• Chapitre 1

    Chapitre 1

    Préjugé...

    Ce fut le premier mot qui me vint à l'esprit lorsque je remarquai le regard de dédain d'une jeune employée. Elle envoyait ce regard dégoûtant à un vieil homme qui venait d’entrer dans un magasin de marque. D'après ce que j'avais pu voir, il devait avoir une soixantaine d'années. Ses cheveux gris étaient ébouriffés. Il était vêtu d'une chemise trop grande et d'une paire de jeans minables. L'homme était entré en boitant dans le magasin et avait essayé de choisir des vêtements comme s'il voulait les acheter.

    Je remis la chemise, celle que j'avais choisie plus tôt, à sa place initiale sur le portant avant de me retourner pour regarder ce phénomène avec grand intérêt. Saurait-elle que, sous la chemise en lambeaux, se trouvait un collier en or de 156 300 bahts accroché au cou de l'homme ?

    Comme je l'ai dit, les préjugés obscurcissent la perception de la réalité. Elle pourrait ne pas être capable de voir ce collier en or à cause de la brume qu'elle avait personnellement créée. Et même si elle avait pu le voir, son esprit aurait déformé ce qu'elle voyait. Ça doit être un faux... Il est impossible que des gens comme cet homme soient capables de posséder un gros collier en or et de se promener pour acheter des vêtements de marque à ces prix... C'est ce qu'elle aurait pensé. 

    Je payai mes affaires au comptoir et sortis du magasin, tenant deux sacs en papier dans mes mains. Il y avait des vêtements dans un sac et des beignets pour mon petit-déjeuner avant de partir au travail dans l'autre. Le lendemain soir, je devais dîner avec mon meilleur ami du lycée. Il s'appelait Songsak alias Pert, un jeune procureur fervent, qui possédait une arme ultime : son physique. Je l'enviais beaucoup car non seulement il était beau et avait un bon travail, mais il sortait aussi avec de nombreuses femmes. Par conséquent, je devais porter ma plus belle tenue pour ne pas finir par devenir un total loser en me tenant à côté de lui.

    Mais ce n'était pas la raison pour laquelle j'avais acheté une nouvelle chemise. Il n'était pas si important d'avoir l'air beau que je doive dépenser des milliers de bahts pour cela. Cependant, la chemise que j’avais portée la veille pendant mon travail était imbibée du liquide abdominal du cadavre que j'avais autopsié. C'était une faute accidentelle, causée par un officier, qui m'avait bousculé alors qu'il portait un bocal de liquide abdominal avant d'en éclabousser le contenu sur mon bras. Comme le plastique sous ma blouse ne couvrait pas mon bras, le liquide malodorant s'était infiltré jusqu’à la manche de ma chemise en dessous. Je ne perdrais pas mon temps à laver cette chemise.

    — Hé, Bunn ! Pourquoi as-tu postulé pour une école supérieure en médecine légale ?!, m'avait demandé un jour Tim, un de mes amis.

    — Tu as étudié la médecine pendant six ans, et maintenant tu vas disséquer des cadavres ? J'ai eu ce cours pendant seulement deux semaines au cours de ma cinquième année, et je suis presque tombé malade.

    — Les gens ont des passions différentes, avais-je répondu en brossant les miettes de mon uniforme d'externe. J'aime les cadavres. Tu aimes les enfants. Donc, j'ai choisi la médecine légale, alors que tu as choisi la pédiatrie. Ça ne peut pas être plus logique que ça, avais-je dit en souriant à Tim, qui faisait une tête bizarre.

    — Comment peux-tu dire à voix haute que tu aimes les cadavres ? T'es bizarre.

    — Oi, ma bizarrerie aide notre pays ! Il y a une extrême pénurie de personnel dans cette branche de la médecine. De plus, je suis le seul candidat pour ce programme. Le professeur a presque fondu en larmes quand ma candidature est arrivée au département.

     Je m'étais levé de mon siège dans la cafétéria de l'école de médecine, ramassant mon stéthoscope et l'accrochant à mon épaule.

    — Dépêchez-vous, M. le pédiatre. La conférence va commencer.

    En vérité, j'aurais voulu fournir à Tim une réponse plus longue sur le choix d'étudier la jurisprudence médicale. Mais cela aurait été trop ennuyeux. Je n'aimais pas expliquer mes propres pensées à qui que ce soit. Il était plus amusant de laisser les autres deviner. Mes émotions et mes pensées seraient gardées derrière le rideau, sous les traits d’un type drôle, bavard et éloquent. J'étais prêt à payer quiconque prétendrait me voir stressé.

    J'avais passé trois ans en tant que résident. Après avoir obtenu mon diplôme, on m'avait persuadé de devenir professeur de médecine. Mais j'en avais assez de la vie universitaire. Je voulais pouvoir vivre librement comme je l'entendais. Alors, j'avais décidé d'aller travailler dans un hôpital provincial du nord, à près de mille kilomètres de ma ville natale. J'y avais été affecté en tant que seul médecin légiste de la province.

    J’étais tout de suite devenu très proche des personnalités des réseaux juridiques. Chaque policier, avocat, procureur ou même juge me connaissait. Je m'appelle Bunnakit Songsakdina, docteur en médecine, médecin légiste de 30 ans à l'hôpital provincial. Célibataire. J'avais une petite amie, une belle employée de banque, mais elle ne semblait pas heureuse avec un homme qui disséquait quotidiennement des cadavres. Alors, elle m'a quitté il y a trois semaines.

    Pert tenait un verre de bière, riant à gorge déployée après avoir appris mon statut de célibataire.

    — Oi ! Depuis quand ta charmante, grosse bombe Prae t'a largué ? Tu ne me l'as jamais dit.

    Le grand homme vêtu d'une chemise coûteuse et d'un pantalon posa le verre de bière sur une table en me regardant d'un air sérieux. 

    — Peu importe... Vous avez déjà rompu…

    — Et alors ?

    Je fronçai les sourcils en fixant son regard sérieux.

    — Alors, c'est ma chance.

     Son beau visage se rapprocha de moi. Sa bouche symétrique s'étirait en un sourire déchirant. Son sourire me donna la chair de poule sur tout le corps.

    — … Donne-moi son numéro.

    Je levai mon doigt, le même que celui avec lequel je tenais toujours le scalpel pour ouvrir un cadavre, et donnai une pichenette sur son front de toutes mes forces. Pert cria, retournant à son siège tout en se caressant le front.

    — Bordel ? Non, je ne le ferai pas ! Et si tu allais rompre avec Cherry, Mai, Som, ou qui que ce soit avec qui tu sors d'abord ?

    — Dr. Bunn, ne te mets pas en travers de mon chemin. Tu ferais mieux de laisser tes ex à un homme décent comme moi.

    C'était une conversation décontractée entre Pert et moi, alors que nous étions hors de notre lieu de travail, dans la cour d'un restaurant en plein air où les gens se promenaient. Les tables voisines se trouvaient à quelques mètres les unes  des autres. Nous ne discuterions pas de notre travail qui parle de crimes d'agression ou de meurtre en public comme ça. Par conséquent, notre sujet de discussion habituel concernait inévitablement les relations amoureuses de deux trentenaires solitaires.

    — Au fait, pourquoi vous êtes-vous séparés... ? me demanda Pert sur un ton plus sérieux.

    — Je ne sais pas. On ne pouvait pas s'entendre, je suppose.

     Je haussai les épaules, montrant ainsi que je n'étais pas perturbé. J'avais rompu avec Prae pour une certaine raison, que je n'avais pas l'intention de révéler à qui que ce soit de toute façon. Il n'y avait aucune chance que Pert puisse connaître mes véritables sentiments sous mon visage faussement calme. Personne ne le saurait jamais.

    — Aw mec, vous ne vous entendiez pas ? Je croyais que tu l'avais câlinée après avoir disséqué un cadavre pourri et que tu avais oublié de prendre une douche.

    — Si c'était le cas, on aurait rompu dès les trois premiers jours car le cadavre pourri est arrivé quelques jours après que je sois sorti avec Prae.

     Je réalisai que je parlais trop fort quand une femme d'âge moyen à côté de notre table me regarda d'un air désapprobateur. Je me tournai vers elle en m'excusant et en baissant la voix. Notre conversation se poursuivit tranquillement. 

    Par chance, après avoir déménagé dans une autre province, j’étais tombé sur lui. Nous travaillions tous les deux dans des domaines professionnels liés, ce qui nous permettait, à Pert et à moi, de nous rencontrer à plusieurs reprises, à l'intérieur et à l'extérieur du tribunal.

     Pendant le travail, c'était le Procureur Songsak qui m'interrogeait en tant que témoin expert médical. Mais en dehors du tribunal, il se transformait en "Pert", l'ancien beau gosse qui s'asseyait habituellement au fond de la classe, le garçon plein d'entrain qui n'arrêtait pas de dire des bêtises.

    Quand j'arrivai chez moi, il était déjà minuit. J'ouvris les portes de ma maison de location à un étage, celle que je louais depuis que j'avais déménagé ici pour travailler pour le gouvernement. En vérité, l'hôpital me fournissait un logement. Mais après avoir vu une maison en bois délabrée, dans un état extrême, implorant des rénovations, j'ai décidé de louer une maison à l'extérieur de l'hôpital. Heureusement, il y avait des maisons à louer dans un lotissement non loin de l'hôpital, j'avais donc décidé de louer une maison à un étage sur ce terrain de 280 mètres carrés.

    J'allais sortir la clé de la maison de ma poche pour déverrouiller la porte lorsque mon téléphone portable vibra soudainement dans ma poche. Je pris mon téléphone pour voir qui avait l'audace de m'appeler à ce moment-là.

    C'était un numéro de téléphone fixe.

    Avoir quelqu'un qui appelle par un numéro de téléphone non mobile n'était pas quelque chose d'inhabituel. Si c'était un appel de l'hôpital, ce serait un numéro de ligne fixe. Mais j'avais déjà enregistré le numéro de l'hôpital sur mon téléphone portable. Alors, à qui appartenait ce numéro ?

    Je décidai de prendre l'appel tout en déverrouillant la porte.

    — Allo.

    — [Uh...]

     Au bout du fil, il y avait une voix d'homme.

    —  [C'est le numéro de Nath ?]

    Qui diable est Nath ? Je déduisis immédiatement que c'était un mauvais numéro.

    — Non, vous avez composé un mauvais numéro.

    — [Hein ?] 

    Le bout du fil resta silencieux pendant quelques secondes.

    — [Je crois que j'ai composé le bon. Puis-je savoir qui c'est ?]

    J'ouvris la porte et entrai dans la maison. Je me demandais pourquoi cette personne voulait savoir qui j'étais. 

    — Alors, vous avez fait un mauvais numéro. Ce n'est pas le numéro de Nath.

     Je mis immédiatement fin à l'appel. Si le propriétaire de ce numéro appelait à nouveau, je ne répondrais pas. Cette fille, Nath, lui avait probablement donné un faux numéro. Désolé pour ça.

    Une nuit de repos après avoir passé du temps avec mon ami s'écoula paisiblement. Je dormis à poings fermés toute la nuit sans qu'aucun numéro étrange ne m'appelle à nouveau.

    Je me tournai pour regarder une jeune interne, qui se tenait debout, le visage pâle, mon amusement se mêlant à la sympathie. Sur une table en acier devant nous gisait le cadavre d'un jeune homme. Il avait été envoyé ici pour une autopsie afin de déterminer la cause du décès. D'après les dossiers, cette personne était morte dans un accident de voiture après être entrée en collision avec un poteau électrique vers 4 heures du matin. Lorsque les sauveteurs étaient arrivés sur les lieux, ils avaient été incapables de trouver un pouls.

     J'avais passé une demi-heure à revoir avec elle comment déterminer l'heure du décès et comment examiner l'état extérieur du corps. Ensuite, j'avais ordonné aux agents de commencer le processus de dissection.

    — Tu as déjà pris ton petit-déjeuner, Fai ? demandai-je à la petite stagiaire, dont la présence avait été requise par le personnel des urgences pour étudier avec moi les sciences médico-légales. 

    Pauvre d'elle.

    — Je... J'ai déjà pris mon petit-déjeuner, Professeur.

    Il est courant pour un interne d'appeler un membre du personnel d'autopsie "professeur". Son visage devint encore plus pâle quand l'équipe d'autopsie retira le cuir chevelu du visage du défunt, révélant son crâne. Je regardai Fai dans sa blouse de laboratoire, portant un bonnet chirurgical vert, un masque sur le nez et des bottes en caoutchouc. Son corps semblait rétrécir dans cet uniforme. Je souris tendrement à cette vue.

    — Allez, dépêchons-nous de finir l'autopsie. Je t'emmène déjeuner.

     Je la guidai loin de la table, en attendant que le personnel ouvre le crâne de la défunte.

    — A ton avis, quelle est la cause de sa mort ? demandai-je à Fai sans aucune attente sérieuse. 

    À l'époque où je n'étais qu'étudiant en médecine, je n'avais eu que deux semaines de cours de médecine légale. Si je n'avais pas poursuivi des études supérieures dans ce domaine, je suis relativement certain que je n’aurais pas non plus été capable de me souvenir de quoi que ce soit

    —  Umm…

    Fai se tourna vers le corps avec une expression incertaine.

    — Choc hypovolémique dû à une perte excessive de sang ?

    — Hmph, c'est possible. La perte de sang se produit généralement chez les patients blessés dans un accident. Cependant, d'après l'aspect extérieur, nous n'avons pu voir aucun saignement sauf au niveau du nez et des oreilles. Il pourrait y avoir une hémorragie interne. Cette personne a une grosse contusion sur son estomac et sa poitrine. Une fois que nous aurons examiné ses poumons et son abdomen, nous devrions être en mesure de le voir. Je ne pense pas que cette personne soit morte d'une perte excessive de sang… 

    Fai tourna la tête vers moi, sceptique. 

    — Attendons de voir, lui dis-je en fronçant les sourcils.

    Le crâne avait été magnifiquement ouvert. Puis, le cerveau avait été déposé sur un plateau. Je guidai Fai pour qu'elle regarde la tête qui était exposée.

    — Bingo, une fracture de la base du crâne. Tu la vois ?

    Je pointai du doigt une série de fissures sur la base du crâne pour qu'elle les voie.

    — Au début, nous avons vu des sécrétions roses et mousseuses s'écouler de son nez ainsi que d'autres indices révélant le mécanisme de mort par asphyxie. La base de son crâne a été fracturée, puis, le sang de la base crânienne a pénétré dans ses voies respiratoires. Cette personne a dû mourir en s'étouffant dans son sang.

    Je vis les yeux ronds de Fai s'illuminer d'excitation. Elle était plutôt mignonne.

    Après avoir terminé l'autopsie, je conduisis Fai au steak-house non loin de l'hôpital. Chaque fois que les internes étaient envoyés étudier avec moi, j'avais l'habitude de les emmener déjeuner. Ensuite, je les ramenais aux urgences pour qu'ils puissent continuer leur travail.

    — Pourquoi avez-vous choisi d'étudier la médecine légale, Professeur ? me demanda Fai pendant que nous attendions le repas. C'était une question populaire que tous les internes posaient lorsque je les amenais à déjeuner.

    — Je pense que c'est amusant. Nous communiquons avec les gens par les mots. Mais les morts communiquent avec nous avec leurs corps. Tout dépend si nous les entendons. La mort d'une personne tombée d'un immeuble peut être considérée comme un suicide. Mais ensuite, nous découvrons des niveaux élevés de substances toxiques dans son sang. Le mort essaie de nous parler, en disant : “Je ne me suis pas suicidé, docteur ! J'ai été assassiné !”

    Fai fronça le nez.

    — Professeur, vous m'avez donné la chair de poule.

    — Hé, c'était juste une analogie. Si le mort avait réellement parlé, j'aurais fui pour sauver ma vie, dis-je en riant.

    —  Vous avez toujours peur des fantômes ? ! dit Fai d'un ton haut perché.

    —  Bien sûr, j'ai peur ! Je prie chaque nuit avant de m'endormir.

    Fai et moi rîmes en même temps. Je sentais que c'était une bonne occasion.

    — Uh...... En fait, tu n'as pas besoin de m'appeler professeur. Ce n'est pas une école de médecine. Restons simples. Tu peux m'appeler Bunn.

    Fai afficha un large sourire. 

    — Ok. Vous êtes très gentil, et vous enseignez très bien, Bunn.

    J'allais la remercier pour ce compliment quand la sonnerie soudaine de mon téléphone portable m'interrompit. Je le sortis et regardai le numéro. C'était le nom que j'avais enregistré comme "Capitaine Aem".

    Trois mots surgirent dans ma tête quand je vis ce nom apparaître sur l'écran pendant les heures de bureau. Ces mots étaient : Quelque chose est arrivé…

    Je sortis du van de l'hôpital, Fai sauta à ma suite. J'avais décidé d'emmener l'interne pour lui offrir l'expérience d'une scène de crime, car en dehors des heures de bureau, c'était l'interne de garde aux urgences qui pratiquait l'autopsie sur les lieux. Je portais une veste noire avec de grandes lettres, “FORENSICS” dans le dos, et des baskets pour plus d'agilité. Nous étions trois, soit Fai, Anun, un légiste homme, et moi, à entrer dans le bâtiment. Anan portait un sac dans une main et tout en tenant un appareil photo compact dans l'autre, il prenait consciencieusement des photos de l'endroit. L'immeuble était une résidence située en plein centre-ville. Il y avait un petit groupe de personnes rassemblées au rez-de-chaussée. Ce devait être des personnes qui vivaient ici.

    Mes yeux parcoururent le rez-de-chaussée pour observer l'ambiance et les individus suspects. C'était ce que je faisais de manière automatique, même si cela allait au-delà de mes fonctions. Mon devoir ne concernait que le cadavre. Sur place, je devais être capable de dire qui était le défunt, quand il était mort, quelle était la cause du décès. Et si cela s'avérait nécessaire, je devais envoyer le corps au service médico-légal de l'hôpital pour pratiquer une autopsie. L'enquêteur rassemblait les informations de mon rapport, déterminait la cause du décès et identifiait le suspect ou le meurtrier, ainsi que d'autres éléments de preuve.

    Cependant, j'aimais jouer à ce jeu tout seul. S'il s'agissait d'un meurtre, je devinerais qui l'a commis sans aucune preuve solide. Je garderais la réponse pour moi, et j'attendrais la révélation de la police ou un test d'identification, comme un test ADN.

    Vous pouvez appeler cela un don car, à ce jour, mes statistiques se sont révélées exactes à cent pour cent.

    Un officier de police s'approcha de moi.

    — Dr. Bunn.

    — Oh, Capitaine Aem.

    Je souris au grand homme musclé en uniforme qui était enquêteur local dans cette zone. Ma main fit un geste vers Fai. 

    — Aujourd'hui, j'ai amené une stagiaire de première année pour observer la scène. Elle s'appelle Fai.

    Je vis le capitaine lancer un regard brillant à la petite femme médecin. J'avais sérieusement envie de prendre sa photo et de l'envoyer à sa femme.

    — Ok alors, s'il vous plaît, prenez l'ascenseur par ici. La scène est au cinquième étage.

    Nous nous dirigeâmes vers l'ascenseur qui était déjà ouvert. Pendant que nous étions dans l'ascenseur, le capitaine se tourna vers moi pour me parler. 

    — Il y a une lettre de suicide, Dr. Bunn. La grande sœur de la victime a confirmé que c'est l'écriture de la victime. La victime a été diagnostiquée avec un trouble dépressif. Nous avons trouvé un grand nombre d'antidépresseurs et de somnifères comme si elle avait refusé de les prendre après les avoir reçus. Nous avons interrogé sa sœur, et elle a dit que la victime était stressée à cause de sa vie amoureuse ces derniers temps. Son petit ami l'a menacée de mettre fin à leur relation, ou quelque chose comme ça.

    Je hochai la tête en signe de reconnaissance.

    — D'après ce que j'ai entendu, ça penche vers la possibilité d'un suicide, n'est-ce pas ? Ah... et vous avez dit que c'est le petit ami qui a trouvé le corps, n'est-ce pas ?

    — Oui, à 11h30, le petit ami de la défunte est venu la voir dans la chambre. Il a dit qu'il avait frappé, mais personne n'a répondu. Elle n'a pas répondu à son appel non plus. Il est donc descendu demander un double des clés au personnel, en prétendant que la propriétaire de cette chambre souffrait de dépression, avec une possibilité de suicide. Il est entré dans la chambre et a découvert que la femme s'était pendue à la pomme de douche de la salle de bains. Il s'est précipité pour enlacer le corps, et a failli la détacher pour lui faire un massage cardiaque. Heureusement, le personnel l'a arrêté à temps et nous a rapidement appelés.

    Je fis un petit "tsk". Je préférais les cadavres intacts.

    — Il l'a enlacé ? Ses cheveux ont dû tomber partout sur le corps.

    Le capitaine Aem rit. L'ascenseur arriva au cinquième étage et s'ouvrit en douceur. Je sortis et regardai dans le couloir. Il y avait une pièce avec une porte ouverte. Un groupe de policiers et de médecins légistes se tenaient devant cette pièce. Près de la porte, deux personnes parlaient aux policiers. L'une était une femme qui pleurait. L'autre était un homme de grande taille portant une chemise blanche et un pantalon gris. Ses cheveux noirs étaient soigneusement coiffés en arrière. C'était un beau gars, à l'allure remarquable, d'autant plus qu’il se tenait parmi des gens comme ça.

    — C'est sa sœur et son petit ami.

    Le capitaine Aem confirma rapidement mes soupçons.

    La réaction à la perte de nos proches était différente pour chaque personne. Certaines personnes étaient en colère, d'autres étaient tristes, d'autres encore étaient frappées par la culpabilité. Je regardai l'homme, le petit ami de la femme qui était morte. Son expression était calme. Contrairement à la sœur de la défunte, qui était en train de pleurer à chaudes larmes, son visage et ses yeux ne montraient aucun sentiment.

    Je gardai cette observation en tête.

    Je passai devant les enquêteurs de la police scientifique, qui inspectaient les lieux, pour entrer dans la chambre. Le capitaine me conduisit à la salle de bain sur la gauche. La prochaine chose que je vis fut le corps d'une femme de 28 ans aux cheveux longs. Elle était en chemise de nuit rose, suspendue à la pomme de douche, qui était fixée au mur de la salle de bains. Ses pieds étaient au-dessus du sol, une chaise ronde en plastique à quatre pieds posée sur le carrelage. Le bout de ses mains et de ses pieds était devenu violet foncé. Son visage était gonflé et devenu vert ; sa langue était saillante.

    J'entendis une série de bruits d'obturateur provenant de l'appareil photo compact dans la main d'Anun tandis que Fai se tenait là, son visage était pâle. Je sortis des gants en caoutchouc du sac et les distribuai à tous les membres de l'équipe. Je m'approchai du corps et inspectai l’apparence extérieure pour rechercher des preuves physiques sur le corps, comme du sang ou des cheveux.

    — Le nom de la défunte est Janejira Sukyod, âgée de 28 ans. Elle travaillait en tant qu'enseignante dans une école primaire. Elle venait de démissionner de ce poste depuis deux semaines, déclara le capitaine en observant mon travail. Sa sœur a dit que sa dépression s'était aggravée. Sa sœur aînée est la dernière personne à l'avoir vue. Elles ont dîné ensemble ici à 19 heures et sa sœur est rentrée à 21 heures.

    J'utilisai mon doigt pour appuyer sur les zones sombres à l'extrémité de ses pieds et de ses mains. Et j'essayai de bouger son bras.

    — Elle pourrait être morte depuis environ 8 à 12 heures. Ça correspond au laps de temps où elle était seule.

     Je me mis sur la pointe des pieds pour regarder de près le nœud coulant. C'était un tissu blanc attaché à la pomme de douche murale.

    Eh !?

    Mes yeux remarquèrent quelque chose d'inhabituel.

    Au-dessus de la marque de la corde sur son cou, il y avait quelques petites et longues éraflures, avec des bleus sous la corde. Je demandai à Anun de prendre une photo nette de cette zone. Fai s'approcha avec hésitation.

    — Qu'est-ce que c'est ?

    Je pointai du doigt la marque. 

    — Tu peux voir ça ? Ça ressemble à une égratignure d'ongle, tu ne trouves pas ? Et cette zone a l'air un peu trop meurtrie.

    Je me tournai vers le capitaine Aem.

    — Y a-t-il des signes de lutte dans la pièce ? Je n'en ai pas encore vu.

    Le capitaine secoua la tête. 

    — Tout semble être à sa place. D'après ce que m'a indiqué sa sœur, rien n'a été déplacé.

    Je tendis la main pour sentir la zone de l'ecchymose. Je pus détecter une fracture du larynx que l'on ne trouverait certainement pas chez une personne qui s'est pendue. Après avoir expiré lentement, je me tournai vers le capitaine, qui se tenait là, m'attendant avec impatience. J'avais hâte de ramener ce corps à l'hôpital pour une autopsie approfondie.

    — Désolé de vous imposer plus de travail, M, dis-je avant de rester silencieux un instant. Mais cela ne semble pas être un suicide. Je voudrais l'envoyer au département médico-légal pour une autopsie.

    Cette femme avait été étranglée à mort, puis son corps avait été mis en scène pour faire croire qu'elle s'était pendue.

    Après avoir terminé l'autopsie préliminaire sur la scène de crime, j'enlevai mes gants et sortis de la pièce où l'incident avait eu lieu. Je pris une grande bouffée d'air frais dans mes poumons. Le corps allait être emmené au département médico-légal pour un examen approfondi. J'étais prêt à disséquer ce cas. Il y avait encore beaucoup de travail à faire. Mon cœur battait la chamade, excité comme à chaque fois que je rencontrais une affaire de meurtre. J'étais déjà devenu accro à ce sentiment. C'était la raison pour laquelle j'étais totalement amoureux de cette profession.

    Comme cela semblait être une affaire de meurtre, je commençai à jouer à mon jeu favori. Qui était le meurtrier... ?

    Mes yeux se tournèrent soudain vers l'homme qui avait été identifié comme le petit ami de la défunte, la personne qui avait découvert le corps. Son visage restait impassible. N'était-il pas du tout affligé par la mort de sa petite amie malgré le fait qu'ils avaient déjà rompu ?

    Ses yeux longs et fins se tournèrent vers les miens, comme s'il était conscient d'être observé.

    Je détournai mon regard ailleurs, mon cœur tambourinait encore à cause de l'excitation. Mon instinct me disait que ce type n'était pas une personne ordinaire. Il cachait quelque chose. Et vu son corps fort et symétrique d'une taille d'1m80, je pensais que cet homme pouvait facilement soulever sa petite amie et la pendre.

    J'espérais que la police serait du même avis et mènerait une enquête approfondie sur cette personne.

    Je décidai que cet homme était un meurtrier. Et j'étais sûr que mes statistiques à cent pour cent ne seraient pas détruites.



  • Commentaires

    4
    Jeudi 30 Mars 2023 à 17:17

    Merci beaucoup d'avoir pris ce projet, j'ai hâte de découvrir le roman....

    En tout cas il est fasciné par son travail....

    Hâte de découvrir la suite....

    3
    Jeudi 30 Mars 2023 à 14:43

    Merci de nous traduire  ce livre ,j'ai adoré la série 

    2
    Jeudi 30 Mars 2023 à 08:11

    Merci pour ce 1er chapitre. Contente que vous ayez pris ce projet ^^ Bises <3

    1
    Mercredi 29 Mars 2023 à 20:04

    J'ai adoré le drama, l'atmosphère qui y régnait ^^ J'espère que le roman sera tout aussi bon.

    Merci pour la traduction de ce tout premier chapitre !

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :