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Chapitre 4
Chapitre 4J'entrai dans la salle de classe avec un sourire de victoire. Les amis présents dans la salle tournèrent la tête et me regardèrent avec des yeux pleins de stupeur. Je me dirigeai alors vers un bureau près de la fenêtre et je croisai les jambes en regardant dehors. Et je pris une grande bouffée d'air frais dans mes poumons.
— Bunn !
Whinn, mon camarade de classe, se glissa sur mon bureau, et sa forte voix retentit.
— Merde, Bunn ! Tu déchires !
— De quoi tu parles, Whinn ? dis-je en me retournant et fronçant les sourcils vers mon camarade de classe.
A ce moment-là, Whinn n'était pas la seule personne à planer au-dessus de mon bureau. Sonn, Poon, Thid et la bande de copains m'entourèrent de leurs cris et de leurs hurlements.
— Comment as-tu fait ?
— Si je ne me trompe pas, n'as-tu pas joué au foot avec moi juste avant l'examen ?!
— Quand est-ce que tu as plongé ton nez dans les livres ?!
Je levai les mains pour faire signe à tout le monde d'arrêter de parler.
— Hé, vous tous, calmez-vous. Merci pour ces mots gentils. Je suis touché, vraiment ?
Et ils se mirent à hurler jusqu'à ce que Mme Phannee, notre professeur principal, entre en scène. Mes amis se dispersèrent rapidement, retournant à leurs places respectives avant qu'elle ne se mette en colère.
— Levez-vous, tout le monde ! prononça Narmfon, notre beau président de classe.
Tout le monde joignit leurs paumes, saluant notre professeur à l'unisson. Mme Phannee fit alors un hochement de tête en guise de réponse.
— Bonjour, chers élèves. Tout d'abord, félicitations aux élèves qui ont réussi l'examen d'entrée à l'université. Vous êtes très brillants.
Son regard sévère se porta sur moi.
— Surtout vous, Mr Bunnakit. Félicitations, vous êtes le seul étudiant à avoir été accepté à l'école de médecine pour cette année académique.
Malgré le compliment peu enthousiaste de Mme Phannee, j'affichai un sourire rempli de provocation. Voyez-vous, Mme Phannee et moi étions proches parce qu'elle m'avait toujours réprimandé au bureau de discipline. J'étais un élève assez indiscipliné, je séchais constamment les cours, je portais mal l'uniforme. Sans parler du fait que je me battais souvent avec des élèves d'une école voisine.
Cependant, même avec tous ces défauts, personne ne pouvait nier mes excellentes compétences académiques. J'aimais étudier. Je m'enthousiasmais chaque fois que je rencontrais une équation de physique ardue et complexe. Mon cœur s'épanouissait de joie chaque fois que j'avais été le premier étudiant à trouver des solutions au calcul. Mes notes n'étaient peut-être pas au mieux de leur forme en raison des nombreuses déductions faites sur mes scores aux tests d'aptitude. Néanmoins, j'avais toujours été l'un des meilleurs élèves de ma classe, et c'est pourquoi j'avais pu garder la tête haute dans cette petite école privée sans me faire renvoyer.
Je devais agir ainsi pour dissimuler quelque chose. Mes comportements indisciplinés me donnaient l'impression d'être redoutable - je devais me comporter comme le chef d'une bande de voyous pour que personne n'ose s'immiscer dans ma vie privée.
Après les cours, je dévalai les escaliers en courant, mon sac sur le dos. Je devais me dépêcher de rentrer à la maison pour fêter ce succès avec mes parents. Le fait que j'aie été accepté dans une école de médecine leur avait causé autant de choc que de fierté. Considérez cela comme une manière de me faire pardonner mes comportements turbulents du passé - Maman, Papa.
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— Bunn !
Le son de quelqu'un m'appelant me fit m'arrêter. Je ne me retournai pas pour regarder. Les pas derrière couraient vers moi. Sa main saisit mon poignet.
— Quoi ? répondis-je en le regardant du coin de l'œil.
— Bunn, je suis désolé, dit-il en serrant fermement mon poignet.
Je retirai sa main et poussai un soupir de lassitude. Heureusement, personne ne passait sur le sentier à cet instant.
Il s'agissait de Tarr, mon camarade de classe au lycée (Terminale), qui se trouvait dans une autre classe. Je regardai froidement son beau visage.
— C'est fini, Tarr, dis-je d'un ton glacial. Il n'y a pas à s'excuser.
— Mais je ne veux pas que ça se termine. J'ai été un idiot, et je le sais. Je vais arranger les choses. Je dirai à tout le monde que ce n'était qu'une blague.
— Je ne me sentirai pas mieux pour autant.
Je me tournai vers Tarr, les mains dans les poches. Je penchai la tête pour regarder mon ex-petit ami d'un air impassible.
— Fais ce que tu veux. Vas-y, crie à toute l'école que je suis gay. Bientôt, j'aurai intégré un nouveau groupe d’amis à l'université. Je m'en fiche.
Tarr baissa la tête, serrant fermement sa main.
— Mais tu ne penses pas que rompre avec moi juste parce que j'ai parlé de nous à quelqu'un d'autre n'est pas trop exagéré ? Je ne veux pas cacher ça à qui que ce soit.
— Je croyais que tu avais dit que tu voulais arranger les choses en rectifiant la situation. Tu voulais parler de nous à tout le monde tout à l'heure, qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as plus envie d'en parler autant ?
Je rapprochai mon visage du sien.
— C'est fini, Tarr.
J'avais toujours essayé de cacher mon identité sexuelle. Tarr et moi avions commencé à sortir ensemble en Première. Avant cela, je ne le connaissais que comme l'un de mes camarades de classe, mais Tarr s'était intéressé à moi, essayant de m'approcher depuis que j'avais déménagé pour étudier ici. J'avais admiré son courage et nous avions eu une relation secrète pendant plusieurs mois, jusqu'à il y a trois jours. Je ne sais pas ce qui l'avait poussé à le faire. Il avait raconté notre histoire à ses camarades de classe. Alors, ses amis étaient venus me voir et ils m'avaient demandé si c'était vrai ou non.
Bizarrement, je ne m'étais pas senti en colère. Au contraire, j'avais été heureux d'avoir une raison de le larguer. Parce que je n'aimais pas cet homme. À vrai dire, je n'avais jamais aimé personne.
Je sentis la colère émaner de la personne qui se trouvait en face de moi.
— Ne pense pas que tu puisses le cacher à tous les autres étudiants de la faculté de médecine. Tu peux cacher d'autres choses, mais tu ne peux pas cacher celle-là,dit Tarr, d'un ton impassible.
— Ça n'a pas d'importance. Cela n'a rien à voir avec nous, laissai-je échapper dans un soupir audible.
Je tournai les talons et je m'éloignai, sans faire attention à lui. Je savais que je l'avais fait souffrir, mais un homme avec un visage comme le sien n'aurait pas de mal à trouver quelqu'un d'autre. Bientôt, il y aurait une fête de fin d'études au lycée ; tout le monde déploierait ses ailes et s'envolerait loin de la société lycéenne pour relever d'autres défis. J'avais décidé de créer ma nouvelle identité lorsque je deviendrais étudiant en médecine. Bunnakit, le garçon turbulent et nuisible, disparaîtrait. À la place de Bunnakit qui aimait les garçons, il sortirait avec des femmes.
Pourquoi ? Vous vous demandez peut-être.
Eh bien, la société est encline à accepter ce type de relation, voilà pourquoi.
J'atteignis un arrêt de bus situé à proximité de la clôture de mon école, et je m'assis sur un banc à côté d'un garçon en uniforme d'écolier. Je le regardai un moment, puis mes yeux s'égarèrent sur les véhicules dans les rues de la métropole, me remémorant mon passé. À l'époque, j'étais dans une école prestigieuse et j'avais eu une relation publique, qui s'était avérée catastrophique, avec un élève plus âgé que moi. Malgré mes résultats scolaires, je n'avais pas supporté d'être condamné, discriminé et malmené par les autres camarades de classe. C'est pourquoi j'avais quitté cette école prestigieuse pour rejoindre cette petite école privée lorsque j'avais atteint le lycée.
Pourquoi ? Parce que j'étais gay. Même si je sortais avec des hommes, c'était un à la fois. Malgré cela, la société m'avait toujours piétiné avec un dégoût sans bornes. Et pendant ce temps, ils chantaient les louanges des hommes, comme Pert, un coureur de jupons, ou d'autres brutes.
La société m'avait transformé en ce genre d'homme, ma véritable identité s'enroulant dans une carapace épaisse et solide. Tout ce qui était en surface n'était pas réel. Et il en avait toujours été ainsi jusqu'à ce que je grandisse et que j'obtienne mon diplôme de médecin légiste.
Mon identité était devenue un secret profondément enfoui, si profondément que parfois, je n'arrivais même pas à la retrouver. Avec toutes ces pertes d'identité, même moi, j'en avais oublié qui j'étais vraiment.
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— Dr. Bunn ! Dr. Bunn ! cria quelqu'un avec effroi.
Je me réveillai en sursaut, les yeux grands ouverts. La lumière brillante qui éclairait mes yeux m'obligea à les fermer rapidement. Je poussai un léger gémissement et levai la main gauche pour me couvrir les yeux.
— Dr. Bunn, vous êtes réveillé ?
Je perçus un son de soulagement insuppressible.
Je me forçai à ouvrir les yeux pour me laisser entrevoir la lumière. Il s'agissait de la lumière au plafond de cette pièce. Une aide-soignante l'avait peut-être allumée lorsqu'elle était venue prendre mon pouls. Confus, je clignai des yeux précipitamment, me tournant vers l'aide-soignante qui tenait un tensiomètre.
— Qu... Quelle heure est-il ?
— Il est 4 heures du matin, docteur, dit l'aide-soignante, je suis venue vérifier votre tension artérielle et j'ai vu que vous dormiez comme un roc. J'ai dû vous appeler bruyamment, j'ai cru que votre Score1 avait baissé. Je vous prie de m'excuser si je vous ai fait peur.
— Ce n’est pas grave, dis-je en reposant ma main sur ma tête, avec l'impression d'avoir oublié quelque chose.
La silhouette d'un homme vêtu d'un sweat à capuche noir apparut soudainement dans mon esprit. C'était bien cela. L'intrus s'était faufilé dans ma chambre. Les détails de ce qui s'était passé par la suite étaient flous, comme s'ils étaient enveloppés d'un épais brouillard. Je me tournai rapidement vers le flacon de sérum physiologique, puis vers le cathéter IV implanté dans le creux de mon bras gauche.
Ou n'était-ce qu'un rêve ?
— Quelqu'un est-il entré dans ma chambre la nuit dernière ? demandai-je en me retournant vers l'aide-soignante venue mesurer ma tension artérielle.
— Euh... je n'ai vu personne. Sauf un de vos proches, un grand et beau garçon, qui est venu demander votre chambre hier soir.
Elle devait parler de Pert. Il avait dû prétendre être un faux parent pour obtenir l'autorisation de me rendre visite.
— Et après ?
— Je n'ai vu personne entrer dans le service. Quelque chose ne va pas ?
Elle plaça un thermomètre sous mon aisselle.
Je laissai échapper une longue expiration de soulagement. Il n'était pas inhabituel de faire des cauchemars après ce genre d'expériences traumatisantes. De toute façon, le meurtrier ne devrait pas pouvoir entrer ici. Un mouvement de doigts agiles ajustant la perfusion et une manipulation habile de l'injection provenaient probablement de mes connaissances mêlées à mes rêves. Le thermomètre émit un son et l'aide-soignante le retira pour relever ma température.
— Pas de fièvre. Reposez-vous, docteur. Le Dr Surasak devrait arriver vers 8 heures pour le premier tour.
— D'accord, dis-je en fermant mes paupières lourdes.
Le Dr Surasak, un chirurgien, était mon collègue. Lui et moi étions assez proches.
Je demandai à l'aide-soignante de laisser la lumière allumée jusqu'au matin. Après qu'elle ait quitté la chambre, je tâtonnai pour attraper le téléphone de Pert, qui était posé à côté de moi. J'allumai l'écran et le regardai en silence. Une sensation de chaleur aiguë me traversa la poitrine, ce qui me rassura. Même si je n'aimais pas beaucoup Pert au lycée, maintenant que nous étions devenus adultes, c'était agréable de l'avoir à mes côtés. Nous étions de bons amis et nous nous entraidions. S'il n'avait pas aimé les femmes, je serais tombé amoureux de lui.
Je secouai la tête pour chasser cette pensée. Non, Bunnakit, tu ne peux pas. Avec ma carrière, ma réputation, les attentes de ma famille et cette société cruelle, je ne pouvais pas me permettre d'avoir des sentiments pour les hommes. Mon bonheur n'était pas essentiel. Ce secret devait rester un secret pour l'éternité.
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Surasak et l'interne vinrent à mon chevet à 8 heures précises. Il décida de me laisser sortir de l'hôpital car il n'y avait pas d'hémorragie intra-cérébrale et, dans l'ensemble, mon état s'était considérablement amélioré. Surasak me demanda de prendre quelques jours de repos. Après son départ, la première chose que je fis fut d'appeler Pert pour m'enquérir de l'évolution de la situation et demander des conseils pour trouver un abri temporaire. Ce téléphone portable avait mémorisé le nom de l'autre téléphone en tant que " Téléphone de Pert n° 1 ".
La tonalité d'appel retentit pendant plusieurs instants avant d'être interrompue. Je pressai à nouveau le bouton d'appel - toujours la tonalité de retour d'appel sans réponse.
Un sentiment d'appréhension s'installa progressivement en moi. Pert était peut-être en train de conduire pour se rendre au travail.
J'étais sur le point de l'appeler pour la troisième fois lorsque la porte s'ouvrit d'un coup sec - c'était Fai. La petite femme médecin se dirigea vers mon lit, une expression choquée sur le visage.
— Bunn !
On aurait dit qu'elle était sur le point de pleurer.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Et comment vous sentez-vous ?
Je mis fin à l'appel et me tournai vers elle, lui adressant un petit sourire.
— Je me sens beaucoup mieux.
— J'ai été choquée ! J'ai appris la nouvelle ce matin. Le dossier dit que vous avez été agressé ? C'est vrai ? Vous l'avez déjà signalé à la police ?
Fai me bombarda de questions. Je saisis sa fine main, essayant de calmer sa panique. Elle baissa les yeux sur ma main et un léger rougissement apparut sur ses petites joues lisses typiques d'une femme du Nord.
— Je m'en occuperai après ma sortie de l'hôpital. Ne t'inquiète pas. Tu sais que je suis ami avec beaucoup de flics, Fai.
Fai acquiesça.
— S'il vous plaît, dites-moi si je peux vous aider en quoi que ce soit.
Je me dis que j'avais en effet besoin d'aide.
— Fai, peux-tu demander à quelqu'un de me raccompagner ?
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Il était midi et je n'avais toujours pas réussi à contacter Pert. Je mis fin à l'appel avant de charger une grosse valise à l'arrière de la voiture et de fermer la portière avec un bruit sourd. J’avais décidé de rester temporairement à l'hôtel pour des raisons de sécurité. À ce stade, je ne pensais pas pouvoir rentrer chez moi si le meurtrier n'avait pas été appréhendé.
Fai avait demandé à Suthep, l'infirmier des urgences, de me raccompagner chez moi. Par chance, Suthep venait de terminer son service de nuit ; il avait attendu pour me raccompagner à la sortie de l'hôpital. La première chose que j'avais faite en rentrant chez moi avait été de prendre une douche et de m'habiller. J'avais mis toutes les affaires nécessaires dans une valise. Après avoir appelé l'hôtel de la ville pour réserver une chambre, je pris ma voiture et quittai rapidement la maison.
Dès que j'ouvris la porte du seul hôtel luxueux de la ville, un doux parfum parvint à mon nez. Je posai mon sac sur la table en face de la salle de bains et me dirigeai vers le grand lit double, m'y jetant, fatigué. La plaie sur mon front était encore tendue et sensible, mais le mal de tête et la nausée avaient complètement disparu. Je sortis le smartphone blanc et rappelai Pert. Si, par hasard, il avait déjà prévenu la police, alors je n'aurais pas trop de difficultés. Pour l'instant, je devais faire profil bas et continuer à travailler comme d'habitude jusqu'à ce que l'affaire soit réglée et que le meurtrier soit arrêté.
Le numéro que vous avez composé n'est pas disponible...
Je fronçai les sourcils. Il était peut-être au tribunal. Je devrais essayer de le joindre à nouveau après le travail.
Je pris l'ascenseur jusqu'au rez-de-chaussée de l'hôtel. J'avais l'intention de me rendre dans une supérette de l'autre côté de la rue. Je traversai le hall spacieux et magnifiquement décoré de l'hôtel, quelques personnes semblaient être des touristes assis de façon éparse.
— De nos jours, le kidnapping est un jeu d'enfant.
J'entendis une conversation entre deux employés de l'hôtel. Je n'y aurais pas prêté attention si je n'avais pas entendu la phrase suivante d'un autre employé.
— Ouais. C'est d'un procureur qu'il s'agit. Notre province ne semble pas être un endroit où il fait bon vivre.
Quoi !?
Cela me stoppa dans mon élan. Je me tournai vers les deux employés masculins qui discutaient au comptoir et me dirigeai rapidement vers eux. Ils s'écartèrent rapidement l'un de l'autre et me sourirent amicalement.
— Que pouvons-nous faire pour vous, monsieur ?
— De quoi parliez-vous tous les deux à l’instant ? demandai-je nerveusement.
Les employés de l'hôtel affichèrent un léger air choqué.
— Oh... hum, nous parlions des nouvelles sur Internet, monsieur.
— Quelles nouvelles ? dis-je en haussant malgré moi le ton.
— Les nouvelles de l'enlèvement d'un procureur, monsieur. Cela s'est passé dans notre province. Il semble qu'ils aient trouvé sa voiture avec la porte ouverte sur le côté de la route à proximité de la rocade, mais il n'y avait aucun signe du propriétaire de la voiture.
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La brise fraîche soufflait sur le balcon du quatrième étage de l'hôtel. Un ciel bleu clair ne laissait entrevoir aucun nuage blanc. La tête baissée, je restai immobile, les deux bras appuyés sur le balcon. Un déluge d'émotions m'envahissait en même temps, plus que je ne pouvais en supporter. Je saisis le téléphone de Pert qui affichait une page d'informations en ligne.
“Le procureur a été mystérieusement enlevé. Possiblement lié à son travail.”
Les nouvelles mentionnaient explicitement que le “Procureur Songsak”, le nom de Pert, avait disparu. Sa voiture avait été retrouvée sur le bord de la route à l'aube. Personne n'avait rien trouvé d'anormal à ce que la voiture soit garée sur le bas-côté de la route, jusqu'à ce qu'on apprenne que le propriétaire de la voiture était le procureur Songsak. Il ne s'était pas présenté au tribunal et personne ne l'avait vu de toute la journée. Je n'en avais pas cru mes yeux lorsque j’avais lu la nouvelle. Cela ne devait pas être lié à son travail - au contraire, je pensais que je pouvais être la cause de sa disparition. Il était possible que l'intrus sache que j'avais raconté ce qui était arrivé à Pert. Peut-être que Pert avait fait quelque chose qui avait alerté le meurtrier, et qu'il avait fait exactement ce qu'il m'avait menacé de faire.
Alors, ce n'était pas un rêve la nuit dernière ?
Je poussai un grognement d'indignation. Je me sentais à l'étroit et j'avais envie d'exploser et de mourir sur-le-champ. Je devrais vraiment abandonner, c'est ça ? Je devrais faire ce que le meurtrier m'avait dit de faire avant que quelqu'un d'autre ne soit blessé.
Ou devrais-je appeler la police moi-même ?
Mais à cet instant, au fond de moi, je ne pouvais pas me résoudre à faire confiance à qui que ce soit. Le meurtrier semblait être un homme qui avait des yeux et des oreilles partout, peut-être une personne de l'intérieur ou qui connaissait certains policiers.. Serait-ce l'un des subordonnés du capitaine ? Les inspecteurs ? Ou peut-être le capitaine lui-même ?
Je me trouvais à l'endroit où le voile des ténèbres descendait, m'encerclant dans toutes les directions. Je ne pouvais pas voir ce que je devais faire ensuite. Il me forçait à marcher comme une pièce d'échecs sur un échiquier qu'il avait tracé. Je devais falsifier un rapport d'autopsie indiquant que Janejira s'était suicidée et que mon premier rapport sur la manière dont elle était morte était une erreur d'interprétation. À première vue, les preuves indiquant que Janejira avait été assassinée n'étaient peut-être pas évidentes. Mais lorsque je l'avais ouverte, le muscle de son cou n'avait pas pu être endommagé à ce point à la suite d'un suicide. J'aurais pu modifier le rapport d'autopsie, mais la photo du corps disséqué était indéniable. Inutile de dire que j'aurais eu des ennuis plus tard si j'avais falsifié un tel rapport.
Je devais gagner du temps. À ce stade, le processus d'autopsie n'était pas encore terminé. Il restait encore des résultats de laboratoire à obtenir, notamment en ce qui concerne les produits chimiques, les drogues dans le sang et l'urine, ainsi que le sang sous les ongles. Il était regrettable que le meurtrier n'ait laissé aucune trace sur le corps, pas même un seul cheveu.
C'est alors que je décidai de faire quelque chose, j'avais toujours cru en mon instinct, et cette fois-ci n'était pas différente. Je commencerais par le principal suspect, et je trouverais des preuves concrètes pour le condamner avant qu'il ne puisse me faire du mal ou faire du mal aux gens que j'aime.
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Je me trouvais devant un bâtiment commercial situé dans un quartier animé du centre de la ville. Une grande affiche en vinyle était accrochée entre deux balcons de l'immeuble commercial. Le message était le suivant : "Cours de soutien par le professeur Tann : cours intensifs pour les admissions au lycée et à l'université / maths, physique, chimie et biologie".
Il était presque 18 heures. Je vis des adolescents en uniforme scolaire ou en tenue décontractée sortir de l'immeuble et échanger quelques mots. Je pris mon téléphone pour m'assurer que je ne m'étais pas trompé d'endroit avant d'entrer sans hésitation à l'intérieur.
Professeur Tann, ou M. Weerapong Yodsungnern, âgé de 26 ans, était titulaire d'un diplôme en biochimie (avec mention) de la faculté des sciences de l'université la plus réputée du Nord. Il avait ouvert cette école de bachotage depuis un an. Les informations que j'avais obtenues n'étaient pas difficiles à trouver - il suffisait d'ouvrir le fil d'actualité concernant la mort de Janejira, de copier "Weerapong", l'ex-petit ami de la défunte, qui avait découvert le corps, et de chercher des informations sur cette personne. Les informations indiquant ses études étaient apparues clairement sur la page Facebook "Cours de soutien par le professeur Tann", accompagnées d'une carte pratique qui m'avait conduit jusqu'à cet endroit précis. Me voilà donc sur place.
Au rez-de-chaussée du bâtiment, le lieu était aménagé en salle d'attente pour les élèves qui attendaient leurs cours ou pour ceux qui attendaient leurs parents. Je pensai que cet endroit devait être trop grand pour qu'il puisse le gérer seul. Je me dirigeai directement vers une petite pièce séparée par une porte en verre, avec un panneau vert sur la façade, disant : INFORMATIONS.
— Je peux vous aider ?
Une voix douce s'exprimant dans le dialecte local me salua dès que j'ouvris la porte. Je regardai le propriétaire de la voix qui était assis derrière un bureau rempli de paperasse.
— Uh…
Je devais faire en sorte d'être convaincant.
— Je veux plus d'informations sur les cours pour ma nièce.
— Oh ! Bien sûr, quels sont les cours qui intéressent votre nièce ?
— Quels sont les sujets enseignés par le professeur Tann ?
— Biologie et chimie.
La femme me sourit gentiment.
— Si je veux le voir, où puis-je le trouver ?
Son sourire s'assombrit un peu.
— Le professeur Tann enseigne aux élèves en ce moment. Le cours devrait se terminer vers 19 heures.
Sa petite amie venait de mourir, mais il pouvait encore enseigner. Cela me rendit encore plus méfiant.
— Je vous remercie. Dites-lui que quelqu'un veut le rencontrer. J'attendrai à l'entrée.
Je fis demi-tour et sortis de la salle pour m'asseoir sur un banc avec des lycéens.
Je regardai le téléphone de Pert dans ma main, le cœur serré à l'idée que mon meilleur ami avait peut-être déjà été tué. Je savais que c'était risqué. Je n'avais pas apporté d'armes avec moi, mais j'utiliserais cet endroit bruyant et bondé à mon avantage - un bouclier pour me protéger. Je voulais voir son visage, sa silhouette et écouter la voix de celui qui s'appelait Tann. S'il était vraiment le meurtrier, au moins mon apparition aujourd'hui était une déclaration indiquant que je ne resterai pas les bras croisés et que je ne le laisserai pas me bousculer, sans rien faire. Je le mettrai en prison et je récupèrerai Pert.
Le temps passa lentement. Je regardais les jeunes étudiants qui se levaient et quittaient le bâtiment un par un, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que moi et une fille qui jouait à un jeu mobile dans un coin de la pièce. L'horloge accrochée au mur indiquait 19 heures. Je pouvais entendre des mouvements provenant de l'étage supérieur, un flot de bavardages insignifiants qui s'intensifia progressivement. Je vis ensuite un groupe d'étudiants descendre de l'étage supérieur. Le cours du professeur Tan devait déjà être terminé. Je me redressai et jetai un coup d'œil aux escaliers.
C'est alors que je le vis. Derrière les élèves, un homme de grande taille descendait les escaliers. Il portait une chemise noire et un jean. L'homme parlait et faisait un geste pour expliquer quelque chose à la fille qui marchait à ses côtés. Lorsqu'ils atteignirent le rez-de-chaussée, la jeune fille le salua traditionnellement en lui disant au revoir. L'homme répondit par un sourire avant de se diriger directement vers la pièce derrière la vitre, celle dans laquelle j'étais entré tout à l'heure.
J'étais prêt. Je mis mes mains dans mes poches, fixant la porte vitrée avec impatience.
Le professeur Tann quitta à nouveau la salle, regardant autour de lui comme s'il cherchait quelqu'un. C'est alors que ses yeux se posèrent sur moi. Je remarquai une expression de stupéfaction dans le regard de l'homme qui se trouvait devant moi.
Il n'y avait pas lieu d'être choqué comme ça. Les coins de ma bouche se relevèrent légèrement. Je ne pensais pas m'être trompé d'endroit.
Il se rapprocha de moi. Sans le vouloir, je reculai d'un pas, observant son physique avec attention. Avec sa taille et sa silhouette, Tann pouvait passer pour le tueur, sans parler de sa personnalité et de son beau visage, qui le rendaient redoutable et attirant dans une certaine mesure. Il dégageait cette impression d'être un bon professeur.
— Vous voulez me parler, monsieur ?
C'est alors que j'entendis sa voix.
Tann avait une voix profonde et puissante. Sa voix pouvait captiver l'attention de l'auditeur et l'amener à se concentrer sur ses paroles. Je laissai entrer sa voix dans mon esprit, la comparant à celle de l'intrus que j'avais entendu.
Difficile à dire...
Dans mon souvenir, la voix de l'agresseur avait un ton grave semblable à celui-ci, mais chaque syllabe était prononcée à travers un masque de tissu qui rendait la voix anormalement étouffée. À cet instant, tout ce que je pouvais dire, c'est que la voix de Tann était quelque peu similaire à celle de l'intrus, bien qu'il n'y ait pas de certitude à ce sujet. Il était difficile de se souvenir de la voix d'un étranger, surtout dans une situation extrême où l'on était blessé à la tête. Vous voyez, c'était un peu miraculeux que je puisse encore me souvenir de ce qui m'était arrivé.
— Monsieur ? m'appela Tann alors que j'étais devenu silencieux.
Je me repris rapidement et levai les yeux vers l'homme un peu plus jeune - et pourtant un peu plus grand.
— Professeur Tann, c'est ça ?
— Oui, c'est bien moi, répondit Tann. Je vis son regard se porter sur la compresse de la plaie de mon front, puis redescendre rapidement.
— J'ai des questions sur les cours de soutien…
Je maintins la mascarade de mes motivations subtiles, tout en scrutant le comportement de l'homme en face de moi. Tout ce qui paraissait suspect chez lui n'échapperait pas aux yeux aiguisés du médecin légiste que j’étais.
— Ma nièce veut intégrer une école de médecine. J'aimerais avoir des détails sur un cours de biologie, vos horaires d'enseignement et son contenu.
C'est alors que je remarquai quelque chose sur le côté gauche de la tempe de Tann, bien que quelques cheveux sur le devant le dissimulaient. Mais je pouvais voir un petit sparadrap translucide et imperméable couvrant sa tempe gauche, un minuscule point de sang s'infiltrant visiblement à travers le sparadrap. La zone autour de la blessure était une ecchymose rouge foncé, avec un contour circulaire d'un diamètre de 3 centimètres. Le contour n'était cependant pas net, et ce type d'ecchymose avait été causé par un objet contondant. Celle-ci avait dû se produire au cours des 24 heures précédentes, car l'ecchymose rouge foncé semblait relativement fraîche.
Après l'analyse, mes yeux parcoururent rapidement le corps de Tann de la tête aux pieds pour trouver la cause possible de la blessure à la tête. Je cherchai d'autres blessures sur son corps. S'il avait des ecchymoses et de petites coupures éparpillées sur ses membres, la blessure pouvait résulter d’un accident de la route. En revanche, si la blessure apparaissait sur des parties essentielles du corps, comme la tête, il s'agissait plus probablement d'une agression que d'une collision. Tout ce que je pouvais voir de sa peau visible en dehors de ses vêtements, c'était qu'il n'y avait pas d'autres blessures sur son corps.
Les soupçons s'installèrent rapidement dans mon esprit. Je ne me souvenais plus si l'agresseur avait une blessure sur le front.
— Je donne des cours de biologie les lundis, mercredis, vendredis et week-ends, l'après-midi. Le contenu comprend le programme de biologie du lycée. Je me concentre sur les enseignements obligatoires qui figurent souvent dans les examens. Mais si votre nièce veut entrer à l'école de médecine, je pourrais mettre en place un cours spécial pour elle, axé sur les examens de quota et l'examen COTMES2.
Tann leva son poignet pour regarder sa montre, comme s'il était pressé d'aller quelque part.
— Si cela vous intéresse, vous pouvez contacter Pim, la femme, dans cette pièce.
Il désigna la pièce derrière la vitre où je me trouvais auparavant.
— Merci.
Mes yeux restèrent fixés sur son visage avec insistance. Si cette personne était vraiment un meurtrier, elle était capable de jouer un rôle très convaincant.
— Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois y aller.
Tann s'inclina légèrement pour s'excuser et s'éloigner. Je me retournai et mes yeux suivirent sa grande silhouette qui s'arrêta soudainement. Il se retourna à nouveau vers moi. La peur commença à s'accumuler dans ma poitrine.
— Vous êtes… un officier de police, n'est-ce pas ? dit Tann.
Je n'avais jamais été aussi confus de ma vie.
— Je vous ai vu sur les lieux. Vous portiez une chemise où il était écrit “Police Scientifique”. Êtes-vous un détective ?
Tann s'approcha de moi et me tendit un morceau de papier.
— Tenez, c'est ma carte de visite. Contactez-moi, s'il vous plaît. Je voulais savoir si Jane s'était vraiment suicidée.
C'était peut-être la raison pour laquelle il avait l'air choqué de me voir au début. C'était la première fois que la tristesse apparaissait sur son visage. Je restai bouche bée, je ne savais pas quoi répondre. Après avoir rencontré Tann, j'avais l'impression que tout s'était enchevêtré et qu'il était devenu impossible de trouver une solution. Je pris sa carte de visite.
— Dans la journée, la police m'a convoqué au poste. Ils m'ont demandé où je me trouvais la nuit précédant la découverte de Jane. Heureusement, ce soir-là, je me suis rendu au mariage de mon ami et nous avons fait la fête. J'ai des témoins qui peuvent confirmer que je suis resté avec mes amis toute la nuit. Sinon, je serais certainement devenu le suspect numéro un. Tann soupira doucement.
— Vous soupçonnez que Jane a été assassinée ?
Je ne dis rien. Les roues tournaient à plein régime dans mon cerveau afin d'assimiler les choses. Que se passait-il exactement ?
— … c'est un secret, n'est-ce pas ? dit Tann, avec une expression de malaise. Si vous pouvez me donner des détails, pouvez-vous me contacter, monsieur l'agent ? Ou si vous voulez mon aide, je serai ravi de vous aider pour quoi que ce soit. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois aller faire quelques courses.
Je tenais toujours cette carte de visite dans ma main, alors que son propriétaire, dont le nom était inscrit dessus, était déjà sorti du bâtiment. J'avais l'impression d'avoir tourné au coin d'un labyrinthe et de me retrouver dans une impasse. M’étais-je trompé de chemin ? Je fermai les yeux, essayant de me concentrer. En ce moment, tout ressemblait à des morceaux de puzzle mal placés, éparpillés dans toutes les directions. La pièce que j'essayais de trouver était celle qui se trouvait à l'angle de tout le puzzle. C'était la pièce la plus appropriée - un point de départ - pour réassembler les pièces suivantes du puzzle. Mais je n'avais pas encore trouvé la pièce dont j'avais besoin. Je n'en étais même pas proche.
Mais je continuais à croire qu'il y avait quelque chose d'anormal chez Tann. Si c'était un tueur, il devait savoir qui j'étais. Mais maintenant, il pourrait faire semblant de ne pas me connaître. Je devrais le suivre, voir où il prévoit d'aller si rapidement. Peut-être trouverais-je quelque chose qui pourrait servir de preuve pour condamner cet homme, ou si je découvrais qu'il essayait de s'enfuir, ce serait aussi une autre preuve prometteuse pour appuyer ma supposition.
Ce fut dans cette optique que je sortis de l'immeuble sans perdre de temps. Depuis que la lumière du soir avait presque disparu, l'air extérieur était devenu plus froid. Je tournai la tête de gauche à droite, à la recherche de ma cible. Tann se dirigeait vers une voiture noire garée à une courte distance de la porte de l'école.
Je mémorisai les détails de la voiture et son numéro de plaque d'immatriculation avant de me diriger vers ma propre voiture, garée plus près du portail.
Je te mettrai derrière les barreaux, Tann, parce que tu es le meurtrier.
Notes1-Score Drop : terme abrégé pour le score de Glasgow Coma, qui permet d'évaluer l'état de conscience des patients. Le personnel médical utilise ce score pour évaluer les patients souffrant d'une commotion cérébrale et pour surveiller les hémorragies cérébrales.
2- COTMES exam: Consortium of Thai Medical Schools Exam
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Merci pour ce nouveau chapitre