• Chapitre 26

    Chapitre 26

    Le talk-show de Sutthaya :

    J'ai discuté avec Bam en attendant Pi pendant un bon moment, mais il n'y a aucun signe de lui. J'essaie de l'appeler, mais son téléphone est éteint, alors je me sépare de Bam. Je ne m'attendais pas à tomber sur la première année.

    — Mork.

    — Quoi de neuf, Prik ?

    — Pi est venu te voir. Vous vous êtes croisés ?

    — Non. Où est-il maintenant ?

    — Je ne sais pas. Wah... Pi avait l'air d'être sur le point de pleurer.

    Mon cœur se serre. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe. Sur ces mots, je me prépare à trouver le type qui me trouble.

    — Prik, tu sais ce qui s'est passé ? demandé-je. 

    Elle fait la moue, au bord des larmes.

    — Des gens ont posté les vieilles photos de Pi et ont fait des commentaires très durs sur ma page. 

    Prik me passe son téléphone et me montre les photos. Cela répond à ma question.

    Les photos de Pi sont là, à la vue de tous, avec des commentaires haineux. Bien sûr, j'ai été mentionné au milieu de tout ça. Ce qui est étrange, c'est qu'il y a une photo que je suis le seul à avoir vu. Je ne l'ai jamais montrée à personne. Je l'ai prise et je l'ai gardée dans mon téléphone.

    — C'est bon, Prik. Ne pleure pas. Je vais aller le chercher.

    — S'il te plaît, prends soin de lui.

    Je hoche la tête pour signifier mon accord et je me précipite vers ma voiture. Je sais qu'il évite l'attention quand il se passe quelque chose, il se cache seul dans sa chambre. Je continue à essayer de le contacter, mais il ne décroche pas.

    Il ne faut pas longtemps pour arriver chez lui depuis l'université, mais l'anxiété fait paraître le temps plus long. J'avance à grands pas jusqu'à ce que je sois juste devant sa chambre.

    TOC, TOC, TOC.

    Je frappe à sa porte à plusieurs reprises. Personne ne répond. J'essaie de me dire d'attendre calmement, mais mes actions font le contraire.

    — Pi ! Ouvre la porte.

    Silence… 

    — Pi.

    J'attends pendant près de quinze minutes, inflexible. Finalement, l'un des propriétaires de la pièce ouvre la porte, complètement frustré.

    — Combien de temps tu vas continuer à frapper ? 

    Duean me fait face. Je l'ignore, essayant de regarder à l'intérieur, dans l'espoir de trouver l'autre type.

    — Je suis ici pour voir Pi. Je peux entrer pour lui parler ?

    Je n'ai jamais été aussi anxieux. D'habitude, je contrôle bien mes émotions, mais là, je ne peux pas cacher mon malaise. Ça doit être parce qu'il a un tel impact sur mes sentiments.

    — Reviens plus tard. Mon frère ne veut pas te voir maintenant, crache-t-il à voix basse en se renfrognant.

    — Je ne serai pas long. Il faut qu'on parle, tu sais. Si on ne le fait pas, quand est-ce qu'on se comprendra ?

    — Tu auras l'occasion de lui parler, mais pas maintenant.

    — Duean.

    — Si tu ne comprends toujours pas, je vais te frapper pour de bon.

    — S'il te plaît, laisse-moi entrer. Ne me force pas à dire à Meen d'arrêter de te voir. 

    J'admets que je suis devenu assez fou pour impliquer quelqu'un d'autre. Quand suis-je devenu déraisonnable ? J'ai pesé ces mots, mais je les ai quand même lâchés.

    — Vas-y. Tu peux éloigner Meen et moi l'un de l'autre comme tu veux. Mais je dois protéger mon frère.

    — … 

    — Ce n'est pas une bonne idée de parler à quelqu'un qui refuse d'écouter. Toi et Pi êtes aussi mauvais l'un que l'autre. Plus vous parlerez, plus ce sera terrible. Ce ne serait pas mieux que tu partes, que tu laisses mon frère seul quelque temps, et que tu reviennes pour arranger les choses quand tout sera rentré dans l'ordre ? Va-t'en maintenant.

    BANG !

    Après avoir terminé son discours, le son de la porte claquée se répercute dans mes oreilles. C'est comme s'il voulait juste mettre fin à la conversation sans écouter mon explication.

    Duean a peut-être raison. Je devrais partir et me calmer. S'inquiéter à propos de Pi pourrait tout empirer comme l'a dit Duean.

     

    Je ne peux pas dormir, je tourne sur mon lit. J'ai essayé de fermer les yeux, mais ça n'a pas marché. Je ne peux pas joindre Pi depuis qu'il a éteint son téléphone. Son profil Facebook ne montre aucune nouvelle publication, comme si le propriétaire du compte fuyait ses problèmes.

    J'ai parlé à Prik de la photo qui a fuité, et la fermeture de la page semble être la meilleure solution pour le moment.

    Qu'est-ce que je dois dire... ? La photo a dû être envoyée depuis mon téléphone. La photo, la lumière et l'angle sont les mêmes que ceux de mon téléphone, comme copiés-collés. Mais ce n'est pas moi qui l'ai divulguée. C'est quelqu'un qui connaît mon mot de passe et qui joue toujours sur mon téléphone.

    Pour info, peu de gens ont ce privilège. Je ne peux penser qu'à une seule personne, bien que je ne veuille pas avoir cette pensée négative sur elle.

    Bam.

    Prik m'envoie un texto. Elle dit que la photo a vraiment été envoyée par les amis de Bam.

    Ne pouvant laisser ce soupçon planer dans ma tête, je l'appelle pour lui demander tous les détails. Elle décroche instantanément, comme si elle s'attendait à mon appel.

    — Quoi de neuf ? Tu veux savoir pour la photo ?

    — Bam, j'ai besoin de savoir. 

    Je ne veux pas la juger trop rapidement car notre amitié est trop précieuse pour être ruinée par un seul incident. Mais surtout, je ne lui ai pas donné l'occasion de s'expliquer.

    — J'ai eu la photo sur ton téléphone.

    — …  

    Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, ne sachant pas quoi dire.

    Elle s'arrête un moment avant de bafouiller doucement en se sentant coupable.

    — Je suis désolée, mec. Je ne voulais pas que ça arrive.

    — Que s'est-il passé exactement ?

    — J'ai parlé de Pi à mes amis. On s'est emporté et on a envoyé des photos et des trucs. Je jure que je ne voulais pas que quelqu'un s'en prenne à Pi comme ça. Je ne sais pas pour les autres photos. Je n'ai que celle de ton téléphone.

    — Je te crois. Merci de m'avoir expliqué.

    — Tu me crois vraiment ou tu ne veux juste pas qu'on coupe les ponts ?

    — Je te crois.

    Je le dis fermement. Je lui fais confiance autant qu'à beaucoup d'autres. Je me sens coupable d'avoir eu des soupçons à son égard. Puisque ça a commencé avec moi, c'est moi qui suis en faute.

    Nous en parlons encore un moment et notre conversation se termine par des excuses.

    Je ne comprends pas pourquoi les gens s'en sont pris à Pi juste parce qu'il n'était pas mignon dans le passé. Pourquoi l'ont-ils blessé, en jugeant qu'il n'est pas un gentil garçon parce qu'il n'avait pas d'amis ? Qu'attendent-ils de Pi et à quel point doit-il être gentil alors qu'ils ne savent rien de lui ?

    Cela nous amène à une question :

    Se sont-ils acharnés sur Pi parce qu'il avait vraiment tort ou parce qu'il ne correspondait pas à leurs attentes ?

     

    Le temps est nuageux aujourd'hui. La pluie tombe à verse depuis le matin jusqu'à maintenant.

    Je ne peux m'empêcher de penser à la personne qui, comme moi, a sans doute oublié d'apporter un parapluie à l'université. Nous n'avons pas parlé depuis hier. Je prie pour qu'il soit bientôt prêt à entendre mon explication alors que je laisse le temps passer inutilement.

    Enfin, j'utilise ma pause pour marcher jusqu'au bâtiment de médecine dentaire. Je me souviens que les étudiants en deuxième année de médecine dentaire ont trois cours d'affilée à cette heure. Pendant la pause de quinze minutes, je me glisse dans la salle de cours en silence et m'installe sur une chaise à côté du type sans expression. Ses amis, en face de moi, le regardent fixement, sans même cligner des yeux.

    — Pourquoi tu es là ? 

    Ses mots sont froids, et il ne veut pas croiser mon regard.

    Il garde les yeux sur l'écran de projection qui affiche la même diapo. Mais je remarque que... il a pleuré la nuit dernière. Ses yeux sont gonflés. C'est un spectacle pitoyable.

    — Je veux te voir. Je veux te parler. 

    Je lui dis ce que je pense.

    — Mais je ne veux pas te parler maintenant.

    — Tu as pleuré ?

    — Je n'ai pas pleuré.

    — Tu es probablement bouleversé. Tu penses que la photo vient de moi, n'est-ce pas... ? Oui, tu as raison. C'était de moi. 

    Pi tourne brusquement la tête, les yeux pleins de douleur. Mon cœur est étrangement blessé.

    Putain, je déteste voir ces yeux.

    — Pourquoi tu as fait ça, Mork ? Pourquoi tu as fait ça ?

    — Je ne voulais pas que les choses soient comme ça. Je voulais juste garder ta photo avec moi. Mais... peu importe. 

    C'est étrange. Je voulais le voir et lui expliquer, mais maintenant que j'en ai l'occasion, je ne peux rien dire et le faire détester de Bam.

    C'est peut-être mal de la part des amis de Bam d'avoir envoyé la photo à quelqu'un d'autre, jusqu'à ce qu'elle arrive dans les mains d'une personne mal intentionnée. Mais je suis aussi en tort parce que je suis la cause de tout. Si je n'avais pas pris la photo, elle n'aurait pas été diffusée.

    — Pas d'excuses du tout ?

    — … 

    — C'est ce que je pensais.

    — Est-ce que je suis comme ça à tes yeux depuis tout ce temps ?

    — Tu te moques toujours de moi. Tu le fais peut-être pour t'amuser, mais les choses ont tourné plus mal que tu ne le pensais. C'est ton espièglerie qui rend tout terrible.

    — Je n'ai jamais joué avec tes sentiments. Je t'aime bien et je te le dis. Je t'aime et je te le dis. J'exprime ce que je ressens. Alors pourquoi aurais-je posté la photo pour blesser les sentiments de quelqu'un que j'aime ?

    Il ne dit rien. Seul le silence nous oppresse tous les deux. Nous chuchotons discrètement, mais pourtant, de nombreux regards sont fixés sur nous.

    Je n'ai aucune idée de ce qu'il a en tête ou s'il va croire tout ce que j'ai dit. Mais si Pi est toujours Pi, toujours le Pattawee que je connais, il doit avoir confiance en moi, Sutthaya, depuis le jour où il a accepté mes sentiments à la bibliothèque.

    — Mork.

    Il appelle mon nom d'une voix rauque, brisant le silence.

    — … 

    — Peut-être que ça ne marchera pas. On n'est pas faits l'un pour l'autre.

    Vous avez déjà ressenti ça, quand le monde est soudain sens dessus dessous ? J'ai ce sentiment après avoir entendu sa réponse inattendue.

    Je regarde son profil et j'attrape sa main sous la table. Il ne résiste pas.

    C'est déjà arrivé, le discours contre notre relation et le fait que nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre sur Internet. Je pensais qu'on avait dépassé ça et qu'on ne se laisserait pas atteindre, mais les choses se sont révélées exactement le contraire maintenant que l'incident s'est répété. Et Pi a décidé de résoudre ce problème en abandonnant au lieu de s'en sortir comme nous l'avions promis.

    — Certains mots ne peuvent être retirés, tu sais, lui dis-je en lui rappelant notre promesse.

    — … 

    — N'oublie pas ces jours où nous avons tout fait pour être ensemble. Tu vas oublier si facilement ?

    — Je ne sais pas. Je suis confus. 

    Des larmes s'accumulent dans ses yeux ronds. Il ne cesse de cligner des yeux pour que les larmes chaudes ne tombent pas. Cette vision me fait resserrer ma prise sur sa main.

    — On a traversé des épreuves ensemble. On ne peut pas traverser ça ensemble à nouveau ?

    — Mork.

    — Tu n'as pas à me donner tous tes sentiments, juste autant que tu peux le faire, autant que tu te sens à l'aise de le faire. Je veux toujours prendre soin de toi, quoi qu'il arrive.

    — … 

    — Je ne veux pas que tu prennes des décisions en fonction des autres au point de te perdre toi-même. 

    Il écoute, les yeux baissés, sans répondre. Nos mains sont toujours connectées, comme si nous ne voulions pas les lâcher avant d'être au clair.

    — Je… 

    — Étudiants, la pause est terminée. Reprenons là où nous nous sommes arrêtés pour que vous puissiez partir et faire autre chose dès que nous aurons terminé.

    La voix chevrotante provenant d'un micro m'interrompt avant que je puisse entendre la réponse. Pi retire sa main et attrape son stylo.

    Ne voulant pas déranger la classe et sa discussion avec ses amis, je me lève lentement et pars sans faire de bruit. Je vais l'attendre devant la porte.

    Je ne laisserai pas les choses continuer comme ça. Nous finirons par nous en sortir, je l'espère.

    Quarante-cinq minutes plus tard, les étudiants commencent à bavarder dans la salle, et la porte est poussée. L'agitation après les cours est un vrai casse-tête. Je cherche Pi et me précipite vers lui alors qu'il sort avec ses amis.

    — Pi. 

    Je l'appelle en accélérant le pas.

    Il s'arrête dès qu'il sort de la foule.

    — Qu'est-ce qu'il y a ?

    — Il pleut toujours à verse. Où tu vas ?

    — Je m'en vais. Le cours de l'après-midi a été annulé.

    — Tu es venu en voiture ?

    — Non, je suis venu avec Duean.

    — Je vais te ramener.

    — Pas besoin. Mon frère va venir me chercher. Tu devrais aller en classe. Pourquoi tu attends ici ? 

    Il parle et se tourne pour dire au revoir à ses amis. 

    — Les gars, je m'en vais.

    Je suis le seul à le suivre comme une ombre.

    On est devant le bâtiment. Heureusement qu'il y a un auvent qui nous protège de la pluie. Quelques gouttes éclaboussent nos chemises, mais ça n'a pas d'importance. Peu après, une voiture noire s'arrête avec Duean sur le siège conducteur.

    Malheureusement, il faut descendre des escaliers de trois marches et marcher une bonne distance sans protection pour y accéder. Pi est sur le point de s'enfuir sous la pluie. Je lui tire tout de suite le poignet pour le retenir et je couvre sa tête avec une veste de mon sac à dos.

    — Tu vas attraper froid.

    — C'est bon. Tu en as besoin.

    — Je ne vais pas te prêter la veste. Je viens avec toi.

    Avant qu'il puisse rechigner, je m'installe derrière lui et lui donne une petite poussée, le faisant courir en avant. Je place la veste sur le petit gars pour qu'il ne soit pas mouillé. Je ne me soucie pas de savoir si je suis trempé.

    — Monte vite dans la voiture, lui dis-je en déplaçant la veste pour le protéger de la pluie pendant qu'il saute dans la voiture.

    — Je vais bien maintenant. Pars d'ici, ou tu seras encore plus mouillé.

    Je hausse les épaules. Je ne peux pas être plus mouillé parce que je suis déjà trempé. Il n'y a pas d'espace sec sur ma chemise.

    — Tu es inquiet ?

    — Non.

    — Et pour nous ?

    — On en parlera plus tard, quand tu m'auras convaincu.

    — Comment ?

    — Mork, hier j'ai vu à quel point tu étais proche de Bam. Si tu tiens à moi, tu peux tout mettre au clair pour moi ?

    — … 

    — Je préfère avoir mal maintenant. Je ne veux pas être blessé à nouveau dans le futur.

    Je suis sans voix ! J'admets que c'est un choc. Je n'aurais jamais pensé que Pi puisse s'en inquiéter. Est-ce une autre raison pour laquelle il m'a évité toute la journée ?

    Je ne sais pas quand ils partent. Je sprinte jusqu'à l'immeuble. La veste n’a pu le protéger que de la pluie, et alors que je cours… 

    Je n'ai aucune idée du nombre de larmes qu'il a versées sous la pluie aujourd'hui… 

     

    Mes cours se terminent à dix-sept heures. Je vais à la bibliothèque dans ma chemise mouillée pour travailler sur un projet de groupe.

    Au moins une partie de celle-ci est sèche grâce à la climatisation. Mes camarades de classe me demandent avec inquiétude ce que j'ai fait avant, mais ils peuvent deviner.

    Au moment où j'ai couru sous la pluie pour l'escorter jusqu'à la voiture, je n'avais pas peur de la pluie. J'avais peur que… 

    La personne que j'aime se retrouve seule sous la pluie.

    En fait, je veux aller le voir chez lui, mais ce sera probablement la même chose : nous ne nous comprendrons pas.

    Mes amis essaient de me remonter le moral. Ils savent ce que je traverse. Beaucoup me disent de résoudre d'abord mon problème personnel. Mais comment puis-je faire quelque chose d'aussi égoïste ? Le projet est sous ma responsabilité, et Pi ne sera pas prêt à écouter mes explications en ce moment.

    Je chasse ces pensées de mon esprit et me concentre sur le problème en cours. Mais lorsque j'essaie de terminer rapidement quelque chose, cela prend plus de temps à tel point que c'en est agaçant.

    Il est déjà vingt heures. La bibliothèque va bientôt fermer, et nous devons terminer notre projet inachevé plus tard. Mon téléphone sonne. Je décroche rapidement car la personne qui appelle est Duean.

    — Bonjour, Duean.

    Je salue, mal à l'aise.

    J'admets que j'ai peur de tout. J'ai peur de perdre quelqu'un d'important pour moi.

    — Duean, mon cul. Je suis Yeen. 

    Je fronce les sourcils, confus. J'entends des bavardages à travers le téléphone. Cela semble chaotique de l'autre côté.

    — Yeen ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi tu utilises le téléphone de Duean ?

    — Il y a quelque chose qui ne va pas, bien sûr. Viens à l'épicerie près de l'appartement de Pi. Il est complètement bourré. Duean a essayé de le ramener chez lui, mais il ne voulait pas bouger.

    — Ok, je suis en route.

    — Ouais, dépêche-toi. Les gens affluent vers nous.

    — Ok.

    Après avoir raccroché, je conduis vers la destination en un instant, tout anxieux. Il ne faut pas longtemps pour y arriver.

    Ce que je vois, c'est Pi assis sur une marche devant l'épicerie, une canette de bière à la main et les yeux vitreux. Dans son pyjama. Duean et le Kitty Gang l'encadrent, l'air exaspéré. Tous les passants les regardent fixement.

    — Comment il va ? demandé-je dès que je les rejoins et m'agenouille pour être au même niveau.

    — Comment il va, tu demandes ? Il est bourré et dort sur le ventre d'un chien, me répond Duean.

    — Il ne veut pas retourner dans sa chambre. Tu dois nous aider puisque tu es la cause de tout ça. Je suis embarrassé, supplie Yok. 

    Je prends le visage de l'ivrogne dans mes mains et lui tapote doucement les joues pour le réveiller.

    — Pi, rentrons à la maison. Tu es ivre.

    — Rentrer à la maison, mon cuuuulll. Qui est ivre, enfoiré ? 

    Il bat des paupières en aboyant ces mots. Ses bras s'agitent contre tous ceux qui osent s'approcher.

    — Tu es ivre. Tout le monde regarde. Tu n'es pas gêné ?

    — Pourquoi je le serais ? Pourquoi je devrais être gêné alors que je suis si moche ? 

    Il boit la bière à grandes gorgées, le liquide dégoulinant sur son visage et son cou.

    — Si tu bois trop, tu auras mal à la tête demain matin.

    — Hmph !

    — Pose la canette.

    — Non.

    — Pose la canette, Pi. Allons boire dans ta chambre.

    J'essaie d'enlever la canette de bière pendant que Duean et Yeen attrapent les jambes du type furieux.

    — Non ! Lâche-moi. Lâche-moi, Mork. Waaaaaah. 

    Je sais maintenant quand Pi est le plus effrayant.

    Quand il est bourré.

    Même Duean et ses amis ne peuvent pas le gérer dans cet état. Pour être franc, c'est comme s'ils faisaient exprès de me laisser m'occuper de Pi. J'ai beaucoup de choses à dire, mais on ne peut pas avoir de conversation dans cet état.

    — Tu vois ? Ton pyjama est sale maintenant. Allez, on y va. 

    Nous tirons tous le type ivre vers le haut et réussissons enfin à lui enlever sa bière. 

    — Allons dans ta chambre.

    — Non, je ne veux pas y aller. Pourquoi je dois faire ce que tu dis ?

    — Pourquoi j'ai l'impression que mon frère est chiant ?

    — … 

    — Hé, vous deux, aidez-moi à traîner ce fils de pute. Et toi, où est la clé ? Je vais conduire, braille Duean, à bout de patience. 

    Je plonge la main dans ma poche et lui passe la clé de la voiture.

    J'enroule mon autre bras autour de la taille du mec bourré, pour le soutenir. Bientôt, le Kitty Gang entre en scène et traîne Pi, qui fait un gros scandale, sur la banquette arrière, avec moi à sa suite.

    La portière est claquée. Duean conduit la voiture. Ses amis suivent dans un pick-up avant de prendre une autre direction. La respiration de Pi est difficile, son visage rougit. Son haleine sent l'alcool.

    — Vilain garçon ! dis-je, en plaçant sa tête sur ma poitrine.

    — Mork, espèce d'enculé.

    Quoi... ? Il m'insulte.

    — C'est toi. Tu m'as fait du mal. Pourquoi as-tu publié la photo ? Pourquoi tu aimes Bam ? 

    Il parle d'une autre personne. Il me comprend mal.

    — Pi, je n'aime pas Bam. Je n'aime pas Bam, tu m'entends ? Je ne l'aime pas, répèté-je en chuchotant à son oreille, sachant qu'il ne m'entend pas. 

    Je m'en fiche. Je veux juste dire ce que j'ai sur le cœur.

    Pi force ses yeux à s'ouvrir et me regarde avec des yeux pleins de larmes. Ces larmes tombent rapidement.

    — Ça fait tellement mal.

    — Je suis désolé.

    — Ça fait mal… 

    — Tu es un pleurnichard. 

    J'embrasse ses larmes sur la joue et descend jusqu'à ses lèvres. Il a une légère odeur d'alcool.

    — Hé, c'est mon frère, espèce de merdeux. Sois respectueux envers moi. 

    Je me retire immédiatement et croise le regard de la personne qui me fixe à travers le rétroviseur.

    — Je suis désolé.

    — Trop tard. Tu vas squatter chez nous ce soir ? 

    La question de Duean me prend par surprise.

    — Je peux ?

    — Ouais, comme ça tu pourras le calmer. J'en ai assez de cette merde.

    — Où est-ce que je vais dormir ? 

    Pourquoi je me sens excité ? Rien qu'en pensant à la façon dont je vais dormir à côté de Pi et m'occuper de lui sur le lit, mon cœur bat comme un tambour.

    — Le sol à côté du lit. Je t'en prie.

    J'aurais dû le voir venir. Duean me déteste encore, comme il l'a toujours fait.

    On tourne dans le parking de l'appartement. L'aîné ouvre la marche tandis que je porte Pi, aussi lourd qu'un sac de riz, après lui. L'ivrogne marmonne en enfouissant son visage dans mon épaule. Il répète les mêmes mots pendant un petit moment.

    — Je t'aime, Mork.

    — … 

    — Je t'aime.

