• Chapitre Spécial 5

    Chapitre Spécial 5
    Un Endroit Que Nous Seuls Connaissons

    Je me souviens bien que le poisson dans le ciel est mon premier amour.

    Maintenant qu'il s'est noyé dans le chagrin, il est normal que je me sente troublé.

    Il y a deux jours, Mork m'a dit que ça faisait mal à Nan de savoir que tu devais partir… ça faisait mal d'accepter la douleur (1)…

    J'ai presque fini la chanson. Le fait est que Nan est en mode drame parce que la personne qu'il aime est partie pour de bon. D'après ce que nous savons depuis peu, cette personne est à Chiang Mai, probablement en train de traîner à Thapae ou de vendre des rôtis avec de la barbe à papa ou autre.

    Et donc, Mork a promis d'accompagner son cher ami pour retrouver son amour. Et c'est aujourd'hui, vendredi.

    — Tu as emballé la tente ? demande Mork une fois qu'on a fini de mettre nos affaires dans le coffre, trempé de sueur.

    — Pourquoi on en aurait besoin ? On reste à l'hôtel.

    — Au cas où on se perdrait en chemin.

    — Pas besoin : On n'arrivera pas à l'heure là où se trouve le poisson dans le ciel.

    — Tu te soucies tellement de Mueangnan. Et pour Mork ?

    — Viens ici.

    — Qu'est-ce que tu vas faire ?

    — Je vais te botter le cul. Arrête de plaisanter alors que nous sommes dans une situation sérieuse. Dépêche-toi ! 

    Je monte sur le siège passager. Nous récupérons Mueangnan et nous dirigeons vers Chiang Mai avec la ferme intention de trouver Neua.

    Nous arrivons dans la soirée. Mork fait un tour dans l'hôtel que nous avons réservé à l'avance, et Mueangnan s'en va quelque part tout seul sans nous. Nous comprenons qu'il ait besoin d'un peu d'intimité. Et pour nous ? Ha ! Nous nous reposons dans la chambre d'hôtel, en attendant l'heure du dîner.

    Nous sommes dans une autre province, mais pourquoi je dois regarder ce documentaire animalier ? Je peux faire la même chose à Bangkok.

    — Mork, je me sens seul, dis-je à la personne allongée sur le dos à côté de moi comme un calmar séché.

    — …

    Il ne dit rien, se contentant de lever les yeux au ciel encore et encore.

    — Quand est-ce que Mueangnan revient ? Je veux sortir.

    — Je ne sais pas.

    — Ok. 

    C'est une réponse claire.

    — Vilain. 

    La voix de l'enfer arrive à mes oreilles. Le grand type me tape sur l'épaule à plusieurs reprises après qu'on se soit allongés pendant un bon moment.

    — Quoi ?

    — Tu es fatigué par le long trajet, Vilain ! Je vais te faire un massage.

    On n'a jamais utilisé de petits noms avant. Maintenant que nous sommes amoureux, il m'appelle “Vilain” et il lui arrive de s'appeler par son nom.

    — Je ne suis pas du tout fatigué. Ne le fais pas.

    — Je peux voir dans tes yeux que tes muscles sont tout raides. Ce n'est pas grave. Ne sois pas timide.

    FWIP !

    Je ne suis pas timide ou quoi que ce soit, Sutthaya Oppa. C'est trop tard maintenant parce qu'il retourne mon corps et se met sur moi si vite, comme dans Flash. De toute évidence, ce matelas à ressorts est mon échafaud.

    Son expression montre sa détermination, comme s'il allait le faire quoi qu'il en coûte. Comment une mauviette comme Pattawee peut-elle lui résister ?

    — Mork, lâche-moi. C'est inconfortable et étouffant. 

    J'essaie de m'asseoir mais je perds face à la force de sa poigne ferme.

    — Essaie de te lever si tu peux. 

    Tu penses que me défier comme ça, c'est cool ?

    — Tu crois que j'ai peur de toi ? 

    Je claque des doigts, bien que mes lèvres tremblent comme jamais. J'ai peur, pour être honnête. Ses yeux ont l'air trop sérieux. Il doit détester perdre, peut-être traumatisé par une compétition dans son enfance.

    — Vilain… tu as dit que tu te sentais seul et qu'il n'y avait rien à faire.

    Il me frappe avec son coup le plus mortel, la voix douce et tremblante. Ne sait-il pas que ce geste peut arrêter le cœur de quelqu'un ?

    Inquiète-toi un peu pour moi, Sutthaya. Juste un peu est suffisant. Hmm….

    Vous n'avez jamais vu Mork quand il est excité. Même si on est allongé sur le dos et qu'on se gratte le ventre, on peut être attaqué à tout moment.

    — J'ai quitté la ville pour traîner avec Mueangnan, pas pour faire du sport avec toi.

    — Si tu penses que tu peux te battre contre moi, essaie.

    Je regarde fixement la personne au-dessus de moi, sachant très bien ce qui va se passer dans la prochaine seconde.

    Trois, deux, un !

    — AAAAAAAHHH ! 

    Sutthaya bloque mes bras et les enfonce dans le lit. Ha ! C'est inutile. Toujours le même tour, je vois clair dans ton jeu.

    — Tu penses que tu peux me battre ? murmuré-je à son oreille en lui donnant des coups de pied dans les jambes. 

    J'ai envie de lui mordre l'oreille, mais je dois garder ma brutalité cachée dans cette situation dangereuse. Mork tient sa langue, dans le seul but de me vaincre.

    — Hmph… Hmph… 

    Le grand type gémit au moment où je verrouille ses bras et ses jambes et que je claque son corps dans le matelas, le faisant haleter. Je me place sur son corps avant de glisser sur le côté, enroulant mon bras autour de son cou de façon serrée.

    — Vilain.

    — Tu abandonnes ?

    — Pi. 

    On dirait qu'il n'arrive pas à respirer. Finalement, il hisse son drapeau blanc, tapant le lit en signe de reddition. C'est tout ce qu'il a. Quel loser.

    Je le libère de mes bras, extatique de le voir rester tranquille. Mais ça ne dure qu'une fraction de seconde. Quand je baisse ma garde, il renverse mon corps sur le lit, prenant à nouveau le dessus.

    — Mork, je suis fatigué, gémis-je. 

    Je peux à peine ouvrir les yeux.

    — Là, là. Je ne vais plus te déranger.

    — Quel voyou.

    — Je ne veux pas que tu te sentes seul.

    — Je préfère être seul pendant encore dix vies. 

    Si je n'avais pas à me battre avec toi comme ça.

    Mon état actuel est vraiment mauvais. Je ne peux pas bouger mon cou et mes jambes sont faibles. On s'est seulement amusés et j'ai l'impression que ma trachée est bloquée. Si on se donne à fond, mes poumons ne vont-ils pas se déchirer ?

    C'est comme ça que Sutthaya et moi tuons le temps. Nous nous battons et nous nous épuisons. C'est le voyage le plus heureux de l'univers.

    J'aurais dû le laisser le faire comme il voulait… 

    Aïe, ma colonne vertébrale.

     

    Notre attente est enfin terminée. Mueangnan nous contacte et dit que nous n'avons pas besoin de l'attendre puisqu'il a rencontré Neua. Quoi ?! Alors pourquoi je l'ai attendu toute la journée ? Je suis contrarié pendant une demi-heure avant que Mork ne m'emmène manger dehors. Nous profitons de notre temps pour déguster des milkshakes ensemble et poster un statut sur les réseaux sociaux pour que tout le monde sache… que nous sommes à Chiang Mai.

    Nous buvons du lait frais et retournons dormir à l'hôtel. Il n'y a pas de lait frais à Bangkok. Comme c'est spécial.

    Comme si !

    Nous recommençons le lendemain matin. Nous avons fait une liste d'endroits à visiter, mais mon plan a encore été ruiné parce que les amis de Mork, qui étudient ici, ont vu son statut et se sont portés volontaires pour être nos guides.

    Je ne sais pas qui ils sont ni à quoi ils ressemblent. Tout ce que je peux faire, c'est jouer à un jeu dans un hall jusqu'à ce que l'arrivée de quelqu'un attire notre attention.

    — Mon pote, Sutthayaaaaa. 

    Quelle façon mignonne d'appeler son ami.

    — Qui c'est ? chuchoté-je. 

    Tu es un homme mort si tu me donnes une mauvaise réponse. C'est ton amie ? Vraiment… ?

    — Ma pote quand j'ai participé à l'événement académique de ma deuxième année.

    Ohhhhhh, ça me dit quelque chose. Il y avait cet événement dans notre deuxième année. Ça a éloigné Sutthaya de moi pendant une semaine, et j'étais sacrément énervé parce que beaucoup flirtaient avec lui.

    — Ça fait un moment. Tu es devenu plus beau, salue-t-elle avec un sourire. 

    Ses amis la suivent, garçons et filles, l'air très amical.

    — Toi aussi, tu es devenue plus jolie, Ming.

    — Wow, tu es toujours un beau parleur.

    Hein ?! Tu avais l'habitude de lui dire des choses comme ça avant. Il a osé mentir en disant qu'il n'avait d'yeux que pour moi. La vérité, c'est qu'il voulait flirter.

    — C'est ton petit ami ? 

    Elle croise mon regard.

    — Oui, c'est mon petit ami. Il s'appelle Pi.

    — Enchanté de te rencontrer. Je suis Ming, et eux c’est…

    L'introduction se termine une minute plus tard. Je leur fais un signe de tête et un sourire, puis nous nous dirigeons vers le parking.

    — Comment vous êtes venus jusqu’ici ?

    — On a tous une moto, bien sûr.

    — Pourquoi vous ne venez pas avec nous ? Il fait chaud dehors, et ce sera plus pratique. 

    Huh, c'est une bonne idée ?

    Je penche la tête, en réfléchissant. Finalement, notre nouvelle amie et sa bande s'entassent dans la voiture avec nous.

    J'adore nos guides. Ils sont tous super joyeux. Ils partagent des histoires avec nous avec plaisir et nous donnent tellement de suggestions sans se retenir. Je suis parfois déconcerté mais je fais tout de même de mon mieux pour participer aux discussions.

    Comme nous restons en ville, il n'y a que quelques endroits branchés qui sont des cafés relaxants.

    Comme je m'y attendais, nous nous enfonçons dans des coussins dans un café paisible. En attendant nos commandes, nos nouveaux amis continuent de parler. Mork semble bien s'entendre avec eux tous. Peut-être que je ne comprends simplement pas certains sujets. C'est pourquoi je me gratte la tête inconsciemment. Je veux dire, ce n'est pas le moment de discuter des sujets principaux de leurs filières.

    — Vilain, tu veux un encas ? demande Mork, en posant sa main sur ma tête.

    — Non.

    — Le gâteau ici est si savoureux. Tu dois l'essayer. 

    Ma nouvelle amie me le propose amicalement avant que les autres n'interviennent.

    — C'est vrai, c'est leur recette spéciale.

    — Alors je vais essayer celui-là, celui-là, et celui-là. 

    Je pointe les menus sans interruption. Le grand type ferme les yeux sur moi.

    — C'est beaucoup, Vilain.

    — Je ne mange pas seul. On partage.

    — Tu veux du thé vert ? C'est une spécialité, propose Mink cette fois.

    — Dommage. Pi déteste le thé vert.

    — Mork déteste ça aussi, craché-je.

    — Oh… 

    Nous nous taisons tous pendant un moment avant que notre guide ne brise le silence avec une joyeuse activité.

    — Pendant que nous attendons, prenons une photo.

    — Bonne idée. Ça fait une éternité. Immortalisons ce moment.

    S'il vous plaît, regardez mon visage. J'ai envie de leur demander “Pour quoi faaaaiire ?”

    Ils prennent tous leurs téléphones et prennent des photos frénétiquement. Pour résumer, nous avons deux photos de groupe et une photo d'un fantôme, moi. Les photos de la bande avec Mork sont aussi au nombre de deux.

    Deux cents ! Ils ont oublié que Pattawee est là.

    Comment pourraient-ils oublier un gars sexy comme moi ? Je suis un peu contrarié, mais je ne peux rien faire. Je lis un livre et joue sur mon téléphone, en attendant.

    Quelques instants plus tard, un message apparaît sur mon fil d'actualité. C'est une photo de groupe que nous avons prise plus tôt. Tout le monde a l'air heureux, surtout moi. La moitié de mon visage apparaît sur la photo, comme un fantôme dans un film d'horreur. Contactez-moi si vous cherchez quelqu'un pour jouer un rôle de fantôme.

     

    MING MILA - Avec Sutthaya Nithikornkul et 4 autres. 

    Le type légendaire.

     

    La légende montre à quel point ils m'apprécient. Ils n'ont pas du tout l'air excités avec Mork au centre de la photo. Je ne suis pas son petit ami, d'ailleurs. Je suis juste quelqu'un ici pour porter son sac. Oh, mes larmes.

    — Voici vos boissons et vos desserts.

    L'employé sert ces choses sur une petite table en bois. Nous mangeons et parlons. Mon expression convient au concept, celui d'un esprit sans sentiments puisque je ne suis proche de personne. Ils ne parlent qu'avec Mork, alors je continue à grignoter le gâteau. Avant de m'en rendre compte, j'ai tout fini.

    — Tu en veux encore, Vilain ?

    — Je suis plein.

    — Tu es comme un enfant. 

    Il essuie le gâteau sur ma lèvre avec son pouce, ce qui rend les autres stupéfaits.

    — Dégage. 

    Je repousse son bras pour cacher mon visage rougissant. J'ai dû regarder trop de dessins animés.

    — Dégage, se moque-t-il.

    — Mork.

    — Mork… 

    — Ne te moque pas de moi.

    — Aw, tu es contrarié. 

    Il me prend dans ses bras en plaisantant. Putain ! Tout le monde regarde. Il doit avoir peur que je sois contrarié d'être laissé de côté.

    — Je ne le suis pas.

    — Tu veux aller où ?

    — Je ne sais pas.

    — Des recommandations, les gars ?

    — Il y a beaucoup d'endroits où aller. Pourquoi pas Nimman ? proposent-ils, et mes yeux pétillent. 

    Je repousse la tête de Mork car notre prochaine destination est plus importante.

    Une heure après avoir quitté le café, nous sommes arrivés à un nouvel endroit, qui est toujours, immanquablement, un lieu de restauration. Nous sommes allés dans un café, et maintenant nous sommes dans un restaurant de nouilles pour le déjeuner. Nous sommes allés dans un centre commercial et nous nous sommes promenés dans l'université, puis nous nous rendons dans un restaurant célèbre pour goûter des nouilles au curry de style nordique.

    Nous nous installons autour d'une table en bambou à l'extérieur. C'est un espace en plein air pour ceux qui souhaitent faire l'expérience de la culture Lanna. Mais nous sommes dehors parce que… les tables intérieures sont pleines.

    — Vous êtes venus seuls tous les deux ? demande un des gars.

    — Nous ne sommes pas venus seuls à Chiang Mai. Un ami est venu ici avec nous. 

    Je ne suis pas inquiet pour Mueangnan. Sachant qu'il est avec Neua, je suis sûr qu'il n'y a pas de problème, à moins que Neua ne l'emmène à un tour fantastique de barbe à papa ou autre.

    — Oh, il est où ?

    — Avec son petit ami.

    — Je vois. Comment se passe ce semestre ? Tu as pris un cours de recherche médicale ? 

    Toute la bande étudie la médecine, il n'est donc pas surprenant qu'ils abordent ce sujet. Le problème, c'est que je n'étudie pas la médecine comme eux.

    — Oui. C'est assez dur.

    — Parle-moi de ça. Et le sujet…

    Ils n'arrêtent pas de parler de trucs académiques. On s'échappe de l'école pour parler de l'école en voyage ! J'ai envie de pleurer en engloutissant la soupe au curry avec désespoir.

    — Tu en penses quoi, Mork ?

    — Pourquoi ne pas en parler plus tard dans notre discussion de groupe ? Parlons d'autre chose. C'est trop stressant.

    — Tu peux aussi être stressé par ça ? Tu as toujours des résultats élevés.

    — Non, je veux juste parler de quelque chose que Pi peut comprendre.

    — … 

    — En fait, il est assez bavard, surtout sur les choses stupides.

    — Qu'est-ce que tu racontes ?

    Je suis surpris à chaque fois qu'il parle de moi. Ça ne me dérange pas qu'ils continuent le sujet. Nous étudions des sujets spécifiques maintenant que nous sommes en dernière année. Je parie que si je parle de mon cours, Mork ne pourra pas dire un mot.

    — Non seulement ça, mais c'est aussi un ivrogne.

    — Hein ?! Pi boit ?

    Les grands gars restent silencieux, se contentant de me montrer du doigt pour laisser entendre que je bois beaucoup.

    — Je pensais vous inviter dans un club ensemble. Vous êtes intéressés ? Les autres gars seront là aussi.

    Je peux prévoir mon avenir désastreux en entendant cette invitation. Un de mes points faibles est que je ne peux pas m'arrêter quand je bois. Et je ne sais pas comment je me comporte quand je suis ivre, sauf si quelqu'un me le dit plus tard.

    — Qu'est-ce que tu en dis, Vilain ? me demande-t-il à nouveau. 

    Ce serait impoli de refuser. Jouons la sécurité.

    — A toi de voir.

    — Vraiment ?

    — Oui.

    — On peut ne pas y aller ? Je ne veux pas que tu te soûles, Vilain.

    — … 

    — Tu vas être incohérent.

    Enfoiré ! Je me sentais touché, et il a ruiné l'ambiance.

    — Tu veux aller dans la rue piétonne ? C'est samedi.

    — Oui ! lâché-je instantanément avant que quelqu'un puisse répondre.

    Ne comptez pas sur moi quand il s'agit de nourriture et de marchés. Je ne les manquerai pas, et je ne serai pas ivre. Facile… 

     

    Le talk-show de Sutthaya :

    À vingt heures, la rue piétonne est bondée. Bien qu'il y ait beaucoup de monde, j'entends toujours les rires de mes amis. Je prends la main de Pi et m'arrête devant plusieurs échoppes jusqu'à ce que nous ayons parcouru la moitié de la rue, mes amis me recommandant les échoppes qui vendent de la nourriture délicieuse le long du chemin.

    — Pourquoi tu manges autant, Vilain ? 

    Je plaisante en le voyant fourrer deux morceaux de sucrerie au lait de coco dans sa jolie bouche.

    — Je dois en profiter puisque c'est gratuit.

    — Qui a dit ça ? Tu devras me rembourser plus tard.

    — Donne la facture à Duean.

    — Comme si ton frère allait payer pour ça. Oh ! Rappelle-moi de récupérer Mueangnan sur le chemin du retour.

    — Nan va revenir à l'hôtel ?

    — Je suppose.

    — Mork, Pi, c'est le magasin de souvenirs que vous aviez demandé. 

    Mon amie qui était devant revient sur ses pas pour nous appeler joyeusement. Pi et moi voulons acheter quelque chose pour nos amis de l'université. Cela dit, nous les suivons tout de suite.

    Comme c'est l'heure où il y a le plus de monde, nous sommes entassés dans le magasin, sans même pouvoir respirer. Avant même que je m'en rende compte, Pi a disparu de mon champ de vision.

    — C'est là. Ils ont plein de trucs mignons.

    — Où est Pi ? 

    Je cherche le vilain gros mangeur, en tournant la tête de gauche à droite. Je ne le trouve nulle part.

    — Hmm ? Je l'ai vu traîner derrière nous. Il est où maintenant ?

    — Attendez une minute, je vais le chercher.

    — Nous devrions attendre ici. Il pourrait essayer de se faufiler à l'intérieur. Je pense qu'il nous rattrapera bientôt.

    — Mais… 

    — Attendons ici. Je vais essayer de le chercher. On ne le trouvera pas si on se promène.

    Ils essaient de me mettre à l'aise, mais je ne peux toujours pas faire ce qu'ils disent. Je prends mon téléphone et découvre que Pi a laissé son téléphone et son portefeuille dans mon sac. Il n'a littéralement rien sur lui.

    — Choisissez d'abord ce que vous voulez. Je reviens tout de suite, dis-je aux gars, me sentant très mal à l'aise.

    — Où tu vas commencer à chercher ?

    — A l'endroit d'où nous venons. Il pourrait y être.

    — On va t'accompagner. 

    Je hoche la tête en signe de compréhension, reconnaissant qu'ils s'inquiètent pour Pi.

    — Il n'est pas là. 

    Quand on a fait le chemin du retour, Pi est toujours introuvable.

    — S'il n'est pas là, il doit nous attendre à la voiture, je suppose.

    — Allons à la voiture, alors.

    Je retourne à grands pas dans la rue sans perdre une seconde. Pas une seule âme ne nous attend à la voiture. J'ai peur qu'il soit perdu. Pi n'est jamais venu ici auparavant. C'est compréhensible qu'il ne se souvienne pas où nous avons garé la voiture.

    Je retourne dans la rue piétonne, en cherchant partout mais toujours sans trouver la moindre trace de lui. Quinze minutes se sont transformées en une demi-heure. Et maintenant, cela fait presque une heure que nous nous sommes quittés. Mes amis sont anxieux, ils le cherchent avec inquiétude. Nous n'arrivons toujours pas à le trouver après être retournés plusieurs fois à la voiture.

    Finalement, j'aperçois la silhouette familière qui se tient sur le trottoir d'en face, un sac en plastique de sucreries au lait de coco à la main.

    — Vilain ! lui crié-je, et je traverse la route en courant désespérément.

    — Mork…

    Dès que je l'ai atteint, il se précipite en avant et me serre dans ses bras, en se secouant dans tous les sens.

    — C'est bon. Je suis là.

    — Je ne pouvais pas te trouver. Je… je ne me souviens pas où est la voiture. J'avais peur que tu me laisses ici.

    — Je ne te laisserais jamais. Je suis là maintenant. 

    Je caresse le dos du pleurnichard. Il fait la moue, au bord des larmes.

    C'est étrange… Pourquoi sa voix est différente ? Une odeur âcre me convainc qu'il a bu de l'alcool.

    — Tu as bu ? 

    Je me recule pour soutenir son regard.

    — Quelqu'un m'en a donné un peu. Hic !

    — C'était qui ? Je t'ai dit de ne pas accepter de choses de la part d'inconnus.

    — Je ne l'ai pas fait. J'ai juste goûté.

    C'est impossible qu'il ait juste goûté. Ses yeux sont vitreux et il ne peut pas se tenir droit. Je ne veux pas imaginer ce qui se serait passé si je l'avais trouvé trop tard. Je parie que c'était de l'alcool local, qui est fort et peut vous rendre ivre assez rapidement.

    — On s'en va. Tiens bien ma main, ou tu vas encore te perdre.

    — Le vieil homme a dit que la liqueur… est un whisky de riz parfumé à la fraise. Ça sentait bon.

    — Espèce d'ivrogne.

    — Ça sentait vraiment bon.

    — Ça veut dire que tu es un ivrogne.

    — J'en veux encore, l'alcool avec le parfum de fraise.

    Il débite des absurdités quand il est bourré, il répète la même chose. J'ai entendu le mot “fraise” des milliers de fois depuis qu'on s'est trouvés. Il arrive à peine à tenir sa tête, je dois donc le soutenir jusqu'à la voiture. Mes quatre amis nous regardent avec curiosité et soulagement.

    — Où est-ce que tu l'as trouvé, Mork ? demande l'un d'eux.

    — Sur le trottoir d'en face. Je n'ai aucune idée de comment il était arrivé là. Il est bourré.

    — Je suppose que oui. Il a les yeux vitreux.

    — Les yeux de qui ?

    — Tu réponds, Vilain ? Monte dans la voiture. Je te punirai quand on sera de retour à l'hôtel. 

    Je le mets maladroitement dans la voiture. Je me sens soulagé, croyant que nous avons passé le pire moment. De façon inattendue, quelques minutes après notre départ, Pi commence à faire du grabuge.

    — Je le déteste tellement ! Ce puuuuutain de loser, lâche-t-il sans crier gare, déconcertant tout le monde.

    — Qui est-ce que tu détestes ? demandé-je, les yeux sur la route.

    — Mork, cet enfoiré.

    — Oh, tu ne l'aimes pas ? 

    Je joue le jeu.

    — Pas du tout. J'ai quelqu'un que j'aime bien.

    — Quel genre de personne tu aimes bien ?

    — Quelqu'un qui n'est pas si obstiné.

    Pas moi… Je lui ai couru après comme un fou.

    — J'aime quelqu'un de petit.

    Je fais presque 1m80. Suis-je assez petit ?

    — Je déteste les pervers. Il a dit qu'il serait doux et puis il m'a baisé si fort.

    C'est tout moi… 

    — Calme-toi, Vilain. Allons parler dans notre chambre, chuchoté-je au gars à côté de moi parce qu'on n'est pas seuls. 

    Nos amis de l'autre université sont sans voix sur leurs sièges. Mais le gars bourré ne semble pas comprendre. Il me regarde fixement comme s'il était furieux depuis sa vie passée.

    — T'es qui, putain ?

    — Ton putain de petit ami, Vilain.

    — Mon chien est mort. Il a mangé du caramel et a été intoxiqué. Waaaaaah. 

    Merde, il était de bonne humeur, mais maintenant il devient émotif.

    — Alors tu dois aller te coucher tôt. On va rentrer à la maison pour voir notre chien.

    — Chien, mon cul ! Je n'ai pas de chien.

    Oh… C'est quoi ce bordel ? Il peut se rappeler le passé.

    — Pourquoi vous me regardez, putain ?

    — Vilain, ce sont mes amis. 

    Ils sont tous effrayés quand Pi se retourne pour les regarder.

    — Merde, j'ai oublié.

    Je regarde le rétroviseur et leur lance un regard d'excuse, sachant que Pi est fou quand il est bourré.

    — Je suis triste.

    — Et maintenant ?

    — Tes amis ne voulaient pas me parler. Ils ne parlaient qu'à toi. Je suis devenu un fantôme sur la photo, et puis tu m'as quitté. J'avais sacrément peur. Hic… Hurk ! 

    C'est un signe dangereux. Je tourne la tête vers ce son et je m'arrête puisqu'il n'a pas l'air bien. Je le regarde se précipiter hors de la voiture et vomir.

    — BLAAAAARGH !

    — Respire profondément, murmuré-je en lui caressant le dos.

    Des larmes coulent sur le visage de l'ivrogne. Il halète si fort que je me sens mal. Je ne peux que le serrer contre ma poitrine, sentant qu'il tremble de façon incontrôlable.

    — Laisse-moi soutenir ton corps. C'est bon.

    — … 

    — Tu te sens mieux ?

    — J'ai peur… j'ai une peur bleue.

    — Je suis là. Je suis là maintenant.

    — … 

    — Je ne te laisserai pas. Ne pleure pas, Vilain.

    Une fois qu'il s'est calmé, je le remets dans la voiture avec l'aide de mes amis.

    Je les ramène tous chez eux, en m'excusant et en les remerciant en même temps. Ils devaient avoir des sentiments mitigés à propos du voyage d'aujourd'hui, mais ils n'ont pas pris ce qui s'est passé à cœur. Ils m'ont même demandé de m'excuser auprès de Pi à leur place et ont terminé notre conversation par des mots si mignons.

    — Prends bien soin de ton Vilain.

    Je me sens bien quand Pi exprime son mécontentement, sa jalousie ou sa colère. C'est mieux que de tout garder à l'intérieur et de s'angoisser tout seul.

    Nous sommes arrivés à l'hôtel vers vingt-deux heures. Il divague toujours inconsciemment, alors je dois m'occuper de lui. Je ne me souviens pas quand nous nous sommes endormis, mais la voix du matin, comme un réveil, me fait me lever sans réfléchir.

    — Mork ! Mueangnan… 

    C'est ça, Mueangnan.

    — Huh ?! On a oublié de passer le prendre.

    Pas besoin de l'appeler et de lui expliquer. Il a déjà posté un statut… 

     

    Mueangnan Asawamethee

    Je me sens perdu.


    Notes

    (1) Chanson “It Hurts to Know” par The Mousses.



  • Commentaires

    3
    Dimanche 26 Février 2023 à 14:18

    Euh, vu comment il devient, il serait peut-être bon que Pi arrête de boire XD

    Pauvre Mork, il en prend pour son grade

    Merci pour ce chapitre ^^

    2
    Jeudi 23 Février 2023 à 12:39

    Pi bourré c est 1 sacré spécimen ^^ 

    Merci pr ce nouveau chapitre ;)

    1
    Jeudi 23 Février 2023 à 07:38
    Merci pour ce nouveau chapitre
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :