• Scène Quatorze

    Scène Quatorze
    Pat

    Pran : Je vais bien maintenant. Pars en premier. Nous parlerons plus tard.

     

    Après une longue attente pour voir Pran, j'ai reçu un message court et rassurant de la personne pour laquelle je m'inquiète. Pran était distrait aujourd'hui. Je l'ai remarqué car il n'avait jamais été comme ça. J'ai gardé les yeux sur lui tout le temps, et je n'ai pas été le seul à saisir son moment de vulnérabilité. Le junior de mon équipe l'a fait et a saisi l'occasion pour attaquer Pran. J'étais un peu en colère que Pran n'ait pas fait attention, mais j'étais plus en colère contre moi-même pour ne pas avoir réussi à bloquer ce fils de pute.

    — Pat !

    Quelqu'un a crié mon nom alors que je passais devant le bâtiment de la faculté. Bon sang, je ne veux pas faire face à ces gars-là en ce moment. Je ne suis pas prêt à répondre aux questions. Jor me fait signe de venir, avec Poom et les autres jeunes à ses côtés. On dirait qu'ils ont attendu mon arrivée après que je me suis enfui avec les joueurs d'architecture avant la fin du match.

    — Vous êtes tous là. Comment ça s'est passé ? Vous avez gagné, non ? J'ai marqué beaucoup de points.

    — Ouais, répond sèchement Poom, les yeux rivés sur moi, sans même ciller. 

    Il se tourne vers Gon, mais il hausse les épaules comme s'il ne savait pas comment poursuivre la conversation. Bien sûr, je dois dire quelque chose à ce stade.

    — Pourquoi ne pas fêter ça ce soir ?

    — Ça, c'est sûr. Mais c'est quoi le problème entre toi et Pran ?

    — Quoi ? J'ai juste montré un peu de gentillesse en tant qu'être humain.

    — Pat, ce n'est pas le moment de mentir.

    — Oh, quelle réponse veux-tu ? 

    Je ris, en faisant semblant de ne pas être gêné, mais ces gars ne ressentent pas la même chose. 

    — Comme le professeur l'a dit, vous ne pensez pas que ce serait mieux si on faisait une trêve ? J'y ai réfléchi, vous savez. Nous travaillons dans le même domaine. Et si on se retrouvait dans la même entreprise et qu'on devait travailler ensemble après le diplôme ? Ce serait gênant, non ?

    — C'est comme ça depuis des générations. Pourquoi tu es subitement inquiet pour l'avenir ?

    — Ça ne veut pas dire que les générations passées ont toujours raison. Vous devez vous en rendre compte comme le professeur l'a fait. C'est pour ça qu'il veut qu'on arrête de se battre avec eux.

    Je penche la tête. À en juger par l'expression de chacun d'eux, il est évident qu'ils sont incapables de comprendre ce que j'essaie de transmettre. Ça fait plus de trois ans qu'on nous le fait comprendre. Nous avons été ennemis depuis l'admission jusqu'à aujourd'hui. Bien que les choses n'aient jamais pris une tournure dangereuse au point que quelqu'un ait été hospitalisé, toutes ces violentes bagarres ont laissé une rancune durable.

    — Quand est-ce que tu t'es réconcilié avec lui ?

    — Eh bien...

    — Tu as dit que ta famille et la sienne n'étaient pas en bons termes.

    — C'est vrai.

    Je réponds d'un ton las. Nos familles sont en mauvais termes et nos facultés sont rivales. Mais il a capturé mon cœur il y a longtemps. Pouvez-vous arrêter de vous détester pour que je puisse avoir plus de bons moments avec Pran ?

    — Tu n'en as pas marre de ces bagarres constantes ?

    — En résumé... en plus de t'entendre avec Pran, tu veux qu'on oublie comment ils nous ont emmerdés ?

    — Pas vraiment. 

    Gon est le seul à rester silencieux dans le groupe. C'est lui qui en sait le plus, mais pas assez.

