• 46ème Chaos

    46ème Chaos
    On est faits pour être ensemble

    Après avoir terminé au lycée privé, on a décidé de squatter le restaurant de porc grillé qui appartient à la famille de Nong Knott, près de Kaset-Nawamin Road. On y va si souvent que son père n'est plus dérangé par tout le bruit que nous nous efforçons de faire. Il nous a même dit qu'il préférait avoir beaucoup de jeunes au restaurant, car nous le gardons vivant.

    — Heyyyy ! Putain, qui a mis du boeuf sur ce grill ? ! Viens ici et laisse-moi te gifler !

    Poom, qui est silencieux depuis une heure, intervient lorsqu'il remarque un morceau de viande rouge posé sur le grill dans toute sa gloire. Ceci après avoir décidé de ne pas manger de bœuf. Il est tellement bruyant que je sursaute. Et bien sûr, quand il s'agit de faire ce genre de choses horribles, ça ne peut être personne d'autre que...

    — Quoi ? Ce n'est pas du bœuf.

    Et voilà, l'homme derrière ce bordel se dévoile. Je regarde Ohm en tenant mes baguettes avec ma bouche. Il soulève lentement le morceau que Poom appelle "bœuf" et le balance devant le plaignant.

    — Regarde ça. C'est clairement... des épinards.

    Ce connard ! Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi insolent que ce type ! La tête d'Ohm se transforme en poubelle quand les gars lui jettent des mouchoirs usagés. Tu le mérites, je te le dis du fond du cœur.

    Poom et Ohm se disputent un peu plus pour savoir s'il s'agit d'un morceau de bœuf ou d'épinards (il a les couilles de contester ça ?). Poom en sort victorieux car il demande à grands cris un serveur et que le grill soit immédiatement remplacé comme s'il s'agissait de la plus grande urgence de tous les temps.

    On rit tous ensemble en retirant du grill le porc, le poulet, le bacon et un tas d'autres choses pour qu'ils puissent le remplacer. Pendant ce temps, on se sert de la nourriture des autres grills. De nombreux membres du club de musique sont ici aujourd'hui, alors on a fini par rassembler trois tables séparées avec trois grils. On peut à peine bouger et manger toute la nourriture.

    — Tiens, encore du porc.

    J'ai sans doute oublié de mentionner le fait que je n'ai pas quitté mon assiette des yeux depuis que nous nous sommes assis. Je n'ai même pas fait griller quoi que ce soit non plus. La personne qui s'est occupée de la cuisine, qui a vérifié quels plats étaient prêts et qui les a récupérés de sur le grill pour moi, c'est Phun Phumipat, également connu comme étant le secrétaire du conseil des étudiants, qui nous a suivi au restaurant sans y être invité (Comme il a suivi le groupe, sans y être invité, plus tôt dans la journée). Je suppose que maintenant, il est le secrétaire du président du club de musique vu qu'il m'a suivi tout ce temps.

    S'il avait pu mâcher et avaler la nourriture pour moi, il l'aurait fait.

    — Hé, tu devrais manger aussi. Tu n'as pas faim ?

    Je remets rapidement le porc et le poulet dans son assiette vide alors que la mienne est une montagne de produits comme du porc, des champignons, du canard et du poulet. (En fait, il n'y a pas de canard. Je voulais juste que les choses riment, haha.) (1)

    Cependant, Phun sourit simplement et continue à me faire griller du porc. Argh, tu te moques de moi maintenant ?!

    En tout cas, il peut faire ce qu'il veut. C'est mieux comme ça, je ne ferai rien et je deviendrai un incapable. Mais j'ai de la chance que mon assiette soit pleine de la nourriture que Phun m'a donnée puisque New a commencé peu de temps après à déconner avec ses recettes bizarres. (Je ne peux vraiment pas expliquer ce qu'elles impliquent car elles sont tellement compliquées et c'est quelque chose que les jeunes ne devraient pas prendre comme exemple). Heng évite de justesse ce terrible destin lorsque le personnel remplace le grill que Poom avait demandé plus tôt. Sinon, Heng aurait été obligé de manger l'horreur que préparait New. Je suis assis juste à côté du réchaud, alors je me penche pour faire de la place (en plus, je ne voulais pas être blessé). Mais il semble que quelqu'un veuille se faire mal.

    — Je serais heureux d'avoir une grande sœur comme toiiiiiii. Es-tu intéressé par l'adoption d'un lycéen ?

    Hé hé. Je n'ai pas besoin de vous dire que la personne qui dit ça est complètement bourrée, n'est-ce pas ? Aucune personne saine d'esprit ou lucide dirait une chose pareille à quelqu'un qui porte un objet brûlant dans ses mains.

    La nouvelle grande sœur de Per sourit un peu en déplaçant le réchaud de façon effrayante, presque comme si elle voulait lui frapper le visage avec. Heureusement pour lui, elle croit au dicton "ne fais pas attention aux fous et aux ivrognes", alors il s'en sort en un seul morceau et retourne savourer le porc grillé en sirotant une bière. (Pour être franc, presque tous mes amis sont de toute façon une bande de fous et d'ivrognes).

    C'est vrai, on a pu commander une tonne de bière grâce à Film. Il a dit que la barman du restaurant de Knott était jolie (et Knott a saisi l'occasion et s'est vanté de la façon dont il l'avait choisie lui-même). Et comme cette jolie barman a rempli les verres de bière de mes amis au fur et à mesure (je ne bois pas ce soir car je ne suis pas d'humeur et Phun a décidé de le faire avec moi), chacun d'eux est saoul. Ils ont aussi fait la queue pour chanter des chansons folkloriques sur la scène. Mais au lieu de chansons folkloriques, la scène s'est transformée en...

     

    ♪ La lune ne regarde plus, la lune ne regarde pas 

    Même si la lune ne regarde pas, je ne le permettrai pas ♪

     

    Hum... quelqu'un, n'importe qui, peut-il expliquer cette situation tragique et terrible qui se déroule devant moi ?

    Il est impossible qu'Ohm et Film chantent "A Daring Kiss Under the Moon", n'est-ce pas ?! (2)

    Phun et moi, qui sommes les seuls encore cent pour cent sobres, ne pouvons rien faire d'autre que de nous voiler la face en répétant que cela doit être un rêve et que j'oublierai que ceci s'est produit.  J'espère bien pouvoir y arriver. Que quelqu'un me fasse sortir de là !

     

    ♪ Je n'ai pas peur des matins.

    J'ai seulement peur qu'ils ne viennent pas.

    Peu importe l'heure qu'il est

    Je peux le faire ♪

     

    Dieu merci ! Mon téléphone sonne dans la poche de mon pantalon ! Je l'attrape à la hâte, et un peu trop dramatiquement. Phun me regarde avec des baguettes à la main.

    Bingo ! C'est Yuri !

    Son appel me sauve la vie. Je ne veux pas assister plus longtemps à la scène grotesque qui se déroule ici. Nong Mum photographie Film embrassant Ohm sur la joue avec son appareil photo pendant la chanson. (Arf !) Quand ces deux-là verront les photos lorsqu'ils seront à nouveau sobres...

    Je pourrais, comme excuse, juste dire que je n'ai rien vu parce que j'étais au téléphone avec Yuri. Hé hé hé.

    — Allo ?

    — Noh, où es-tu ? C'est si bruyant. crie Yuri de sa voix enjouée comme si elle voulait rivaliser avec le vacarme autour de moi. 

    Je me déplace dans le jardin pour m'éloigner le plus possible de la nuisance sonore (parce que maintenant Per chante un duo avec le père de Knott et c'est terrifiant).

    — Au restaurant de porc grillé. Tu es déjà rentrée ?

    — Je suis rentrée il y a longtemps. J'ai dîné, fait la vaisselle, pris une douche, mis mon pyjama, passé sur MSN et maintenant je suis sur le point de dormir.

    Wow, quelle réponse détaillée. Je ris silencieusement avant de l'embêter un peu.

    — Oh, tu vas dormir ? Pourquoi tu m'as appelé alors ?

    Même si je savais qu'elle me ferait une petite crise.

    — Parce que ! Tu étais à mon école aujourd'hui mais on s'est à peine dit 10 mots ! Alors si tu penses que tu peux me chasser et me dire d'aller me coucher, tu peux toujours rêver !

    Elle a l'air sérieuse, hé hé hé. Je ris de la détermination de Yuri. Je m'assois sur un énorme rocher tout près pour pouvoir discuter tranquillement avec elle. Je suppose que je peux considérer ça comme un moyen de m'aider à digérer la nourriture puisque je me sens plutôt plein en ce moment.

    Nous avons continué avec de petites discussions, puis nous avons parlé de l'événement qui s'est produit plus tôt dans la journée. Yuri m'avait raconté comment chaque membre du club de musique avait eu un énorme béguin pour mon groupe après notre concert l'année dernière. C'est la raison pour laquelle elles se sont battues pour que nous jouions à nouveau là-bas cette année. C'est drôle quand on pense à la merde dans laquelle nous étions l'année dernière. Ce n'était pas professionnel et on ne jouait que pour rigoler. Je n'arrive pas à croire que les membres du club de musique du lycée privé n'avaient pas remarqué qu'Ohm et New jouaient de la basse et de la guitare dans des tonalités totalement différentes. Je pouvais à peine chanter avec eux.

    En tout cas, nous n'avons pas merdé cette fois. (je crois).

    J'écoute Yuri raconter ses histoires tout en riant. Alors que je suis en train de perdre la notion du temps, une lourde main se pose sur mon épaule par derrière. 

    — Phun ? m'exclamé-je en utilisant le nom de celui qui se tient devant moi. 

    Le propriétaire de ce nom s'assoit sur le rocher avec une assiette de nourriture à la main.

    — Tu en veux ? demande Phun, mais pas trop fort (surtout quand on compare avec Per qui hurle dans le micro), mais il semble que Yuri l'entende.

    — Phun est là aussi... ? demande-t-elle doucement à l'autre bout de la ligne. 

    Je m'en doutais bien. Je savais que Yuri était encore réticente quand il s'agit de Phun, car c'est lui qui a rompu avec Aim. (Le premier jour où ces deux-là ont rompu, j'ai dû écouter Yuri se plaindre de lui jusqu'à ce que mes oreilles en tombent presque. Elle croyait de tout cœur que Phun était fautif puisque c'était lui qui avait rompu avec Aim en premier). À peine deux jours plus tard, Aim a commencé à sortir avec un nouveau mec, ce qui fait que Yuri a cessé de faire des commentaires à ce sujet. Je ne suis pas sûr de ce qu'elle sait réellement, mais je pense qu'elle ne blâmera plus Phun comme elle l'a fait dans le passé. Cependant, elle pourrait trouver un peu gênant de lui parler et je la comprendrais car il pourrait y avoir quelques doutes.

    — Oui, tous ceux qui ont aidé sont là, réponds-je pendant que je fronce les sourcils vers Phun quand il me passe une assiette de porc, des crackers de riz et des nouilles vertes. Yuri répond alors avec un peu d'hésitation dans sa voix.

    — Salue-le de ma part, alors.

    — Yuri te dit bonjour.

    Je joue le rôle d'intermédiaire et je transmet le message à Phun, comme on me l'a demandé. Phun est un peu surpris, mais il me fait un sourire satisfait. 

    — Salut. Tu es toujours réveillée, Yuri ?

    Hein, tu commences une conversation avec elle maintenant ? Je regarde ma montre qui m'indique qu'il est actuellement plus de 23 heures tout en attendant une réponse de l'autre bout de la ligne. 

    — J'avais prévu de parler à Noh jusqu'à ce que je m'endorme ! Héhé !

    C'est tout simplement génial.

    Je me retourne pour raconter à Phun ce que Yuri a dit et il rit avant de l'avertir que si elle se couche tard, elle se transformera en panda aux yeux sombres. Il ajoute aussi que sa peau va vieillir et se rider encore plus vite. Il mentionne toutes les choses qu'il ne faut pas dire aux femmes ! Comme prévu, il y a une grande agitation venant de Yuri (car aucune femme ne voudrait écouter leurs mauvais sorts). Elle affirme qu'il existe des lotions et des crèmes qui peuvent aider pour ça. Mais Phun ne se laisse pas abattre et lui dit que ces crèmes sont faites à partir de vessies de baleines mortes. Yuri poursuit son tapage sur l'autre ligne. Finalement, je passe le téléphone à Phun pour qu'ils puissent régler ça entre eux (au lieu de compter sur moi comme messager). Malgré tout, je peux toujours entendre Yuri couiner chaque fois que Phun la taquine à propos de telle ou telle chose. Le type responsable est heureux, probablement parce qu'il est capable de la taquiner. Mais Yuri n'est pas ta petite sœur, qui es-tu pour la provoquer et l'embêter sans cesse ?

    C'est un certain soulagement de voir ces deux-là plaisanter et glousser l'un avec l'autre. J'espère que Yuri ne pense plus trop de mal de Phun. Je les aime tous les deux et s'ils sont en mauvais termes à cause de cette chose terrible qui s'est produite, je me sentirai très mal.

    Phun rit et discute avec Yuri pendant un long moment avant de me rendre le téléphone. Ensuite, j'ai dû écouter Yuri qui n'arrêtait pas de me dire qu'elle n'avait aucune idée qu'il pouvait être aussi insupportable (maintenant tu sais, c'est le pire de tous). Yuri semblait beaucoup plus gaie et enjouée lorsqu'elle parlait de Phun, ce à quoi je ne peux pas m'empêcher de sourire avec elle, alors qu'il est assis juste à côté de moi.

    Nous avons parlé pendant un bon moment (Phun ajoutant de temps en temps son grain de sel) jusqu'à ce que les gars sortent pour nous dire qu'ils avaient l'intention de partir. (Ils nous ont même taquinés, Phun et moi, à voix haute aussi ! Heureusement que Yuri ne les a pas entendus.) Avant que je ne raccroche, Yuri demande si elle peut d'abord parler à Phun. Je n'ai aucune idée de ce dont ils ont parlé, j'ai seulement entendu sa réponse, qui était 

    — Je vais même m'occuper de lui jusqu'à ce qu'il s'endorme.

    Euh...qu'est-ce qu'il veut dire par là ?

     

    J'apprends la réponse une fois que nous rentrons à la maison. Le père de Nong Knott a été super gentil comme d'habitude. Un employé du restaurant nous a tous reconduits à la maison. Mais je n'ai pas compris pourquoi ils devaient me déposer en premier (et ma maison n'était pas exactement la plus proche du restaurant). Les gars dans la voiture se sont mis à beugler quand Phun et moi sommes descendus ensemble. Maudits soient ces connards désagréables !

    C'est donc ça. C'est ce que Phun voulait dire quand il a discuté avec Yuri. Il s'en sert comme excuse pour passer la nuit chez moi. Il prétend que le club de musique l'a épuisé en lui faisant porter du matériel, en installant le son et même en le traînant pour qu'il chante, ce qui l'a embarrassé sur scène. Selon lui, le président du club, donc moi, devait assumer la responsabilité de ce qui s'était passé en s'occupant très bien de lui pendant une nuit. Il a eu les nerfs solides d'avoir dit une telle chose. La rumeur dit que c'est lui qui a supplié de venir avec nous ? Pourquoi se plaint-il maintenant ?

    Mais peu importe. S'il veut rester chez moi, il peut le faire. Je lui fais un signe de tête fatigué et lui donne ma permission en disant au revoir aux gars dans la voiture qui nous taquinent encore, Phun et moi. (mais qu'est-ce qui ne va pas chez ces gars ? ! Tout le monde s'en fout que Per ai demandé à Nong Knott s'il pouvait passer la nuit chez lui !) Au final, je cesse d'agiter la main et je fais plutôt un doigt d'honneur. Même quand le van s'en va, ils baissent les vitres et sortent leur tête pour se foutre de nous. Vous feriez bien de faire attention ! Il est presque minuit, les gens essaient de dormir !

    Phun et moi, on rit tous seuls quand la camionnette quitte la rue. On se dirige vers l'intérieur de la maison qui est complètement plongée dans le noir. Phun n'arrête pas de me dire qu'il est rassasié parce qu'il a mangé tout ce porc grillé et ces fruits de mer. Je suis trop épuisé, alors je n'ai pas mangé autant que lui. J'ai surtout rempli mon estomac de crevettes avec des nouilles chinoises à la place.

    On met la clim en marche dès qu'on entre dans la chambre. C'est le début de l'année, et pourtant il fait horriblement chaud. Je vais ranger ma guitare électrique bien-aimée à l'endroit où je la garde habituellement. Je l'emporte rarement ailleurs, à moins qu'un événement ne m'y oblige. J'ai demandé à mon oncle de m'aider à l'acheter lors d'une vente aux enchères au Japon, et elle était sacrément chère. Mais c'était quand même moins cher que d'en acheter une toute neuve. Malgré tout, je mourrais s'il y avait une seule égratignure dessus.

    Alors que l'on range nos propres affaires en silence, une seule idée me vient soudainement à l'esprit.

    — Phun ?

    — Qu'est-ce qu'il y a ? répond-il alors qu'il est en train d'enlever la chemise de son uniforme. 

    Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas le courage de le regarder. Mes lèvres sont sèches comme une pierre alors que je continue à parler. 

    — As-tu... rencontré Aim aujourd'hui... ?

    C'est probablement à cause de ça que je ressens une tension dans ma poitrine depuis ce matin. C'est probablement dû à cette question.

    Phun reste silencieux après que j'ai posé ma question. Il ne me répond pas tout de suite comme il le fait d'habitude. Pourtant, il finit par me donner une réponse. 

    — Oui... quand je suis allé au bureau administratif.

    — Je vois…

    C'est tout ce que je peux répondre. Honnêtement, je ne sais pas quoi dire d'autre.

    On reste silencieux pendant un moment alors que je fais semblant de nettoyer la guitare, puis Phun commence à parler. 

    — J'ai essayé de sourire et de lui dire bonjour, mais elle a fait comme si elle ne me voyait pas. Je ne sais pas qui devrait être en colère contre qui exactement, hé hé. 

    Franchement, je ne crois pas vraiment que son rire à la fin soit authentique. Tout ce que je peux faire, c'est rester assis et m'inquiéter de la façon dont Phun souffre encore de ce qui s'est passé.

    — Es-tu... jaloux ?

    Soudain, la voix profonde de Phun se fait entendre si près de moi. Je me retourne pour regarder son beau visage alors qu’il est derrière moi. Il me sourit et il essaie même de m'attirer en enroulant ses mains autour de ma taille.

    — Hé ! Qu'est-ce que tu fais ? J'essaie de nettoyer ma guitare, tu vas me faire laisser des traces !

    Je me plains parce que j'ai peur d'abîmer la guitare. Si ça devait arriver, je pleurerais jusqu'à la mort. Mais attendez, qu'a dit Phun ? Jaloux ? Quoi ?

    — Alors dis que tu es jaloux d'abord. Hé hé hé. Je ne suis plus attaché à elle, tu sais. C'est fini entre nous. Mais tu dois juste m'avouer que tu es jaloux... hé hé hé.

    Ce connard est tellement odieux. Je ne sais même pas de quoi il parle ! Mon visage est très chaud. C'est bizarre qu'il soit assis derrière moi comme ça, alors j'essaie de me libérer de ses bras puissants qui me serrent de plus en plus fort.

    — Lâche-moi ! Et je ne vois pas ce que tu veux dire non plus ! Lâche-moi !

    Et voilà, rien ne va plus ! C'est une lutte acharnée maintenant ! Voyons lequel d'entre nous est le plus fort !

    Mais après avoir passé dix minutes entières à lutter, pousser, bousculer et se tortiller, il est clair que Phun est bien plus fort que moi, bien qu'il soit plus maigre. Où range-t-il toute son énergie ?! Je me le demande rageusement tandis que Phun rit de bon cœur derrière moi.

    — Tu ne pourrais même pas être un peu jaloux... ? J'étais en train de crever de jalousie aujourd'hui.

    Et pourquoi je devrais être jaloux de toi ?! Attends, qu'est-ce qu'il vient de dire ? !

    Phun s'étonne. 

    — J'y crois vraiment maintenant. Sortir avec toi, c'est être jaloux et se méfier des filles plus que des garçons. Peux-tu ne pas te comporter comme un mec aussi cool ? Tu vas donner aux filles une mauvaise impression.

    Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il dit en ce moment. Se méfier ? Jaloux ? Il est jaloux... envers... moi... ? Mais pourquoi... ? Et attends, qu'est-ce que ça veut dire quand les gens disent qu'ils sont jaloux de toute façon ?

    Je le regarde d'un air perplexe et il me sourit en retour. 

    — Noh…

    Et maintenant il m'appelle par mon nom ? !

    — Qu-quoi ? !

    Néanmoins, je fais preuve de courage et j'agit comme un dur. Je lui demande bravement et il me lâche avant de me faire tourner pour que je puisse regarder son visage. Ses yeux perçants et familiers me regardent avec un sourire et je ne sais pas quoi faire. 

    — Qu'est-ce qu'il y a ?

    Donc tout ce que je peux faire, c'est de faire des histoires en retour. Phun me sourit encore. 

    — Hé...puisque tu es déjà amoureux de moi de la même façon que je suis amoureux de toi...pourquoi ne pas simplement être ensemble ?

    C'était une question, tu le jures ? ! Ça ne ressemble pas à une question ! On dirait que tu as déjà tout réglé !

    Je lui renvoie immédiatement la balle. 

    — Qu'est-ce qui te fait croire que je suis amoureux de toi ?

    Il hausse les sourcils.

    — Je peux le dire rien qu'en te regardant dans les yeux.

    C'est tellement digne d'une grimace !

    Alors je reste assis et je le fixe très longtemps en réfléchissant à tout ça. (Alors, me demande-t-il de sortir avec lui ou me force-t-il à sortir avec lui ?) Je suppose que je prends trop de temps car Phun m'attire rapidement contre lui et me serre dans ses bras.

    — Hé ! Mais qu'est-ce que tu fous ? !

    Quand quelqu'un pense à quelque chose puis que quelqu'un d'autre l'attrape comme ça, c'est normal qu'il soit surpris par ça !

    Phun se blottit contre moi, le visage enfoncé dans mon épaule. Il me serre si fort que je le sens trembler. Cependant, je ne suis pas sûr de la raison de ses tremblements.

    — Je suis... gêné, d'accord ? Alors, réponds-moi vite ! Je suis en train de mourir d'embarras là !

    Oh, donc il tremble parce qu'il est timide. Hahahaha, comme c'est mignon ! En réalisant ça, je fais semblant de réfléchir un peu plus longtemps.

    — Il faut bien réfléchir quand il s'agit de ce genre de choses. Hm... que dois-je faire ?

    Même s'il semble qu'il ne s'amuse pas avec moi.

    — Tu dois prendre autant de temps pour y réfléchir... ? D'accord... désolé de t'avoir mis dans une situation difficile.

    La voix joyeuse de Phun est maintenant mélancolique. A présent, je me sens mal pour lui. Il est en train de me lâcher mais cela n'arrive pas parce que maintenant c'est moi qui le tire et le serre dans mes bras.

    — Bien, on peut faire çaaaaaaa.

    J'ai fermé les yeux et j'ai lancé les mots.

    — Qu'est-ce que tu veux dire ? !

    Qu'est-ce que tu demandes ? ! C'est moi qui me sens le plus embarrassé maintenant ! Je lui donne une légère claque sur la tête. 

    — Eh bien, qu'est-ce que tu m'as demandé ? Enfoiré.

    Phun ressemble à quelqu'un dont l'ampoule vient de s'allumer dans sa tête une fois que je lui ai rappelé. Il me frotte rapidement le dos et me pose une question avec excitation. 

    — Oh, tu... tu parles de ça ? !

    Pourquoi diable es-tu excité maintenant ? Ce n'est pas toi qui as dit que j'étais amoureux de toi tout à l'heure ?

    Je ne lui réponds pas et je ne l'insulte pas. Tout ce que je peux faire, c'est un léger signe de tête contre son épaule.

    — Allez ! Sois précis. Yes or no ?

    Et maintenant, ce type me demande odieusement en anglais. Qu'est-ce que ça veut dire ? Je me tais un instant avant d'afficher un sourire et de chuchoter doucement.

    — Yes... alors arrête de m'interroger, enfoiré ! On a fini de parler de ça !

    Je suis tellement gêné, bon sang !

    Phun semble plus qu'extatique et dit quelque chose d'incohérent. Il crie de joie et me serre dans ses bras, je suis sûr que je vais avoir des bleus. Mais je suis tellement heureux et je suis certain qu'il l'est aussi.

    Je le laisse me serrer comme ça tout en ayant l'impression que mon cœur déborde de joie. Phun se met ensuite à toucher ma joue avec son nez. Il passe doucement ses mains brûlantes sur mon dos, sous ma chemise. Je sursaute un peu avant qu'il ne s'approche de mon visage. 

    — Maintenant que nous sommes ensemble... il n'y a plus de raison de se retenir, n'est-ce pas ?

    Hum... comment je dois répondre à ça ?

    Mais il semble que Phun n'attende pas de réponse. Ses fines lèvres se recourbent en un sourire avant d'embrasser les miennes. Il me donne des baisers jusqu'à l'oreille. Puis, il me murmure la chose que je voulais le plus entendre.

    Une unique larme coule sur ma joue quand j'entends ces mots. Ces mots que je voulais désespérément entendre. Ces mots que j'ai voulu dire tout ce temps. Ce soir, ces mots sont les miens. Et de même, tout ce que j'ai ressenti à l'intérieur est maintenant à lui. Phun m'embrasse et me dit combien il m'aime encore et encore, comme s'il voulait que nous soyons tous les deux certains que nous ne lâcherons plus jamais la main de l'autre à partir de maintenant.

    Je permets à Phun de me toucher comme il le désire. Et je laisse aussi mon corps se blottir contre le sien, pour me rappeler ces sentiments que je retenais autrefois. Comme ils émergent lentement, je n'ai plus besoin de réprimer mon envie de Phun. Je n'ai plus besoin de garder ces sentiments pour moi tout seul.

    Et pour la première fois, avec Phun dans mes bras, il est vraiment à moi.

     


    Notes

    1/ Du porc, des champignons, du canard et du poulet : Effectivement en français ça ne rime pas, mais en Thaïlandais ça se dit :  “Moo, Hed, Ped, Kai.” et là ça rime.

    2/ A Daring Kiss Under the Moon : Sûrement une chanson d’amour populaire en Thaïlande. J’ai essayé de la trouver, mais n’ayant pas le nom du chanteur, je n’ai rien trouvé désolée.

     



  • Commentaires

    5
    Dimanche 15 Août 2021 à 12:00

    Ca y est ils sont ensemble, c'est trop bien....

    Maintenant il va falloir l'annoncer à Yuri.....

    4
    Samedi 21 Novembre 2020 à 23:59

    Coucou ! Un grand merci pour ce chapitre émouvant.

    Je suis tellement content pour mon brave Noh. Il mérite ce sentiment de liberté et d'amour que lui confère Phun par la chaleur de sa présence.

    Ce roman est vraiment un bijou de sincérité. J'en ai des étoiles plein les yeux.

    • Voir les réponses
    3
    Mercredi 18 Novembre 2020 à 22:48

    superbe chap
    ça va bientôt être le moment de dire au revoir à yuri. pas trop tôt d'ailleurs
    merci d'avoir traduit ce chapitre :)

    à la prochaine

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