J’ai encore du mal à comprendre ce qui s’est passé, mais je suis en train de faire ma valise dans mon petit appartement. Un chauffeur m’attend pour m’emmener chez Pond où je vais veiller à son bien-être. Veiller à ce qu’il mange correctement, ne sorte pas et se couche tôt. Bref, je vais être sa nounou pour les semaines à venir. 

Ce n’était vraiment pas comme ça que j’imaginais travailler avec lui, mais dans le fond, je suis quand même content de pouvoir faire sa connaissance. Je le suis depuis des années maintenant et même si j’ai la sensation de tout savoir sur lui, je me doute que ce n’est pas vrai.

Je ferme ma valise, je me demande si j’ai bien pensé à tout prendre. C’est un contrat de six mois pour le moment, six mois où je vais vivre chez Pond et où je ne serais libre que le dimanche ou quand Pond sera à l’étranger. Je ressens un mélange d’excitation et d’inquiétude car je ne sais pas si je serais capable de faire toutes les tâches qui me sont demandées. Je suis un piètre cuisinier, mais j’aime faire le ménage, par contre, je ne comprends pas pourquoi je dois l’empêcher de sortir, ni comment je pourrais m’y prendre. 

Je respire un bon coup, ça ne sert à rien de m’angoisser, je verrais au fur et à mesure et je suis sûr que tout va bien se passer. Alors j’attrape ma valise, m’assure que tout est bien en ordre et je quitte mon appartement pour rejoindre cette aventure. 

Le trajet en voiture a été assez silencieux et surtout long, j’ai même eu le temps de faire une petite sieste pour calmer mon mal de tête. Quand on est arrivé devant la maison, la nuit était déjà tombée depuis un moment. Je me sens mal à l’aise quand le chauffeur s’empresse de venir m’ouvrir la porte, voilà une chose à laquelle je ne suis pas habitué.

— Merci.

Il se contente de me faire un signe de tête avant de retourner à la voiture et de quitter les lieux. Quel étrange personnage ! J’hausse les épaules puis me dirige vers la porte de la grande demeure. Je l’ai déjà vu un nombre incalculable de fois sur des photos ou dans des émissions, mais c’est quand même autre chose d’être devant pour de vrai. 

Je toque et je ne sais pas si je dois entrer directement ou bien attendre, on ne m’a rien dit, mais rien ne semble bouger à l’intérieur. Je regarde autour de moi, le jardin est plongé dans l’obscurité et quand j’observe les fenêtres, les lumières sont toutes allumées. 

Je sonne avec un peu plus d’insistance, me disant que peut-être Pond n’a pas entendu la première fois, surtout s’il est loin de l’entrée. Au bout de quelques minutes enfin, j’entends du mouvement, quelqu’un approche et déverrouille la porte. Je souris quand le manager de Pond ouvre, même s’il n’a pas l’air content. 

— Bienvenue Phuwin, désolé pour l’attente. 

Il saisit ma valise et me fait entrer, refermant la porte derrière moi. J’enlève mes chaussures et découvre que le vestibule donne directement sur le salon, celui-ci est immense. Comme à l’agence, la décoration est minimaliste et manque de couleur. Je suis surpris quand je remarque que Pond est assis sur un canapé beige en train de lire un magazine. 

— J’ai demandé à Pond de t’ouvrir, mais…

Il grimace et maintenant je suis vraiment curieux de comprendre pourquoi ils ont besoin de ma présence. 

— Ce n’est rien Phi, je n’ai pas osé frapper très fort la première fois, il n’a pas dû entendre.

Je cherche à apaiser les tensions, mais ça tombe à plat je m’en rend compte car la mâchoire du manager se crispe. Pond fait comme si nous n’étions pas là et je dois dire que je suis un peu refroidi par cet accueil glacial. Phi First me guide à travers la maison pour m’accompagner à ma chambre, qui se trouve près de celle de Pond. 

— Est-ce que tu as suivi les actualités de Pond ?

— Euh pas vraiment, j’étais très occupé avec mon précédent travail.

Et puis, même si j’apprécie le mannequin, je ne m’intéresse que très peu aux rumeurs et scandales qui pourraient parsemé sa vie. Je considère que sa vie privée ne me regarde pas, car on ne se connait pas. 

— D’accord, alors tu dois surtout savoir que c’est une période difficile pour lui en ce moment. Les choses ne se passent pas très bien et il a tendance à ne pas prendre soin de lui, d’où ta présence. Il veut paraître fort, mais il va tomber si personne n’est là pour le soutenir. 

Voilà qui est très intriguant comme déclaration et j’avoue que je suis soudain curieux d’aller chercher sur internet pourquoi sa vie est difficile en ce moment. Enfin, ça je le ferai quand je serai tout seul. First me fait rapidement visiter la maison avant de me raccompagner au salon. 

Il donne quelques instructions à Pond qui ne semble pas vraiment l’écouter toujours assis sur son canapé, puis il nous souhaite une bonne nuit et il prend congé. Le bruit de la porte qui claque derrière lui résonne dans la maison et me voilà seul avec l’homme que j’admire depuis si longtemps. 

— Est-ce que tu as faim ?

Le silence qui s’est installé me met mal à l’aise alors je tente une approche pour briser la glace. J’espère que l’on pourra avoir une relation amicale, car sinon les “prochains” six mois risquent de me paraître déjà très long. 

— Non, je n’ai pas faim. Écoute Phiwan, tu n'es pas obligé de faire quoi que ce soir. Je n’ai pas besoin d’un baby sitter, alors pense à ce contrat comme des congés payés, ok ?

— Euh, c’est Phuwin. Et je ne compte pas juste profiter, j’ai été engagé pour faire un travail. 

Ça commence plutôt mal, car déjà il a été incapable de retenir mon prénom. Je reste calme, mais ferme, le regardant droit dans les yeux alors qu’il se lève pour s’approcher de moi. Je dois penser à respirer et surtout à ne pas montrer combien sa proximité me met dans un état pas possible. J’ai envie de sautiller partout en hurlant de joie, enfin, elle disparaît vite quand il reprend la parole…

— Phiwan, je n’ai pas besoin de toi, alors contente toi de vaquer à tes occupations et tout se passera bien. 

— Mais alors pourquoi m’avoir choisi ?

Je suis perplexe alors qu’il se dirige vers les escaliers qui mènent aux chambres. J’essaie de ne pas relever qu’il n’a fait aucun effort pour me nommer et regarde son dos alors qu’il se fige en soupirant. Il ne prend même pas la peine de se retourner.

— Parce que tu semblais le plus stupide de tous et que j’avais envie de rentrer.

Ma bouche s’ouvre en grand alors qu’il m’insulte sans la moindre hésitation. Pond n’attends pas d’avoir ma réaction, en fait, il semble s’en ficher totalement. Il reprend sa route et grimpe lentement les escaliers et, malgré la colère qui commence à poindre, je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’il a une démarche altière et sensuelle. 

Je me mettrais des baffes, car j’ai été incapable de réagir, de dire quoi que se soit avant que sa porte ne se referme bruyamment. 

— Je ne suis pas stupide… j’étais juste nerveux…

Je me laisse alors tomber sur le fauteuil le plus proche et maintenant je suis curieux de comprendre toute cette affaire. Alors je sors mon téléphone, je fais une recherche rapide et mes yeux s’écarquillent quand je lis les titres des premiers articles. Alors là… c’est énorme. 

Je lève la tête vers le premier étage, comme si j’allais pouvoir le voir à travers les murs et les sols. Pond se trouve effectivement dans une situation difficile et je comprends l’inquiétude de l’agence. Par contre, je ne sais pas vraiment comment moi, je vais pouvoir aider à quoi que ce soit.