sa main fine s'agrippait toujours à la veste de camouflage et ne la lâchait pas.
Le jeune capitaine souriait même si ses yeux étaient fermés. Il dormait profondément au point qu'il n'était pas dérangé par des rêves auparavant.
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Commentaires
Encore un joli chapitre à parcourir =)
Merci pour sa traduction.