• Chapitre 6

    Chapitre 6
    Mork

    "Oh, Loong. Hé, Ar. Pourquoi vous êtes encore debout ?"

     Je suis surpris de voir Loong et Ar assis à la table à manger au premier étage lorsque j'arrive chez moi, alors qu'il est déjà minuit. D'habitude, ils se couchent vers 23 heures et, tous les soirs, je les entends ronfler à travers le parquet de ma chambre du troisième étage, en faisant un concours en moins de dix minutes. Je me demande pourquoi ils sont encore assis bien éveillés à la table ce soir.

    "On attend le match de foot. Tu veux regarder avec nous ?"

     Oh... C'est pour ça.

     Je remarque aussi que chacun d'eux tient une canette de bière, boisson qui confirme sa réponse. C'est vrai. Ils sont obsédés par le championnat d'Europe de football. Pendant la saison des tournois de football, il leur arrive de passer une nuit blanche et de regarder la retransmission jusqu'à tard dans la matinée, et même d'ouvrir le garage tard de temps en temps.

     "Non, merci. Mais j'ai faim. Il y a quelque chose que je peux manger ?"

    Contrairement à eux, je n'aime pas regarder le football. Je ne sais pas pourquoi. Quand ces vieux types à la station de moto-taxi m'invitent à regarder un match avec eux ou à parler de football et que je me contente de les fixer comme un idiot, ils me demandent souvent pourquoi je ne regarde pas le football.

    Eh bien, comment puis-je répondre à cette question ? Je n'aime pas ça, tout simplement. Si je savais pourquoi je n'aime pas ça, alors il serait facile de se débarrasser de cette raison et de commencer à aimer ça. Parfois, les gens demandent des choses stupides. Pourquoi ne peuvent-ils pas juste hocher la tête et accepter ma réponse telle qu'elle est ?

     "Rien. Juste de la bière. Tu en veux ?" Ar me tend une canette de bière.

     Je secoue la tête. "Nan, merci, Ar. Comment ça peut me remplir l'estomac ? C'est juste une bière."

    "Je sais pas, mais c'est la seule chose qu'on a. Le frigo est aussi vide."

    "On n'a rien d'autre ? Même pas des nouilles instantanées ?"

    Je me dirige vers le placard à nourriture et vérifie l'étagère de produits secs tout en haut. Oh, c'est vrai. Je me souviens qu'hier, j'ai pris les dernières nouilles instantanées et les ai mangées séchées après les avoir écrasées à travers  l'emballage. Ar a même marmonné que je ne devais pas le faire parce que ça pouvait causer des maux d'estomac. Je ferme le placard à nourriture qui est aussi vide que mon estomac.

    "Alors, je vais sortir pour manger quelque chose. Vous voulez que je ramène un truc ?"

    "Non, merci. Conduis prudemment. Il est tard."

    "Oui, monsieurrrrr."

     Je suis sur le point de me retourner, je n'ai même pas encore atteint ma motocyclette, et mon oncle me crie après.

    "Hé, hé, attends. J'ai oublié ! Achète des nouilles instantanées, juste au cas où."

    Je me retourne et acquiesce. "Ok, Loong. Autre chose ?"

    "Des sardines en boîte. Et des œufs frais, pour qu'on n'ait pas à manger de simples nouilles. Prends quelques trucs à grignoter, aussi. La marque Whatchamacallit, celle avec un genre de visage souriant vert."

    "C'est Snack Jack. Wow, la façon dont tu l'as décrit m'a presque complètement déstabilisé." Vert et visage souriant, ma supposition devrait être correcte.

    "Ouais, ça, Nackjack. Prends-en deux. Ça va très bien avec la bière."

    "Autre chose ? Au début tu as dit non merci, maintenant la liste est presque aussi longue que le mantra de Chinnabanchon. "

    "Oui, c'est tout, mon petit. Reviens vite, d'accord ?"

    Ok, je peux enfin y aller.

    Normalement, je ne mange pas à des heures tardives. Pas parce que je surveille mon poids ou que c'est mauvais pour la santé, mais j'ai peur d'avoir mal au ventre. Si je mange en dehors de mon heure habituelle de repas, j'ai mal au ventre. Mais je n'ai pas assez mangé ce soir, donc j'ai de nouveau faim à cette heure. Et voilà, maintenant j'ai peur d'avoir mal au ventre si je ne mange pas.

     Eh bien, pauvre de moi, pauvre Mork !

    Et il faut que ce soit le jour où nous n'avons plus rien à manger à la maison. Maintenant, je dois conduire ma moto jusqu'à un magasin 7-Eleven dans une rue voisine, la même que celle où se trouve ma station. Je vous l'ai déjà dit, le garage de Loong et Ar est près de mon travail, donc ils connaissent bien P'Fueang.

    J'aimerais juste que ma rue ait déjà son propre 7-Eleven. Comme ça, je n'aurais plus besoin de conduire jusqu'à une autre rue. Non pas que ce soit loin, je suis juste paresseux. Et je dois changer de pyjama - en général un débardeur et un short en tissu fin - parce que j'ai peur que le serpent dans mon pantalon ne sorte et qu'un chien errant ne me poursuive pour essayer de le mordre.

    Oh, attendez... En fait, même si ma rue avait son propre 7-Eleven, ça ne veut pas dire que je pourrais me promener en débardeur et en short. Ça ne change rien. Je pense que j'ai trop faim et que j'ai sommeil, je deviens stupide. Je devrais vite aller chercher à manger et aller me coucher.

    Donc, je démarre mon moteur et je décolle.

     

    ………….

     

    "Voulez-vous aussi acheter des boulettes ou des brioches vapeur ?"

    Je regarde ma nourriture sur le comptoir de la caissière... Euh, j'ai déjà acheté deux bâtonnets de boulettes à la viande de crabe et des brioches vapeur au porc effiloché, veut-elle que j'en achète plus ?

    "Euh, excusez-moi, mademoiselle. J'ai déjà acheté des boulettes et des brioches."

    "Oups, désolé, monsieur. Voulez-vous acheter une bouteille de nettoyant pour salle de bain ?"

    "Euh, non, merci. J'ai déjà la sauce pour mes boulettes."

    Je récupère ma monnaie et me précipite dehors. Ils n'ont pas d'œufs ici, alors je n'ai acheté que deux sacs de mes propres snacks, des nouilles instantanées, des sardines en boîte, et les Snack Jack de mon oncle comme il l'a commandé. J'ai tellement faim que je commence tout de suite à mâcher mes boulettes.

    "Aïe, c'est chaud, bon sang !"

    La première boulette me brûle la bouche, alors je souffle soigneusement sur la suivante avant de la manger. Mon plan initial était de la ramener et de la manger à la maison, mais à ce rythme, je pourrais aussi bien la finir ici avant de rentrer chez moi.

    Oh, regardez-moi ça. Quelqu'un de familier. C'est le docteur.

    Que fait-il à marcher jusqu'au carrefour à cette heure-ci ?

    "Hé, M. le Docteur. Vous prenez un repas tard le soir ?"

    Je l'interpelle après avoir mis la troisième boulette dans ma bouche.

    "Oh, Mr le Conducteur. Non, je vais prendre un taxi. Je dois me rendre en urgence à l'hôpital."

    Il me répond mais ses yeux sont sur la route, apparemment à la recherche d'un taxi. Tu rêves, doc! Il n'y a pas de taxi par ici à cette heure. Dans ce genre de quartier résidentiel et de bureaux, presque personne ne se déplace la nuit. Donc, les chauffeurs de taxi ne viennent pas ici parce qu'il n'y a pas de passagers.

    "Ehh ? Vous avez été appelé ? Il y a un patient urgent ?"

    J'ai vu ça dans certaines séries, les médecins sont appelés à l'hôpital pour des cas urgents. Peut-être que ce docteur est pareil.

    Mais il me regarde et secoue la tête.

     

    "Pas un patient, mais oui, c'est une urgence. Ça pourrait être encore pire qu'un patient."

    Je lève les sourcils, en enfournant deux boulettes dans ma bouche en même temps.

    "Hmmm ? Qu'est-que est, oc ? As un atient mais une gence ?"

    Il penche la tête vers moi. "Qu'est-ce que vous avez dit ? Je ne comprends pas."

    Je m'empresse de mâcher et d'avaler avant de répéter. "Qu'est-ce que c'est, doc ? Pas un patient mais une urgence ?"

    "La prochaine fois, finissez de mâcher et d'avaler votre nourriture avant de parler. Vous allez vous étouffer si la nourriture entre dans vos voies respiratoires. Compris ?"

    Wow, regardez... Même sans sa blouse blanche, il fait toujours son travail. Donc, j'ai été grondé. Tu es sûr que c'est un docteur et pas un enseignant du département de discipline ?

    "Eh bien, je sais pas.... Vous avez dit que c'était une urgence donc j'étais pressé de demander."

    "Um, c'est mon ami." Il me regarde. "Il est terriblement ivre à une fête à l'hôpital. Il a appelé et a pleuré comme un fou. Je suis inquiet donc je vais aller voir comment il va. C'est pourquoi j'ai besoin d'un taxi pour m'y rendre."

    Puis, il scrute à nouveau la route. Comme je l'ai dit, c'est inutile. La route est tellement déserte. Il n'y a aucune voiture, pas même une voiture particulière. Sans parler d'un taxi.

    Je mets les deux dernières boulettes dans ma bouche, en lui tapant sur l'épaule.

    "Ocder, ocder."

     "Euh... quoi ? Je vous ai dit de finir de mâcher avant de parler."

    Il me gronde à nouveau, alors j'engloutis rapidement toute la nourriture.

    "Pourquoi vous ne demandez pas à votre petit ami de vous déposer ? Il a une voiture."

    "P'Por dort et je ne veux pas le réveiller."

    Oh... Alors son beau petit ami s'appelle Por, hein ? Quel genre de mec s'appelle Malaeng Por ? On dirait un nom de fille !

    "Peut-être que vous pouvez emprunter sa voiture. Ce n'est que pour un court moment, je pense que ça ne le dérangera pas."

    Le docteur me regarde. "Je ne sais pas conduire."

    J'éclate de rire. "Docteur, je n'arrive pas à le croire ! Vous n'avez jamais fait de moto, et vous ne savez pas conduire une voiture. Vous êtes vraiment né pour être un passager."

    Il me fait les gros yeux. "Très bien ! Rigolez tant que vous voulez. Mais ce n'est pas drôle. Je suis tellement inquiet pour mon ami maintenant ! M. le Conducteur, il n'y a pas de taxi par ici ? J'ai essayé de chercher avec mon application Grab et je n'en trouve toujours pas."

    "Venez, doc. Je vais vous y conduire."

    Je me porte volontaire. J'ai mangé, et je ne suis pas pressé. Ce n'est pas encore l'heure du match de football, et mes deux oncles n'ont pas faim.

    Il se retourne pour me regarder, semblant à moitié perplexe et à moitié surpris.

    "Hum... Vous m'emmenez là-bas ? L'hôpital est loin."

    "C'est seulement à 4 km d'ici, doc. Comment ça peut être loin ?"

    Je mets mon casque et ouvre le rangement du siège pour lui en donner un autre, en me demandant si la notion de distance d'un médecin est différente de celle de la plupart des gens. Pourquoi dirait-il que 4 km c'est loin ?

    "Ce n'est pas loin, doc. Nous y arriverons rapidement. Allez, debout ! Vous êtes inquiet pour votre ami, n'est-ce pas ? Allons-y."

    Je lui tends à nouveau le casque. Cette fois, le médecin curieux le prend et l'enfile sans poser de questions.

    "Uh-huh. Merci. Je vais vous payer selon le tarif horaire."

    "Le paiement peut attendre, on en discutera après que vous ayez trouvé votre ami. Mais vous avez un plan pour la suite ? Je pense que je peux prendre deux passagers, mais si votre ami est trop saoul, je ne vais pas prendre le risque, vous savez."

    "Je ne vais pas vous embêter avec ça." Il plisse le nez en me regardant. "Je suppose que je peux l'accompagner jusqu'au dortoir des médecins. Mais pour l'instant..."

    Il boucle la sangle du casque et s'installe sur le siège. Une main sur la barre, une main sur mon épaule, comme d'habitude. "...., emmenez-moi rapidement à l'hôpital. Vous savez où c'est, non ? Celui qui se trouve à l'intersection. "

    "Bien sûr, je sais. Loong et Ar y prennent souvent leurs médicaments. Accrochez-vous bien, doc. Je vais accélérer. Si vous ne tenez pas fermement, vous pourriez tomber et au lieu d'aider votre ami, vous deviendrez celui qui a besoin d'une aide médicale."

    "La vitesse, c'est bon. Je n'ai pas peur."

    Bien qu'il dise ça, je peux sentir sa main se resserrer sur mon épaule plus que d'habitude. Je ris intérieurement en changeant de vitesse et en filant vers l'hôpital.

     

    ……………..

     

    “Nadiaaaaaaaa!"

    Je ne suis même pas encore bien garé que le petit docteur saute déjà et court jusqu'au pied des escaliers de l'auditorium. C'est un soulagement qu'il ne tombe pas à la renverse. Des jambes aussi chétives semblent seulement bonnes pour la marche. Je coupe le moteur avant de commencer à le suivre.

    "Nadia, tu vas bien ?"

    Son ami est assis au pied de l'escalier, le visage baissé. Le docteur se précipite pour aider le gars à se redresser tout en lui donnant quelques claques sur le visage pour le réveiller. Je suppose que le docteur était vraiment pressé car il a sauté à terre et s'est enfui sans me rendre le casque. Il s'est précipité vers son ami avec le casque qui vacillait sur sa tête. Je suis heureux que le poids total de la tête ne l'ait pas fait basculer.

    Je m'approche pour voir s'il y a quelque chose que je peux faire pour eux.

    "Putain. Tawan, comment t'es arrivé ici ?"

    L'ami ouvre lentement les yeux. Oh, wow. Même d'ici, je peux clairement voir que ses yeux sont si rouges, soit parce qu'il pleure, soit parce qu'il est saoul. Ça pourrait être un peu des deux.

    "Tu m'as appelé pour que je vienne te chercher, Nadia. Tu ne te souviens pas ?"

    "Et..... Pourquoi est-ce que tu portes un casque ?"

    Après s'être fait remarquer par son ami médecin alcoolique nommé Nadia ( ?), mon passager réalise enfin qu'il n'a pas encore enlevé son casque. Il détache la mentonnière et me repasse le casque, alors que j'observe la scène de derrière lui.

    "Désolé, j'ai oublié."

    "C'est bon, doc." Je prends mon casque et continue d'observer. "Je peux faire quelque chose pour vous aider ?"

    "Il n'y a personne d'autre dans le coin, et je ne sais pas où est passé l'agent de sécurité. Vous pouvez m'aider à le soutenir ?Je ne peux pas le faire tout seul."

    Et là, le docteur soulève le bras de son ami par-dessus son épaule et me regarde fixement. Dois-je supposer qu'il veut que je fasse de même avec l'autre bras du gars et que je soutienne son poids ?

    "Le nom de ton ami est vraiment Nadia ? C'est excellent. Quel contraste avec son apparence."

    C'est vrai. Le docteur Nadia est grand, volumineux, musclé, et porte une barbe fournie. Sa carrure est similaire à la mienne et son visage a l'air un peu impitoyable, ce qui ne s'accorde pas du tout avec le nom Nadia.

    "Son nom est Not, mais il l'a changé en Nadia." Ensemble, nous soutenons le docteur Nadia, anciennement docteur Not, et le soutenons avec nos épaules. "Hé, vous pouvez m'aider à le ramener dans le dortoir des médecins ? Je ne peux pas le porter tout seul."

    "Je sais, doc. Je ne vous laisserai pas porter votre ami tout seul. Mais où se trouve le dortoir ?"

    "Derrière l'hôpital, monsieur. Par là."

    Nous portons donc le docteur Nadia, terriblement ivre, à moitié endormi et à moitié réveillé, le long de l'allée paisible de l'hôpital. Nous arrivons à peine à accomplir cette tâche épuisante, car il est costaud. En plus de cela, la différence de taille nous pose un gros problème d'équilibre. Je suis de forte corpulence, alors que le médecin de l'autre côté est si petit, que la personne que nous portons entre nous penche d'un côté.

    "L'ancien surnom de Nadia était Not. Mais il a dit qu'une diseuse de bonne aventure l'a averti que le nom est maléfique ; et que les hommes ne viendront pas vers lui."

    Le petit docteur bavarde à propos de son ami, qui est actuellement totalement épuisé, à moitié endormi, et porté sur nos épaules. Je tourne la tête pour le regarder et il ne bouge pas du tout. Je suppose qu'il n'entend rien parce qu'il est déjà endormi.

    "Donc, il a changé son nom de Not en Nadia ? Oh wow... Je pensais que les docteurs ne croyaient pas à la voyance."

    Mr.le docteur glousse en entendant ça.

    "Pas sur tous les sujets. Seulement certains. Parfois, nous y croyons aveuglément sur des sujets spécifiques, comme l'amour, par exemple."

    Sa réponse me rend curieux.

    "Pourquoi, doc ? Pourquoi croyez-vous à la voyance en matière d'amour ?"

    "Peut-être parce que d'autres sujets dans la vie ont une certaine logique et que nous pouvons trouver une raison qui peut l'expliquer. Si on ne travaille pas assidûment, on n'a pas d'argent. Si nous n'avons pas de travail, nous n'avons pas de nourriture. Si nous n'avons pas de compétences et de connaissances, nous ne pourrons pas progresser professionnellement. Si nous négligeons notre santé, nous tombons malades."

    Il marque une pause avant de se tourner vers moi pour me regarder.

    "Mais l'amour ne peut être expliqué par la logique. Alors on se raccroche à autre chose pour espérer et se réconforter, comme la divinité ou la voyance. On compte sur eux pour apaiser nos cœurs quand il s'agit d'amour."

    Je hoche la tête. Ouais, c'est une réponse rationnelle pour être superstitieux.

    "Oh, et qu'en est-il de vous, doc ? Croyez-vous à la voyance ?"

    Il secoue la tête. "Je n'y crois pas. La même diseuse de bonne aventure qui a prévenu Nadia à propos de son nom m'a dit que mon âme sœur est une personne plus jeune. Mais mon petit ami est plus âgé que moi. Donc c'est inexact."

    "Bahhh, qui sait !  Peut-être que votre mec actuel n'est pas vraiment votre âme soeur."

    Je le taquine.

    "Tant que je crois qu'il l'est, je peux faire de lui l'élu de mon cœur. Je n'ai pas besoin d'une diseuse de bonne aventure pour confirmer ma vie."

    Il fronce le nez en me regardant pendant la réponse.

    "Ohhhh ! C'est tellement agressif que ça fait mal ! D'où est-ce que vous sortez ça ?"

    "Mon grand frère l'a posté sur son facebook et je l'ai vu ce soir."

    Oh, je vois.... Il a un grand frère. C'est pour ça qu'il ressemble à un petit frère. Je ne peux pas deviner son âge d'après son apparence. Mais mon ami a dit que les médecins mettent six ans pour obtenir leur diplôme. Il est déjà médecin (le nom sur sa blouse indique M.D., ce qui signifie qu'il a obtenu son diplôme), il doit donc être plus âgé que moi. Sans sa blouse de médecin, je n'aurais vraiment aucune idée de combien il pourrait être plus âgé.

    Nous arrivons tous les trois à un carrefour en T..... Pour être exact, nous sommes trois, mais avec le travail de quatre jambes seulement.

    "Ok, doc, c'est par où maintenant ?" je demande.

    "A droite, c'est tout au bout du chemin. Ce bâtiment dans le noir, c'est le dortoir des médecins."

    Le croisement a deux chemins, l'un est bien éclairé, tandis que l'autre est sombre. Et le docteur fait un geste vers le sombre.

    "Whoa ! C'est loin, doc. Je ne vois pas où ça se termine."

    En plus, c'est sinistrement vide. Je suis content de l'accompagner, sinon ça serait terriblement inquiétant. Il est si chétif, et l'ami qu'il porte est si ivre qu'il ne peut même pas prendre soin de lui. Je sais qu'il devrait être en sécurité à l'intérieur de l'enceinte d'un hôpital. Mais cet hôpital est immense, et quelqu'un pourrait se faufiler sans se faire remarquer.

    "Ce n'est pas si loin. Vous ne pouvez pas voir parce qu'il fait sombre. Dans la journée, quand on voit le bâtiment, ça ne semble pas si loin."

    Il secoue la tête et continue à porter et à traîner son ami vers l'avant.

    " Donc, ... " Je fais un geste vers le docteur Nadia qui semble maintenant parti trop loin pour se réveiller ou même aider à supporter son propre poids. "Qu'est-il arrivé à votre ami pour qu'il devienne aussi saoul ?"

    "Il ne m'aime pas. Tawan. Il ne m'aime pas."

    Wow... Le docteur Nadia lève comme par magie sa tête instable, ivre et à moitié endormi pour me donner une réponse. Oh, merde..... Il sent fortement la prune sapotille. Je suppose qu'il a bu beaucoup d'alcool.

    J'ai toujours pensé que les médecins ne buvaient que des alcools chers quand ils faisaient la fête. Je ne suis pas sûr qu'ils aient bu des alcools chers lors de cette fête, mais d'après ce que je vois, ils sont ivres comme le reste d'entre nous. Et leur haleine sent la sapotille également.

    "Il ? Qui est-il, Nadia ? Tu as dit que tu me le dirais, mais tu ne l'as pas fait."

     Mr. le Docteur rit et demande à son ami.

    Oh, c'est vrai..... Je viens de remarquer que le Docteur Nadia appelle ce petit docteur Tawan...... Joli nom. Il me plaît. De nos jours, les gens portent des noms excentriques, à consonance étrangère. Il est rare de trouver quelqu'un dont le nom est un mot thaï simple et facile à comprendre.

    "Lui. P' Ganchan."

    Le docteur Nadia répond avec ses paupières mi-closes, mais le minuscule doc Tawan s'arrête dans son élan, fixant son ami avec de grands yeux. Je suis confus quant à la raison pour laquelle la réponse "P'Ganghan" semble être si surprenante pour lui.

    "Merde ! P'Ganghan n'est pas un bottom ?"

    Le docteur Tawan semble si choqué qu'il lâche la question à voix haute.

    "Et alors, quoi, pétasse ? Je l'aime. Peu importe ce qu'il est, je l'aime quand même."

    Le docteur ivre parvient à répondre, même dans son état actuel.

    "Mais tu ne peux pas aimer quelqu'un qui est un bottom comme toi."

    En réalité, le docteur Nadia s'affale et se rendort avant même que le docteur Tawan ait pu finir sa réplique, le laissant avec des yeux écarquillés, et moi n'ayant aucune idée de ce qui se passe.

    "Hey doc. Je peux vous demander, doc ? C'est quoi ce truc de bottom dont vous parlez?"

    Puisqu'il ne dit rien d'autre, et que le Docteur Nadia s'est rendormi, ne lui laissant aucune chance de commencer un interrogatoire, je saisis l'opportunité de demander.

    "Euh. Comment je pourrais le dire ?" Il semble embarrassé par la réponse imminente.

    "Um, 'bottom' veut dire 'celui qui est en dessous'."

    Ugh ! Bon sang, docteur. C'était une réponse si farfelue. J'ai envie de le frapper avec un poing, si seulement  j'avais une main libre.

    "Bahhh, doc ! C'est quoi cette réponse ? Ça n'aide pas du tout."

    "Hum... Quand deux gars font, euh, le truc, il y en aura un qui sera au-dessus, et l'autre en dessous, n'est-ce pas ?"

    Il recommence à expliquer avec plus de détails, et plus de bégaiements, alors que j'étais tout ouïe pour l'information clé de sa part.

    "Le top signifie la personne qui uh...... qui est le donneur."

    Il semble avoir tellement de mal à finir sa phrase que je ne peux m'empêcher de retenir ma respiration.

    "Donneur... ? Que diable est un donneur, doc ? C'est si difficile à comprendre."

    Son explication ne m'aide pas du tout à comprendre. Je suis vraiment confus, je ne fais pas l'idiot, je vous le dis.

    "Celui qui le met dedans! Vous savez mettre dedans ? Insérer. Insérer, c'est ça. Le top, c'est celui qui met dedans, et le bottom, c'est celui qui reçoit."

    Le docteur Tawan tourne la tête pour me lancer un regard furieux, ses yeux sont tellement exorbités qu'ils semblent presque prêts à sortir. Il ressemble à la mascotte de la grenouille verte qui était célèbre il y a longtemps, et dont je ne me souviens plus du nom.

    "Bahaha ! Ok, doc, c'est super clair, ça me donne une image mentale. Bottom et top, hein ? Des termes bizarres. Pourquoi n'utilisent-ils pas simplement les mots femme et mari pour plus de simplicité ?" Je ris en pensant à Loong et Ar, le couple de même sexe dans ma famille...

    "Donc, euh, ça veut dire que ton ami est un... bottom ? Et qu'il est tombé amoureux de quelqu'un qui est aussi un bottom ?"

    Il acquiesce. "Uh-huh. P'Ganghan est un membre du personnel médical de mon département qui nous forme aux maladies du système cérébral. Il a l'air d'être un gars cool, aimant et gentil. Je suppose que Nadia aime ce genre de personne. Mais c'est aussi un bottom, tout comme lui."

    Terminant ses phrases, le docteur Tawan regarde le docteur Nadia. "Tu vois, quand il aime la personne qui est exactement la même que lui, ça veut dire qu'ils ne se complètent pas. Ils ne peuvent pas être amants."

    "Hey, ce n'est pas vrai, doc." J'objecte.

    Le docteur Tawan me regarde avec des yeux plissés. "Pourquoi ? En quoi ce n'est pas vrai ?"

    "Laissez-moi vous demander, doc. Ce type qui possède la chambre dans la résidence où vous avez séjourné, c'est votre premier petit ami ?"

    "Uh-huh, pour un petit ami officiel, c'est le premier."

    "Donc, ça veut dire que vous n'avez jamais eu le cœur brisé avant, non ?"

    "Um...." Il réfléchit un peu avant de répondre. "Je pense que c'est vrai."

    "Alors, je dis que vous ne comprenez pas la véritable difficulté de l'amour."

    Je siffle une fois à la fin de ma déclaration, me sentant triomphant car il fronce les sourcils à mon égard.

    "Pourquoi pensez-vous que je ne comprends pas la difficulté de l'amour ? Ce n'est pas parce que je n'ai jamais eu le cœur brisé que je ne connais rien aux obstacles à l'amour." Il argumente.

    "Si c'est le cas, doc, quel est selon vous le principal obstacle à l'amour ?" Je demande en retour.

    "Quand on ne peut pas s'aimer l'un l'autre." Il répond presque instantanément. "Regardez Nadia et P'Ganghan. Ils sont tous les deux bottoms. Ils sont pareils. Comment peuvent-ils devenir partenaires ?"

    Je rigole. "Doc, tu es tellement naïf. Hahaha ! Je ne suis pas gay, mais je sais que lorsque deux personnes s'aiment, ce que le couple fait au lit n'est pas un problème. Ils peuvent s'adapter. Je crois qu'un bottom et un bottom peuvent s'adapter l'un à l'autre. S'ils s'aiment, ils peuvent trouver un moyen de faire en sorte que ça marche."

    Je fais une pause et j'attends qu'il se retourne vers moi pour la suite.

    "Heh, alors, quel est l'obstacle à l'amour ?"

    Il voit probablement que je suis devenu silencieux et décide d'insister.

    "L'obstacle à l'amour, c'est quand la personne ne vous aime pas. doc."

    Cette fois, cela me vaut un regard d'étonnement de la part du docteur Tawan. "Oh, mon... C'est tellement pointu. Laissez-moi l'emprunter pour l'utiliser à la place d'un scalpel."

     Je siffle à nouveau pour souligner mon triomphe. "Ou, ce n'est pas vrai, doc ?"

    "Euh, ouais. C'est vrai. Tu as gagné cette fois."

    "Oui, évidemment." Je rigole.

    "D'où vous sortez ça, sérieusement ?" Il veut savoir.

    Je hausse les épaules. "Je m'en suis souvenu grâce à une série intitulée Wake Up, Ladies. Tu ne l'as jamais regardée ? C'est hilarant."

    Il roule les yeux en soufflant par le nez.

    "Heh ! C'est presque impossible de ne serait-ce que dormir, je n'ai pas le temps de regarder la télévision."

    Nous parvenons à traîner le docteur Nadia jusqu'à l'entrée du dortoir et heureusement, il y a un agent de sécurité en service. Il se précipite pour aider le docteur Tawan à porter son ami dans les escaliers. Je n'avais pas réalisé à quel point le docteur Nadia était lourd, jusqu'à ce qu'on m'enlève son poids. Mes épaules sont toutes engourdies. Je regarde le docteur Tawan, en pensant qu'il doit être plus mal en point que moi, parce qu'il est plus petit et a moins de force, je parie.

    Il me regarde et sort un billet de cinq cents bahts de son portefeuille.

    "Merci, M. le Conducteur. Voici le prix de la course."

    J'agite précipitamment mes mains en signe de refus.

    "Yeowwww ! C'est trop, docteur. Vous êtes fou ? C'est cinq cents bahts. Je ne les prends pas."

    "Tsss ! Prenez-les. Sans vous, ça aurait été un désastre. Pour moi et Nadia."

    Il insiste pour que j'accepte le billet violet.

    "Si vous voulez me payer, donnez-moi cent bahts. Le tarif horaire pour votre trajet vers l'hôpital devrait se situer autour de cette somme. Mais pour mon aide à porter votre ami, c'est un service supplémentaire, gratuit. Considérez cela comme un échange, pour partager avec moi la clarification du top et du bottom. Bahaha !"

    "Vous êtes bizarre..." Il glousse et remet son billet de cinq cents bahts dans son portefeuille et me tend un billet de cent bahts à la place.

    "Merci beaucoup, M. le Conducteur. Sans vous, j'aurais été fichu."

    "C'est Mork, docteur."

    "Hm... ? Comment ça ?"

    "Mon nom est Mork. A partir de maintenant, appelle-moi Mork. Je ne veux plus être M. le Conducteur. S'il te plaît, appelle-moi par mon nom."

    Je souris, montrant mes dents tout en pliant le billet de cent bahts et en le gardant dans ma poche.

    "Très bien, donc à partir de maintenant, tu dois m'appeler Tawan au lieu de docteur. Compris ?"

    Puis, il sourit en retour. "Je ne retournerai pas à l'appartement ce soir. Je vais dormir dans mon dortoir. Tu veux que je te raccompagne à ta moto ? Tu peux retrouver le chemin ?"

     Je secoue la tête.

    "Nahhh, pas besoin, doc - oops ! - Tawan. Je peux trouver mon chemin. Va prendre soin de ton ami. "

    "Merci, Mork. Rentre bien."

    Il fait deux pas dans les escaliers et me regarde à nouveau. " Fais de beaux rêves, Mork. "

    Je lui fais un signe de tête.

    "Toi aussi, fais de beaux rêves. Tawan."

    Et il monte dans le bâtiment. Je retourne à ma moto, tout en me rappelant notre conversation sur le chemin pour ramener le docteur Nadia au dortoir...

    Je pense que Tawan est adorable. Il semble amical, sincère et terre à terre.

    D'accord, c'est peut-être une supposition un peu hâtive, car nous n'avons appris le nom de l'autre que depuis peu. Mais je suis comme ça. Je fais confiance à mon instinct plus qu'à la logique. Et mon instinct me dit que c'est un homme bon. Le genre d'ami souhaitable dans une vie.

    Et wow... C'est la première fois que j'entends parler de top et bottom. Donc, le top signifie le mari et le bottom signifie la femme. Loong a dit qu'il était le mari, et Ar la femme. Donc, ça veut dire que quand ils le font... Loong le met dans Ar... c'est ça ?

    Oh, meeeeerde ! Que quelqu'un efface cette satanée image de ma tête, s'il vous plaît !!!

    Zut !!! Mork, ce soir tu vas faire un cauchemar effrayant, c'est sûr.



  • Commentaires

    4
    Dimanche 30 Janvier 2022 à 11:26

    Ce chapitre m'a  bien fait rire un grand merci et a bientôt

    3
    Dimanche 30 Janvier 2022 à 11:25

    Ce chapitre m'a  bien fait rire un grand merci et a bientôt

    2
    Jeudi 27 Janvier 2022 à 14:21
    Merci pr ce nouveau chapitre ;D Ils m ont fait rire avec l histoire du Top et du Bottom ^.^ C'est trop mignon comme Tawan et Mork apprennent à se connaitre vraiment petit à petit. A bientôt pr la suite, bises <3
    • Voir les réponses
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :