• Chapitre 6

    Chapitre 6

    Je n’arrive toujours pas vraiment à cerner la personnalité de Pond. Je vis chez lui depuis quatre jours et parfois, il se montre souriant, agréable et on passe un bon moment ensemble. Puis, quelques heures plus tard, il est froid, distant et s’isole complètement. 

    Depuis la première journée où je l’ai suivi lors de son programme, je m’assure qu’il mange correctement le matin, mais surtout qu’il a un bento équilibré pour ne pas rester toute la journée sans se restaurer. Petit à petit, il rechigne moins à manger le matin et à suivre mes instructions. 

    J’ai passé tout mon deuxième jour de travail au téléphone avec ma mère, pour avoir d’autres recettes à lui faire. On peut dire qu'elle a été surprise de ma reconversion, elle m’a dit de ne pas en parler tout de suite à mon père qui risque de ne pas être ravi de mon choix. Cependant, elle me soutient et a hâte que je puisse lui raconter mes journées. 

    — Pond, je te prépare des repas pour demain, je ne serais pas là, je dois repasser à mon appartement pour récupérer des affaires.

    Je suis dans la cuisine, on est samedi soir et demain, c’est mon jour de repos. Alors pour être sûr que tout se passe bien, j’ai préparé à manger à l’avance et je stocke tout dans le frigo dans des boîtes. 

    — Je peux me débrouiller une journée, tu sais. 

    — Je ne voudrais pas que l’on dise que je fais mal ton travail, réponds-je sans vraiment réfléchir à ce que je dis. 

    Je fais un peu de bruit en rangeant le frigo et je n’entends pas sa réponse qui est inaudible. Alors je me redresse pour le regarder et son visage s’est assombri en l’espace de quelques secondes. 

    — Qu’est-ce que tu as dis ?

    Nos regards se croisent, mais il détourne rapidement le regard et prend son téléphone pour envoyer un message à je ne sais qui.

    — Rien… je vais me coucher, dit-il en me tournant le dos et en rejoignant les escaliers. 

    — Je croyais que tu voulais regarder un film, demandé-je un peu perturbé par son comportement. 

    Il ne s’arrête pas, pourtant, c’est lui qui m’a proposé de faire ça ce soir. J’étais content que pour une fois il ne s’enferme pas dans sa chambre et j’espérais que l’on pourrait faire un peu plus connaissance. 

    — J’ai plus envie, je suis fatigué.

    La porte claque derrière lui et je soupire en fermant le frigo et en commençant à ranger ce que j’avais prévu de grignoter devant le film. Il est encore tôt, mais je n’ai pas spécialement envie de rester seul dans le salon, alors quelques minutes après, je rejoins ma chambre et me laisse tomber sur mon lit.

    J’envoie quelques messages à mes amis et aussi à mes anciens collègues qui me racontent combien ils aimeraient faire comme moi. Tout plaquer pour réaliser leurs rêves. J’ai un rire nerveux, s’il savait que mon rêve c’est transformer en baby-sitting d’une célébrité qui peut sourire joyeusement puis vous foudroyer du regard en l’espace de quelques secondes, ils ne seraient peut-être pas si enclin que ça à quitter leurs postes. 

    Je finis par m’endormir sans même le sentir, encore habillé et au-dessus de la couverture. J’aurais sans doute fait ma nuit sans problème, si mon téléphone ne s’était pas mis à sonner brusquement en plein milieu de la nuit. J’ai du mal à émerger, la lumière de l’écran me fait plisser les yeux et je n’arrive pas à lire qui m’appelle. 

    — Allo ?

    — Mais enfin qu’est-ce que tu fou Phuwin ?

    C’est First, il est en colère et je ne comprends pas pourquoi. On est au milieu de la nuit et je ne me souviens pas que je devais faire un truc spécifique ce soir. 

    — Quoi ?

    — Attends, tu dors ? 

    Je me redresse et me frotte les yeux pour essayer de finir de me réveiller, mon regard se pose sur mon réveil qui indique qu’il est une heure du matin. Il s’attendait à ce que je fasse quoi à part dormir. 

    — Oui, Pond est allé se coucher tôt hier soir. Qu’est-ce qu’il se passe ?

    — Pond n’est pas couché, il n’est même pas chez lui.

    Cette fois, il a toute mon attention, sans attendre, je quitte ma chambre et vais frapper à celle de Pond. 

    — Ça ne sert à rien de vérifier. Actuellement, il fait un live au Sugar Club. Tu dois aller le chercher avant qu’il ne fasse des conneries. Je ne suis pas sur Bangkok.

    — Ok j’y vais.

    Le Sugar Club est l’un des meilleurs club de la ville, le plus cher aussi et si je n’y ai jamais mis les pieds, j’en ai entendu pleins d’histoires. Je me dépêche de récupérer les clés de la voiture puis lance le live de Pond avant de me diriger vers le club. 

