• Love Redemption (NightTime : Night & Time)

    Love Redemption

    Il me suffit de fermer les yeux un instant pour que toute la scène se rejoue encore et encore dans ma tête. Pourtant, j’aimerais penser à tous les autres moments que j’ai vécu avec lui. Les moments heureux, ceux où ils se trouvaient dans mes bras, où je pouvais le voir sourire timidement, ce sont les meilleurs instants. Malheureusement, c’est toujours la même chose, il est à genoux dans la poussière, il supplie le policier de ne pas m’embarquer. Il essaie de l’attraper pour le retenir alors qu’il ne l’écoute pas et je ne peux que lui demander d’arrêter, je le supplie du regard de ne pas intervenir. Je ne veux pas qu’il ait des problèmes, je ne veux pas que son avenir soit gâché à cause de moi. J’ai été placé à l’arrière de la voiture et je ne pouvais pas le quitter du regard, je ne voulais pas m’éloigner de lui alors qu’il restait agenouillé, le visage baigné de larmes, l’air complètement perdu. 

    Avant de le rencontrer, je n’avais aucun regret, aucune question, je me contentais de faire ce que je pensais être mon avenir et il n’était pas glorieux. D’ailleurs, brandir cette arme avait été la pire de mes bêtises, il était devenu un dommage collatéral et aussi la plus belle rencontre de ma vie. Il m’avait fait remettre en doute tout ce que je pensais acquis et pour lui, je voulais devenir quelqu’un de bien, quelqu’un dont il pourrait être fier. 

    J’aimerais pouvoir dire haut et fort que je regrette de l’avoir blessé, seulement, ce serait mentir. Si la balle ne l’avait pas touché ce jour-là, alors nous nous serions croisés sans jamais nous parler et alors je serais passé à côté d’une personne formidable et d’une histoire qui fait battre mon cœur bien trop vite.

    Au moment où la voiture de police nous a dépassé, au moment où elle m’a fait une queue de poisson pour me forcer à m’arrêter, j’ai su que j’allais une fois de plus le blesser, pas physiquement cette fois, mais moralement. On venait de se retrouver, d’accepter nos sentiments et je ne voulais qu’une chose, tenir ma promesse de rester avec lui, mais j’allais l’abandonner et pour un long moment cette fois.

    J’ouvre les yeux en soupirant, j’aimerais juste pouvoir dormir un peu, mais depuis que je suis en prison, je n’y arrive pas. J’entends les ronflements de mes codétenus et je soupire en observant ma cellule, elle est encombrée et pas très grande, nous sommes quatre dedans et dans mon malheur j’ai de la chance, les autres détenus ne sont pas vraiment méchants. Je me contente de me faire discret et je n’ai pas réellement de problèmes.

    Cela fait maintenant plusieurs semaines que je suis là, non, si je devais être précis cela fait très exactement sept semaines. Le temps est long, mais j’ai espoir de bientôt sortir, mon avocate se bat pour moi, Night refuse de porter plainte contre moi et les preuves sont plutôt minces. Ce qui a été le plus dur au cours de ces septs semaines, ça n’a pas été l’enfermement, les autres prisonniers ou la vie qui est plus difficile ici, non ce qui est le plus dur, c’est le fait de ne pas pouvoir le voir. Parce que non seulement, il s’agit de la victime dans l’affaire, mais en plus, nous n’avons aucun lien officiel, alors même si je l’aime comme un fou, il n’a pas obtenu le droit de venir.

    Et aujourd’hui, c’est le jour de la semaine que j’attends avec le plus d’impatience, car c’est le jour où je reçois sa lettre. Depuis le début, il m’écrit des lettres, je suis tellement impatient de pouvoir poser mes yeux sur l’enveloppe où son écriture un peu brouillonne y est apposée. Il me parle de sa vie de tous les jours, de ses cours, de ce qu’il attends, de combien il est pressé de me revoir et puis il y a toujours ce petit je t’aime griffonné d’une écriture hésitante en bas de sa lettre qui me donne toujours le sourire et je ne regrette qu’une chose, c’est de ne pas pouvoir lui répondre.

    Jour après jour, semaine après semaine, ses lettres sont des bouffées d'oxygène pour moi, elles me permettent de tenir, d’être fort et de croire que plus tard je pourrai être un homme respectable pour lui. C’est devenu mon objectif, je n’ai pas fini mes études, je n’ai pas de travail et aucune idée de ce que je vais faire plus tard. Aujourd’hui, je veux trouver du travail, peut-être un jour reprendre mes études pour pouvoir lui offrir une belle vie. Oui, on est jeune, pourtant, je ne vois pas ma vie avec une autre personne, je veux construire ma vie à ses côtés.

    Cela fait trois mois que j’attends que mon procès commence, mon avocate est confiante, je devrais sortir sans trop de problèmes, malheureusement, les choses trainent et maintenant j’ai peur que Night ne se lasse de m’attendre. La semaine dernière la lettre était courte, presque froide et il n’y avait pas ce petit je t’aime hebdomadaire. Alors depuis, je vis avec une boule au ventre, j’espère juste qu’il a été trop occupé pour vraiment m’écrire. Seulement, ce soir, j’ai même du mal à retenir mes larmes de couler alors que de nouveau, je suis assis dans la pénombre, incapable de trouver le sommeil alors qu’il ne m’a envoyé aucune lettre.

    Mes codétenus me regardent et je sais que je ne dois pas paraître faible, sans quoi, ils vont devenir plus durs avec moi. Pourtant dans le fond, je m’en fiche, car dans ma tête, des milliers de questions n’arrêtent pas d'apparaître, mais celles qui reviennent sans arrêt sont les plus douloureuses. Est-ce qu’il s’est lassé ? Est-ce qu’il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas aimer celui qui l’avait blessé ? …. Est ce qu’il a rencontré quelqu’un d’autre ? Cette dernière question est la pire de toutes, car je n’arrive pas à l’imaginer dans les bras d’un autre ou… serrant une femme dans ses bras. 

    Avant de le rencontrer, je ne savais pas ce qu’était l’amour, j’avais cru l’éprouver à plusieurs reprises, mais aujourd’hui, je sais que ce n’était qu’une illusion, sinon comment expliquer que chaque semaine qui passe sans nouvelles de sa part me brise littéralement le coeur. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même, je mange à peine, je ne dors presque plus et les autres prisonniers se sont rendus compte que je n’étais pas le gros dur que je voulais leur faire croire. Du coup, en plus d’avoir le coeur en peine, mon corps est régulièrement roué de coups.

    Et puis vient enfin ce jour, je suis à deux doigts d’abandonner, je me laisse complètement aller, je réponds à peine quand le gardien appelle mon matricule, je ne réagis pas quand il me glisse une enveloppe dans les mains avec un petit regard désolé et soucieux. Je la fixe un long moment, j’ai peur d’être en train d’halluciner, il y a écrit mon nom, avec cette écriture brouillonne que je connais si bien. Après presque deux mois de silence, il est de nouveau là, près de moi. 

    Pourtant, je reste un long moment sans oser l’ouvrir, j’ai peur de ce que je vais lire à travers ses lignes. J’ai peur qu’il confirme ce que son silence a mis dans ma tête. Tant que je ne l’ai pas ouverte, il me suffit de fermer les yeux et d’imaginer tout ce qu’il pourrait me dire, je peux même imaginer le je t’aime trônant fièrement à sa place habituelle. J’ai juste besoin de l’imaginer pour retrouver le sourire pendant un instant.

    Il me faut un long moment avant que la curiosité ne soit trop grande, ou que l'imagination ne soit plus suffisante et que j’ai besoin d’être fixé sur son contenu. C’est les mains tremblantes que je déchire l’enveloppe, sa lettre est un peu plus longue que la dernière qu’il m’a envoyée, elle est plus chaleureuse aussi. Il reste vague, il parle de lui, il parle du lycée, il m’écrit qu’il espère que bientôt je serai libre. Pourtant, il n’y a pas de je t’aime, il ne parle pas de l’avenir et de nous. Je ne sais pas ce que je ressens quand j’arrive à la fin de la lettre, je ne sais pas si je peux me réjouir ou non de l’avoir reçue.

    Enfin après de longs mois d’attente, mon procès démarre, c’est dur à vivre, dur de devoir expliquer mon geste, mais j’ai vraiment une bonne avocate et elle me défend bec et ongle. Seulement, je n’arrive pas à me concentrer totalement, parce qu’il manque quelqu’un dans la salle du tribunal, quelqu’un que j’ai vraiment espéré voir après presque six mois sans l'apercevoir. Night n’est pas venu et je ne peux pas m’empêcher d’être déçu, son absence au tribunal me fait vraiment comprendre ce qu’il en est de nous. Il m’a abandonné et je suis maintenant sûr qu’il s’est rendu compte que je ne suis pas fait pour lui, je ne suis qu’un poids, un mauvais garçon qu’il l’a blessé et qui jamais ne sera digne de se tenir à ses côtés car je suis tout son opposé.

    L’accusé est reconnu coupable et condamné à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis. 

    Aux mots du juge, je peux entendre les soupirs de soulagement de ma famille qui m’a accompagnée tout au long des mois passés. Mais ils résonnent en moi et j’ai du mal à croire que je vais enfin être libre. Je vais pouvoir retourner chez moi, retrouver ma famille, mes amis et lui. Oui, il ne veut plus de moi, mais je suis bien décidé à aller le voir, à discuter avec lui et lui dire adieu, même si dans le fond, je vais tout faire pour me rendre meilleur et ainsi peut-être avoir une chance qu’il change d’avis un jour.

    Je ferme les yeux en levant le visage pour savourer la caresse du soleil sur mon visage. Je soupire doucement alors que, depuis une semaine que je suis sorti, je savoure toujours ces petites choses qui me rappellent que je suis libre maintenant. J’aurais voulu aller chez Night à peine les grilles de la prison passées, mais en vérité, j’avais surtout besoin de me reposer un moment, de prendre le temps de faire quelques bons repas et de laisser le temps aux bleus de disparaître. Seulement j’ai assez attendu, je veux des réponses et j’ai la sensation que c’est aujourd’hui que je dois le faire.

    C’est pourquoi je me retrouve devant chez lui à six heures du matin, il est très tôt, pourtant, je le connais bien, je sais qu’il part tôt le matin et j’ai peur de le louper si j’attends trop. C’est étrange pour moi de me retrouver ici après tout ce temps, j’ai l’impression que ça fait des années que je n’ai pas mis les pieds devant son immeuble. J’ai un sourire en coin en me souvenant de notre rencontre à peine un an plus tôt, je l’avais attendu devant la grille alors que mes amis m’avaient poussé à m’occuper de lui en attendant sa guérison.

    Cependant aujourd’hui je ne compte pas attendre qu’il sorte, alors je traverse la rue, mon cœur accélère au fur et à mesure que je m’approche. Je pousse la grille et tout un tas de souvenirs me reviennent en mémoire. Je suis tellement nerveux alors que je monte les escaliers, repoussant une fois de plus la pensée qu’il pourrait avoir déménagé sans me le dire car ça me tord le ventre rien que d’imaginer me retrouver face à un inconnu sans avoir la possibilité de le retrouver. 

    C’est pourquoi je suis devant sa porte depuis cinq bonnes minutes sans oser frapper, à la place je tends l’oreille pour essayer d’entendre du bruit à l’intérieur, mais c’est le calme plat. Je prends plusieurs inspirations, je veux tenter de me calmer, mais c’est difficile car en plus de la nervosité, je me sens timide de lui faire face. Je frotte mes mains l’une contre l’autre pour me donner du courage avant d’en passer une dans mes cheveux et finalement, je me lance. Je frappe à plusieurs reprises assez fort pour réveiller la personne qui vit là.

    L’attente est interminable, l’appartement n’est pas très grand, il ne faut que quelques enjambées pour rejoindre la porte d’entrée alors pourquoi est-il aussi long pour venir ouvrir. Je dois prendre sur moi pour ne pas tambouriner contre la porte pour le faire venir plus vite. Je suis aux aguets du moindre bruit à l’intérieur et alors que j’ai l’impression d’être devant la porte depuis une éternité, mon visage se fend d’un sourire de soulagement, car enfin j’entends un bruit étouffé derrière la porte. Je ferme les yeux, gardant mon sourire, car je ne peux pas imaginer qu’une autre personne ouvre cette porte. 

    Le cliquetis de la serrure fait bondir mon cœur, la porte s’ouvre enfin et il apparaît devant moi. Je ne peux pas m’empêcher de le détailler alors qu’il semble encore à moitié endormi, peinant à ouvrir les yeux totalement. Je suis tellement heureux de le revoir depuis tout ce temps, je voudrais le prendre dans mes bras et lui dire combien il m’a manqué. Pourtant, je ne bouge pas, je reste immobile alors que petit à petit mes sourcils se froncent, car quelque chose cloche avec lui. Il est extrêmement pâle, ça me rappelle la couleur de sa peau la première fois que je l’ai rencontré. Ses yeux sont assombris par des cernes très foncés qui creusent son magnifique visage.

    — Night ?

    Ma voix est hésitante alors que je n’arrive pas à détourner mon regard. Je ne comprends pas ce qui lui est arrivé et je me pose encore plus de questions maintenant que je suis devant lui. En entendant ma voix, il semble émerger plus rapidement, son visage prend vie et il ne ressemble plus à une sorte de zombie sous xanax. Ces yeux s’ouvrent et nos regards se croisent pour la première fois en six mois et ce simple regard balaye tous les doutes et toutes les peurs qui m’ont habités pendant tout ce temps.

    — P’Time !

    J’ai eu le temps d’imaginer cette scène des millions de fois, de penser à ce que je pourrais faire et dire quand enfin nous serions face à face. Et lui m’offre le plus beau de tous, puisqu’après avoir eu tout son visage éclairé par la joie, c’est sans aucune hésitation qu’il se jette dans mes bras. Les siens entourent mes épaules, il cache son visage dans mon cou alors que son corps se colle au mien.

    J’ai l’impression de respirer quand je sens la chaleur de son corps contre le mien, quand j’entoure enfin sa taille de mes bras et que je le serre le plus fort possible contre moi. Pourtant, la vague de bien-être est entachée par une part d’inquiétude grandissante, quand je me rends compte qu’il a beaucoup maigri. Mon cœur cogne contre ma poitrine et ce n’est pas à cause de la joie de nos retrouvailles, mais plutôt, parce que sa pâleur, ses cernes et son corps amaigri m’amènent à une conclusion qui me fait horriblement peur, il semble être malade. Cette prise de conscience me fait resserrer mon étreinte comme si cela pouvait suffire à éloigner le mal.

    — Tu m’as tellement manqué, tu ne repars plus, pas vrai ?

    Il est le premier à prendre la parole, sa voix est étouffée car il est toujours caché au creux de mon cou et son souffle me chatouille la peau. Les mois de séparation, de peur, d’angoisse et de colère sont tout de suite oubliés. Il ne m’a pas oublié, il ne m’a pas remplacé et dans sa manière de s’agripper à moi, je peux ressentir qu’il m’aime toujours. Malgré l’inquiétude où j’ai plongé en voyant son état, je ne peux m’empêcher de sourire doucement. 

    — Je ne repars pas, je vais rester avec toi aussi longtemps que tu le voudras et cette fois je compte bien tenir ma promesse.

    Je pose un baiser sur sa tempe et je le sens frissonner contre moi, ce qui me fait encore plus sourire. Seulement, on doit quand même discuter et je ne pense pas que le couloir soit le meilleur endroit pour ça. Alors je pousse sur ses hanches pour le faire reculer et comme ça on pourra rentrer chez lui. Seulement, il ne l’entend pas cette oreille, car j’ai à peine séparer nos corps de quelques centimètres qu’il les a de nouveau comblé, nous collant l’un à l’autre.

    J’ai un petit rire face à la situation, je ne peux clairement pas lui en vouloir de ne pas avoir envie de s’éloigner de moi, car en vrai, je n’ai pas du tout envie de le lâcher. C’est pourquoi je ne cherche pas et j’avance lentement, le faisant reculer afin de pouvoir entrer dans l’appartement, avant de refermer la porte derrière nous. Le silence retombe entre nous, alors que je note que l’appartement est plongé dans la pénombre et qu’il y a peut-être un peu plus de bazar qu’avant, ce qui ne lui ressemble pas vraiment, car son chez lui a toujours été bien tenu, même quand il avait son bras immobilisé. 

    Il a les doigts agrippés à mon t-shirt, il est immobile, la respiration calme alors que j’observe les lieux, mais quand je reporte mon attention sur l’homme que je tiens dans mes bras, je me rends compte qu’il somnole contre mon épaule, je fronce les sourcils, je voudrais le secouer et lui poser la dizaine de questions qui se précipite dans ma tête, mais au lieu de ça, je me penche, passe un bras derrière ses genoux, l’autre derrière ses épaules et je le fais basculer pour pouvoir le porter, il entrouvre les yeux, même s’il semble plus près de s’endormir qu’autre chose.

    Il semble épuisé comme s’il avait fait plusieurs nuits blanches d'affilées, alors je repousse la discussion pour un moment, après tout, si j’ai pu patienter toutes ces semaines, je peux attendre quelques heures de plus. Je retire rapidement mes chaussures, puis je me dirige avec lui dans mes bras vers son lit. 

    Je nous installe sur le lit, il ne réagit pas vraiment, j’ai l’impression qu’il dort déjà profondément. Je m’allonge le plus confortablement possible et le garde tout contre moi. Il laisse échapper un petit soupir de bien être alors que sa tête se pose sur mon torse et que son bras entoure ma taille comme pour m’empêcher de fuir, pourtant, il n’a pas à s’inquiéter, je ne pourrais jamais m’éloigner, parce que pour le moment je me trouve au meilleur endroit de la planète.

    Je reste un moment éveillé, je me contente de regarder son visage endormi comme pour me persuader que je ne rêve pas et que c’est vraiment réel. Finalement, je finis par m’endormir à mon tour, d’un sommeil qui sera bien plus réparateur que toutes mes nuits réunies au cours des mois précédents. Il est largement plus de dix heures quand je me réveille à nouveau, je me sens reposé et en pleine forme, mais l’angoisse me reprend, lui n’a pas bougé d’un pouce et surtout malgré l’heure tardive, il n’y a pas eu de réveil pour qu’il se rende en cours.

    Pendant près d’une heure, je le regarde, je prends le temps de retracer chaque ligne et courbe de son visage et je retombe amoureux de lui. Mes caresses semblent finir par le sortir du sommeil, car il s’agite doucement, il se serre plus fort contre moi, il s’étire lentement avant de se frotter les yeux. Il semble avoir un peu moins de mal à émerger que tout à l’heure, mais il lui faut un certain temps à cligner des yeux, avant de finalement les poser sur moi et de me faire un sourire timide.

    — Tu n’étais pas un rêve.

    Je secoue doucement la tête, non je ne suis pas un rêve, je compte maintenant rester près de lui. On s’observe un moment, les yeux dans les yeux, l’intensité monte d’un cran et sans réfléchir, je fais la chose dont j’ai envie depuis des mois. Je m’approche de lui sans jamais rompre le contact visuel, je veux m’assurer que c’est ce qu’il veut. Ses lèvres entrouvertes, son souffle plus court sont une réponse et je n’hésite pas. Nos lèvres s’effleurent, se touchant à peine, se redécouvrant l’une l’autre avant de finalement se presser dans un baiser doux et tendre, alors qu’elles bougent ensemble. Je savoure la sensation que je pensais ne jamais retrouver, c’est un brasier qui couve dans mon corps alors que mes muscles se dénouent, que la tension disparaît et je semble pouvoir respirer pleinement pour la première fois depuis bien longtemps.

    Le baiser reste chaste, on n’a pas besoin de plus pour le moment, il faut d’abord que l’on parle, que l’on comprenne. Pourtant, il dure un long moment, de longues minutes que je voudrais prolonger à l’infini. Finalement, il faut reprendre notre respiration et c’est naturellement que nos fronts se rejoignent et que l’on reprend lentement notre souffle, j’ai l’impression d’être sur un nuage, je me sens bien. 

    — Désolé de ne pas t’avoir écrit plus souvent.

    Je soupire doucement, le moment de la discussion est arrivé, et même si j’ai envie de savoir, j’ai un peu peur de ce qu’il va m’annoncer. J’aurais aimé que ce sentiment de bien-être reste encore un peu, mais quand je rouvre les yeux, je peux voir l’inquiétude dans son regard, alors aussitôt je lui souris pour lui montrer que tout va bien. 

    — Ne t’inquiète pas pour ça.

    Je remarque que ses joues ont repris quelques couleurs, mais c’est sûrement dû à notre baiser. Il a l’air toujours aussi fatigué, ses cernes sont toujours bien présents et je ne peux pas m’empêcher d’en suivre le tracé du doigt, le faisant frissonner. 

    — Qu’est-ce qui se passe Nong Night ?

    Je ne veux pas forcément le pousser à me raconter ce qui lui arrive, je ne veux pas lui faire de mal, pas quand il a l’air si faible, mais j’ai besoin de savoir.

    Il soupire alors profondément avant de détourner son regard comme s’il était gêné de ce qu’il avait à raconter et je sens mon cœur se serrer. La seule chose qui me rassure à cet instant c’est qu’il ne cherche pas à me fuir. Il se mordille la lèvre inférieure comme s’il hésitait sur ce qu’il devait dire et je reste silencieux, je lui laisse tout le temps dont il a besoin pour rassembler ses idées. Pour le rassurer, l’apaiser et lui montrer que tout va bien, je dessine de petits cercles sur son épaule avec mon doigt.

    — Tu te souviens quand tu m’as blessé ?

    Il se lance sans oser me regarder, comme s’il avait peur que je sois blessé qu’il revienne sur le sujet. Je ne comprends pas pourquoi il en parle d’ailleurs, mais je ne pose pas de question. 

    — Bien sûr que je m’en souviens.

    Je chuchote presque alors que je confirme que non je n’ai pas oublié. Comment, je le pourrais de toute façon, j’avais fait la pire erreur de ma vie, mais cela m’avait fait le rencontrer.

    — Et bien... ils ont dû me faire une transfusion…

    Il est hésitant quand il continue à m’expliquer, mes yeux s’écarquillent à cette nouvelle. Je me souviens qu’il m’avait dit avoir été opéré, mais je ne pensais pas qu’il avait perdu suffisamment de sang pour que ça nécessite une transfusion. La culpabilité doit se lire dans mon regard car il pose sa main sur ma joue, la caressant doucement avec son pouce. Non, je ne regrette pas ce qui s’est passé, parce que j’ai pu rencontrer l’homme que j’aime. Cela ne veut pas dire que je ne culpabilise pas cependant, car je sais que je l’ai fait souffrir, et mon instinct me dit qu’il continue de souffrir à cause de moi. 

    — Parfois, avec une transfusion, il y a un risque de contracter la mononucléose…

    Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration, si mes souvenirs de biologie avant que je n’arrête le lycée sont encore bons, ce n’est pas une maladie très grave, mais elle est épuisante et il faut du temps pour s’en remettre. Je comprends un peu plus les choses maintenant.

    — La première crise est arrivée un peu plus d’un mois après ton arrestation et ça a duré près de quinze jours. J’aurais dû guérir à ce moment-là, seulement, il y a trois mois j’ai fait une rechute qui a duré plus d’un mois. Je vais mieux maintenant, je suis guéri, mais le médecin m’a prévenu que j’allais être fatigué pendant encore un long moment.

    Je le serre fermement contre moi, son visage venant naturellement se cacher dans mon cou et je sens son souffle contre ma peau quand il respire un peu plus fort. Moi je lutte contre la montée de culpabilité en lui caressant doucement les cheveux. J’ai manqué de le tuer et alors que j’étais absent, il s’est retrouvé seul à en gérer les conséquences, je me sens tellement minable à cet instant. 

    — Je suis désolé.

    Ma voix est chevrotante, parce que je sens que ma gorge s’est nouée et je pourrais pleurer à cet instant. 

    Je l’entends rire doucement contre moi, mais je sais qu’il ne se moque pas de moi. Il se sent heureux je pense et j’en ai la confirmation quand il se recule pour me regarder droit dans les yeux et qu’enfin j’y retrouve la lueur malicieuse qu’il avait avant. 

    — Je ne t’en veux pas.

    Je garde mon sérieux un instant, avant de finalement lui sourire. Je sais qu’il est honnête, qu’il ne me tient pas pour responsable de ce qui s’est passé, mais évidemment que c’est de ma faute et je vais maintenant devoir vivre avec ça le reste de ma vie.

    Je prends une grande inspiration avant de me redresser en l’entrainant avec moi pour que l’on soit assis l’un en face de l’autre. Mon cœur bat la chamade, rien ne semble avoir changé, pourtant, est-ce que l’on est toujours un couple ? Oui on s’est embrassés, il ne m’a pas repoussé et on a du mal à quitter les bras de l’autre, mais je veux une confirmation. Pourtant, je me sens timide, comme toujours, alors je le regarde, un peu hésitant, avant de prendre ses mains entre les miennes et d’enfin prendre la parole. 

    — D’accord, faisons un marché. Je vais prendre soin de toi, jusqu’à ce que tu ailles mieux.

    Tout de suite, je vois que mes paroles font mouche, qu’il comprend ce que je suis en train de lui dire. Car c’est exactement les mots que j’ai eus il y a presque un an quand j’ai proposé de m’occuper de lui le temps qu’il guérisse.

    La première fois, il a accepté par dépit, il n’était pas ravi de ma proposition et encore moins de ma présence. Il a fallu des semaines pour que les choses changent et que l’on en arrive à s’aimer. Aujourd’hui, il me regarde en souriant, mais il y a une lueur taquine dans son regard, je m’attends à ce qu’il accepte, alors quand je le vois secouer la tête, je perds doucement mon sourire. 

    — Non, je ne suis pas d’accord.

    Lui continue de sourire, de me regarder tendrement et je ne comprends pas. Mon cœur se serre, j’ai peur qu’il m’explique maintenant, qu’il ne veut plus de moi de cette manière. Il doit se rendre compte de mon trouble, car il ne fait pas durer le suspense et ajoute rapidement.

    — Je veux que tu continues de prendre soin de moi même quand j’irai mieux.

    Je reste un moment interdit avant d’éclater de rire totalement soulagé par ce qu’il est en train de dire.

    Je prends son visage en coupe entre mes mains avant de l’embrasser avec une grande tendresse. Je vais prendre soin de lui, je vais faire en sorte qu’il récupère le plus vite possible et alors on pourra laisser toutes ces épreuves derrière nous. On pourra commencer à construire quelque chose ensemble et j’ai hâte de vivre tout ça. Je quitte ses lèvres en lui souriant tendrement. 

    — Aussi longtemps que tu le voudras.

    C’est ma réponse, tant qu’il voudra de moi, je resterai à ses côtés et je ferai tout pour le rendre heureux. Son sourire s'agrandit et je suis heureux de voir du rouge colorer ses pommettes avant qu’il ne se penche pour m’embrasser à son tour. Je passe mes mains autour de sa taille et l’attire contre moi sans que ses lèvres ne quittent les miennes, c’est un baiser bien moins chaste que les autres, il est plein d’amour et de promesse. Je sais qu’il n’ira pas plus loin cependant, on a le temps pour passer toutes ces étapes, je ne veux pas que l’on se précipite.

    Pourtant, je bascule, l'entraînant de nouveau avec moi et il se retrouve à moitié allongé sur moi, bien au chaud entre mes bras. Il gigote un petit instant, jusqu’à trouver une position dans laquelle il se sent à l’aise et il soupire de bien-être en fermant les yeux. 

    — Tu veux encore dormir ?

    Son sourire est toujours présent sur ses lèvres alors qu’il hoche la tête, je me dis un instant qu’il devrait manger, la journée avance et je suis certain qu’il n’a toujours rien avalé. Pourtant, je me contente d’embrasser son front et de passer ma main dans ses cheveux. 

    — Alors repose-toi, je veille sur toi.

    Je vais attendre qu’il dorme profondément, puis j’irai lui préparer à manger, c’est un bon début non.

    Il ne réagit pas vraiment et un instant je pense qu’il s’est déjà endormi, moi je n’ai plus sommeil, pourtant, rester dans ce lit, avec lui dans mes bras ne me dérange absolument pas. Je soupire de bonheur, ma main caressant doucement ses cheveux, je sursaute presque quand sa voix à moitié endormie s’élève. 

    — Je t’aime.

    Mon cœur accélère, explose de joie alors que je sais déjà que je ne me lasserai jamais de l’entendre me dire ces mots.

    J’embrasse de nouveau son front avant de caresser lentement son dos, l’émotion me serre de nouveau la gorge et je sens mes yeux s’humidifier alors que jusqu’à ce matin, je pensais que plus jamais il ne me redirait ces mots. Je me penche vers son oreille et chuchote rien que pour lui ma réponse. 

    — Je t’aime aussi.

    Il ne dit rien, ne réagit pas, mais je sais qu’il m’a entendu, car son sourire s’élargit et ça me suffit pour être heureux. 



     



  • Commentaires

    4
    Lundi 13 Juillet 2020 à 15:43

    Merci pour cette histoire. Juste ce qu'il fallait pour clôturer cette série.

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    3
    Samedi 11 Juillet 2020 à 22:40

    merci pour cette petite histoire jai vue la serie et je voulais une suite , alors je suis contente de lavoir lue merci

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