• Chapitre 6 - End of an Era

    Chapitre 6

    J’ai l’impression d’être dans du coton, la journée a été parfaite et la soirée fantastique. Dans mon sommeil, je sens la présence de Frank contre moi et je me sens apaisé. On a fait l’amour plusieurs fois avant de finir par nous endormir dans les bras l’un de l’autre. Sa tête pèse sur mon épaule, son bras passe en travers de mon ventre et une de ses jambes s’est posée entre les miennes, je me sens bien. Pourtant, un bruit désagréable me fait quitter cet état de plénitude et je grogne pour bien montrer que je ne suis pas content de ce qui est en train de se passer. 

    Frank gigote contre moi, sans attendre je resserre mon étreinte sur lui pour l’empêcher de bouger. Le bruit s’arrête et je soupire de soulagement. Dans mon demi-sommeil, je pose un baiser sur le sommet du crâne de mon petit ami, je me réinstalle pour trouver une position confortable et je suis déjà prêt à me rendormir. Seulement, le bruit recommence, c’est comme un moustique en train de vrombir à mon oreille, désagréable.

    — Drake, répond. 

    Frank parle en marmonnant à moitié, alors que sa main secoue légèrement mon ventre. Il me faut quelques secondes supplémentaires pour émerger complètement et comprendre que le bruit, c’est la sonnerie de mon téléphone. 

    — D’accord. 

    Ma voix est aussi endormie que lui et je m’en veux de ne pas avoir pensé à couper mon téléphone pour la nuit. Je me frotte rapidement les yeux avant de chercher un long moment à tâtons sur la table de nuit. Je me dis que le temps de trouver ce foutu téléphone, l’appel risque d’être coupé, mais non, quand enfin je l’attrappe, la sonnerie hurle toujours à mes oreilles. J’ai du mal à garder les yeux ouverts, je veux juste envoyer balader la personne à l’autre bout du fil puis me rendormir tranquillement, alors je ne regarde même pas le numéro de téléphone.

    — Allo ! Oui c'est bien moi... Je comprends... Très bien, j'arrive tout de suite.

    Si mon allô était sec, je me radoucis rapidement alors que j’écoute mon interlocuteur. Je raccroche en soupirant fortement avant de lancer le téléphone à sa place précédente. Je me replace dans le lit, m’installant sur le côté je fais face à mon ange qui comme moi à dû mal à émerger. Je l’attrape rapidement pour le prendre dans mes bras, le serrant le plus possible. Je cache un moment mon visage dans son cou, respirant profondément son odeur à plusieurs reprises, avant de déposer plusieurs baisers jusqu’à sa tempe.

    — Qui c'était ?

    Il savoure mon étreinte et mes baisers, mais cela ne l’empêche pas de me questionner. Je comprends qu’un appel au milieu de la nuit l’inquiète, personne n’aime recevoir des appels à cette heure-ci. En plus, il n’est pas sourd et il a compris que je devais partir, même si je me réinstalle comme si j’étais prêt à me rendormir. Un instant, j’ai envie de mentir, de trouver une excuse, je ne veux pas m’éloigner de lui alors que c’est notre week-end à nous.

    Voyant que je ne lui réponds pas, il pose ses mains sur mes épaules et même si c’est avec douceur, il me fait fermement reculer. Je croise son regard et je sais que jamais il ne me pardonnera si je lui mens à ce propos. Je n’ai pas d’autre choix que de lui annoncer et ça me noue l’estomac. Presque honteux, je baisse les yeux, observant son torse finement musclé et couvert des suçons que je lui ai fait cette nuit.

    — Aim est en train d'accoucher.

    Je murmure, mais la pièce est plongée dans un tel silence qu’il m’entend parfaitement. Du coin de l’oeil, il tressaille, comme s’il venait de se prendre une gifle. En un appel, notre bulle vient d’éclater et petit à petit son visage se décompose. Ses mains se crispent sur mes épaules alors qu’il tente malgré tout de garder la face. Un poids m’accable quand petit à petit l’ambiance change et je suis saisis par un effroyable sentiment d’insécurité.