    Même si je ne suis pas concentré sur les images, je me rends compte qu’il est complètement ivre, avec des gens qui profite de la situation et qu’il ne faudra que quelques heures avant que les images de Pond en train de boire téquila sur téquila ne fasse le tour de la toile. 

    Il me faut pas loin d’une heure pour rejoindre le Club et si le live de Pond s’est coupé, j’ai reçu plusieurs notifications ayant pour titre “Pond + Ivresse”. Je me mordille nerveusement la lèvre inférieure quand j’arrive enfin à destination et que je gare la voiture pas trop loin de l’entrée. 

    Malgré l’heure tardive, il y a encore la queue devant l’entrée et le bruit de la musique arrive vers nous en sourdine. D’un pas décidé, je m’approche du videur qui me jauge et sait déjà qu’il ne me fera pas entrer. Je suis habillé d’un jean et d’un t-shirt trop large, mes cheveux sont en bataille et je dois encore avoir des traces de sommeil sur le visage. 

    Heureusement, hier, j’ai reçu ma carte d’employé qui me permet de rejoindre Pond quand il n’est pas avec moi. Avant qu’il ne puisse me repousser et faire la joie de ceux qui doivent tromper l’ennui, je sors la carte et lui colle sous le nez. 

    — Je suis là pour Pond Naravit.

    Il se contente de me faire un petit signe de tête vers la porte et de se décaler pour me laisser passer. Même s’il voit beaucoup de monde, Pond fait partie des VIP alors il se souvient forcément de sa présence. 

    Je dévale les quelques marches qui mènent à la salle principale. L’ambiance est festive, l’alcool coule à flot, la musique est assourdissante et les couleurs rouges, bleues et violettes des spots me donnent une sensation d’enfermement désagréable. 

    Je pensais que j’aurais du mal à le retrouver ici, mais finalement, c’est le premier que je vois au milieu de la piste de danse. Mes yeux s’écarquillent quand je comprends qu’il est torse nu et que plusieurs personnes le filment alors qu’il ne se rend même plus compte de ce qu’il fait. 

    Soudain, il lève son verre, renverse une partie du contenu sur lui et pousse un cri de joie, aussitôt imité par le groupe formé autour de lui. Tous boivent leur boissons et une fille s’approche un peu trop près de Pond. 

    Sans attendre je me précipite vers eux et repousse la jeune femme dont les mains se balade un peu trop sur lui. Les yeux vitreux de Pond se fixent sur moi, mais je me demande s’il me reconnaît vraiment. 

    — La fête est finie, il doit rentrer chez lui. 

    Je passe mon bras autour de sa taille et l’entraîne vers la sortie, cependant, il est ivre et n’a pas du tout envie de me suivre gentiment. On est en train de s’offrir en spectacle, alors que je le traîne et qu’il essaie de se rattraper à tout ce qu’il peut pour m’en empêcher.

    — Je veux rester avec mes amis… laisse-moi…

    Je l’ai attrapé par la taille et colle son dos contre mon torse pour essayer de reprendre un peu mon souffle. Lentement, j’arrive à l’attirer dans un coin plus calme à l’abri des regards. 

    — Ce ne sont pas tes amis. Un ami ne te laisserais pas te mettre dans cet état.

    — Tu n’es pas mon ami non plus… tu fais juste ton boulot…

    Je comprends alors son comportement plus tôt dans la nuit, pourquoi il est là et pourquoi il a autant bu. Je l’ai blessé, en remettant mon travail sur le tapis, comme si je n’étais là que pour ça. Oui, c’est ce travail qui me permet d’être proche de lui, mais j’ai réellement envie de m’occuper de lui. 

    — Rentrons à la maison, je te promets que ce n’est pas ce que tu crois. 

    Son corps se relâche contre moi quand il arrête de lutter. Pour reprendre mon souffle, je pose mon front sur son épaule, car même ivre, il a une sacré force et c’est épuisant de lutter contre lui. 

    — Tu me feras à manger ?

    J’ai un petit sourire en coin quand il demande ça d’une petite voix et je sens qu’il ne cherchera plus à me fuir. Alors j’enlève la veste que j’ai enfilé avant de partir et la pose sur ses épaules. 

    — Tout ce que tu veux, mais on doit rentrer pour ça. 

    — D’accord. 

    Je souffle soulagé quand il rend les armes et m’assure qu’il a toutes ses affaires sur lui avant de le guider vers la sortie de la boîte. Avant de passer la porte, je lui met ses lunettes de soleil sur le nez et la capuche de ma veste sur la tête. 

    — Garde la tête baissée et ne dis rien. 

    Il hoche mollement la tête et après une grande inspiration on sort dans la rue où aussitôt des murmures se font entendre. Je les ignore et tient le bras de Pond qui me suit docilement vers la voiture. Je me dépêche de lui ouvrir la porte et de le faire monter à l’abri des regards.





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