• Chapitre 6

    Chapitre 6
    Le Cadran Solaire de la Réincarnation

    Peu désireux de mordre la main de celui qui le nourrit, Da Qing toussa sèchement et changea de sujet. 

    — Que s'est-il passé dans le couloir ? Pourquoi ton 'miroir révélateur' a activé une alarme ?

    — Quelque chose nous suivait, dit Zhao Yunlan, mais ça s'est enfui dès que j'ai braqué une lumière dessus ; ça ne voulait probablement pas nous faire de mal.

    — Ce n'était pas le tueur ?

    — Comment ça pourrait l'être ? Tu crois que je ne sais pas faire la différence entre les nouveaux fantômes et les fantômes maléfiques ? dit Zhao Yunlan qui portait toujours Guo Changcheng dans les couloirs. En plus, tu as vu l'empreinte de la main à côté du cadavre, non ?  Des os aussi fins que du bois, des doigts aussi longs qu'un fouet. Quoi que ce soit, ce n'est définitivement pas humain... Bon sang, ce mec est lourd, je vais le poser quelque part.

     Sur ce, Zhao Yunlan jeta négligemment Guo Changcheng dans un coin. Il le regarda avec indifférence pendant un moment, comme s'il était décidé à partir et à laisser le gars se débrouiller tout seul. Au bout d'un moment, cependant, il s'agenouilla et sortit une petite bouteille. Il versa un peu de substance autour de Guo Changcheng en formant un cercle, puis se mordit le doigt et étala une goutte de sang sur le front de Guo Changcheng. Le sang fut instantanément aspiré dans sa peau, et le stagiaire pâle parut beaucoup mieux d'un seul coup. Zhao Yunlan lui donna une légère claque sur la tête, et jura dans son souffle. 

    — Bon à rien, tu es tellement pénible.

    — Arrête, Yunlan, regarde ta montre.

    Zhao Yunlan baissa les yeux, et sa montre révélatrice était redevenue rouge. Da Qing couina à ses pieds, et lorsqu'il suivit le regard du chat, il vit une silhouette âgée vêtue d'un linceul sombre se tenant derrière eux.

    La silhouette se tourna et s'éloigna, mais après deux pas, elle s'arrêta ; elle semblait vouloir les mener quelque part.

    — Un nouveau fantôme ? demanda Da Qing en se précipitant en avant sur ses courtes pattes, miaulant et grommelant. En plein jour... il doit avoir perdu la tête.

    — Ferme-la, tu ne vois pas qu'elle est muette ? Et tu ne vois pas qu'elle est encore vivante ? Elle marche sur deux jambes au lieu de flotter dans les airs ! T'as perdu ta tête de chat, gros lard ?

    Quand ils tournèrent au coin de la rue, la vieille femme avait disparu. Devant eux se trouvait un escalier menant au toit du bâtiment.

    Da Qing éternua et souffla.

    — Quelle grosse bouffée de ressentiment.

    Zhao Yunlan le prit dans ses bras.

    — On dirait que ce n'est pas le professeur Shen mais la vieille dame qui nous a conduits ici ; montons jeter un coup d'œil.

    L'homme et le chat montèrent avec précaution les escaliers, qui semblaient squameux et vivants sous leurs pieds. D'innombrables créatures sortaient des ombres de l'obscurité et agrippaient ces êtres vivants qui osaient s'immiscer dans leur domaine, mais elles étaient méchamment repoussées dès qu'elles touchaient les jambes du pantalon de Zhao Yunlan.

    — Chaque école a un quota de suicides chaque année, donc tant que personne ne meurt plus que ça, ce n'est pas un gros problème, dit Zhao Yunlan. Mais j'ai entendu dire que l'université de la Cité du Dragon a dépassé la limite pendant trois années consécutives. Les bâtiments du campus d'origine sont vieux et pas hauts, donc on ne peut pas être sûr de mourir si on en saute. Seul ce nouveau gratte-ciel semble assez haut pour convenir.  De plus, la structure intérieure en forme de labyrinthe a dû piéger pas mal de choses désagréables ; leur ressentiment va s'accumuler avec le temps.

    Ils étaient en haut de l'escalier, mais la porte en fer rouillé donnant sur le toit était fermée, une faible lumière brillait à travers la fente. Zhao Yunlan sortit une carte d'accès et l'ouvrit. Puis il brandit son briquet et se dirigea lentement vers le toit.

    Depuis le toit du dix-huitième étage, on avait une vue imprenable sur le campus luxuriant de l'Université de la Cité du Dragon et sur le centre ville animé. Une fille se tenait sur le toit, tournée vers l'extérieur. Zhao Yunlan la sonda prudemment.

    — Hé, l'étudiante...

    Avant qu'il n'aille plus loin, la fille grimpa sur la balustrade et sauta ! Zhao Yunlan se précipita instinctivement en avant et tenta de l'attraper. Sa main toucha le dos de la fille, mais elle la traversa. La fille disparu, comme un mirage.

    Le chat noir bondit en avant comme une balle. 

    — Alors ? C'était un humain ?

    — Je ne suis pas sûr, elle était trop rapide.

    Zhao Yunlan se frotta inconsciemment les doigts. 

    — Je n'ai pas eu le temps de savoir si...

    Zhao Yunlan était né en possédant le troisième œil. Depuis son enfance, il était capable de voir les fantômes. Mais à cause de cette capacité, il était difficile pour lui de distinguer un humain d'un fantôme s'il ne regardait pas de plus près.

    Le chat noir était sur le point de dire quelque chose, mais des bruits de pas se rapprochèrent derrière eux. En se retournant, Zhao Yunlan vit la même fille, tête baissée, marcher lentement jusqu'au dernier étage. Son visage était flou et son expression indéchiffrable. Avant que Zhao Yunlan ne puisse ouvrir la bouche, elle accélèra, comme si elle se précipitait vers la cafétéria, et s'élança du haut du bâtiment.

    Zhao Yunlan tendit la main, l'attrapa par l'épaule, mais la même chose se produisit : sa main la traversa et elle disparut. 

    Par la suite, c'était comme si sauter d'un immeuble était devenu la nouvelle mode ; l'une après l'autre, des filles floues se précipitèrent de partout pour se jeter dans le vide. Zhao Yunlan tenta de toutes les attraper, mais aucune d'entre elles n'était tangible. En peu de temps, il était trempé de sueur.

    Da Qing avait abandonné à la huitième fille et s'était assis comme une statue à côté de Zhao Yunlan affolé, sa queue battant impatiemment de gauche à droite comme un pendule. 

    — Arrête de leur courir après. C'est soit un esprit lié à la terre, soit une illusion résiduelle d'un ancien suicide.

    Zhao Yunlan l'ignora. Zhao Yunlan était rapide avec ses poings et avait de l'entraînement ; tabasser une poignée de hooligans n'était pas un problème pour lui. Mais son physique était moyen, sa vie irrégulière, et il ne faisait pas assez d'exercice. Après quelques rounds, il était assez essoufflé. Le chat noir soupira. 

    — Un ou deux, ça va, mais trois ? Et tu en as attrapé huit ! Tu ne vois pas qu'elle n'est pas humaine ?

    — Comment sais-tu qu'il s'agit de la même personne ? Quelle est ta preuve que je suis la seule personne ici ? Quand la prochaine arrivera, tu es sûr que nous serons toujours dans le même espace ? Quand elle arrive, tu peux dire tout de suite si c'est un humain ou un mannequin ? Règle numéro trois : ‘Ne faites pas de suppositions’. Tu as mangé les règles en même temps que ta nourriture pour chat ?" Zhao Yunlan jette un regard sévère au chat.

    Face à la force, le chat grossier était faible. Il agitait faiblement sa queue et marmonna.

    — Tu essaies de m'apprendre ! J'ai quelques milliers d'années, et toi, petit morveux, tu oses te faire passer pour un chef et me donner des leçons..."

    Zhao Yunlan ne recula pas. 

    — Si tu ne la fermes pas, je vais réduire ta nourriture pour chat.

    Le chat sage réduit ses voiles, et Da Qing changea rapidement de ton. 

    — Miaou…

    Juste à ce moment, la neuvième fille suicidaire se précipita en avant. Zhao Yunlan cria : 

    — Hé la fille, attends ! !!

    Elle l'ignora, et fonça en avant comme une flèche.

    — Putain de merde !

    La main de Zhao Yunlan rencontra à nouveau de l'air, et oubliant tous ses sermons vertueux, il frappa furieusement sa main sur la balustrade froide et dure. 

    — Hmmm... dit Da Qing en s'approchant et posant ses deux pattes avant sur la balustrade et renifla la zone avec attention. En fait, tu pourrais avoir raison. Alors que les esprits terrestres ressemblent parfois à des disques rayés, piégés dans une boucle sans fin de leur propre mort, ils ne sont généralement pas si pressés de mourir.

    — Alors qu'est-ce que c'est ? demanda Zhao Yunlan.

    — C'est du ressentiment. expliqua Da Qing qui arborait une expression solennelle sur son visage rondouillard et bouffi. Le suicide est une cause de mort non naturelle, donc ces esprits ont de grandes chances de ne pas pouvoir se réincarner. Certains de ces esprits sont piégés entre les royaumes des vivants et des morts, ils deviennent incomplets et oublient leur identité.

    — Un endroit où il y a beaucoup de ressentiment te met certainement mal à l'aise, mais il n'est pas nuisible, pas vrai ? demanda Zhao Yunlan.

    — Ça ne l'est probablement pas. Mais puisque le ressentiment vient de fragments d'esprit, plus ils se rassemblent, plus ils pourraient devenir assez forts pour se solidifier. Cette fille pourrait être le résultat d'innombrables esprits brisés formant du ressentiment. 

    — Que se passera-t-il quand ils se solidifieront "

    — Rien, vraiment. Le ressentiment est différent de la colère, il n'est pas aussi vicieux. Seuls ceux qui sont infestés de fantômes en premier lieu sont hantés par le ressentiment. Le ressentiment n'a certainement pas le pouvoir de toucher la fille, et encore moins de lui ouvrir le ventre, expliqua le chat noir. Donc je pense que nous ferions mieux de partir. Il n'y a rien pour nous ici.

    Zhao Yunlan hésitait.

    Le chat soupira. 

    — Oh toi. Quand tu es censé avoir des principes, tu fais n'importe quoi, mais quand tu es censé être flexible, tu t'entêtes. Le jeton de gardien a été transmis à travers les millénaires, ces règles n'ont plus d'importance. Dois-tu vraiment être aussi obsessionnel ?

    — Non, mais je pense toujours…

    Zhao Yunlan se tut alors que la dixième fille s'approchait. L'homme et le chat se tendirent alors que la fille se précipitait en avant, sautait par-dessus la clôture, et fit un saut suicidaire comme toutes les précédentes.

    Zhao Yunlan sentit qu'il y avait quelque chose de différent et se jeta en avant de toutes ses forces, attrapant la fille par la taille. Les veines bleues de ses mains se gonflèrent tandis qu'il s'efforçait de remonter la fille ; cette fois, il s'agissait d'une personne réelle.

    Le chat noir fut étonné et sauta rapidement sur la barrière, ses yeux émeraudes le fixant intensément.

    Zhao Yunlan se trouvait dans une position délicate ; il lui fallait toute sa force pour s'accrocher à la fille et il n'arrivait pas à la remonter. Sa jambe était coincée dans la balustrade et tout le haut de son corps était sur le point de céder à la gravité. La fille se balançait dangereusement depuis le dix-huitième étage. Soudain, elle se rendit compte de sa position, poussa un cri strident et commença instinctivement à se débattre.

    Zhao Yunlan criait désespérément.

    — Si vous continuez à bouger, vous allez vous retrouver comme une pizza au milieu de la rue ! Ne bougez pas !

    À cet instant, la balustrade craqua ; peut-être qu'elle était vieille ou qu'elle ne pouvait tout simplement pas supporter le poids d'une personne. En tout cas, elle se détachait.

    Zhao Yunlan ne semblait pas l'avoir remarqué et continuait.

     — Restez calme, n'ayez pas peur, tenez-vous bien...

    Soudain, avec un grand "clang", la balustrade se brisa.

    Zhao Yunlan entendit des rires sinistres : c'était comme si le toit était rempli de gens, toute une foule qui se tenait là, indifférente, jubilant et ricanant. Da Qing hurla frénétiquement.

    — Miaou !!!

    Juste à temps, un homme ouvrit la porte du toit d'un coup de pied et se précipita vers l'avant à la vitesse de l'éclair, juste au moment où la balustrade commençait à tomber. Zhao Yunlan déplaça instantanément son poids sur ses talons, juste à temps pour pousser la fille dans les bras de la personne qui s'était précipitée.

    Ensuite, il se retrouva dans le vide, s'accrochant à peine au bord du toit. Da Qing comprit enfin : la personne qui s'était précipitée en avant est le professeur Shen. 

    Shen Wei poussa immédiatement la fille derrière lui et s'empara de Zhao Yunlan, qui vacillait de façon dangereuse.

    —  Donnez-moi votre main, et l'autre, vite !



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