    — Tu devrais y aller. Tu as promis. 

    Il essaie de se montrer ferme, mais son menton tremble légèrement. Je sais que j’ai promis à Aim que je viendrais le moment venu, que je ne la laisserais pas seule affronter la naissance du bébé. Seulement, je ne veux pas non plus abandonner l’homme que j’aime, celui qui compte tant pour moi dans cette chambre d’hôtel en plein milieu de la nuit. Ça me donne l’impression de laisser mon amant derrière moi et je n’aime pas ça du tout, je voudrais trouver une solution pour que tout le monde se sente heureux.

    — Je ne veux pas te laisser seul. 

    Je secoue la tête à plusieurs reprises avant de l’attirer contre moi. La sensation d’urgence qui me tord l’estomac grandit quand je sens que tout son corps est crispé.

    — Je…

    Il va essayer de me rassurer, mais sa voix s’étrangle avant qu’il n’y arrive.

    — Viens avec moi. Je veux que tu sois près de moi. 

    Je l’attrape par les épaules et le tient à bout de bras pour pouvoir l’observer. Il a un petit sourire triste, ses yeux observent mes traits d’une manière tellement intense que je me sens troublé un moment. Un fin sourire apparaît sur ses lèvres, mais il ne monte pas jusqu’à ses yeux et je sais qu’il se force juste pour me rassurer. 

    — Je ne pense pas me présenter à Aim comme ton petit ami alors qu’elle accouche ne soit la bonne solution.

    Il parle d’une voix qui se veut amusante, mais encore une fois, je ne peux entendre que la douleur.

    — J’ai l’impression que si je sors de cette pièce… je vais te perdre Frank. 

    Je me sens sur le point de pleurer et les yeux de Frank devenant plus humide ne m'aident pas du tout. C’est la première fois que je ressens cette émotion si puissamment. Je suis persuadé que si je quitte ce lit, alors plus rien ne sera jamais pareil et mon cœur s’alourdit terriblement. Je le serre à nouveau dans mes bras, cherchant sa chaleur, la douceur de sa peau et juste à me rassurer. 

    On reste un long moment comme ça, puis en douceur, il essaie de se soustraire à mon étreinte. Je ressens de la panique à l’idée qu’il s’éloigne de moi, car il ne m’a pas répondu et son silence est terrifiant. Alors au lieu de le laisser s’éloigner, je le serre contre moi presque à l’étouffer. 

    — Je t'aime... Je n'aime que toi.

    Je murmure à son oreille désespérément. Avec tendresse, ses mains se posent sur mon cou, caressant lentement ma peau. Je finis par le relâcher et reculer un peu afin de pouvoir le regarder. Ses mains remontent vers mes joues et il m’offre un doux baiser.

    — Je t’aime aussi. 

    Sa voix est faible et il avale sa salive à plusieurs reprises comme pour se contrôler.Ses pouces glissent sur mes joues, un instant je n’ai plus l’impression d'étouffer et je colle mon front contre le sien en fermant les yeux. Le temps presse, je sais que je dois partir et faire face à ce qui m'attend dans le futur. Il finit par soupirer, se redresser et me prendre les mains.

    — Je viendrai te retrouver dans la matinée… C’est juste que… c’est dur pour moi d’y aller. 

    Il parle d’une voix un peu plus franche et je comprends ce qu’il ressent.

    — Je sais… je suis désolé de t’imposer ça, mais je te promets que tout va s’arranger. 

    Je le rassure autant que je peux et il hoche lentement la tête. Je le reprends une nouvelle fois dans mes bras, cherchant à puiser de la force en lui. Ce n’est pas assez alors je l’embrasse, fougueusement, désespérément. Lentement, je le fais basculer sous moi, ses ongles s’enfoncent dans la peau de mon dos et je fourrage ses cheveux. On pourrait perdre pied, laisser le désespoir nous faire aller plus loin, mais il garde tout de même l’esprit clair car alors que l’on se trouve sur la corde raide près à basculer, il me repousse. On se regarde le souffle court, les yeux trop brillants, mais je sais que maintenant, je ne peux plus repousser.

    — Tu dois y aller, ne la laisse pas traverser ça toute seule.

    Il est doux, mais cette fois, il m’ordonne d’y aller et je ne peux rien faire d’autre que de lui obéir. Je goûte une dernière fois ses lèvres et finis par me lever. Je suis complètement nu et je sens son regard sur moi alors que je parcours la chambre pour récupérer mes habits qui ont volé un peu partout. 

    Je tourne la tête vers lui alors que je suis en train de boutonner ma chemise. Il est assis au milieu du lit, son corps nu enroulé dans les draps. Le collier que je viens de lui offrir trône fièrement contre sa poitrine et j’essaie de garder précieusement cette image dans ma tête pour affronter les heures où l’on va être séparés. 

    Nos regards se croisent et il me fait un petit sourire d’encouragement pour me rassurer. Il y arriverait presque totalement si son menton ne tremblait pas légèrement et que ses yeux n'étaient pas aussi brillants. 

    — Frank…

    — Je vais bien Drake…

    Il m’interrompt, m’empêchant de finir ma phrase. Sa voix se casse et moi je me fige au milieu de la chambre, tourmenté par le choix auquel je dois faire face. Deux possibilités s’offrent à moi et j’ai encore une chance de choisir. Abandonné Frank en pleine nuit dans cette chambre et aller soutenir Aim ou bien oublier ma promesse faite à cette dernière et rester auprès de celui que j’aime. Je suis à deux doigts de choisir Frank, de me déshabiller à nouveau et de le rejoindre dans le lit.

    — L’homme que j’aime tient toujours ses promesses. 

    Il a compris ce à quoi je pensais et c’est d’une voix plus ferme qu’il me fait comprendre que ce serait une mauvaise décision de ma part.

    — Très bien…Je te laisse de l’argent pour pouvoir rentrer en taxi demain… dors et…

    Je soupire en cédant à sa demande, je saisis mon téléphone et mon portefeuille prêt à partir. Déposer l’argent sur la table me donne l’impression d’être un enfoiré qui paye un homme après avoir profiter d’un bon moment entre ses cuisses. Ma voix se met à trembler et j’ai peur qu’il pense la même chose que moi, alors je fais trois grandes enjambées pour le rejoindre, le baiser est fort, dur et déchirant. 

    — Je t’aime. 

    Je murmure contre ses lèvres, ne me lassant pas de lui avouer mes sentiments encore et encore.

    — Je t’aime aussi.

    Il me répond de la même manière et je sens que l’on est tous les deux au bord du craquage.Je me sens oppressé, les larmes me montent aux yeux et j’ai du mal à me contenir, à faire semblant que tout va bien. Je sais que je dois me dépêcher, j’ai déjà perdu beaucoup de temps, mais je reste immobile à le regarder.

    — Je te vois tout à l’heure Drake.

    Sa voix est douce, il me sourit, mais je n’y crois pas du tout. Ses yeux eux, ils ne me mentent pas, ils me crient la vérité, Frank souffre, mais ne veux pas être un poids supplémentaire pour moi. Cependant, au lieu de retourner vers lui, au lieu de le rassurer, je récupère mes affaires et, après un dernier regard, après un dernier je t’aime, je pars.

    La porte se referme en douceur, sans un bruit et je peux clairement entendre les sanglots provenant de la pièce que je viens de quitter. Mon cœur s’emballe, ma main se pose sur le bois de la porte alors que chaque bruit dans la chambre me détruit un petit peu plus et que je laisse moi aussi couler les larmes que je retiens depuis que j’ai décroché le téléphone.

    A plusieurs reprises ma main se pose sur la poignée de la porte. Je suis prêt à devenir un homme qui ne tient pas ses promesses pour lui. Seulement, l’image de Aim effrayée et souffrant seule dans une salle d’accouchement, pour mettre notre enfant au monde, s’accrochant à l’idée que je vais arriver pour la soutenir finit par me convaincre. 

    Je soupire malheureux, cette étrange sensation d'oppression qui m’étreint le ventre, je m’éloigne de la porte tête basse. Je quitte l’hôtel, le cœur lourd et je réussis à trouver un taxi qui me conduit jusqu’à l'hôpital.

     

    L’établissement est très calme, mais vu l’heure avancée de la nuit ça ne m’étonne même pas. Aim m’a expliqué où je devais aller, alors je ne perds pas de temps et me trouve rapidement devant une infirmière qui me regarde de haut en bas se demandant sûrement si je ne me suis pas perdu. Je lui explique ma présence ici, mais je bute sur les mots mal à l’aise.

    — Bonsoir… Je… je viens voir Aim Darunee. Vous m’avez appelé... il y a un moment.

    — Oh… vous êtes le futur papa ? 

    Son regard s’adoucit quand je hoche la tête pour répondre. Heureusement, elle doit prendre mon hésitation pour de la nervosité à l’idée de devenir père. Elle ne doit pas pouvoir imaginer que je n’aime pas la femme qui est en train de mettre mon enfant au monde. Que cet enfant il y a un mois encore j’ignorais son existence et que pour couronner le tout, je suis fou amoureux d’un homme.

    — Suivez-moi, vous avez de la chance, le bébé n’est pas encore arrivé, mais c’est pour bientôt. 

    Elle me sort de mes pensées quand elle m'enjoint à la suivre alors qu’elle commence déjà à remonter un couloir.

    — Oh… ok…

    Je déglutis nerveusement, me rendant soudain compte de ce qui va se passer. Quand j’ai accepté d’être présent, je n’ai pas compris que j’allais devoir assister à la naissance du bébé, que je… je me sens blanchir à cette idée, mais je ne peux pas reculer, l’infirmière n’arrête pas de parler, d’utiliser des mots que je ne comprends pas et je ne peux que la suivre pour me préparer… à quoi, je n’en ai pas la moindre idée. 

    — Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. Tenez-lui la main et rassurez-la.

    Elle continue son monologue, ne semblant pas gênée par mon manque de conversation. Elle me fait mettre des sur-chaussures, une blouse et une sorte de filet sur ma tête… Je me sens ridicule, mais je n’ose pas faire de commentaire et je me contente de la suivre à travers les couloirs silencieux. Elle arrive près d’une porte où des bips réguliers se font entendre, ainsi que des gémissements plaintifs. 

    — Elle est vraiment très nerveuse et ça n’aide pas à faire avancer le travail. Changez-lui les idées. 

    Elle me fait un petit signe de tête comme quoi je peux entrer, puis elle repart travailler. Je reste une seconde immobile devant la porte alors que j’entends le chuintement des chaussures de l’infirmière s’éloigner. Je prends plusieurs profondes inspirations pour tenter de calmer la peur qui m’enserre la poitrine. Je ne dois pas lui transmettre ma tristesse et mon angoisse, maintenant que je suis là, je dois être au top pour Aim. Je toque rapidement à la porte avant d’entrer dans une salle, Aim est reliée à toutes sortes de machines, elle a le visage fatigué et crispé.

    — Hey !

    J’attire son attention et quand elle lève les yeux vers moi, son visage s’illumine. 

    — Tu es venu !

    Elle n’arrive pas à retenir sa surprise et je ne peux que lui sourire sans un mot. Elle se redresse un peu en grimaçant, elle est luisante de transpiration, rouge à cause de l’effort. Elle semble heureuse de me voir et comme elle l’avait dit, je n’ai vu aucune trace de sa famille.

    — Ta famille ?

    Je ne peux pas m’empêcher de la questionner même si je connais déjà la réponse. Elle secoue la tête rapidement alors que sa respiration s’accélère soudain, je peux voir les courbes sur l’une des machines s’affoler et je dois faire preuve de self contrôle pour ne pas courir dans tout le service en appelant au secours. Elle souffle de plus en plus fort et j’arrête de réfléchir, je m’approche rapidement d’elle et lui tend ma main. Elle l’attrappe sans hésiter et la serre aussi fort qu’elle peut. Moi je peux seulement camoufler la grimace de douleur alors que le temps semble durer des heures avant qu’elle ne se détende à nouveau en prenant des respirations profondes.

    — Mon père ne me parle presque plus…

    Je reconnais à peine sa voix fatiguée et je m’inquiète un peu pour elle. Elle n’a pas lâché ma main et je m’assois sur le tabouret présent à côté de son lit. On parle un peu, notre discussion est entrecoupée de moments où la douleur la prend. J’ai eu peur au début et puis je me suis senti un peu idiot quand elle a prit le temps de m’expliquer que c’était des contractions, que ça préparait l’arrivée du bébé.

    Tout son travail semble durer une éternité avant qu’enfin tout s’accélère. La sage-femme entre dans la pièce avec son équipe, je ne sais pas quoi faire, j’aimerais sortir, mais Aim ne me lâche pas et je me focalise sur son visage en essayant de ne pas paniquer.

    Je n’arrive pas à parler, à l’encourager, je me contente de rester immobile pendant qu’elle suit les consignes des médecins qui lui demande de pousser à intervalle régulier. J’essaie de ne pas voir l’équipe qui se trouve entre ses jambes car je sens que je pourrais tourner de l'œil. Soudain, un cri me fait sursauter, un petit paquet est déposé sur la poitrine de la jeune femme et mon souffle se coupe.

    — Félicitations, c’est un garçon. 

    Je ne sais même pas qui parle, toute mon attention est focalisée contre ce petit être qui pleure à pleins poumons contre le sein de Aim. Mon cœur se gonfle, j’ai un fils et je trouve que c’est la chose la plus belle que j’ai pu voir en ce monde. Je suis surpris quand en frottant mes joues, je les trouve humides, jamais je n’aurais pensé être aussi touché par l’arrivée de ce petit garçon. 

    A cet instant, je ne pense qu’à une chose, appeler Frank, lui annoncer que tout va bien, qu’il est magnifique et que je veux faire partie de sa vie. Mon sourire se fane légèrement à cette pensée. Est-ce que Frank l’acceptera ? 

    C’est la question que je me pose depuis plusieurs heures maintenant, elle ne quitte pas ma tête et j’ai hâte de le voir arriver pour lui en parler. Je lui ai envoyé un message dès que Aim a été installée dans une chambre et depuis je l’attends.

    Aim dort dans son lit et moi je garde mon fils dans mes bras. Je ne me lasse pas de l’observer, de le regarder bouger ses poings, gigoter, bailler. Il est tellement petit et il semble tellement fragile, que je veux le protéger coûte que coûte. Je comprends alors les paroles de ma mère, quand elle me disait qu’elle m’avait aimé sans condition dès qu’elle m’avait tenu dans ses bras

    — Il faudrait lui trouver un nom.

    Je relève la tête quand la voix de la jeune femme s’élève et je souris.

    — Je pensais que tu aurais déjà choisi. 

    Je quitte le fauteuil où je suis installé depuis notre arrivée ici pour me rapprocher du lit.  Je m'assois au bord pour pouvoir discuter plus facilement avec elle et qu’elle puisse profiter  elle aussi de son bébé. 

    — Je ne voulais pas choisir toute seule. 

    Elle répond d’une petite voix et je comprends qu’il va falloir que l’on décide ensemble. Je baisse les yeux vers le bébé qui dort profondément, je dois avouer qu’au cours du mois qui s’est écoulé, je n’ai pas pensé une seule fois à comment l’enfant allait s’appeler. Je ne voulais pas vraiment en entendre parler et je ne pensais pas que ma vie serait chamboulée comme ça, juste en le voyant arriver. 

    — Et bien, je n’ai pas bien connu mon grand-père paternel, mais c’était un homme sage, il me disait toujours que si j’avais un fils, alors le meilleur nom possible à lui donner serait Kyet. 

    Je lui propose sans vraiment hésiter, comme si ce choix coulait de source pour moi. Même si auparavant cela n’avait pas vraiment d’importance je dois bien avouer, que maintenant, ça en a et j’aimerais vraiment que Aim accepte de nommer notre fils de cette manière.

    — C’est très joli Drake, ça lui irait bien.

    Quand elle approuve, mon sourire s’agrandit et aussitôt je baisse les yeux sur le bébé et le berce doucement.

    — Bienvenue Kyet. Aim… même si je n’ai pas semblé heureux sur le moment. Merci beaucoup. 

    Mon cœur se gonfle de joie, j’ai envie de crier, pleurer et hurler mon bonheur au monde entier. Je prends une profonde inspiration, mis à part avec Frank, je n’ai jamais été très doué pour exprimer ce que je ressens. 

    — Merci de m’avoir offert ce magnifique cadeau. Je n’ai pas les mots, je me sens très heureux de l’avoir dans mes bras et… il est parfait.

    J’ai un petit rire nerveux, je me sens un peu ridicule de dire des choses pareilles, mais même si on n’est pas partis du bon pied, j’ai vraiment envie que l’on puisse trouver un équilibre entre le bébé et nos vies privées. Aim caresse la joue de Kyet, un petit sourire sur ses lèvres.

    — Je suis heureuse aussi que l’on soit là ensemble. 

    Sa voix est fatiguée et je m’en veux de devoir la calmer tout de suite, mais je dois encore insister et mettre les choses au clair.

    — Aim… l’arrivée de Kyet, même si je l’aime déjà… ça ne change rien d’accord ? Tu seras une amie, mais jamais rien de plus. J’aime réellement quelqu’un. 

    Je prends une profonde inspiration alors qu’elle baisse les yeux, visiblement peinée par mes paroles.

    — Je comprends. 

    Elle murmure en se laissant retomber sur ses oreillers et le silence retombe dans la chambre.

    Je vais tranquillement me réinstaller dans le fauteuil et c’est au moment où Kyet réclame à manger que je me rends compte que Frank n’est pas arrivé et surtout qu’il ne m’a pas répondu. La journée touche à sa fin et je commence sérieusement à m’inquiéter.

    Je laisse Aim et sort de la chambre pour l’appeler. Plus l’appel s’éternise et plus mon cœur accélère jusqu’à ce qu’il s’arrête brutalement quand je tombe sur la messagerie. J’appelle plusieurs fois, mais le résultat est toujours le même, il ne prend pas mes appels.

    Je prends à peine le temps de prévenir Aim que je dois partir, que je suis déjà dans un taxi, en train de me ronger les ongles. L’idée qui s’insinue dans ma tête est juste terrible et je continue de l’appeler encore et encore. Mon cœur s’émiette à chaque fois que la voix de la messagerie m’explique que mon correspondant n’est pas disponible.

    Je paye trop le chauffeur de taxi, je n’attends pas ma monnaie que je me précipite vers la maison de Frank. Je frappe à la porte sans m’arrêter, je suis en train de laisser la panique me gagner et si je me sens soulagé quand la porte s’ouvre, c’est de courte durée. 

    — Madame, est-ce que Frank est là ?

    Je ne me rends même pas compte que je ne la salue pas, je veux juste savoir. Son sourire s’efface petit à petit, son visage se crispe légèrement avant qu’elle ne soupire longuement et alors je remarque ses yeux rouges.

    — Il est parti Drake. 

    Je la fixe sans comprendre quand elle me réponds.

    — Quoi ? Mais… mais...il revient quand ? Bientôt… Il ne me répond pas… je… 

    J’ai le souffle court alors que je repousse l’idée qu’il m’ait quitté. Je ne peux pas l’envisager, pas après cette nuit, pas après toutes nos promesses et nos ‘je t’aime. Il n’a pas le droit de me faire ça. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de repenser à combien il est resté silencieux quand je suis parti et … je me sens nauséeux quand j’en viens à me demander s’il savait déjà à ce moment-là qu'il allait partir. 

    — Il a quitté la ville, il ne reviendra pas.

    Elle m’assène un coup fatal sans même le savoir. J’ai l’impression que je viens de me faire gifler, je recule d’un pas, puis de deux. Je passe ma main sur ma bouche pour essayer de me reprendre. 

    — Je… où est-ce qu’il est parti ? Je peux le rattraper… je dois lui parler.

    Je serais prêt à me mettre à genoux pour qu’elle me donne l’information. Je ne peux pas le laisser s’enfuir, il avait promis de rester avec moi. Je peux le rattraper, le ramener à la raison et je ferai tout pour qu’il me pardonne.

    — Je suis désolée Drake, on lui a promis que l’on ne dirait rien à personne, pas même à toi. 

    Je suis soufflé, j’ai la nausée et je n’entends même plus sa voix alors qu’elle continue de me parler. Lentement, je fais demi-tour, je quitte leur maison sans écouter quand elle m’appelle par mon prénom. Plus rien n’a d’importance maintenant, Frank m’a quitté, il est parti. Je marche d’un pas lent jusque chez moi, complètement déconnecté du monde. J’entre dans la maison pour tomber sur mes parents en train de se préparer, je me souviens vaguement qu’ils devaient passer voir leur petit fils et la surprise se lit sur leur visage.

    — Drake, tout va bien ? Il y a un problème avec Aim et le bébé ?

    Je tombe à genoux devant ma mère que je dépasse habituellement de vingt bon centimètres. J’entoure sa taille de mes bras avant de poser ma tête sur son ventre et j’éclate en sanglots. Je n’arrive même pas à me souvenir de à quand remonte le dernier câlin que j’ai fait à ma mère. 

    — Il m’a quitté maman. Frank m’a quitté, il est parti. Je l’aime tellement… comment je vais faire sans lui ? 

    J’ai à peine conscience que je suis en train de leur révéler avoir eu une relation amoureuse avec un homme, à cet instant, je vis mon premier chagrin d’amour. Je pleure à gros sanglots, je sens chaque morceau de mon cœur se détacher des autres petit à petit. Elle ne me répond pas, elle ne cherche pas à me rassurer, à me juger ou quoi que ce soit, elle se contente de me caresser les cheveux tendrement, comme quand j’étais un petit garçon et que j’avais du chagrin. Mon père se rapproche, lui aussi reste silencieux, mais là dans notre petite entrée, alors que je souffre le martyre, sa main qui se pose sur mon épaule en la serrant doucement est un grand réconfort.


    Notes

    Kyet signifie Honorable en Thaïlandais



  • Commentaires

    4
    Mardi 26 Décembre 2023 à 21:36

    Ben je suis fachée contre Frank. pour un qui ne voulait pas être abandonné et qui avait peur. c'est lui qui le fait vivre à Drake et en plus sans rien dire; il part juste comme ça sans mot dire et dans son dos sans même penser au ressenti de Drake, ce même ressenti que lui ne voulait pas vivre.  Sale egoïste. 

    3
    Vendredi 4 Mars 2022 à 20:36

    Mais, mais....non....

    Attention que du spoil :

    Il s'est passé tellement de chose dans ce chapitre, la naissance du petit Kyet, l'amour inconditionnel en tant que père qu'à Drake, son pressentiment  que s'il part de l'hôtel il perdra Frank et ce que Frank a fait je m'y attendais tellement pas, je pensais qu'ils allaient tout affronter ensemble pas que........

     

    Oh je vais vite lire la suite je ne peux pas attendre plus, j'espère.....je ne sais même pas  ce que j'espère mais bref j'aime beaucoup cette histoire je suis à fond dedans

    2
    Mercredi 9 Février 2022 à 22:15

    cry Merci pour ce chapitre très prenant! cool

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