• Chapitre 5 : Encounter.

    Chapitre 5

    Ils quittent la maison après m’avoir souhaité une bonne journée et comme depuis trois jours, je sens une pointe de jalousie naître dans ma poitrine. Je suis derrière la fenêtre et je les vois monter dans la voiture du plus vieux pour rejoindre le campus. Je voudrais moi aussi être capable de faire la même chose, jamais je n’ai ressenti cette envie être si forte en moi. Je soupire un peu déprimé et comme chaque fois que je suis seul, je fais le tour de la maison pour m’assurer que toutes les portes et fenêtres sont bien verrouillées. C’est un de mes tocs, je peux le maîtriser quand il y a quelqu’un dans la maison, mais quand je suis seul, je le fais plusieurs fois par jour pour me rassurer et me permettre de me détendre car je sais que personne ne peut entrer.

    Je m’installe dans le salon, j’aime bien cette pièce, je m’y sens à l’aise. Je me mets rapidement au travail et comme souvent, je perds totalement la notion du temps, je ne me rends pas compte que midi passe et que je n’ai rien mangé. Je suis plongé dans une étude psychologique donnée par mon professeur, elle est passionnante et comme toujours je suis surpris de finalement relever la tête pour constater qu’il est pas loin de 17h.

    Une vague de peur déferle aussitôt en moi, l’après-midi est fort entamé, Joong devait rentrer en début d'après-midi, hors il n’est toujours pas là. Je sais que je ne devrais pas m’inquiéter, qu’il a sûrement eu un empêchement de dernière minute ou qu'il a rencontré des amis et comme il ne m’est pas venu à l’esprit de leur demander leur numéro de téléphone, je n’ai aucun moyen de les joindre. 

    Seulement voilà, mon esprit, lui, laisse complètement la raison de côté, il s’emballe, il pense tout de suite au pire et le pire des scénarios se construit dans ma tête. Le monstre sait que je suis là, il l’a découvert et est bien décidé à finir le travail. Pour ça, il veut être sûr que rien ni personne ne viendra le déranger pendant qu’il s’occupera de moi. Alors il les a attaqués, blessés et peut-être même pire et maintenant je suis seul dans cette maison beaucoup trop grande et sans moyen de me défendre. Je suis sûr qu’il ne va pas tarder à arriver pour finir ce qu’il a commencé. Ma respiration commence à être difficile, bruyante alors que j’ai l’impression d'étouffer, que je n’arrive pas à prendre une inspiration profonde qui m’aiderait à me détendre.

    Mon corps glisse du canapé et je me retrouve bloqué entre celui-ci et la table basse, mais ça me rassure un minimum alors que je tente de me faire encore plus petit. Je dois me cacher, il ne doit pas me trouver. Je ramène mes genoux contre mon torse, les enroule de mes bras et, comme à chaque crise d’angoisse, je reprends cette position qui m’a été familière pendant ma captivité, elle me rassure autant qu’elle m’angoisse.

    Je tremble, comme pour ma respiration, je ne maitrise pas mon corps, je fixe un point plus loin dans le salon et je me concentre dessus. Je tente de maîtriser la crise, mais rien à faire, elle est bien installée maintenant et mes yeux se remplissent d’eau. La porte d’entrée s’ouvre brutalement et je sens un couinement de frayeur sortir de ma gorge sèche. Il est là, il vient pour moi, pour finir de tuer ma famille. Mes mains se posent instinctivement sur mes oreilles, je ne veux plus entendre les hurlements. Je n’arrive pas à analyser ce qu’il se passe, trop ancré dans mon angoisse pour comprendre que je connais certaines voix qui se sont brutalement interrompues.

    Comme par le passé, malgré mes mains sur les oreilles, j’entends les bruits, mais je n’arrive pas à déterminer s'il y a danger ou non, je n’arrive plus à détacher mon regard de ce point qui est normalement censé m’aider à reprendre pied dans la réalité. Je suffoque, je suis paralysé et maintenant que le monstre est là, près de moi, je suis incapable de fuir. 

    — Fluke ?

    — Merde il lui arrive quoi à votre pote ?

    — Il faut appeler une ambulance ?

    — Il a besoin de bouche à bouche vous croyez ?

    La voix de Joong empire les choses au lieu de me calmer, car là tout de suite, je le vois clairement dans ma tête aux prises avec le monstre et un gémissement d’angoisse étranglé réussit à passer ma gorge alors que la peur me tord le ventre. Est-ce qu’il est possible de mourir de peur ? C’est ce que je me demande à chaque fois et peut-être qu’un jour ça arrivera. Je sens une présence à côté de moi, il est là, il s’est approché et soudain mon corps se tend, chaque muscle de mon corps se contracte en attendant le coup qu’il va me porter. Et il pose la main sur moi, il… mon corps reconnaît la main qui s’est posée sur ma tête, la caressant doucement et si je reste tendu, je réussis à expirer l’air qui était bloqué dans mes poumons. 

    — Fluke. Regarde moi, tout va bien.

    Mon coeur accélère, parfois il a même des ratés, mais je mets ça sur le compte de l’angoisse. Je n’arrive pas à tourner la tête vers lui, c’est bête, mais même si c’est sa voix, même si c’est sa main dans mes cheveux, j’ai peur de tourner les yeux et de le voir lui. Ohm ne semble pas baisser les bras, sa main dans mes cheveux glisse pour se poser en douceur sur ma nuque alors qu’il pose son autre main sous mon menton avant de doucement faire tourner ma tête. 

    — Regarde moi.

    Sa voix est douce, basse et elle me rassure, me réconforte tout autant qu’elle me tord l’estomac dans une drôle de sensation. Sa voix m’encourage à obéir et je ne résiste pas jusqu’à ce que nos yeux se croisent. Il est là, agenouillé près de moi, penché pour me regarder dans les yeux et quand il me sourit, c’est ce petit sourire discret habituel.

    — Respire, tout va bien, tu es en sécurité.

    Je hoche alors la tête, mon coeur s'apaise même si son rythme reste élevé, mais je devine que là ce n’est pas à cause de la peur. Il me faut de longues minutes où je le fixe dans les yeux pour laisser mes muscles se détendre et pour que lentement la crise passe enfin. 

    — Tu veux me dire ce qu’il s’est passé. 

    Je soupire alors, fermant une seconde les yeux en savourant sa main qui est posée sur ma nuque. Puis je me tourne vers mon ordinateur et trouve le courage d’écrire pourquoi il m’a trouvé dans cet état.

    “Quand je me suis rendu compte que Joong n’était pas encore rentré… j’ai eu peur que.. qu’il vous ait fait du mal et qu’il… vienne pour moi.”

    Mes tremblements reprennent rien qu’en évoquant ce qui a causé ma crise d’angoisse, Ohm fait alors quelque chose qui me surprend et me fige complètement. Il appuie doucement sur ma tête jusqu’à ce qu’elle se pose contre son torse, contre son coeur et sans le vouloir, je pousse un petit soupir de bien-être quand j’entends le battement contre mon oreille. 

    — Joong a eu un cours supplémentaire qui n’était pas prévu ce matin et on n’a pas pu te prévenir. Je suis désolé, on va te donner nos numéros pour que ça ne se reproduise plus, d’accord ?

    Je me contente de hocher la tête, j’ai les yeux fermés, savourant l’étreinte de mon aîné, le calme revient en mon for intérieur et je n’ai absolument pas envie de quitter ce cocon de chaleur et de réconfort. Seulement, un rire provenant de la cuisine me fait sursauter et je relève la tête, me souvenant vaguement des autres voix que j’ai entendues en plus de celle de Joong. Je lève un regard interrogateur vers Ohm qui me fait un petit sourire rassurant.

    — Le vendredi soir, nos amis viennent passer la soirée à la maison. Ils sont très gentils et tu n’as rien à craindre d’eux. 

    Je me mordille la lèvre inférieure, soudain nerveux, je ne suis pas sûr d’être prêt à rencontrer d’autres personnes, c’est trop pour moi, j’ai déjà bien assez honte qu’ils m’aient vu dans cet état. Alors je vais juste rester dans ma chambre jusqu’à ce qu’ils partent, c’est là, la meilleure solution. 

    — Allez viens, je vais te les présenter.

    Je me redresse, quittant la chaleur de ses bras et secoue vigoureusement la tête pour lui montrer que je refuse de le suivre, mais il semble ne pas être d’accord avec moi, car il se relève en m’entrainant avec lui sans effort apparent.

    — Ils ne sont pas au courant de toute l’histoire, mais ils savent qu’ils doivent faire attention. Fais-moi confiance, d’accord ?

    Est-ce que je lui fais confiance ? La réponse est évidente en fait, car alors que je ne laisse que rarement des inconnus m’approcher, lui le fait et je n’ai pas peur du tout. Du coup, s’il m’assure que ses amis sont gentils, je dois le croire, je lui fais alors un petit signe de tête et il me sourit avant de faire demi-tour pour se diriger vers la cuisine. Sans réfléchir, je fais un geste que je n’ai qu’envers mon oncle, j’attrape le bas de sa chemise d’étudiant, laissant glisser le tissu entre mes doigts pour me rassurer alors que je me cache en partie derrière lui.

    Il est surpris, je m’en rends compte quand il a un moment d’arrêt avant de reprendre sa route vers la cuisine sans faire le moindre commentaire. Dans la cuisine, les rires se font entendre de plus en plus fort et je me cache complètement  derrière lui. 

    — Les gars, je vous présente Fluke, il va vivre ici quelque temps. Fluke, je te présente nos amis, le blond c’est Boun, celui en train de boire c’est Prem et le dernier c’est Nine.

    Le silence se fait dans la pièce et chacun d’eux me fait un petit signe de la main, alors que je suis toujours à moitié caché derrière Ohm. Aucun d’eux ne fait la moindre remarque à propos de ça et je me détends, plus encore quand Ohm me tend un verre d’eau sans chercher à s’avancer vers ses amis. Il comprend que je ne viendrai pas plus près pour le moment, que j’ai besoin de garder cette distance de sécurité entre eux et moi.

    Je porte le verre à ma bouche prenant une grande gorgée, me rendant compte que ma gorge était très sèche et les discussions reprennent au sujet de leurs cours. Si je ne me trompe pas, celui qui prend la parole, c’est Prem, il semble dépité et abattu sans que je parvienne à comprendre vraiment pourquoi. Une fois de plus, je sens une pointe de jalousie naître dans ma poitrine quand je les observe discuter entre eux, pas du tout perturbés par mon comportement et la distance entre nous. Ohm rejoint la conversation et ne semble pas gêner d’être debout et légèrement devant moi, faisant un rempart de son corps.

    — Je suis tellement nul, je n’y comprends rien. 

    Prem semble avoir des difficultés pour une matière et cela le décourage. Le blond qui est assis près de lui passe une main dans ses cheveux et les ébouriffe alors que Prem tente de se soustraire à son geste. 

    — Je t’ai déjà dit qu’il suffisait de me le demander, que je pouvais t’aider Nong. 

    Le plus jeune fait la moue, la proposition du blond ne doit pas être la première et cette discussion doit être récurrente puisque les autres autour ne semblent même pas faire attention à leur conversation. Moi je n’en loupe pas une miette alors que je sirote mon verre d’eau.

    — Je ne veux pas t’embêter… Je sais que tu as beaucoup à faire.

    Je vois Joong lever les yeux au ciel en entendant cette réponse et j’ai un petit sourire alors que j’essaye de déterminer les relations de chacun. Seulement, je ne me suis pas préparé à cette piqûre de rappel, alors que je me trouve étonnamment serein en présence d’étranger.

    — Ne t’inquiète pas de ça, je te l’ai déjà dit, Phi va s’occuper de toi. 

    Le léger sourire sur mes lèvres se fige avant de disparaître alors que ma respiration se coupe. Mes doigts jusque là crispés autour du verre se détendent brutalement et je le laisse glisser entre mes paumes devenues soudainement moites. Seulement, je n'entends pas le fracas du verre explosant sur le carrelage, je ne sens pas l’eau qui m'éclabousse les pieds quand le contenu se déverse parmi les morceaux de verre. Je n’entends pas les exclamations de surprise des personnes présentes dans la cuisine, car je ne suis plus dans la cuisine. Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, totalement figé, je suis de retour dans cette cave.

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    — Ne t’inquiète pas, Phi va bien s’occuper de toi.

    Son haleine puante me soulève le coeur, mais je ne réagis pas vraiment car je suis sonné par le coup qu’il m’a donné. Il éclate de rire en voyant le haut de coeur que j’ai et finit par se relever. Sa poigne de nouveau accrochée à mes cheveux, il me soulève littéralement du sol, la douleur sur mon cuir chevelu est aiguë et je pousse un petit gémissement alors que je n’ai pas d’autre choix que de me redresser pour l’atténuer. 

    — S’il vous plaît ! Laissez-moi rentrer à la maison. 

    Je veux être fort, ne pas lui montrer que je suis mort de trouille, mais voilà, je ne suis qu’un petit garçon de 12 ans qui doit faire face à un monstre. Ma voix est faible, entrecoupée de sanglots, mais lui, ça ne l'atteint pas tout ça, au contraire, il éclate de rire et me lance à travers la pièce en direction de la porte. Je retombe lourdement au sol, mes dents s’entrechoquent, je pousse un grognement à cause du choc alors qu’une douleur dans mon poignet se répand rapidement.

    L’instinct de survie prend alors le dessus, je me souviens même de mon père qui se moquait des gens dans les films qui tentent de fuir alors que tout espoir a disparu. Je fais comme les personnages des films, je rampe en direction de la porte, vers une potentielle sortie qui me mettrait en sécurité loin de lui. Son rire gras résonne dans toute la pièce, se répercute contre les murs, ma vue se brouille à cause des larmes alors que je m’arrête pour me boucher les oreilles et ne pas l’entendre.

    — Mais petit, il n’y a plus personne chez toi. 

    En quelques pas, il me rejoint, je ne me suis presque pas éloigné de lui et son pied se pose sur ma cheville, m’empêchant de m’éloigner de nouveau. Pire encore, il pèse de tout son poids dessus, l’écrasant fortement, jusqu’à ce qu’un hurlement de douleur sorte de ma gorge alors que je sens les os frotter les uns contre les autres. 

    En continuant de rire comme si je venais de raconter la blague la plus drôle du monde, il me saisit l’épaule et me retourne, me forçant à lui faire face alors qu’il s’agenouille pour se mettre à ma hauteur. Il saisit mon t-shirt sale par le col et me soulève du sol en cessant de rire. Nos visages sont proches l’un de l’autre dans une vision d’horreur et d’odeur rance qui une nouvelle fois me font à moitié vomir. 

    — J’ai tué toute ta famille, petit, je les ai découpés un par un. Mais ne t’inquiète pas, je jetterai tes morceaux près d’eux. 

    Mon souffle se bloque dans ma poitrine quand il finit de parler alors qu’il met des mots sur ce dont je me doute déjà, dans ma tête, j’ai l’image de toute ma famille découpée en morceaux entassés dans un coin. C’est horrible, surtout quand il rigole de nouveau en voyant les larmes couler sur mes joues, il les essuie avec son pouce et j’ai envie d’hurler car son toucher me brule, d’ailleurs je pense que je crie réellement car le bruit s'interrompt quand il me gifle fortement à nouveau et qu’un goût de fer se répand dans ma bouche. Je perds alors toute envie de combattre ou de fuir, je suis inerte au sol et il en profite pour me soulever un peu plus avant de me traîner vers la porte, je ne ressens même pas la douleur quand mon corps heurte le mur. 

    — Allez, faut qu’on s’y mette, je n’ai pas que ça à faire et ça va prendre du temps. 

    Il ricane alors qu’on passe la porte, mais je n’ai même pas l’idée de tenter de me retenir au chambranle, non ses mots tournent en boucle dans ma tête et je ne sursaute même pas quand la porte de ce qui a été mon refuge pendant plusieurs jours se referme en claquant brusquement. J’ai l’impression d’avoir quitté mon corps, d’observer la scène de l’extérieur, alors que je me suis résigné à mourir, puis c’est le trou noir. 



  • Commentaires

    6
    Jeudi 24 Juin 2021 à 19:16

    C'est vrai que parfois un mot, une phrase, une odeur, un endroit peut raviver des souvenirs qu'ils soient beaux ou non.


    Il se souvient de plus en plus ce qui c'est passé, peut-être le fait de se souvenir de tout pourra l'amener par la suite à guérir mais j'ai peur du contraire et qu'il reste dans ses souvenirs horribles et ne puisse plus en sortir...

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    5
    Vendredi 18 Septembre 2020 à 14:08

    Olalalala! 

    Comment une situation, d'un simple mot, boum renversant! 

    Pauvre Fluke! Mais qu'est ce que j'aime cette fic!! Sensationnel! J'ai jamais été aussi curieuse de lire la suite d'une fiction!! 

    Merci beaucoup!! 

    • Voir les réponses
    4
    Jeudi 17 Septembre 2020 à 16:10

    un simple mot l'a fait basculé 
    pauvre fluke TToTT
    je cours lire la suite :) 

    • Voir les réponses
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