    — Je sais. Je t'aime aussi.

    Quand on a un problème et que l'autre refuse de se battre, mon monde est gris. J'ai peur que Pi ne reste pas à mes côtés. J'ai peur de le perdre. Mais maintenant que je l'ai entendu dire qu'il m'aime, je ne peux pas m'empêcher de sourire.

    — Je t'aime, bleh ! Tu ne dis jamais ça à ton propre frère, espèce de bâtard, grogne Duean. 

    Quand la porte s'ouvre, je pose Pi sur le lit en toute sécurité.

    — Va prendre une douche. La serviette est dans la salle de bain, dit Duean en croisant les bras.

    — Je vais le faire dans une minute. Laisse-moi m'occuper de Pi d'abord.

    — Tu as réglé ton problème ? Je ne t'ai pas laissé le voir parce que je voulais que tu t'occupes d'abord de ton problème.

    — J'essaie. Pi se méprend sur ma relation avec Bam. Nous sommes juste amis. Je vais surveiller mon comportement à partir de maintenant.

    — Et la photo qui a fuité ?

    — Je ne pourrai probablement pas l'expliquer à tout le monde, mais je leur prouverai à quel point Pi est bon et combien il tient à moi.

    Même si notre relation ne regarde personne, je dois respecter ma moitié, montrer à tout le monde qu'il est digne et important. Je veux sortir avec Pi sans me cacher. Nous pouvons nous rencontrer, prendre un repas et faire tout ce que nous avons toujours voulu faire ensemble.

    Ce sera vraiment bien quand nous ferons un pas en avant.

    Je m'assieds sur le sol à côté du lit et je regarde son visage baigné de larmes avec beaucoup d'émotions. Je l'aime. Je suis possessif à son égard. Je veux prendre soin de lui et le chérir. Pi est la première personne qui m'a fait ressentir cela. Il nous a fait sentir que nous voulions être la famille de l'autre. Quand quelqu'un a publié la photo, beaucoup ont dit que Pi n'était pas mignon et n'avait pas sa place à mes côtés. Mais peu importe comment il est, pour moi, il a toujours été mignon depuis notre rencontre jusqu'à maintenant.

    Je ne lui ai jamais dit depuis combien de temps j'étais amoureux de lui. Quand il se réveillera, je lui dirai.

    Je t'aime depuis longtemps.

    Depuis ma première année, je ne pouvais que le regarder de loin et le suivre partout comme un fou. Je l'aimais tellement que j'avais trop peur d'apprendre à le connaître. Et donc, j'ai créé le compte anonyme pour lui parler, pour voir s'il allait bien.

    Pi est différent. Il est mignon, gentil, et reste fidèle à lui-même. C'est de lui que je suis tombé amoureux à sens unique. Je reste toujours fidèle à mes sentiments. Quand je dis que je l'aime, je le pense. C'est ce que je choisis et ce que je considère comme la bonne chose à faire. Même si le monde entier dit que c'est mal, ce sera toujours bien pour moi, quoi qu'il arrive.

    Pi ne sera peut-être pas plus spécial que les autres ou ne répondra pas aux attentes des gens. Mais là, à ce moment précis, je le veux, je l'aime… 

    Nous nous aimons.

    Je ne sais pas combien de temps j'ai regardé son visage baigné de larmes. Ce n'est pas du tout ennuyeux, à ma grande surprise. Je veux continuer à le regarder comme ça, pour toujours.

    Quelqu'un a dit : "Quelque chose est spécial parce que c'est ordinaire".

    Je pense que ce type est mon type spécial et ordinaire.

    Fin du talk-show de Sutthaya.



  • Commentaires

    3
    Jeudi 12 Janvier 2023 à 14:26
    Encore merci pour ce nouveau chapitre
    2
    Jeudi 12 Janvier 2023 à 09:17

    Tout ça à cause de Bam -_-

    Il me fait de la peine Pi, heureusement que Mork essaie de réparer les choses

    Merci pour ce nouveau chapitre.

    1
    Mercredi 11 Janvier 2023 à 20:20

    Merci pour ce nouveau chapitre <3

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