• Chapitre 12 : On ne peut pas.

    Chapitre 12

    Meeeeerde ! Peut-il y avoir plus fatigant que ça ?

     

    Je me laissais tomber par terre pour m’asseoir sur le carrelage frais, tout en soulevant le bas de ma chemise à plusieurs reprise pour m’aérer. Je montais et descendais dans l’immeuble en faisant des allers et retours complètement étourdis…

    Et pour quelles raisons ? Je jetais un coup d’oeil sur le carnet à la couverture sombre qui avait en son centre le sigle : “Liste de notes”.

    Ai’Book, le responsable de notre classe ne venait pas aujourd’hui car il venait de rompre brutalement avec sa petite amie qui venait d’une célèbre école pour filles située à proximité. Mais que c’était-il passé entre eux ? (ça devait être très difficile pour lui au point de ne pas venir en cours). Quand au responsable adjoint, il partait pour participer à un concours dans la capitale. Je me retrouvais avec ce carnet à cause d’une blague stupide de mon ami et l’absence des deux autres responsables.

    Ce matin-là, alors qu’ils cherchaient qui serait le représentant qui soumettrait le carnet, Ai’Frame qui savait que je détestais les reptiles, avait jeté un faux gecko sur mes genoux. Je me levais d’un coup et le professeur avait pensé que je me portais volontaire pour le poste de représentant. Je ne pouvais plus dire la vérité avec mes camarades qui se moquaient ouvertement de moi.. Quoi ? C’était amusant de se moquer de moi, merde ?!

    Revenons aux notes… Le lundi, nous devons remettre les notes avant de quitter l’école au Ministère de l'Éducation.… Et c’était trop tard pour ceux qui procrastinaient, trop tard pour pleurer. Je ne voulais pas y penser mais les cahiers manquaient de clarté et tous les professeurs n’avaient pas encore signé. Je devenais fous à parcourir de long en large les bâtiments pour trouver les professeurs et les faire signer..

    Dieu merci, la journée se terminait et l’idée d’une glace au thé vert et aux haricots rouges me sauvait.

    Je me relevais, retournais sous le soleil aux bâtiments de l’école et me demandais où aller... 

    Le bâtiment 9 de la faculté des langues. Je m'effondrais une fois de plus. Pourquoi ce bâtiment était aussi loin du bureau administration ? En plus, c’était au huitième étage, et sans ascenseur !

    Je me grattais la tête, m’ennuyait, et entendait une voix au loin chanter, forte mais étouffée. Je traversais les différentes salles pour me rendre au bâtiment 1, où se trouvait les salles de musique. Je regardais devant moi et je voyais ce jeune homme, vêtu d’une chemise blanche à travers la porte en verre. Sa coiffure était élégante, et son pantalon bleu extrêmement court. Je savais qui il était.

    C’était Rodtang, ce gamin.

    Il me voyait, me souriait, dansait joyeusement, se coiffait et se dirigeait vers moi... 

    Je décidais d’aller le voir, et lui aussi car il ouvrait la porte et criait “P’Fuseeeeeeeeeeeee !”

    Il était excité de me voir. Hé ! Ne cris pas si fort idiot ! Et si l’enseignant venait , il nous frapperait la tête avec sa canne. “Est ce que tu sèches la classe ?” Bien… Non… J’étais un un bon étudiant, je ne séchais pas vraiment les cours.

    “Non, non, j’ai des trucs à faire…” mais je n’avais plus trop envie de les faire...

    “Oh ! Alors reste un peu ici.” me dit Rodtang avec espoir. 

    Je venais de me dire que je n’étais jamais allé dans les salles de musique pendant ces cinq années scolaires. 

    “Alors qu’est ce que vous faites les gars ?”

    “Nous répétons pour l'événement “Hot Caravan” de ce soir à Siam Square, P’. Si tu es intéressé, tu peux venir et regarder.” Ah oui, j’avais oublié qu’il était un chanteur populaire et qu’il avait reçu les Hot Music Award… Cet artiste méritait une visite… Dommage que j'avais un rendez-vous ce soir.

    Je secouais la tête. “Désolé, je ne peux pas y aller ce soir.”

    “Quel dommage ! Je vais alors chanter pour toi maintenant et en privé, viens ici." Il me traînait jusqu'au fond de la salle climatisée et claquait la porte pour fermer. 

    Hé ! Je n’avais pas encore accepté.

    “Je ne veux pas ! Je dois retourner dans ma salle de classe.” Je refusais sèchement, mais il se contentait de rire, avec une attitude détendu.

    “Juste pour un moment seulement. Ne me dit pas que tu ne loupes jamais les cours ?” Louper les cours ? C’était une bonne idée, mais n’importe où sauf dans une salle en baie vitrée où les professeurs pouvaient nous voir.

    “Un prof peut nous voir à tout moment !  Tu en prendrais la responsabilité ? Je pars en premier…” lui dis-je en essayant de partir, mais il me saisit le bras pour me tirer en arrière.

    “Je serais responsable… Parce que… J’ai ça.” Son sourire malicieux me contrariait surtout quand Ai’Rodtang me montrait une feuille de papier A4 sur laquelle était imprimée les mots “feuillet d’autorisation d’activité spéciale”  signé par un professeur et aussi par ses parents. Mes yeux pétillaient de joie car il y avait une feuille de permission qui pouvait être utilisée comme excuse. Personne ne pouvait rien dire, alors tout irait bien (même si ce n’était pas ma note).

    “Alors ? Tu veux rester ici dans une salle climatisé ou repartir sous le soleil brûlant ?” m’avait demander Rodtang qui croisait les bras ce qui était trop tentant.

    “Alors… Je vais rester ici.”

    Le fou savait quoi choisir entre un bon climatiseur et le terrible escalier de huit étages.

    Cette salle était le site principal du club de musique, mais aussi une salle de formation très spacieuse. Il y avait toutes sortes d’instruments de musique. Il y avait un grand choix d’instrument de tous les types de guitare en passant par une batterie, de nombreux instruments à vent un Klong Yao (hé, il n’y a pas que les instruments modernes, les traditionnels peuvent aussi avoir une place, non ?)...

    J’étais assis en tailleur et regardais Ai’Rodtang répéter ces chansons. Je dois dire que ce gamin avait vraiment beaucoup de qualité, le son était bon, les changements de voix étaient forts mais avec un souffle qui restait stable. Une énergie scénique artistique de hauts niveaux, il était vraiment doué ! 

    “Tu as chanté dix chansons, tu n’es pas fatigué ?” je lui posais la question en me demandant ce qu’il avait pris pour être aussi excité que ça ?

    “Hmff… Hmff, je suis terrible, hein ?” Je lui demandais juste s’il n’était pas fatigué, qu’est ce que c’était que cette réponse ?

    “Err, viens t’asseoir et pose toi un peu.” Je ne me fâchais pas tout de suite (il était déjà fatigué de toute façon) et il se dépêchait docile de s’asseoir à mes côtés.

    “Je vois que P’Fuse apprécie ma prestation… Je vais continuer à chanter si tu aimes bien !.” Euh, je changeais d’avis et voulais le repousser, je le pouvais ? Il était vraiment obsédé par moi, aïe .

    Je regardais ses joues rougies et son sourire d’enfant, il semblait ignorer ce qui n’allait pas, c’était bizarre. Il se dépêchait de prendre sa partition et commençait à la parcourir. Il n’y avait que la musique dans le monde de ce gamin.

    “Est ce que tu joues de la guitare ou pas ?” Il demandait alors qu’il me regardait avec ses grands yeux clairs.

    J’avais déjà essayé d’en jouer plusieurs fois, mais je m’étais fait mal aux doigts et j’avais peur que la douleur ne s’accentue mais pas à cause de la difficulté, juste le douleur me faisait peur.“J’ai déjà essayé une fois de cet instrument, celui-là, là-bas…” Je lui montrais le ukulélé qui était en bois, de couleur naturel et appuyait contre les tambours.

    Il ressemblait au Bruko N°6 de fabrication allemande, que mon oncle et ma tante m’avaient envoyé il y a quelques années. La finition et la qualité étaient superbes et j’en jouais tout le temps. Mais lorsque mes amis l’avaient découverts, ils se moquaient de moi et disaient que j’avais épousé la femme de Bruko.

    “Oh, on peut enregistrer une vidéo ensemble. Tu joues et moi je chante, ok ?”

    Euh, c'était sympa, mais je n’avais pas joué depuis plusieurs mois maintenant. J’avais besoin de temps pour me remettre dans le bain et jouer sereinement. J’allais refusais mais il était déjà trop tard, il avait déjà pris le ukulélé et me disait  “Voilà mon ami,  tu peux jouer  Stupéfait, je prenais l’instrument  en main...

    “Hé, ça va le faire ? Ça fait longtemps que je n’ai pas joué.”

    “C’est bon P,’ montre moi un peu tes compétences. Attends,  je règle d’abord la caméra.”

    Et bien si c’était comme ça, autant y aller. S’il voulait enregistrer mes superbe compétences, c’était à lui de le faire. Mon beau moi était trop inexpérimenté dans tout ça, lol.

    Je déplaçais mes doigts sur les cordes C et A mineures, de haut en bas, répétant le geste plusieurs fois. Je reconnais les bonnes cordes dès que le début. Je méritais d’être un génie, non ?! “Hé, on fait quelle chanson ?” Je le lui demandais mais Ai’Rodtang les sourcils froncés, était plongé dans ses pensées. Un claquement de ses doigts et l’illumination !

    “My heart will go on !”

    Hum, vraiment une chanson légendaire, mais je ne pouvais la jouer. “Idiot ! Est ce que quelqu’un peu jouer ça ?”

    “Mais je pensais que tu étais assez bon pour jouer ça ! J’en étais sûr ! Ha ha ha…” 

    Sa façon de parler me fatiguait, j’étais sur le point d’enlever mes chaussures et de les lui fourrer dans la bouche !. Il me suggérait rapidement une autre chanson. “Love does not need time ?” Je suivais des yeux ceux d’Ai’Rodtang qui s’arrêtèrent sur un mur avec de nombreuses affiches de films. Je comprenais le pourquoi cette chanson... 

    “Cette chanson, tu peux la jouer ?” Hum cette chanson c’est du gâteau.

    “Ne me sous-estime pas, je peux la jouer.”

    “Ok, alors si c’est le cas, je m’adapte à toi. Les seniors commencent, d’abord P’.”

    Je pinçais doucement la corde C et les accords se faisaient naturellement en toute harmonie. Ai’Rodtang balançait la tête d’avant en arrière pour suivre mon rythme. C’était une chanson lente, le rythme était lent mais Rodtang le contrôlait bien. A la fin de l’accord G, il chantait…

    ♫ Je pensais que l'amour était une relation,

    Je pensais que le véritable amour résistait au temps,

    Le temps passé est le plus précieux,

    C’est l’amour que j’avais désiré et espéré,

    Et je ne pouvais plus voir les autres, dès que tu avais pénétré dans mon monde… ♫

    Euh.. Je me demandais pourquoi il se retournait pour me fixer quand je jouais cette partie... Merde ! Je ne savais répondre à son regard… Que me voulait-il ?

     

    Quand tu es apparu, Le monde entier s’est arrêté et le ciel s’est illuminé .

    Ugh… Je me dépêchais de détourner mon regard au moment de ces paroles. Je n’étais pas une fille et il n’avait pas besoin de me fixer comme ça, non ? Il se retenait de rire, l’enfoiré ! Merde ! Encore un qui aimait taquiner les autres !

    Respiration (Elle semble s’arrêter en un instant)

    Et le coeur (aussi avec les yeux qui dérivaient),

    Le jour de notre rencontre, tu as fais une pause,

    Il suffit de te rencontrer…

    Je jouais du ukulélé et portait mon attention sur le magnifique design des instruments de musique pour éviter de croiser à nouveau son regard. (J’avais peur qu’il me fixe encore). 

    Sa voix me surprenait, il pouvait moduler sa voix de grave à aussi aigüe que celle d’une femme. Ma partie se finissait, et je ne pouvais m’empêcher de fermer les yeux pour l’écouter chanter.

    Je viens de comprendre que l'amour est comme ça,

    Je l’ai appris quand je l’ai vécu moi-même,

    Une seconde suffit pour que le monde change,

    J’ai réalisé que l’amour ne prend pas de temps

    Respiration (elle semblait s’arrêter en un instant)

    Et le coeur (aussi avec les yeux qui dérivaient),

    Le jour de notre rencontre, tu as fais une pause,

    Il m’a suffit de te rencontrer…

    J’étais imprégné de ce qu’il chantait quand son doigt qui tapait sur mon genou me fit revenir à la réalité.

    Je suis tombé amoureux de toi... Je t'aime…

    Je m’arrêtais presque de gratter les cordes. Il voulait de l’instru, mais sautait une partie pour me chantait ça. C’était compliqué ! Il me souriait toujours et moi je me retenais, et me concentrais sur les dernières notes comme un vrai pro toujours et moi je me retenais, me consacrant aux dernières notes en professionnel. Je le sentais bien me fixer quand il chantait mais je me sentais mal à l’aise.

    “Idiot ! Qu’est ce que tu regardes ?” Je le lui soufflait à voix basse, il ne répondait rien et se contentait de lever un sourcil et de chanter le dernier paragraphe.

    Mon coeur semble s’arrêter à cet instant...

    Te rencontrer m’a réappris la signification du mot amour,

    Pas besoin de temps, le jour de notre rencontre, juste ce jour là

    Je suis tombé amoureux de toi... Je t'aime… 

    Je t'aime... Je t'aime….♫

    Et voilà, il le répétait encore une fois. Je voulais vite en finir.. Je bougeais mes lèvres et lui disait “Chanter une fois est assez, Buffle.” Le dernier accord et tout s’arrêtait....

    Il prenait son IPhone, arrêtait l’enregistrement, satisfait. “Très bien joué, P’”.

     “Si tu ne m’avais pas autant taquinait, j’aurais mieux joué, bâtard.”

    “De quoi tu parles ?” Il faisait semblant de ne pas savoir. Je voulais pincer son nez pour le pincer.

    “Tu m’as fixé tout le temps.”

    “Je te regardais avec les paroles de la chanson. Je ne pouvais pas ?” 

    Merde ! Peu importe, j’étais trop paresseux pour répliquer. Je posais le ukulélé, je m’étirais, me penchais pour m’étendre sur le sol. Je pouvais peut-être rester ici un peu plus longtemps pour récupérer. L’atmosphère était bonne pour une sieste ou même pour une journée complète... Hum… je dormirais bien ici. Une image d’Ai’Tee s’imposait dans mon esprit. Je l’avais laissé me prendre dans ses bras toute la nuit jusqu’au matin.

    Pour être honnête, je m’y était sentis au chaud et j’étais bien dans ses bras. Je voulais encore un de ses câlins  Hé ! Je perds la tête ? A quoi est ce que je pensais ? Je secouais la tête encore et encore.

    “Haaa, l'après-midi était déjà bien avancé, qui voudrait retourner en cours et étudier ?”

    Je grognais mais personne ne me répondait. Un visage à la peau pâle avec des yeux qui me fixaient recouvraient mon champ de vision. Je devais ajuster mon regard. “Ho ! Tu m’as fait peur !”

    Je me relevais pour m’éloigner, mais Ai’Rodtang ne faisait que sourire. Il avançait habilement son corps vers moi alors que je reculais, me poussait dans un coin du mur. Impossible de m’échapper.

    “Les lèvres de P’Fuse sont toujours aussi rouge et belles. Puis-je essayer de les embrasser cette fois, s’il te plait ?”

    Inutile de réfléchir à ça, je le rejetais immédiatement ! “Je ne veux pas! A quoi tu joues ? Pousse toi !”

    "Je ne bougerais pas." Je luttais désespérément pour me libérer de ses bras mais sa persévérance était tenace. Je le poussais pour que ses épaules se reculent mais il était vraiment avachi sur moi.La réalité de la situation me frappait en plein visage. Moi un senior était trop faible pour repoussait un junior 

    “Ai’Rodtang, bâtard ! Arrête de jouer comme ça. Je n’aime pas ça.”

    "Juste essaies, P’. Tu aimeras."

    Je résistais mais n’y arrivais pas. Je retirais mes mains qui tentaient de pousser ses épaules et me couvrait le visage. Je ne voyais aucune porte de sortie ! J’avais la chair de poule, je me sentais nerveux, je tremblais et haletais. Il écartait mes bras de  mon visage et on était face à face. La distance entre nous était plus courte que je ne pouvais l’imaginer. La chaleur de son souffle touchait le bout de mon nez… Et lentement nos nez se touchaient, puis il glissait lentement le sien le long de ma joue.

    J’étais un peu confus…

    Mais...

    Je ne pouvais vraiment pas le faire !

    "Toi ! Bouge ! ”J'utilisais toute ma force et le repoussais.Il tombait en arrière et heurtait  le canapé en cuir. Il semblait blessé et un peu choqué, car son visage grimaçait de douleur. Pourquoi je me sentais mal à propos de ce petit voyou ? Je ne savais pas s’il voulait me taquiner ou s’il était vraiment sérieux. J’attrapais le livret d’enseignement et  je sortais de la salle de musique pour retourner au bâtiment 9. Tout en saisissant ma poitrine, dans l’espoir de calmer mon Kwan (1).

    Je me heurtais à quelqu’un de plein fouet car je ne regardais pas où j’allais.

    "Fuse, tu n'as pas cours?"

    Eh bien sûr, c’était Ai’Tee...

     

    1. Khwan : dans les croyances traditionnelles thaïlandaises, le «khwan» est un esprit invisible qui vit en chaque personne et qui est responsable du bien-être psychologique et spirituel. Perdre votre «khwan» est supposé causer des problèmes de santé ou des troubles mentaux.

     

    Chapitre 12 : On ne peut pas.


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