• Chapitre 15 : Benevolence

    Chapitre 15

    J’ai du mal à comprendre ce qui vient de se passer, la lettre, la photo et… ensuite c’est le trou noir, je n’arrive pas à me souvenir ce qui s’est passé. La seule chose dont je suis sûr, c’est qu’à cause de moi, Ohm est blessé et je sais qu’il a mal, même s’il a essayé de rester impassible tout le temps où sa mère le soignait. 

    Je me sens mal, vraiment mal, je culpabilise et j’ai un goût amer au fond de la bouche, la sensation d’avoir laisser gagner le monstre. Le regard tendre de Ohm exacerbe cette sensation alors qu’il me regarde sans aucune colère, juste de la douceur et même de l’inquiétude pour moi. 

    Est-ce que je voudrais qu’il m’en veuille, qu’il m’accuse de tous les maux ? Non, bien sûr, en fait, je suis simplement perdu et quand nos lèvres se retrouvent presque naturellement, c’est un baiser qui réconforte, qui éloigne les idées noires et la culpabilité. Je n’aurais jamais pensé être si calme après ça, ma plus grande peur vient de se réaliser, le monstre est de retour dans ma vie et au lieu d’aller faire mes valises en catastrophe pour fuir la ville le plus rapidement possible, je ne veux pas quitter ses bras.

    Je tremble encore un peu, je tressaille quand des bruits se font entendre dans la cuisine, même si je sais qu’il s’agit de nos proches. Je sais que je suis en état de choc, que peut-être la peur reprendra le dessus plus tard, mais pour le moment, je savoure juste d’être en sécurité dans ses bras.

    Je pousse un petit soupir quand nos lèvres finissent par se séparer et je pose ma tête contre son torse, entendre son cœur battre contre mon oreille m’apaise. Il est à peine midi et pourtant, j’ai l’impression que ça fait des jours maintenant que Ohm est venu me retrouver dans ma chambre pour voir si j’étais réveillé, j’étouffe un bâillement alors que sa main passe dans mes cheveux, je suis épuisé et je rêve de m’enfuir dans le sommeil pour échapper pendant un temps à la réalité.

    C’est sûrement ce que j’aurais fait si un raclement de gorge, aussi léger soit-il, ne m’avait pas fait sursauter fortement. Ohm resserre son étreinte autour de moi, comme s’il avait peur que je ne cherche encore à fuir, mais il n’a pas à s’inquiéter, je ne veux pas m’éloigner de mon ancre. J’ouvre les yeux et découvre quatre personnes qui nous observent dans l’entrée du salon. L’inquiétude est visible sur leurs visages blêmes, Prem à les yeux rouges comme s’il avait pleuré et la culpabilité se fait de nouveau ressentir, je n’ai pas fait de mal qu’à Ohm, mais aussi aux autres membres de la pièce et l’idée remplit mes yeux d’eau. Prem s’en rend compte et sans un mot, il quitte les bras de Boun et vient me rejoindre en trois enjambées, il se laisse tomber à côté de moi et m’étreint fermement en posant sa tête entre mes omoplates. Si je me raidis, surpris par son geste, je me détends tout aussi rapidement, quand je sens la chaleur m’entourer.

    Ce n’est d’ailleurs pas fini, puisque rapidement, Boun vient nous rejoindre, prenant naturellement place auprès de son petit-ami, il le prend dans ses bras, se collant à lui et dans manœuvre il m’enlace à son tour. Nine et Joong hésitent un petit instant avant de venir se placer près de Ohm et je vis alors une chose que je n’aurais jamais imaginé vivre un jour, mais je me retrouve au centre d’un câlin géant.

    Non, c’est certain maintenant, même si je suis terrifié, même si faire face à mon passé est la chose la plus difficile à faire, je ne pourrais pas fuir. Ma vie est ici, entouré de ces personnes qui m'entourent de leur amour et de leur soutien sans rien demander en échange. Cette constatation me submerge d’une émotion incroyablement douce, parce que là maintenant, j’ai l’impression plus que jamais d’être en famille. Les larmes qui menaçaient depuis tout à l’heure débordent et coulent le long de mes joues, mais ce ne sont pas des larmes de tristesse.

    Lentement, la main tremblante, je me sers du torse de Ohm comme d’une ardoise et je trace un mot avec mon index. Je prends mon temps, je le trace une fois, deux fois et puis finalement, il a un petit rire alors que sa main se pose sur la mienne et son pouce en caresse tendrement le dos. 

    — Fluke nous remercie.

    Sa tête est collée contre la mienne, il embrasse ma tempe alors que sa voix chaude me réchauffe. Prem me serre un peu plus contre lui, Boun ébouriffe mes cheveux alors que je vois Nine me sourire avec tendresse avant que, finalement, Joong prenne la parole. 

    — Tu n’as pas à nous remercier Fluke. Tu fais partie de notre famille.

    Mon cœur bondit dans ma poitrine quand il me parle d’une voix douce et fraternelle qu’il utilise rarement et finalement, la peur lâche encore un peu sa prise sur ma poitrine. Il y a quelques semaines, retrouver une vie de solitude, d’hermite loin d’ici m’aurait apporter la paix, même si cela voulait dire ne pas vraiment vivre. Aujourd’hui, l’idée de les quitter et de me retrouver seul est bien plus terrifiant que d’affronter le monstre. Je prends une profonde inspiration, je ne me doutais pas être fort comme ça, je me suis toujours vu comme un être brisé et fragile et si je suis toujours en partie brisé, maintenant je sais que je ne suis pas fragile, j’ai gagné en force et en courage grâce à tous ceux qui m’entourent maintenant.

    Mes yeux finissent par se fermer tout seul, je ne sais pas à quel moment je me suis endormi en étant serré dans leurs étreintes, mais je pense que mon cerveau a besoin de se couper du reste du monde pour analyser tout ce qui s’est passé en l’espace de quelques minutes.

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    Je suis groggy, vaseux et la seule chose dont je suis sûr, c’est que je suis allongé sur du métal froid. C’est désagréable et mon corps se couvre de chair de poule. Un frisson déclenche une douleur fulgurante sur mon flanc droit, c’est tellement intense que j’en ai un haut le cœur. Je sais que je vais mourir, j’ai le corps sanguinolent et douloureux, bientôt, il en aura assez de jouer avec moi et alors je les rejoindrai et je ne peux pas m’empêcher de pleurer. 

    — Mon bébé, ne pleure pas.

    Je sursaute quand la douce voix de ma mère s’élève juste à côté de moi, mais c’est impossible, elle est morte, elle a été la première à mourir. Peut-être que je suis déjà mort et qu’elle est là pour m’accueillir. Je tourne la tête vers l’endroit d’où venait le son et mes larmes se font plus nombreuses, elle est vraiment là, elle se tient à côté de moi. Sa main caresse doucement ma joue et je grimace, j’ai des blessures aussi au visage, mais je n’y pense même pas. A cet instant, je ne veux qu’une chose, je tente de me redresser pour la rejoindre, je veux qu’elle me prenne dans ses bras, qu’elle me rassure.

    — Maman.. Maman je veux partir, je veux rentrer à la maison. 

    Je me débats dans tous les sens, je veux quitter cette table de mort, mais les sangles qui me retiennent me mordent la peau.

    — Chuuuut mon chéri, ne fais pas trop de bruit, tu vas le réveiller. Tu sais comment il est quand on le réveille. 

    Elle tente de m’apaiser tout en jetant des coups d'œil inquiets plus loin dans la pièce. Je tremble quand, en tournant la tête de l’autre côté, j'aperçois une masse informe dans l’obscurité et mon pouls accélère. Au lieu de me calmer, c’est pire encore, je rue, terrifié, oubliant la brûlure des sangles de cuir sur ma peau. 

    — Fluke, regarde moi ! 

    Sa voix est un ordre et je dois obéir aux demandes de ma maman, alors sans hésiter je tourne la tête pour la regarder. Elle me sourit, sa main passe dans mes cheveux. 

    — Tu dois l’endurer encore un peu, juste un petit peu mon chéri et bientôt, tu seras libre, je te le promets.

    — Maman reste avec moi… enfuis-toi avec moi… ne m’abandonne pas. 

    Ma voix est brisée par les sanglots qui secouent violemment ma poitrine, je ne comprends pas, pourquoi elle ne me détache pas ? Il dort, on pourrait fuir ensemble, on pourrait survivre tous les deux, on peut y arriver et je la supplie du regard de détacher mes sangles. Elle a un sourire triste alors que sa main se pose sur ma poitrine douloureuse, juste au-dessus de mon cœur. 

    — Je serai toujours là, on sera tous là, alors tu dois juste être heureux pour nous, d’accord ?

    Je veux répliquer, lui dire que je ne veux pas de ça, que je ne veux pas vivre tout seul, mais soudain, une alarme se déclenche et je sursaute alors que ma mère recule précipitamment, elle se fond dans l’ombre. J’essaie de l'appeler, mais ma voix semble bloquée dans ma poitrine alors que j’ai l’impression de connaître ce son qui me vrille la tête. Je suis sûr de l’avoir déjà entendu, je panique, je veux me boucher les oreilles pour ne plus l’entendre, parce que je sais ce qui vient avec ce bruit, c’est…

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    Je me réveille en sursaut, le cœur battant, ce n’était qu’un rêve, ma mère était déjà morte quand j’étais sur la table du monstre, même si je ne m’en souviens plus vraiment, je suis sûr qu’il les avait tués avant de s’en prendre à moi. Je prends une profonde inspiration tout en me redressant.

    Je suis seul dans le salon, mais j’entends leurs voix dans la cuisine, ils se sont éloignés pour me laisser me reposer. La sonnette de l’entrée retentit et je sursaute à nouveau, c’est sûrement ce bruit qui m’a tiré de mon sommeil et je l’en remercie. Je n’ai jamais rêvé de ma famille, c’est la première fois que je rêve de ma mère et je me sens étrangement en paix, même si je me trouvais dans un endroit où j’ai atrocement souffert.

    Je ne bouge pas tendant juste l’oreille pour essayer de déterminer qui vient d’arriver, la voix de ma tante s’élève, elle salue les personnes avant de les guider vers la cuisine. J’avale difficilement ma salive et je me tends quand j’entends un bruit discret venir vers moi, je ferme les yeux en soufflant doucement, alors que la présence se trouve juste à côté de moi. 

    La tension disparaît aussi vite qu’elle est apparue quand une main familière glisse dans mes cheveux. Mon cœur loupe plusieurs battement avant que je n’ouvre doucement les yeux. Mon regard s’accroche tout de suite au sien et j’arrive à lui sourire.

    — Tu vas mieux ?

    Ohm est accroupi devant moi, il caresse mes cheveux et a un petit sourire aux lèvres. Dormir, malgré ce rêve étrange, m’a vraiment fait du bien et c’est en souriant à mon tour que je hoche doucement la tête. Je m'assoie lentement et place mes mains autour de son visage, il ne bouge pas, il me laisse caresser sa peau avec douceur avant que je ne pose mon front contre le sien. Il n’hésite pas un instant et il enroule ses bras autour de mon corps. 

    — Arrête d’y penser. Tu ne voulais pas me faire mal.

    Je soupire alors qu’il sait très bien à quoi je pense. Chaque fois que mon regard se pose sur sa main bandée, je sens la culpabilité remonter sous forme acide dans ma gorge et j’aimerais lui dire pardon un millier de fois pour tout ça. Je ne peux pas le faire, pas encore, mais un jour je sais que j’en serai enfin capable. En attendant, je me contente de lentement caresser ses pommettes en me ressourçant dans son étreinte. Malheureusement, c’est bien trop tôt qu’il s’éloigne de moi pour me sourire en coin. 

    — Les inspecteurs sont arrivés. Tu te sens capable de les voir ?

    Je pensais avoir dormi plusieurs heures, mais en fait il semble que ce n’était pas si long que ça. Je soupire avant de mimer le mot “oui” avec ma bouche. Il hoche lentement la tête et on finit par se lever et main dans la main, on se dirige dans la cuisine. Seulement, avant d’entrer, je ne peux pas m’en empêcher, je laisse Ohm me distancer de quelques pas et je me cache légèrement derrière lui.

    J’appréhende un peu, des inspecteurs j’en ai vu beaucoup ces septs dernières années, des cinquantenaires ventripotents, qui me scrutent comme si j’étais malade et que je leur écrivais des mensonges, comme si je cachais quelque chose. Alors quand je penche ma tête pour pouvoir observer la scène je suis un peu surpris de voir un homme et une femme qui ne semblent pas forcément plus âgés que moi. 

    Le duo discute tranquillement avec ma tante et nos amis autour d’une tasse de café. Cependant, quand ils nous entendent arriver, ils se lèvent tous les deux pour me faire face. L’homme est excessivement grand, il est plus grand que Ohm et son regard ténébreux semble me scanner. Je me sens gêné et je détourne rapidement les yeux en entortillant mes doigts nerveusement. Je porte alors mon attention sur la jeune femme, elle fait à peu près ma taille, elle a un visage sérieux et le regard acéré, mais quand elle pose ses yeux sur moi, son visage s’adoucit et elle me fait un sourire qui me met à l’aise.

    — Bonjour Fluke, je suis l’agent Namtan Tipnaree et voici mon collège l’agent Joss Wayar. 

    Ohm ne bouge pas, il me laisse le temps de prendre confiance et de réellement faire face aux deux nouveaux venus. Je prends une profonde inspiration alors que le silence est retombé. Je me demande un instant si les autres leur ont parlé un peu de moi, mais aucun des deux ne semble faire preuve d’impatience, alors que lentement je sors de ma cachette pour leur faire un Waii.

    — Nong Nine a commencé à nous expliquer comment il avait trouvé la lettre, tu pourras nous expliquer avec tes mots après ? 

    Je me mordille un instant la lèvre inférieure avant de soupirer et hocher la tête. C’est ainsi que l’on se retrouve tous de nouveau assis autour de la table. Chacun raconte ce qui s’est passé les uns après les autres, les deux inspecteurs notent scrupuleusement tout, ils posent quelques questions quand ils ont besoin de plus de détails. C’est assez long, surtout à chaque fois que l’on arrive au moment où je blesse Ohm, je sens une bouffée de culpabilité me nouer la gorge. Sans même m’en rendre compte, je gratte la peau autour de l’ongle de mon pouce, je ne ressens pas le picotement de la douleur alors que je suis sur le point de saigner, jusqu’à ce que la grande main chaude de Ohm se pose sur mes deux mains, les recouvrant sans mal. Je lève les yeux vers lui, surpris, et je m’apaise quand il me fait un petit sourire. Il tente une fois de plus de me faire me sentir mieux et comme à chaque fois, ça marche parfaitement. Il entrelace nos doigts au moment où l’inspectrice prend la parole 

    — Nong, tu veux bien nous écrire ce dont tu te rappelles. 

    Elle prend une voix douce, je ressens de l’émotion quand elle s’adresse à moi, mais j’arrive à comprendre qu’il ne s’agit pas de pitié, c’est quelque chose de plus profond que cela. Elle fait glisser une feuille et un crayon vers moi que je saisis, la main tremblante. Je prends une grande inspiration avant de commencer à écrire lentement pour que mon écriture soit bien lisible.

    “J’étais dans la cuisine avec ma tante, Krissada et Ohm quand les garçons sont arrivés. Tout était normal, mais quand Nine a sorti la lettre, j’ai eu un mauvais pressentiment.”

    Je glisse le papier vers Ohm qui le prend avant de lire ce que je viens d’écrire. Du coin de l'œil, je vois Nine blanchir avant de baisser les yeux, cependant, j’arrive à y voir l’éclair de culpabilité. Joong lui entoure les épaules pour le consoler et je me note dans un coin de la tête que je dois absolument lui parler, rien n’est de sa faute.

    — Est-ce que tu as reconnu l’écriture ? 

    L’inspecteur me pose la question et je tourne de nouveau mon attention vers lui. Je prends une seconde pour tenter de me souvenir de ce moment, même si tout semble un peu troublé dans mon esprit. Je reprends doucement le crayon et rédige ma réponse.

    “Je ne crois pas avoir déjà vu son écriture. C’est juste que depuis que je suis revenu, je sais qu’il est encore là, qu’il finira par me retrouver et chercher à finir ce qu’il a commencé. Et quand j’ai vu l’enveloppe, inconsciemment j’ai su… que le moment était arrivé.”

    Cette peur, je n’en ai parlé à personne, ils s’en doutaient sûrement, mais c’est la première fois que je l’exprime aussi clairement. La main de Ohm se crispe sur la mienne et il butte sur certains mots, mais je n’ose pas le regarder cette fois. 

    — Alors comment tu peux être sûr à cent pour cent que cette lettre vient bien de lui et pas d’un imitateur ? 

    Je sens et vois tout le monde se tendre quand l’inspecteur pose cette question, moi, elle ne me trouble pas. En sept ans, il y a déjà eu quatre fausses alertes, quatre personnes qui ont envoyé du courrier à mon Oncle en se faisant passer pour le monstre. A chaque fois c’était des adolescents ayant eu vent de mon histoire à Bangkok et qui voulait s’amuser un peu. Je montre la photo du doigt avant d’écrire à nouveau.

    “Cette photo, c’est là où ma famille et moi avons été retenus pendant qu’il…”

    Je me mets à trembler alors que des flashs de souvenirs se succèdent rapidement les uns après les autres. Mon menton se met à trembler et je dois prendre une profonde inspiration pour ne pas laisser les larmes couler le long de mes joues. Je me suis à peine rendu compte que Ohm avait lu le début de ma phrase. 

    — Tu es sûr de toi ? 

    L’inspectrice me regarde droit dans les yeux alors que je hoche lentement la tête et que tout le monde à une réaction différente à ce moment-là. Les inspecteurs semblent ravis, je sais que cette preuve peut être une avancée majeure dans l’enquête. Ma tante a une petite exclamation en détournant le regard, elle sait très bien ce qui a pu nous arriver, à ma famille et moi, dans cette cave, elle fait partie de ceux qui ont soigné mes blessures. Ohm passe son bras autour de mes épaules et me rapproche de lui, je me laisse aller dans son étreinte. Quant aux garçons, c’est un mélange de colère et de tristesse qui anime leurs traits.

    — Je pense que l’on a tout ce qu’il faut pour le moment. On va faire un rapport à nos supérieurs et on vous tiendra au courant.

    L’inspecteur se lève et se tourne vers sa collègue avec un petit sourire, c’est la première fois depuis son arrivée qu’il sourit d’ailleurs. 

    — Allons-y.

    — On vous recontacte rapidement.

    C’est sur une série de Waii qu’ils quittent tous les deux la maison. Je pousse un long soupir alors que le silence retombe. Je sens l’épuisement de chacun, je laisse lentement mon regard passer sur chacun de ceux que je commence à considérer comme étant de ma famille. Je prends une feuille qu’ils n’ont pas emmenée avec eux et commence à leur écrire un petit mot.

    “Je suis désolé que vous vous retrouviez mêlés à tout cela. Je suis désolé si je vous ai blessé. Je savais qu’en revenant ici il risquait de me retrouver, je suis même surpris d’avoir été tranquille si longtemps. Avant j’avais peur pour moi, mais…”

    Je prends une profonde inspiration, c’est étrange, je pensais qu’écrire ce genre de chose me plongerait dans un état nerveux important. Pourtant, je suis très calme, peut-être trop calme, mais je me dois de leur dire, de leur laisser une occasion de s’éloigner, je ne sais pas comment je pourrais vivre en sachant qu’ils ont été blessés par la faute de mon passé.

    “Je ne voudrais pas qu’il vous arrive quoi que ce soit, alors… si vous décidez de vous éloigner, je ne vous en voudrai pas, au contraire.”

    Je fais glisser la feuille vers Ohm en lui jetant un petit coup d'œil timide, car j’ai dans l’idée qu’il ne va pas aimer ce que je leur écris. Et j’ai raison car sa mâchoire se crispe et le regard qu’il me lance me fait comprendre qu’il n’apprécie absolument pas. Pourtant, il ne dit rien devant les autres, il se contente de lire le mot aux autres.

    — Arrête de t’excuser Fluke.

    Joong se lève en me regardant droit dans les yeux. 

    — C’est lui qui devrait présenter ses excuses, toi tu n’as rien fait de mal, d’accord ?

    — On savait aussi que le risque existait quand on a fait ta connaissance.

    Je tourne la tête vers Boun. Il me fait son petit sourire en coin et il se lève à son tour. Je suis figé sur place, alors qu’un à un, ils m’offrent une amitié sans faille.

    — Et on fera front ensemble, ce bâtard ne t’approchera pas, je te le promets.

    — Je sais que je suis le plus froussard, mais je n’abandonne pas mes amis. 

    Prem me fait un petit sourire avant de se lever et de prendre la main de Boun, sûrement pour se donner du courage.

    — J’aimerais retourner dans le passé et changer ça. 

    Nine se lève, les mains dans les poches de son pantalon, il ne me regarde pas et je sens mon cœur se serrer, car j’ai l’impression de sentir des regrets dans sa voix. Je leur ai laissé une porte de sortie, dans le fond je ne veux pas qu’ils prennent de risque, mais je veux qu’ils restent quand même près de moi. 

    — Alors je ne t’aurais pas donné cette lettre, parce que je ne veux plus jamais te voir souffrir comme ça.

    Mes larmes coulent, alors que la culpabilité ressort dans sa voix, je me lève à mon tour, contourne la table et le prends dans mes bras. Je voudrais lui dire que rien n’est de sa faute, qu’il n’est pas plus responsable que moi et qu’il ne doit pas s’en vouloir. Peut-être que mon étreinte lui fait comprendre ce que je ressens puisqu’il se détend un peu et me tapote doucement le dos.  Il me fait me redresser, prenant mes mains dans les siennes et les serrant doucement. 

    — Ne nous demande plus jamais ce genre de chose. On est là et on y reste d’accord ?

     J’inspire puis acquiesce, une fois de plus, le besoin de parler se fait sentir, de leur dire à haute voix combien ils sont devenus important pour moi, mais je dois être encore patient, car je sais qu’un jour j’en serai capable.

    — Ok les garçons, vous savez quoi, c’est dimanche et on a eu assez d’émotions pour la journée, alors je vous propose un plateau avec plein de cochonneries à manger et d’aller regarder un film tous ensemble.

    Des hourras accueillent la proposition de ma tante, on est tous chamboullés par ce qu’il vient de se passer, alors on met tous la main à la pate et très vite on est serrés les uns contre les autres dans le salon et on regarde une comédie.

    Ohm est installé près de moi, il est calme, mais chaque fois que nos regards se croisent, je sais qu’il veut me parler, il ne le fera pas tant que l’on ne sera pas que tous les deux cependant. Je sais que mon mot de tout à l’heure l’a contrarié et qu’il faudra que l’on mette les choses au clair, mais pour le moment, on savoure juste l’instant en grignotant et en riant face aux bêtises de Joong. 

    Il semble déterminé à nous faire oublier ce qui s’est passé, à repousser l’inquiétude et la peur et je dois dire qu’au final, il y arrive plutôt bien. Car la journée, qui avait pris une tournure cauchemardesque, finit dans la joie et la chaleur. Je n’ai pas vu le temps passer, je n’ai pas le temps de ruminer que la nuit commence à tomber quand les garçons décident qu’il est temps de partir.

    J’aide à débarrasser la table et me rends dans la cuisine où Chermarn est en train de nettoyer, elle est devant l’évier et me tourne le dos. Je vais repartir dans le salon, mais sa voix s’élève et je me fige. 

    — Fluke.

    Je me retourne pour la regarder, c’est vrai que tout à l’heure, avec tout ce qui s’est passé, elle n’a encore rien dit, tout comme Ohm. 

    — J’ai prévenu mon frère de ce qui vient de se passer.

    Dire qu’il y a quelques jours, je lui ai dit que tout allait bien, qu’il pouvait faire son travail sans s’inquiéter pour moi et voilà que maintenant tout est sens dessus dessous. 

    — Il rentre dans quelques jours.

    Je me sens soulagé de savoir qu’il sera près de moi bientôt, il a toujours été mon roc et même si Ohm est un pilier pour moi, ce sont deux soutiens différents et je sens que pour affronter les jours à venir, j’ai besoin que les deux soient près de moi. Je mime un merci silencieux avant de quitter la cuisine dans l’idée de retourner aider. Seulement Ohm m’intercepte dans le couloir et passe son bras autour de mes épaules. 

    — Viens, Joong va terminer. 

    C’est le moment d’avoir cette conversation alors, je le laisse me guider et je suis surpris quand au lieu de m'entraîner vers ma chambre, il se dirige vers la sienne. J’y suis déjà entré à plusieurs reprises, mais c’est vrai que l’on a passé plus de temps dans la mienne. 

    Je laisse mon regard redécouvrir la décoration simple de la pièce, elle est à son image, bien ordonnée avec une décoration épurée. Le seul endroit un peu en désordre c’est son bureau où plusieurs livres ouverts sont entassés dessus. Je m’approche du meuble et découvre que ce sont des livres de droits, ses livres de cours.

    — Est-ce que tu vas bien ?

    Finalement, Ohm prend la parole alors que le silence s’éternise, je lève les yeux vers lui, mais rougis quand je me rends compte qu’il est torse nu et simplement vêtu d’un jogging. Je ne peux pas m’empêcher de laisser mes yeux dériver sur ce torse bien dessiné, ses muscles roulent sous sa peau à chaque fois qu’il bouge et je sens des papillons naître au creux de mon ventre alors que je me demande soudain si sa peau est aussi douce qu’elle en a l’air. 

    Je suis perdu dans la contemplation de son corps, sans bien comprendre les réactions de mon corps alors que la chaleur de mes joues semble se répandre dans le reste de mon corps. Il toussote soudain et je sursaute quand je me rends compte qu’il m’a pris en flagrant délit. Je détourne le regard aussitôt, mais son rire ne m’aide pas à reprendre le contrôle. Ses mains fraîches se posent sur mes joues et je couine, surpris.

    — J’étais très en colère contre toi, mais te voir comme ça me fait tout oublier. 

    Mon premier réflexe est de poser mes mains sur sa taille, mais je tressaille dès que mes doigts rencontrent sa peau nue et ne sachant pas quoi faire, je laisse mes bras tomber le long de mon corps. Il lâche mes joues avant de me tendre un de ses t-shirts. 

    — Pour te mettre plus à l’aise et j’ai cru comprendre que tu aimais bien mes habits.

    Il a décidé de se venger à sa manière pour avoir émis la possibilité qu’ils me laissent derrière eux, il me taquine encore et encore, mais contre toute attente, cela ne me dérange pas tant que ça. Et puis, il n’a pas tort, je ne lui ai même pas rendu son t-shirt, je l’ai lavé, mais je l’ai gardé pour en faire mon pyjama.

    Je saisis le t-shirt et file m’enfermer dans la salle de bain le cœur battant. Comme pour toutes ses affaires, je nage dedans, mais je m’y sens bien, c’est donc un peu moins nerveux que je retourne auprès de Ohm qui est assis à son bureau en train de lire en prenant des notes. Je profite de son inattention pour rapidement écrire un mot sur mon téléphone avant de le poser sous son nez.

    “Je ne voulais pas te mettre en colère, c’est juste que… je ne veux pas qu’il vous arrive quelque chose.”

    Ohm lit le message et il se tourne rapidement vers moi, ses mains se posent sur ma taille et il m’attire à lui. Rapidement, je me retrouve assis sur ses cuisses et les papillons réapparaissent. 

    — Je comprends Fluke, juste promets-moi une chose.

    On se regarde droit dans les yeux, mon cœur se met à palpiter alors que j’entoure son cou de mes bras, bien trop conscient qu’il est toujours torse nu et moi à peine habillé, juste avec son t-shirt. 

    — Ne t’éloigne pas de moi, ne te dis pas qu’être loin de moi me protégera.

    Je peux voir de la peur au fond de ses yeux, seulement, il n’a pas peur du monstre et du mal qu’il pourrait lui faire. Il a peur que je disparaisse de sa vie, mon pouls s’emballe à l’idée de ne plus être chaque jour avec lui et c’est peut-être égoiste, mais oui je les laisserais partir s’ils choisissaient de le faire, malgré tout, moi, je suis incapable de m’éloigner d’eux, même si c’est pour leur bien. 

    Je me penche vers lui et capture ses lèvres comme réponse. D’un baiser, je scelle ma promesse silencieuse de ne jamais l’abandonner même si je pense que cela pourrait le mettre en sécurité. C’est un baiser tendre, doux mais qui devient bien moins innocent quand ma langue glisse sur ses lèvres pour en réclamer plus. Je ne sais pas ce qui m’a pris de faire une chose pareille, mais quand nos langues se retrouvent, j’ai l’impression d’être du métal en fusion dans ses bras.

    Ce baiser est nouveau et réveille des sensations que j’avais déjà éprouvées près de lui, mais en beaucoup plus fort. Je ne sais toujours pas comment les expliquer, je n’ai pas les mots. Nos lèvres ne se quittent pas, pas même quand il se lève en me tenant dans ses bras. Elles sont soudées l’une à l’autre et chaque fois qu'elles bougent l’une contre l’autre, chaque fois que nos langues se goûtent, les événements désagréables de la journée semblent s’effacer de ma mémoire.

    Mon dos touche le moelleux du matelas et il me surplombe, il ne fait pas peser son poids sur moi, mais rien que de le savoir là, au-dessus moi, m’embrassant de cette manière, me fait me sentir en sécurité, comme si j’étais soudain à la maison et que rien ne pouvait m’atteindre. Nos lèvres s’effleurent un moment avant qu’il ne se redresse, j’ai le souffle court, le coeur qui bat la chamade, je me sens léger et en même temps oppressé par un besoin dont j’arrive enfin à mettre un nom dessus quand je croise son regard empli de désir pour moi.

    Je me rends compte de ce que je viens de faire et je me sens timide, je voudrais me faire tout petit, me cacher alors que je lui ai sauté dessus de cette manière. Je pose mes mains sur mon visage cachant mes rougeurs, mes yeux emplis d’envie et ce sourire que je n’arrive pas à faire disparaître, alors que l’on vient d’échanger un baiser sensuel qui m’a laissé entrevoir ce que les couples partagent en temps normal.

    — Ne te cache pas Fluke…

    Il essaie de retirer ma main, mais je l’en empêche et il n’insiste pas, au lieu de ça, il bascule à côté de moi, et me prend dans ses bras alors que l’on se fait face dans le lit. Il dépose un baiser sur mon front et je soupire en baissant lentement mes yeux et nos regards se fixent sans jamais se détourner. Je peux y lire le désir, le besoin d’être près de moi et j’aimerais y croire, de l’amour sincère. Je sais qu’il y a une forte attirance entre nous, on s’embrasse, on se serre dans les bras l’un de l’autre, mais est-ce réellement de l’amour? Est-ce que l’on est en couple tous les deux, parce que ce jour-là dans la voiture, il a admis avoir envie d’être près de moi et de m’embrasser, mais est-ce qu’il y a plus ?

    Est-ce que, comme moi, il ressent ces papillons, est-ce que son cœur veut sortir de cage thoracique, ou bien, est-ce que c’est juste physique ? 

    — Fluke. 

    Mon prénom dans sa bouche est plein de douceur et de tendresse et je me laisse aller contre lui quand il m’attire entre ses bras. Son menton se pose sur le sommet de ma tête alors que je suis dans un cocon de chaleur. 

    — Ne te pose pas trop de questions. La journée a été longue, tu devrais te reposer, on aura le temps de discuter de… nous. 

    Je hoche la tête, m’installant un peu plus confortablement et il ne me faut pas beaucoup de temps pour sombrer dans un sommeil sans rêve et réparateur entouré par la chaleur de son corps et l’odeur de son parfum qui m’enveloppe dans une bulle où je me sens à ma place. 



  • Commentaires

    2
    Lundi 28 Juin 2021 à 20:38

    Je me doutais que Fluke allez dire quelque chose comme ça "si vous voulez vous éloigner de moi pour votre sécurité.....".....


    J'espère que la photo aidera les enquêteurs....


    Et je me pose quelques questions, je pense que le monstre devait les connaître, il devait les observer, connaître leur habitude....s'il n'y a pas eu de cas comme ce qu'à vécu Fluke ça veut aussi dire que le monstre attendait patiemment son retour mais il savait ou attendre? pour le retrouver si rapidement......


    Comme tu peux le voir je me pose plusieurs questionshe


    C'est bien que son Oncle puisse revenir mais est-ce qu'il restera dans cette maison ou repartira? Personnellement, j'espère qu'ils resteront mais en même temps l'Oncle à un travail donc.....

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    1
    Lundi 22 Mars 2021 à 19:19

    merci pour ce nouveau chapitre  ^___^
    bonne imagination et continuation pour la suite ;)

    à la prochaine :)

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