    — C'est juste que je n'ai plus envie de me battre avec eux. Je préfère perdre mon temps avec autre chose.

    — Oh, c'est vrai, tu t'es trouvé une petite amie. La première depuis que tu es entré à l'université, non ? 

    C'est exact. Le commentaire de Poom arrive au bon moment. Les autres gars sont d'accord et laissent tomber l'enquête.

    — Poom, t'es jaloux ?

    — Jaloux, mon cul. J'essaie juste de comprendre pourquoi Pat veut faire la paix avec les gars de l'architecture. D'habitude, il s'en prend à Pran, mais aujourd'hui, il est devenu un vrai gentleman. Je pensais que tu avais pris la mauvaise pilule.

    — Eh bien, j'ai l'esprit sportif. Poom, tu sais que le but de la Journée des Sports est d'établir l'harmonie ? Nous sommes de la même université, après tout.

    — Je vais vomir.

    La façon dont il baisse son visage me fait craquer. Certains d'entre eux n'ont pas l'air convaincus, mais ils n'en disent pas plus. 

    — Écoutez, pensez au nombre de fois où vous avez été blessés à cause des bagarres. Combien ça a coûté pour soigner vos blessures ? Et pour quoi ?

    — Ces types se sont foutus de nous.

    — On a commencé les premiers plusieurs fois.

    — Pat, c’est quoi ça ? Ça n'a aucun sens.

    Je pousse un long soupir. 

    — Vous n'en avez pas marre ? Moi, j'en ai marre, putain. Pas toi, Gon ?

    Je demande à mon meilleur ami. Il hésite avant de marmonner.

    — Si.

    — C'est vrai, Jor, si tu n'étais pas occupé à t'en prendre à ces types, tu serais déjà devenu le Commandant, dis-je en mentionnant le jeu auquel il se consacre depuis peu. Et Poom, tu ne veux pas avoir plus de temps pour étudier ?

    — Je ne me suis jamais battu avec vous les gars. Ne me mêlez pas à ça.

    — Mais vous n'aimez pas la façon dont nous avons perdu du temps avec toutes ces bagarres, n'est-ce pas ? Et alors, si on les frappe ? Vous n'êtes pas obligés de faire comme moi. Nous sommes tous des adultes. Réfléchissez-y. C'est stupide et puéril. Les gars cools ne tabassent pas les gens juste à cause d'une raison inconnue que les aînés utilisent comme cause de leur hostilité. Si vous insistez pour vous battre, je me retire. Je démissionne.

    Si je peux au moins réduire le nombre de ceux qui veulent se battre, ça pourrait bien s'arrêter un jour.

    — C'est trop stressant. Laissons tomber. 

    Les juniors semblent comprendre ce que je veux dire, leurs regards hostiles deviennent plus amicaux. J'ai une question, oui. Combien de temps on va continuer comme ça ? Je ne veux pas que ma relation avec Pran reste un secret. J'espère que ces enfoirés arrêteront au moins de harceler Pran. Notre relation n'a pas beaucoup progressé jusqu'à présent. Si je dois maintenant me battre avec Pran, même pour plaisanter, je ne veux plus le faire.

    Au lieu de se battre l'un contre l'autre, ne devrions-nous pas dépenser notre énergie au lit ?

    — Hé, les gars, où est-ce qu'on va fêter ça ? lance Gon pour dissiper cette atmosphère pesante et confuse, et Jor répond immédiatement.

    — Le bar habituel. Tu dois venir, Pat. Tu as déjà refusé trop souvent.

    — D'accord, je vais venir, promets-je en me grattant le menton. Je pourrais amener mon amoureux. On se voit à neuf heures.

    Ils sifflent et me taquinent. Malgré ma décision, je suis encore hésitant puisque je n'ai pas parlé à Pran. S'il s'oppose à l'idée, je leur dirai simplement que je suis gay et amoureux d'un étudiant en architecture avec qui nous nous sommes souvent disputés. Bon, je vais tenter le coup. Mes amis pourraient me détester à partir de maintenant ou quelque chose comme ça. Ce serait génial si je pouvais leur faire arrêter de s'en prendre à Pran, au moins. Quant aux autres architectes, s'ils m'en veulent encore pour toutes nos confrontations passées, je dois l'accepter. Ce n'est pas grave si je perds mes soutiens. Même si Pran ne parlera jamais de moi ou ne révélera jamais notre relation, je peux vivre avec ça. Il n'a pas besoin de ruiner son cercle social pour moi. Tout ce que je fais, c'est pour le garder en sécurité.

    — Où tu vas maintenant, Pat ?

    — Chez moi, réponds-je en souriant et je leur fais un signe d'au revoir. 

    Jor insiste à nouveau sur l'heure. Je croise le regard de Gon et lève un sourcil avant de m'éloigner.

     

    — Tu es fou !

    Une réponse attendue, ouais. Pran me fixe d'un regard noir en mâchant sa nourriture.

    — Quoi ? Je veux juste te présenter.

    — Je n'y vais pas.

    — Pran, c'est bon si tu veux garder le secret, mais je ne veux pas le cacher à mes amis. 

    Je presse ma langue sur l'intérieur de ma joue, les yeux fixés sur lui. 

    — En plus, Gon se méfie déjà de nous.

    — C'est de ta faute.

    — Je suis comme ça. Je ne suis pas doué pour faire semblant. Tu le sais bien.

    Je regarde Pran et je lui prends les mains. Pran est un gars sérieux. Il n'a aucun problème à garder des secrets. Mais en toute honnêteté, je ne suis pas sûr de pouvoir le cacher jusqu'à la fin. Je caresse le dos de ses doigts. Il essaie de les retirer, mais je ne le lâche pas. Je le supplie un peu plus, juste au cas où.

    — Pran.

    — Ne fais pas le mignon. Tu as pensé aux conséquences si tes amis sont au courant pour nous ?

    — Oui, j'y ai pensé.

    — Si tes amis t'ignorent ou coupent les ponts avec toi...

    — A cause d'un truc comme ça ? 

    Je penche la tête. S'ils coupent les ponts parce que je suis gay ou en couple avec un étudiant de la faculté rivale, je ne pense pas qu'ils soient vraiment mes amis. 

    — Nous ne sommes pas des élèves de primaire. On ne déteste pas quelqu'un juste parce que nos amis le font.

    — C'est justement le problème. Tu n'as aucune idée de l'importance de l'amitié à notre âge ? Je ne veux pas que tu sois confronté à la même situation que la mienne.

    — Pourquoi ? Que s'est-il passé ? Tu t'es disputé avec ces gars-là ?

    — Non, ment Pran. 

    Bien, il n'a pas à me le dire. Je ne veux pas faire pression sur lui pour qu'il parle de toute façon.

    — Et puis merde. Je suis bien si je n'ai que toi.

    — Pat, ça n'en vaut pas la peine. On va bientôt être diplômés. Ne dis rien à notre sujet.

    — On est bientôt diplômés, alors je veux passer du temps avec toi autant que possible. Le problème avec nos amis est insignifiant. Nos familles aussi...

    — C'est vrai, je n'aurais pas dû m'impliquer avec toi. Quelle galère.

    — Je vais te donner une chance de retirer tes paroles. Tu peux vraiment mentir à ton cœur ? Je lève un sourcil. Pran ferme brusquement la bouche et détourne la tête. 

    — Réglons ça ensemble, Pran. Pas à pas.

    — Pat, laisse tomber. Tu n'es pas satisfait de la façon dont les choses se passent pour l'instant ? 

    Le propriétaire de la chambre expire. Pran déteste les ennuis, ne souhaitant jamais avoir de problèmes. Notre situation est-elle si mauvaise ? Eh bien, ce n'est pas comme si nous devions nous précipiter tête la première vers le problème qui nous attend.

    — Si, marmonné-je avec des yeux suppliants. 

    Je me penche au-dessus de la table et embrasse la main de Pran. 

    — J'en suis tellement satisfait que j'espère pouvoir en profiter à fond. Je veux tenir tes mains, regarder ton visage et te parler n'importe où, pas seulement dans cette pièce. Est-ce que nous allons sérieusement rester enfermés comme ça pour toujours... ? Pran.

    — Arrête ça.

    — Pran.

    — Pat.

    — Pran.

    — Très bien !

    J'aime qu’il soit si gentil derrière cette façade dure. Sa voix était un mugissement, mais c'était la réponse que je voulais entendre. Mon sourire s'élargit. Je m'approche pour un autre baiser et je me fais frapper doucement sur le front. Pran continue de manger comme s'il ne ressentait rien. Si mes yeux n'étaient pas remarquablement affûtés, je n'aurais pas remarqué ses oreilles rouges.

    — Tu es mignon.

    — Ferme-la avant que ta bouche ne saigne trop et que tu ne puisses plus mâcher la nourriture.

    Espèce de cœur tendre à la langue bien pendue. A qui est ce petit ami ?

     

    Pran et moi sommes des habitués du bar près de l'université depuis notre première année. En y repensant, j'ai découvert qu'il était dans la même université que nous lorsque nous nous sommes rencontrés par hasard dans ce bar. Nous étions tous les deux abasourdis. Avant que nous puissions dire un mot, nos aînés se sont affrontés. Je ne comprenais pas pourquoi nous traînions au même endroit alors que nous étions en mauvais termes, et j'ai découvert plus tard que c'était un jeu du type "tu pars, tu perds". En conséquence, l'enfer s'est déchaîné au bar si constamment que le propriétaire a fini par abandonner. Il nous laissait nous battre comme on voulait tant qu'on payait pour les dégâts. Les mauvais jours, le propriétaire du bar écrasait une bouteille d'alcool sur la table pour se servir des tessons comme d'une arme, puis il menaçait de poignarder quiconque avait l'intention de se battre. Les étudiants en ingénierie et en architecture s'asseyaient tranquillement et s'occupaient de leurs affaires jusqu'à l'heure de fermeture.

    Les bagarres entre étudiants sont tout sauf brutales, elles ressemblent plutôt à des combats d'enfants. Le propriétaire du bar nous crie dessus et nous devenons tous penauds. Nous devons fuir à l'extérieur pour nous battre, puis nous nous séparons et rentrons chez nous car nous sommes fatigués. Il n'y a vraiment pas de victoire.

    — Tu as peur ? demandé-je à Pran une fois que nous sommes arrivés. 

    Je ne suis jamais venu ici ou n'ai jamais eu une conversation normale avec lui en public. Cependant, il est maintenant à mes côtés. Pran hausse les épaules avec nonchalance.

    — Je ne suis pas celui qui a des problèmes. Tu pourrais te faire virer du groupe en une fraction de seconde.

    — Comme c'est méchant. 

    Je rigole, remarquant l'inquiétude cachée dans ses yeux. Je prends sa main et le tire à l'intérieur du bar. Nous sommes en retard, il n'est donc pas surprenant que les autres soient déjà là. Gon me repère en premier. Ses yeux se posent sur le gars à côté de moi, puis sur nos mains qui se serrent. La discussion animée se calme. Je souris et conduis Pran vers les deux sièges vides.

    — Quoi de neuf ? Qu'est-ce que vous avez commandé ?

    — Qu'est-ce que ça veut dire, Pat ?

    — Hmm ? Quoi ? Je vous ai dit, les gars, que j'amènerais mon petit ami. Une bière ? demandé-je à Pran, écartant la confusion de mes amis.

    — Ouais.

    — Ok. Une bière, s'il te plaît. Une petite. Ne bois pas trop, ou tu ne pourras pas me ramener.

    — Je vais juste te laisser ici.

    — Whoa, tu m'as ramassé à l'épicerie la dernière fois. Tu n'es pas un gars cruel.

    — Quel emmerdeur, répond-il alors que mes amis font claquer leurs verres sur la table. 

    Gon est le plus posé, mais il a quand même l'air mécontent.

    — Pat, ce n'est pas drôle. Tu veux dire que tu sors avec le type qui nous a frappés au visage ?

    — Pran n'a jamais donné de coup de poing à aucun d'entre vous," dis-je d'un ton égal puisque c'est la vérité. Et je ne vous ai jamais laissé poser un doigt sur lui.

    — Pat !

    — Occupez-vous de ça entre vous. Je vais aux toilettes.

    Pran se lève et s'en va, et je hoche la tête en signe de reconnaissance. Quand je tourne la tête vers la table, ils sont bouche bée devant moi. 

    — Vous me faites tous rougir avec ces regards.

    — Pat, tu nous as trahis. Putain, tu nous as laissé nous battre jusqu'à la mort juste pour t'envoyer en l'air avec Pran dans notre dos ?

    — Hé, on ne l'a pas fait.

    — Ne change pas de sujet. Tu nous as piégés pour qu'on se batte avec eux. Tu nous as pris pour des chiens stupides ?

    — Je ne vous ai jamais entraînés dans des bagarres, contesté-je même si ça semble égoïste. Je suis désolé de ne pas vous avoir arrêté et de n'avoir jamais dit que Pran et moi étions amis.

    — Vous n'êtes pas seulement amis.

    — Ouais, c'est pour ça que j'ai décidé de vous le dire à tous.

    Je soupire alors que la bière de Pran est servie. J'en prends une gorgée et la repose sur la table. 

    — Il a sauvé Par une fois, alors nous avons eu une sorte de relation amour-haine. Et comme nos familles sont en mauvais termes, c'est bizarre de nous appeler des amis. Mais je sais maintenant. J'ai réalisé il y a un moment que je devrais être sérieux avec lui avant de perdre ma chance.

    — Donc ça veut dire que vous avez des sentiments l'un pour l'autre depuis longtemps, non ? Pourquoi vous ne l'avez réalisé que maintenant ? Pourquoi ne pas avoir attendu que l'un de nous meure avant ?

    — Frappe-moi, dis-je comme si ce genre de choses était censé avoir un sens. Je veux être une meilleure personne.

    — Vous vous aimez depuis longtemps, mais récemment, tu as eu peur d'être largué. Et donc, tu nous as trahis pour rester avec son cul ?

    — Je vous ai dit que je ne savais pas. Si vous comptez me détester, je ne peux rien y faire. Je veux juste m'excuser. Quant à Pran, tu peux arrêter de le harceler ? Défoule-toi sur moi si quelque chose te dérange. Je te laisserai faire ce que tu veux sans riposter.

    — Pat, espèce d'enfoiré, tu as perdu la tête ?

    Oui, peut-être que oui. Je me suis fait engueuler par mes amis et mon petit ami, et je suis prêt à tout supporter. A ce moment-là, un bruit terrible se fait entendre au fond du bar. Je compte les gars à la table. Tout le monde est là sauf Pran. Je me lève d'un bond, fonce vers la source du bruit, et tombe sur ces trois types. L'un d'eux bloque les bras de Pran tandis que l'autre lève son poing. À en juger par sa situation, Pran a manifestement reçu pas mal de coups.

    — Hé, hé, tu es injuste.

    — C'est pas tes affaires, putain.

    — Relâchez mon ami.

    — Ton ami nous a regardés de travers en premier. On n'y peut rien.

    Mes yeux se posent sur le logo de l'université sur la chemise d'atelier de couleur inconnue. Ça m'énerve qu'ils soient d'une autre université. Ça va être délicat de négocier avec eux.

    — S'il s'agenouille devant nous, je réfléchirai si je dois le laisser partir ou non.

    SPIT !

    Bon sang, Pran, peux-tu ne pas agir comme un con en ce moment ? Il crache sur l'agresseur. Le connard s'apprête à frapper Pran, mais je suis plus rapide, lui saisissant instinctivement la main et le frappant au visage.

    — Merde.

    — Hé, c'est quoi ce bordel !

    Quatre autres gars se joignent à nous. Merde, six contre deux. Je saute et frappe le plus proche. Pran se débarrasse de sa prise et le plaque à son tour. Des trucs tombent et se brisent sur le sol, et le vase à fleurs s'est transformé en arme. J'ai été frappé à la tête par derrière. L'attaque me fait vaciller. J'entends Pran crier mon nom.

    — Argh !

    Je perds lentement connaissance. Au milieu du chaos, quelqu'un me donne un coup de pied dans l'estomac avec une telle force que je m'effondre. Quelque chose me frappe la joue et mon visage est projeté en arrière. Je peux goûter le sang salé dans ma bouche et entendre la voix de Pran de temps en temps. Mes amis me rejoignent enfin. Je vois Gon et je rencontre les yeux de Jor. J'essaie de me lever mais je me fais frapper à nouveau alors que je suis déjà dans un état lamentable.

    — Pat !

    Pran donne un coup de pied dans la jambe du gars qui se bat avec moi et le repousse. Baissant sa garde, Pran est tiré par derrière et reçoit un coup de poing au menton. J'essaie de me lever pour l'aider, mais de plus en plus de gens affluent. Le propriétaire du bar n'est pas là, et je ne sais pas quand il viendra. Notre victoire semble impossible. Lorsque j'aperçois un couteau, je me précipite en avant pour couvrir Pran, ignorant l'odeur métallique du sang qui se répand sur ma nuque. Je n'en ai rien à faire malgré la douleur dans mon estomac ou même l'élancement de ma mâchoire.

    — Tu es bien audacieux sur le territoire de quelqu'un d'autre !

    Le cri cette fois-ci n'appartient pas à mes amis ni aux intrus en surnombre. Il appartient aux étudiants en architecture qui m'ont maudit hors du bureau de l'infirmière dans l'après-midi. Pran appelle Waiyakorn dans un faible gémissement avant que l'enfer ne se déchaîne. Nous sommes égaux en nombre et en force jusqu'à ce que l'autre groupe exhibe ses couteaux et ses poings américains. Un coup de feu retentit de nulle part. Je serre Pran dans mes bras, sentant la fumée et entendant des cris. Le bruit des pas s'estompe. Quand je suis sûr que nous sommes hors de danger, je glisse le long du corps de Pran sur le sol froid en ciment.

    — Pat ! Pat !

    — Tu... Tu vas bien ?

    — Je... Je vais bien. C'est le pistolet de Wai.

    Je regarde Wai qui remet le pistolet dans l'étui dans son dos. Il fait les cent pas, quelques bleus sur le visage mais pas grand chose.

    — Pat, tu peux vraiment t'occuper de Pran ?

    — Occupe-toi de tes affaires. Je croyais que tu n'étais plus ami avec Pran.

    — Ne sois pas insolent. Si je n'étais pas son ami et que je ne l'avais pas suivi ici, toi et Pran seriez morts.

    — Tu t'inquiètes pour moi ?

    — Merde, tu as le culot de sourire. 

    Wai a l'air énervé, ainsi que les autres amis de Pran. Pourtant, ils s'approchent et enroulent leurs bras autour du cou de Pran. 

    — Putain, je déteste Pat.

    — Hé, celui qui a causé des problèmes à Pat cette fois-ci, c'est ton gars, grogne Jor en me remettant sur pieds mais sans montrer d’hostilité envers Waiyakorn. Pat, il y a du sang sur ta tête.

    — Oui, je sais.

    — Allons à l'hôpital. 

    Pran se force à quitter les bras de ses amis et me tire vers lui. Je ne suis pas en état de me battre avec qui que ce soit. Mon corps me fait un mal de chien. 

    — Merci, Wai. Merci à vous aussi les gars.

    — Peu importe. Vous partez tous maintenant ?

    — Nous ne sommes pas venus ici uniquement pour sauver le cul de Pat.

    — Nous n'avons pas non plus voulu sauver le cul de Pran.

    C'est quoi cette dispute ? Prenez une chambre, embrassez-vous et réconciliez-vous pendant cinq minutes, d'accord ? Je commence à être de mauvaise humeur. Avant que je ne grogne à voix haute, Waiyakorn tend la clé de sa voiture à son ami.

    — Pran, emmène ce casse-pieds à l'hôpital. On va boire nous.

    — Tu veux te joindre à notre table ? 

    Gon sourit. Je ne sais pas du tout à qui ça s'adresse, mais quelqu'un ricane en guise de réponse.

    — Celui qui se saoule en premier invite tout le monde.

    — Quel emmerdeur. Je suis ton ami ?

    — Whoa, les étudiants en architecture sont une bande de lâches.

    — Tu veux te faire botter le cul ? Regarde-toi. 

    La lèvre de l'ami de Pran se retrousse. Eh bien, mes amis ont l'air d'une épave en ce moment. 

    — Préparez votre argent.

    — Hé, attends, personne ne va m'accompagner à l'hôpital ? demandé-je. 

    Mes amis me regardent et haussent les épaules.

    — Les blessures sont loin de ton cœur. En plus, on t'en veut toujours, Pat, répond Jor en jetant un coup d'œil à Pran. Je vous laisse flirter entre vous autant que vous le voulez. Appelez-moi si quelque chose arrive.

    Attendez. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. Vous vous entendez bien, tout d'un coup ? Je me penche et pose ma tête sur l'épaule de Pran, ma vision devenant plus sombre à chaque seconde. Mes yeux piquent à cause d'une goutte de sang qui coule de mon sourcil. Pran tient ma taille et dit quelque chose à ses amis, puis il m'emmène dehors sous la lumière tamisée familière de notre bar habituel.

    — Est-ce qu'ils vont se battre ?

    — Je ne pense pas, murmure Pran en resserrant son bras autour de moi. Pat, ne t'endors pas.

    — Um. 

    Mes yeux sont à moitié fermés sur le chemin de la voiture. Pran me met sur le siège avant dans la position la plus confortable et fait le tour pour s'installer sur le siège du conducteur. Il attrape ma main et la pose sur ses genoux. Pran tremble de la tête aux pieds, mais il ne panique pas. 

    — Tu as peur ?

    — Ouais.

    — C'est pas grave. Tu vas bien maintenant.

    La voiture démarre. Je retire la main qu'il tient pour lui tapoter la tête. Pran la repousse, insistant pour tenir ma main au lieu d'être réconforté de manière idiote. Nos doigts s'entremêlent. C'est froid, mais mon cœur est chaud.

    — Ça fait si mal que ça ? demande Pran les yeux rougissant.

    — C'est mieux que de te voir souffrir.

    — Espèce d'idiot ! Tu es un idiot. Un putain d'idiot. Ne t'endors pas, d'accord ?

    — J'ai compris. N'aie pas peur. Je te tiendrai compagnie jusqu'à ce que tu te ressaisisses. Rien ne peut te faire du mal.

    — Quelque chose le peut. 

    Ses yeux perçants fixent droit devant eux. Je regarde son profil de côté, et mon cœur va éclater à cause de ses mots courts. 

    — Te perdre.



  • Commentaires

    1
    Mercredi 17 Août 2022 à 20:04

    alors là, si c'est pas une déclaration ça !

    [ — J'ai compris. N'aie pas peur. Je te tiendrai compagnie jusqu'à ce que tu te ressaisisses. Rien ne peut te faire du mal.

    — Quelque chose le peut. 

    Ses yeux perçants fixent droit devant eux. Je regarde son profil de côté, et mon cœur va éclater à cause de ses mots courts. 

    — Te perdre.]

     

    J'adore leur relation, leur façon d'exprimer leurs sentiments *o*

    Merci pour ce nouveau chapitre !

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