• Chapitre 5

    Chapitre 5

    — Bonjour, tu as bien dormi ? me demande Wat, mais je reste figé sur place.

    Bon sang, oui... c'est Wat !

    Bon sang, oui... il est maintenant avec moi !

    Bon sang, oui... il vient de prendre une douche dans ma chambre.

    Bon sang, oui... il est de retour. Il est vraiment de retour cette fois.

    — Hé, ça va  ?

     Wat s'approche de moi et se penche en agitant la main devant mon visage.

    — Wat, c'est toi !?

    Je n'arrive toujours pas à croire que la personne en face de moi est vraiment Wat. Même si j'espérais, je ne m'attendais pas à me réveiller et à voir le résultat de ma victoire devant moi, comme ça. C'est trop soudain et trop difficile à gérer.

    — Oui... c'est moi. Qu'est-ce qu’il se passe ? Ne me dis pas que tu es amnésique et que tu ne te souviens pas de moi.

     

    Il s'assoit sur le lit à côté de moi, les épaules et le torse parsemés de gouttes d'eau qui tombent de ses cheveux mouillés. Je suis à la fois heureux et confus. Est-ce que ça veut dire que le vœu a fonctionné cette fois-ci ?

    — Oh, Wat, tu es là, pour de vrai  ?

    Merde, quelle question stupide !

    Il me regarde en fronçant les sourcils. 

    — Qu'est-ce que tu veux dire ? Hier soir, tu m'as invité. Tu me mets à la porte maintenant ? On n'a même pas encore pris le petit-déjeuner.

    — Pas du tout. Non. Ce n'est rien. Je, euh… m’empressé-je de répondre avant de faire une pause en me grattant la tête avec embarras. Je crois que j'étais un peu groggy et confus.

    Wat continue de se sécher les cheveux et je continue de le fixer, incapable d'empêcher ma bouche de sourire de le revoir. Il est là, devant moi, en train de se sécher les cheveux après la douche. C'est une scène familière. Quand nous étions encore ensemble, il passait souvent la nuit ici, et je m'y étais habitué. Je ne sais pas, c'est peut-être parce que je l'ai perdu plus tôt et que je pensais que je ne verrais plus jamais ces choses dans notre routine quotidienne. Aujourd'hui, quand je le revois dans le même décor, dans ma propre chambre, je me sens comblé, je déborde de bonheur.

    — Qu'est-ce qui te fait sourire ? demande Wat en se retournant et laissant échapper un rire.

    — Ce n'est rien, dis-je en secouant la tête. Je suis juste content de te voir.

    Wat arrête de se sécher les cheveux et me regarde intensément dans les yeux.

    — "Arrête, ne dis pas une chose pareille, surtout sur ce ton et en me fixant comme ça.

    — Ou alors ? Si je le dis quand même  ? dis-je en riant.

     Wat jette la petite serviette qu'il utilisait pour se sécher les cheveux, tout en laissant tomber la serviette qu'il portait sur le sol, avant de se diriger vers moi, les sourcils froncés. 

    — Parce que c'est très tentant. Et c'est trop tard maintenant, tu vas y passer, dit-il en m'attrapant par les poignets, me plaquant sur le matelas.

     

    — Heyyy, Wat, je viens de me lever.

    Je proteste sans trop me débattre lorsque son nez caresse la peau le long de mon cou. C'est un contact familier, mais j'y aspire désespérément.

    — Oui, je sais que tu viens de te lever, répond-il en se plaçant à califourchon sur moi et en regardant la moitié inférieure de mon corps. Oh, oui, c'est vraiment debout. Allez, c'est parti pour le quatrième round. Hier soir, c'était ton tour, alors maintenant, c'est mon tour. Pas de tricherie.

    Sans attendre ma réponse, il pose ses lèvres contre les miennes. C'est le tempo que nous connaissons bien, la mélodie qui nous est familière. Wat sait où me toucher et je sais où poser mes mains et comment positionner mes membres.

    Nous savons quand inspirer, quand retenir notre souffle et quand expirer lentement. C'est le rythme familier des amoureux qui se font l'amour.

    Il n'est pas nécessaire de l'enseigner. Il n'est pas nécessaire de le dire. C'est un souvenir qui s'est incrusté dans mon corps, mes muscles et chacune de mes cellules. C'est comme si toutes les parties de notre corps communiquaient.

    Je ne sais pas ce que j'ai crié. Je ne vois presque rien au-delà des épaules de Wat.

    Ma vision se brouille, mes oreilles bourdonnent et mon corps tremble de plaisir. Puis, au moment où l'extase nous envahit, nous surfons tous les deux sur la vague.

    ………………..

    — Ce matin, tu as l'air…

    Wat s'affaisse et s'allonge à côté de moi, légèrement essoufflé.

    — De quoi ai-je l'air  ? demandé-je en penchant la tête, me servant toujours de son bras comme oreiller.

    — Tu as l'air joyeux. J'aime ça, répond-il.

    — Merci. Je ne pense pas être différent, pourtant.

    Je mens. Je sais que je suis différent. En fait, je jubile à l'idée qu'il ait fini par revenir vers moi. Il est loin de se douter que le temps que j'ai passé sans lui a été brutalement angoissant.

    Mais, selon Cue, l'univers a tout réinitialisé et m'a donné le résultat par défaut. Ainsi, Wat ne saura pas que nous avons rompu.

    — Hé, tu as faim  ? me demande-t-il et je fais un signe de tête en guise de réponse.

    — Allons manger quelque chose, suggère-t-il.

    — Bien sûr, je t'offre à manger, lui proposé-je.

    — Oh wowww, on peut faire un festin, alors ? Pourquoi pas D&D ?

    — Bien sûr ! Tout ce que tu veux.

    J'ai envie de manger là aussi.

    Il rit et se lève pour aller prendre une douche (encore) pendant que je reste allongé nu dans le lit, à regarder le plafond. C'est vraiment génial ! Les deux premiers jours ont peut-être été décevants, mais le troisième soir, j'ai choisi la bonne personne à effacer avec le vœu, et il est revenu à moi.

    — Merci, Cue.

    Je ne sais pas s'il entendra cela. Je suppose qu'il ne reviendra pas, parce que j'ai obtenu ce que je voulais maintenant. Où ira-t-il ensuite ? Est-ce qu'il exaucera les souhaits de quelqu'un d'autre ?

    Peu importe. Où qu'il aille, je veux lui dire merci. Grâce à toi, Mr Scythupide, je n'aurai plus à passer cette Saint-Valentin seul.

    Parce que - maintenant - j'ai - Wat.

    …………….

    Le téléphone portable de Wat sonne pendant que nous prenons le brunch. Il décroche et jette un coup d'œil à l'écran, avant de secouer la tête et de décliner l'appel. Il reprend la conversation de tout à l'heure avec moi.

    — Le mois prochain, Captain Marvel sera à l'affiche.

    Wat adore les films de super-héros.

    — On y va ensemble  ?

    Normalement, je n'aime pas ce genre de films, mais comme je me le suis déjà promis, je vais devenir un meilleur petit ami, en le soutenant et en passant plus de temps dans son univers. Regarder le film qu'il aime est un bon début.

    — Hum...dit en mettant de la purée de pommes de terre dans sa bouche. Voyons si nous sommes libres.

    Je hoche la tête et recommence à manger mon sandwich, tout en me demandant pourquoi il doit d'abord vérifier son agenda. Nous sommes des petits amis, pourquoi devons-nous vérifier notre emploi du temps alors que nous pouvons regarder un film ensemble n'importe quel jour si nous le voulons ?

    — Oh, tu ne dois pas travailler aujourd'hui ? lui demandé-je, parce qu'il devrait être au café aujourd'hui.

    — Quoi ? Tu as oublié que j'ai pris deux jours de congé pour passer du temps avec toi  ?

    Il a l'air déconcerté, alors je ris pour le cacher.

    — Hahaha, je suis encore groggy, Wat. Je ne suis même pas sûr de savoir quel jour on est aujourd'hui.

    — Hahaha ! Quel idiot tu fais, commente-t-il en secouant la tête. 

    Puis son téléphone portable sonne à nouveau. Mais cet appel est différent. Sa sonnerie sonne...oh ! Cette - sonnerie - est - différente - de - l'appel - précédent.

    Wat la regarde et change d'expression. 

    — Bon sang, il faut que je réponde à celui-là. Je reviens tout de suite.

    Il se lève et quitte la table, se dirigeant vers la porte d'entrée du restaurant.

    En fait, l'endroit où nous sommes assis n'est pas si bruyant. La musique est légère et il n'y a pas foule. Il ne devrait pas y avoir de problème pour parler au téléphone ici. Pourquoi devait-il se lever et répondre devant le restaurant ? Je ne comprends pas.

    Mais peu importe. Ça n'a pas d'importance, je suppose.

    Wat revient à notre table, range son portable et continue à manger. 

    — C'est mon petit ami. Il a dit qu'il était bien arrivé en Espagne, dit-il en buvant une gorgée de sa tasse de café.

    Attendez, qu'est-ce que... ? Petit ami ? Son petit ami a appelé et a dit... ?

    — Petit ami... ton petit ami ? 

    — Oui, mon copain est parti en Espagne.

    — Attends, ton copain ? Tu as un copain  ?

    J'ai l'impression que mon cerveau est entré dans une zone de turbulences.

    — Pourquoi es-tu si confus ? Ne me dis pas que tu as encore perdu la mémoire, dit-il en posant son café et en se penchant plus près de moi. Mon copain est parti en Espagne pour un voyage professionnel de trois jours. J'ai donc profité de cette occasion pour prendre deux jours de congé, pour rester avec toi afin que nous puissions nous amuser un peu.

    Puis, il sourit, montrant une canine tout en haussant un sourcil vers moi.

    — Wat, je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'on est l'un pour l'autre  ?

    J'ai l'impression que ma voix tremble.

    — Nous sommes des amis avec des avantages. Des copains de sexe occasionnel. Qu'est-ce qu’il se passe avec toi ? Tu fais semblant d'oublier ? Ce n'est pas drôle, tu sais, dit-il en fronçant les sourcils.

    — Je... Je...

    Le reste de la phrase reste coincé comme une boule dans ma gorge, je n'arrive pas à la recracher. Je pose précipitamment les ustensiles et attrape mon téléphone portable et mon portefeuille, avant de franchir la porte de D&D sans écouter Wat qui appelle derrière moi.

    Je ne me souviens pas de la direction que j'ai prise et je ne sais pas non plus quelle est la distance parcourue. Lorsque j'arrive au comble de l'épuisement et que mes poumons commencent à protester contre le manque d'air, mes pieds s'arrêtent et je lève les yeux.

    L'arrêt de bus... le même vieil arrêt de bus.

    L'arrêt de bus de la déception et le banc sur lequel je finis toujours par m'asseoir et fumer. Quand - j'ai - compris - que - mon - souhait - ne - fonctionne - pas.

    — Aww, pourquoi tu t'es enfui  ?

    Cue est déjà là, assis à m'attendre. Il me pose la question avec un journal dans les mains.

    — ......

    Je ne peux pas répondre. Je suis trop essoufflé. En soufflant, je m'avance et je m'assois à côté de lui sur le banc. Cue se déplace un peu pour me faire de la place.

    — Tu n'aimes pas ça ? Être un ami avec des avantages.

     

    — Qui aime ce genre de position, putain ?lui crié-je. Comment est-ce arrivé ? Pourquoi Wat et moi sommes devenus des copains de baise ? Qu'est-ce qu’il se passe ?

    — Tu te souviens de ce qui est arrivé après votre dispute  ?

    Cue commence à répondre par une question.

    — Nous avons parlé et nous nous sommes réconciliés. C'est évident.

    Je réponds en me rappelant qu'après, nous nous sommes mis d'accord pour ne plus parler de politique, parce que nous ne voulions pas nous disputer.

    — Sais-tu ce que signifie se disputer  ?

    Cue continue de tourner autour du pot, de poser des questions absurdes, mais j'en ai assez et je me contente de secouer la tête.

    — Mon instructeur m'a appris que lorsque les gens se disputent ou se battent, la bagarre agit comme un tamis. Elle filtre les problèmes pour en extraire l'essence de la relation. Sais-tu que les gens peuvent se rapprocher à travers les problèmes ?  Lorsque vous vous disputez avec votre partenaire, cela montre qu'il y a une divergence dans votre conception des choses. Et lorsque vous reconnaissez l'origine du problème, du désaccord, vous le réglez. Cela renforcera les liens dans la relation. Les amoureux qui ne traversent jamais de difficultés n'ont pas la possibilité d'améliorer leur relation, de la rendre plus forte. Ils finissent par devenir un couple qui n'a plus rien à apprendre l'un de l'autre. Penses-tu que ce genre de couple durera longtemps ? Un couple dont les liens ne s'améliorent jamais pour devenir plus durables. Un couple qui reste au même niveau de compréhension, qui n'augmente ni ne diminue, et qui ne progresse jamais. Wat et toi êtes ce genre de couple. Et après plusieurs années, vous vous êtes séparés parce que ça s'est estompé, ça s'est atténué. S'il y a quelque chose qui vous relie encore, c'est la compatibilité sexuelle. Il a suivi sa voie, et tu as suivi la tienne. Mais chaque fois qu'il a envie de sexe, chaque fois qu'il a l'occasion de s'adonner goulûment au sexe avec toi, il vient à toi. C'est comme ça. Tu vois ? Tu as récupéré Wat, c'est sûr. C'est juste une nouvelle forme de relation. Tu n'aimes pas ça ?

    Je serre les dents pendant toute la durée de son explication. Ce n'est pas que je lui en veuille.

    Je m'en veux de n'avoir jamais rien compris.

    En colère contre moi pour m'être réjoui tout à l'heure de l'intelligence de mon plan. En colère contre moi de n'avoir eu aucun pressentiment ce matin et d'avoir succombé à la tentation du sexe et de son plaisir. Alors que je ne suis pour lui qu'un ami avec des avantages.

    Je ne dis pas que cette position est nulle. C'est juste que ce n'est pas ce que je veux.

    — Tu ne vas pas m'engueuler un peu aujourd'hui  ? siffle Cue.

    — Non, soupiré-je. Je me sens comme un imbécile.

    — Pourquoi ça  ?

    Je n'arrive pas à croire ce stupide Cupidon et son audace. Je lui réponds quand même. 

    — Eh bien... je ne sais rien de l'amour ou des relations. J'ai toujours pensé que les disputes et les conflits ruinaient l'amour. Mais en t'écoutant me dire que les disputes peuvent même améliorer la relation...

    Je soupire à nouveau.

    — Je me sens si bête. Maintenant, je ne sais pas si ces expériences qui sont passées dans ma vie peuvent être appelées de l'amour. Parce que je n'ai jamais rien compris.

    — En clair, tu n'aimes pas être l'ami de Wat avec des avantages, n'est-ce pas ? me demande à nouveau Cue.

    Je réponds par un hochement de tête.

    — Et tu vas continuer à demander d'autres faveurs, continuer à te battre, pour le ramener  ?

    A cette question, j'hésite...

    Suis-je prêt à souffrir encore ?

    Suis-je prêt à être déçu une fois de plus ?

    J'ai l'impression que trois fois, c'est déjà trop.

    Mais... il me reste quatre jours. Je peux encore me débarrasser de quatre personnes. J'ai quatre chances à utiliser encore.

    Si vous étiez à ma place... vous laisseriez tomber ces quatre chances ?

    Je serre les poings et acquiesce. 

    — Il reste quatre nuits, c'est suffisant. Je n'ai même pas encore dépensé la moitié de mon capital. Pourquoi m'arrêterais-je ? Au moins, j'ai appris de ces trois erreurs en trois jours. Je vais faire un vœu, confirmé-je après avoir croisé son regard.

    Cue sourit et me tape sur l'épaule. 

    — D'accord, donc, ce qu’il est passé dans ta vie, c'est l'amour. Écoute-moi. Je suis peut-être un Faucheur, mais une autre moitié de moi est un Cupidon. Je comprends l'amour parce que mon ADN a été conçu pour le comprendre. Mais ton ADN ne l'était pas. Le fait que tu ne le comprennes pas est la raison pour laquelle les humains comme toi peuvent jouir de l'amour. L'amour peut toujours faire mal. Qu'il s'agisse d'un amour qui atteint un sentiment mutuel, d'un amour non réciproque, d'un amour avec une bonne personne, une mauvaise personne ou une personne moyenne, il y aura des moments où tu seras blessé. Il est donc ridicule d'essayer de trouver un amour indolore. Nous devrions plutôt rechercher l'amour qui vaut la peine d'endurer la douleur, si elle doit être douloureuse. Tu as choisi de prendre un risque en dépensant les faveurs, malgré la possibilité d'une déception, et de risquer de souffrir une fois de plus. Tu es prêt à prendre ce risque parce que tu veux que Wat te revienne. C'est ça, l'amour. Continue à croire en toi.

    Cue se lève alors de son siège et s'étire. 

    —  Ça fait longtemps que je suis là à t'attendre. Mon corps est devenu sacrément raide, et j'ai faim aussi.

    Il se retourne et me tape sur l'épaule, plus lourdement cette fois.

    — Je vais aller gambader, et je te reverrai ce soir. Je viendrai prendre ta demande.

    Un bus climatisé no. 39 arrive à l'heure, comme prévu. Les portes s'ouvrent, laissant l'air frais frapper mon visage. Cue monte dans le bus et se retourne pour me sourire. 

    — Passe le reste de ton temps à réfléchir avant de faire ton vœu ce soir. Fais attention. C'est la quatrième nuit, on en a déjà dépassé la moitié.

    Je reste assis sur le banc. C'est vrai, après ce soir, on en sera déjà à plus de la moitié.

    La première nuit, j'ai cru que c'était une blague.

    La deuxième nuit, je n'ai pas été assez attentif.

    La troisième nuit, j'ai manqué de compréhension.

    Ce soir, c'est la quatrième nuit.

    Je - ne - ferai - plus - d'erreur.



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