• 15ème Chaos

    15ème Chaos
    Sans Se Retourner

    Ma tête est étrangement vide au moment où j'arrive chez moi. Pendant la journée, j'avais tellement de choses à penser. Mais maintenant ? Tout ce qui me tracassait a décidé de se fondre en une boule blanche et ronde qui s'éloigne en un clin d'œil dans ma tête.

    Je suis probablement à la limite du stress maintenant. Si je laisse la situation continuer, je finirai certainement par devenir fou. Je me tourne et me retourne sur mon lit avant d'aller chercher un nouveau jeu pour évacuer un peu mon anxiété. C'est dommage que je ne sois pas du tout d'humeur à y jouer.

    — Putain de Phun.

    Je le maudis malgré le fait qu'il ne soit même pas en face de moi. J'en tire une certaine satisfaction. L'insulter m'aide vraiment.

    — Putain de Phun ! Trou du cul ! Taré ! Pervers ! Tu es un séducteur ! Tu es un stupide salopard ! Tu-tu-tu-tu !

    Comment décrire autrement cet abruti ?! me dis-je en étant complètement énervé. Je donne un coup de pied à un coussin posé sur le sol. Il s'envole vers l'autre côté de la pièce.

    — Putain de merde…

    Je ne sais vraiment pas comment je pourrais l'appeler autrement. Je fais les cent pas, en marmonnant pour moi-même, comme si j'étais acculé dans un coin et que je n'avais nulle part où aller. Mais alors, j'ai finalement eut une idée.

    Bang ! Bang ! Bang ! Bang !

    — Noh ! Où est-ce que tu vas ?! Fais attention en descendant les marches !

    — Je vais chez mon ami, je reviens vite ! crié-je en réponse à Maman avant d'enfourcher mon scooter et de partir.

     

    Me voici donc une fois de plus dans cet immense manoir. Je gare mon scooter devant le manoir de Phumipat et je lève les yeux vers le deuxième étage. Je vois que les lumières de la chambre de Phun sont allumées, ce qui signifie qu'il est déjà rentré.

    De toute façon, qu'est-ce que je suis venu faire ici ? Qu'est-ce que je vais lui dire ? Comment on va éclaircir cette situation ? Honnêtement, je n'en sais rien. Je sais seulement que nous devons vraiment avoir une bonne conversation à propos de ça.

    La rue devant le manoir de Phumipat est devenue ma zone d'entraînement personnelle, car je fais les cent pas dans tous les sens au point d'avoir des vertiges. Je ne sais toujours pas si je dois entrer. Mais une énorme voiture s'approche de la porte et j'entends quelqu'un qui m'appelle depuis la banquette arrière dont la vitre est baissée.

    — Phi Noh ?

    Nong Pang ?!

    — Tu es ici pour voir Phi Phun ? 

    Tu parles d'une situation embarrassante. Je me sens soudain comme un de ces gays trop attachés à son petit ami.

    Mais elle a l'air d'aimer ça. 

    — Pourquoi tu ne vas pas à l'intérieur ?

    Vous voyez ça ? Je lui fais un sourire en coin. La sœur de Phun clique sur la télécommande pour ouvrir le grand portail. Elle me laisse aussi rentrer mon scooter pour le garer à côté de la belle voiture européenne dans le garage.

    — Tu as l'habitude de rentrer si tard ? 

    J'entame une petite conversation pour rester poli alors qu'elle sort de la voiture. Je vois qu'elle porte encore son uniforme scolaire. Moi aussi. Mais je porte une paire de tongs au lieu des chaussures habituelles.

    — J'ai eu une séance de tutorat. Phi Phun est à la maison, non ? Pourquoi tu ne montes pas le voir ? dit-elle après avoir levé les yeux pour voir les lumières de la chambre de Phun.

    — Phi Noh, est-ce que tu t'es disputé avec Phi Phun ?

    Oh ! Elle a touché le jackpot avec cette question ! Comment ton intuition peut-être aussi bonne ?! Je renonce à faire un pas en avant quand j'entends la voix joyeuse qui pose cette question.

    Comment je suis censé lui répondre ? 

    — Euh... pas vraiment. En fait, je ne sais pas trop, hein.

    Est-ce que ça ressemble un tant soit peu à une réponse ?

    — Qu'est-ce qui te fait penser ça, nong Pang ?

    — Eh bien, depuis qu'il est rentré de chez toi samedi, il semble vraiment déprimé et ne mange pas beaucoup. Phi Noh, s'il te plaît, ne sois pas en colère contre lui. Parfois, il peut être si stupide et s'énerver facilement, mais il t'aime vraiment.

    (Ecoutez-la dire du mal de son frère.) Qui est en colère contre qui ici ? Et attendez, Phun m'aime ?!

    La curiosité doit se lire sur mon visage car Pang continue de parler sans que je pose la moindre question.

    — Phi Phun rit beaucoup plus fort depuis que tu es entrée dans sa vie. Bien sûr, je vois un tas de filles qui crient et hurlent pour lui, mais il n'a jamais amené quelqu'un à la maison pour me rencontrer avant. Phi Phun t'aime vraiment, phi Noh. Je peux le dire.

    Je lui offre un sourire découragé en guise de réponse, je sais trop bien que ces mots ne sont que des mensonges.

    Phun ne pourra jamais aimer quelqu'un comme moi, Pang.

     

    Pang et moi avons pris des chemins différents et je me trouve maintenant devant une grande porte en bois. Je me demande si je dois frapper comme une personne correcte ou défoncer cette foutue porte et commencer à maudire le propriétaire de cette pièce. (Je préfère la seconde solution.) J'ai pensé à beaucoup d'autres moyens, mais il n'y en a qu'un seul.

    Je décide de frapper à sa porte, mais je ne crois pas qu'il pourra me voir à travers le judas. Je me suis caché dans son angle mort. Ce n'est pas que j'essaie de le surprendre. J'ai peur qu'il n'ouvre pas la porte s'il me voit debout ici.

    Je me glisse à la seconde où la porte s'entrouvre légèrement.

    — Noh ?!

    Bien. Attaque surprise.

    — Tu n'avais pas besoin de jouer au ninja. Qu'est-ce qu'il y a ?

    Je suis soudain très ennuyé quand j'entends les mots de Phun. Qui est-ce qui m'a évité et m'a forcé à faire semblant d'être un ninja ? Je fronce les sourcils et le regarde. Il porte toujours l'uniforme de l'école. Je suppose qu'il vient aussi de rentrer chez lui.

    — Tu as mangé ? demande-t-il en se dirigeant vers le mini-frigo, il me passe une canette de coca. Oh, mais tu as déjà mangé avec Yuri. J'avais oublié.

    — Et tu as déjà mangé avec Aim. T'as de la bière ? Je ne veux pas de ça.

    Il me lance un regard perplexe mais ensuite il me jette ce que j'ai demandé.

    J'attrape la canette et m’installe paresseusement sur le canapé. Phun s'approche et s'assoit à côté de moi, avec également une canette de bière à la main.

    On s'assoit en silence en regardant ce qui est diffusé sur Cartoon Network que Phun a laissé tourner. Aucun de nous ne dit un mot. Je peux dire que Phun ne fait pas vraiment attention à la télé et qu'il est perdu dans ses pensées. Tout comme lui, je ne me concentre pas du tout sur Tom & Jerry.

    — Hm…

    Je laisse échapper un long soupir en m'appuyant sur le dossier du canapé tout en relevant le cou.

    — Qu'est-ce qu'il y a ? dit enfin Phun.

    — Qu'est-ce que tu regardes, bordel ? C'est tellement débile.

    — Qu'est-ce que... ? Prends la télécommande et change sur ce que tu veux regarder alors.

    Il pose la télécommande sur mes genoux. En réalité, je ne suis pas venu ici pour regarder la télé avec lui. Mais je ne pense pas pouvoir me résoudre à entamer la conversation en ce moment.

    Je zappe les chaînes avant de la laisser sur la chaîne 55.

    — Oh, alors tu me fais des reproches tout à l'heure et maintenant tu regardes Winnie l'Ourson ?

    — Peu importe, je veux être Tigrou.

    — Le tigre ?

    — Ouais, il est cool, non ?

    — Mais Tigrou est un tigre attardé.

    La protestation de Phun me fait froncer les sourcils.

    — Peu importe, bon sang…

    Ceci conclut notre conversation sur ce qui est attardé et ce qui ne l'est pas. Je regarde Tigrou sauter dans un étang pour pouvoir jouer à un jeu avec Winnie. Je ne peux m'empêcher de penser à ce qui s'est passé cet après-midi.

    — Tu m'as bien mouillé aujourd'hui.

    Mes plaintes semblent faire naître un sourire chez Phun. Il rit un peu avant de regarder mon visage. 

    — Qui t'a demandé de dormir à cet endroit, Noh ?

    — Personne, mais... à cause de toi… réponds-je, mais mes yeux sont toujours dirigés vers la télévision, bien que je n'y prête pas du tout attention. 

    Avec l'aide de l'alcool dans mon organisme, il m'est plus facile de commencer à parler.

    — C'était ta faute...

    Je répète pour qu'il entende.

    — Qu'est-ce que j'ai fait... ?

    — Tu m'as ignoré toute la journée. J'étais tellement énervé que j'ai séché les cours pour faire une sieste derrière le bâtiment. Et tu peux arrêter de me parler de manière formelle ?! C'est quoi ton problème ?

    Pour moi, c'est comme s'il essayait de cacher quelque chose en étant poli. Ça m'a tellement énervé que j'ai crié et éteint la télé.

    — ...

    On reste silencieux pendant un long moment. Il n'y a que le bruit de la bière que l'on boit sans arrêt. Je commence à me demander si je ne devrais pas me saouler et m'évanouir à ce stade.

    — Je… Tu réalises à quel point j'aimais Aim ? demande soudain Phun sans crier gare. 

    J'ai l'impression qu'un millier de couteaux se sont plantés au centre de mon cœur.

    — Comment je pourrais le savoir ? Ce sont tes affaires.

    — Peu importe ce que Aim fait, je lui ai toujours pardonné. Que ce soit quand elle s'est mal comportée, qu'elle voulait que les choses soient faites à sa façon ou quand elle m'a forcé à faire quelque chose que je ne voulais pas faire. J'avais toujours pensé que je céderais à ses exigences pour à peu près tout.

    — ...

    — Mais mercredi dernier est arrivé, le jour où tu es venu me demander de l'aide... et jusqu'à ce soir...

    — ...

    — ... les choses sont bizarres pour moi.

    J'en ai assez que Phun essaie de tourner autour du pot.

    — Qu'est-ce que tu essaies de dire ? Qu'est-ce que tu veux dire par bizarre ? Désolé, je suis nul en français.

    Je fixe son visage alors qu'il prend une profonde inspiration. Puis il prononce les phrases suivantes sans me regarder une seule fois.

    — Noh… est-ce que tu peux me laisser seul pendant un moment ? Je ne me supporte plus de vouloir te voir. J'étais tellement effronté quand j'ai essayé de t'embrasser. Je veux dire, je ne sais même pas comment ces sentiments sont apparus ou quand ils ont commencé à m'arriver. Au moment où je l'ai réalisé, la seule personne que je voulais à mes côtés, c'était toi. Chaque fois que tu es venu m'aider et que tu as pris soin de moi, j'ai continué à me dire que j'aurais aimé être la putain de personne qui prenait soin de toi à la place. Je suis un putain de connard parce que je ne peux même pas être honnête avec toi. Et même quand on est seuls tous les deux, je dois me forcer à ne pas te toucher. Tu ne te rends pas compte que ça devient de plus en plus difficile avec le temps ? Est-ce qu'on peut rester loin l'un de l'autre pendant un moment ? J'arrive à peine à me contrôler en ce moment.

    Phun finit de me dire tout cela. C'est comme s'il avait gardé ça enfoui en lui depuis si longtemps. Il n'y a rien d'autre à faire que de rester assis. Chaque mot est entré dans mon oreille gauche mais n'a pas quitté mon oreille droite. Je dois admettre que c'est au-delà de ce que j'attendais.

    Je peux voir, à la façon dont Phun garde les yeux fermés qu'il considère intensément tout ce qui se passe. Il pose ses paumes moites sur son front.

    Ma tête est maintenant vide. J'ai l'impression que quelqu'un a soulevé une montagne de ma poitrine. C'est vraiment difficile d'expliquer ce que je ressens en ce moment. Mais il y a des choses dont je ne suis toujours pas sûr.

    — Pourquoi tu te forces... à ne pas me toucher ?

    Phun secoue la tête, ses yeux sont toujours bien fermés.

    — Parce que l'amitié que tu me donnes est trop précieuse pour que je te trahisse. Parce que tu es un mec, et moi aussi. Parce que tu as Yuri, tout comme j'ai Aim. Parce que ce à quoi je pense pourrait te faire me détester au point que tu ne voudrais probablement plus jamais être ami avec moi. Putain, tu comprends qu'il y a toutes ces raisons qui me disent que je ne peux pas faire ça ? Que je fais tout de travers. Et je... je... je ne sais vraiment plus quoi faire.

    C'est la première fois que je vois un gars compétent comme Phun dos au mur. Sa voix tremble alors qu'il continue à parler.

    — Je... ne veux pas rendre les choses pires qu'elles ne le sont déjà.

    Ces mots me dévastent. Le visage de Phun est plein de désespoir. Il me fait savoir à quel point il est faible et fragile. Il souligne le fait que le gars que je vois devant moi n'est pas le Phun Phumipat que tout le monde est censé connaître. Il n'est pas ce super secrétaire du conseil des élèves de notre école.

    Ce gars là, c'est Phun. Juste Phun. Un garçon qui essaie de gérer tous ces sentiments. Et on dirait qu'il ne s'en sort pas.

    Je ne peux pas m'empêcher de regarder le côté gauche du visage déformé mais séduisant de Phun. Je ne sais pas ce qui me pousse à m'emparer de sa main, dans l'espoir de lui transmettre une partie de mes forces.

    — Si on ignore toutes ces raisons, si on arrête de penser à qui on est censé être, ou à ce qui est considéré comme la bonne chose à faire…

    J'essaie de chercher la vérité dans ces yeux remplis de questions et de confusions.

    — ...qu'est-ce que tu veux faire ?

    Phun prend un moment pour me fixer à nouveau dans les yeux avant de tendre la main et de m'attirer à lui. Son visage et ses traits nets se rapprochent du mien. Je commence à ressentir à nouveau ce que j'ai ressenti l'autre jour.

    Ses lèvres orange clair se pressent contre les miennes avant qu'il ne me murmure quelque chose.

    — … Je te veux, Noh.

    Si nous choisissons de laisser ce moment se poursuivre sans avoir à nous soucier des conséquences auxquelles nous pourrions être confrontés à l'avenir, est-ce que ce serait possible ?



  • Commentaires

    1
    Mardi 20 Juillet 2021 à 21:32

    C'est une vrai tempête qui se passe dans la tête de Phun Mais la fin est top " Je te veux Noh"

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :