• Chapitre 1 : Prise de conscience.

    Chapitre 1

    Ma main se sert brutalement, je suis là juste en face d’eux alors que je vois leurs bouches se rapprocher inexorablement. Je sais que c’est faux, je sais qu’il va mettre son pouce empêchant ainsi leur bouche de se rencontrer. Je le sais bien et pourtant, j’ai envie d’intervenir, j’ai envie d’hurler, de courir près d’eux et de les séparer, je veux… être à sa place. Je veux que ce soit moi qu’il prenne dans ses bras, qu’il regarde de cette manière douce et tendre, à moi qu’il adresse ce petit sourire en coin alors que ses lèvres se rapprochent doucement de moi. 

    — Coupez… c’est dans la boite, c’était la dernière scène pour aujourd’hui, vous avez fait du bon travail.

    La voix forte du réalisateur me fait sursauter alors que je reviens à la réalité, loin de ces pensées étranges. Je prends une profonde inspiration, je me rends compte seulement maintenant que j’ai retenu mon souffle tout au long de la scène. Lentement, je relâche mon poing, ressentant une légère morsure douloureuse, mes ongles se sont enfoncés dans ma peau sans que je ne m’en aperçoive laissant de petites coupures sanguinolentes sur ma paume. 

    Je ferme un instant les yeux, déstabilisé par ce que je viens de ressentir, par ce que je viens de penser, par ce que je veux.  Je ne peux pas me mentir, je suis proche de lui, pourtant je n’ai jamais imaginé vouloir être plus proche encore. Je rouvre les yeux lentement, ayant un instant peur de les trouver enlacer en face de moi et de ne pas savoir comment réagir, mais quand mes paupières finissent de s’ouvrir, je me rends compte que je suis seul. 

    Je passe lentement la main dans mes cheveux, les ébouriffant et les laissant en bataille. Je soupire pour laisser évacuer le stress, la tension et pour aider mes muscles à se détendre. Je dois être fatigué, c’est pour ça que ce flot d’émotions m’a traversé et que j’ai eu ses drôles de pensées. Il est mon ami, juste mon ami et imaginer plus serait carrément bizarre, étrange même.

    Je vais rentrer chez moi, prendre une longue douche chaude, puis me commander à manger et je suis sûr qu’après une bonne nuit de sommeil, cet incident ne serait qu’un vague souvenir, comme le souvenir d’un rêve une fois que l’on s’est réveillé, il vous en reste un vague souvenir, mais il est impossible d’y repenser en détail et de comprendre ce que l’on a ressenti. 

    Je me retourne alors, j’ai hâte de mettre ce plan à exécution. Ce que je n’ai pas prévu par contre c’est qu’il y ait quelqu’un derrière moi, légèrement plus petit que moi, mais avec une aura qui me déstabilise toujours. Je lui rentre dedans, nos front se cognent, mais je sens à peine la douleur alors que mes mains s'agrippent à ses épaules et que sa main s’enroule autour de ma taille pour me retenir. J’ai le souffle coupé, cinq minutes plus tôt, je rêvais d’être dans ses bras, et là j’y suis et je m’y sens bien, à ma place. Sa main posée sur le bas de mes reins est brûlante même à travers le tissu fin de mon t-shirt, son souffle chaud se répercute sur la peau de ma joue me donnant une sensation de chaleur qui me fait monter le rouge aux joues alors que son parfum flotte jusqu’à moi, une odeur qui fait naître des papillons dans mon ventre et qui me trouble bien davantage que toutes les idées qui avaient pu me traverser jusque là.

    — Nanon, tout va bien ?

    Sa voix rauque s’élève jusqu’à mon oreille alors que je suis clairement figé dans ses bras. Doucement sa main libre se déplace et ses doigts se posent sur mon front, là où le sien a cogné le mien. Il caresse ma peau avec douceur et il chasse la légère douleur qui s’est installée. Je l’observe, savourant son toucher sur moi, inconsciemment je me mords la lèvre inférieure, mes yeux sont fixés sur ses lèvres et je me demande ce que je ressentirais si nous nous embrassions maintenant.

    Je recule brusquement, m’éclaircissant la gorge pour tenter de reprendre contenance en me rendant compte de j’ai avancé ma tête, que pendant un instant j'ai été à un cheveux d’écraser mes lèvres contre les siennes. Je peux sentir mes joues me brûler et je n’ose pas croiser son regard. Il doit se demander ce qui m’arrive soudain, il va me prendre pour un con, pour un… pour un je ne sais pas quoi, est-ce qu’il a vu mon geste ? Clairement, je ne suis pas dans mon état normal. Sinon, comment expliquer que je suis là devant lui incapable de répondre à une question si simple.

    J’ai peur de bégayer, de montrer encore un peu plus le trouble qui m'habite et qui me perturbe. Seulement, je le sais, M. Wachirawit Ruangwiwat n’est pas du genre à accepter le silence comme réponse. Il semble donc que cette fin de journée est destinée à mettre mes nerfs à rude épreuve, puisque je sens soudain son doigt glisser sous mon menton et exercer une pression dessus afin de me faire relever la tête. Chose qu’évidemment je refuse de faire en appuyant fermement mon menton sur son doigt. Et si je le dépasse de plusieurs centimètres, lui me dépasse en force et après quelques minutes d’un combat perdu d’avance, je relève la tête et nos regards se croisent.

    Ses yeux sont sombres, ténébreux et comme toujours j’ai cette impression qu’il me scanne quand son regard plonge dans le mien, comme si en un regard, il est capable de décrypter ce que même moi je ne sais pas encore. Son regard est le même que d’habitude, mais cette fois, je peux aussi y voir une petite lueur, c’est nouveau, je ne la comprends pas trop, je ne sais pas ce qu’elle veut dire mais si je devais mettre un mot dessus, je dirais, de l’inquiétude. Impression renforcée par le léger froncement de sourcils qui accompagne sa question.

    — Tout va bien ?

    — Euh… ouais bien sûr… pourquoi ?

    Ma voix est bien trop aigue, ma gorge semble s’être refermée, asséchée et je me sens ridicule alors que j’hésite et butte sur les mots. Lentement, tentant d’être le plus naturel du monde, je me recule, son index quitte mon menton et pourtant, la sensation de chaleur, là où il a posé ses mains sur moi est présente et vivace. Je me repasse de nouveau la main dans les cheveux et dans ma tête, ma coupe commence à ressembler à un nid d’oiseau à force d’être ébouriffée comme ça. 

    Chimon me regarde un long moment en silence, ses yeux sont perçant, comme s’il essayait de comprendre ce qui m’arrive. Le temps passe et je suis incapable de parler, incapable de plaisanter pour couper court à ce moment aussi étrange que exaltant, car je ne peux pas ignorer mon estomac qui se serre et que mon coeur bondit dans ma poitrine alors qu’il me fixe.

    — Rien... 

    Même s’il ne dit rien de plus, je peux entendre les questions dans sa voix, il est intrigué par mon comportement et si je ne baisse pas de nouveau la tête, je détourne le regard, car je trouve soudainement la caméra qui n’a pas encore été rangée très intéressante. 

    — Viens manger chez moi ce soir.

    — Hein !

    Ma réaction est excessive, bien trop pour une simple invitation à manger entre potes, alors je m’éclaircis la gorge, je pose mes mains sur mes hanches et regarde au loin en cherchant une excuse. Tout mon corps me hurle de dire oui, de saisir l’occasion de rester près de lui. Ma tête par contre, elle, est plus sage, plus calme, elle me dit de m’en tenir au plan… rentrer, me doucher, manger et dormir suffisamment longtemps pour que ce trouble ne se transforme en un rêve étrange. Chimon a un petit rire moqueur et je fronce les sourcils, est-ce qu’il se rend compte de la situation dans laquelle je me trouve, non, bien sûr que non, il ne peut pas s’imaginer de son ami éprouve des sentiments inconnus pour lui, sentiments dont je n’avais pas conscience il y a encore moins d’une heure.

    — Nanon… je te demande de partager une pizza avec moi, je te demande pas en mariage.

    Est-ce qu’un cerveau peut bugger comme un ordinateur, c’est une question très pertinente selon moi, d’ailleurs, cela vaudrait peut-être le coup que je lui pose la question. Non mauvaise idée, restons calme. Ce n'est qu’une plaisanterie de sa part, il ne pouvait pas imaginer combien cette petite phrase allait me chambouler. Maintenant, j’ai gentiment à ouvrir la bouche pour lui dire que je suis épuisé et que je vais rentrer chez moi. 

    — Ouais bien sûr, allons-y.

    Que…  quoi …. mais… il faut croire que pendant quelques secondes mon corps et mon coeur ont eu le dessus sur la raison, sinon comment expliquer cette réponse. Et ma raison comprend rapidement pourquoi mon corps et mon coeur l’ont fait quand je me rends compte que le visage de Chimon qui s’était assombri au fil des secondes qui s’étaient écoulés pendant que je me débattais avec moi-même, s’éclaire soudain quand j’accepte son invitation. Quand je croise finalement son regard, mon coeur s’allège et je sais que j’ai pris la bonne décision.

    Chimon n’habite pas loin du plateau de tournage, qui se déroule un peu à l’extérieur de Bangkok nous avons donc tous loué de petits appartements pour y vivre le temps des prises de vues. On s’y rend donc à pied, savourant la fraîcheur de l’air et le calme des rues de la fin de journée. Nous sommes particulièrement silencieux, ce qui est inhabituel pour nous, nous passons la moitié du temps à nous chamailler car nous ne sommes jamais d’accord avec ce que dit l’autre. A cet instant, tout semble différent entre nous, comme si quelque chose avait changé. D’ailleurs, même notre manière de marcher l’un à côté de l’autre n’est pas comme d’habitude. Nous sommes très proche l’un de l’autre, nos épaules se touchant presque, nos mains s'effleurent à chaque fois que nos bras se balancent. C’est une caresse légère, comme une plume glissant sur ma peau et laissant une sensation de picotement qui me fait froncer les sourcils quand sa main caresse la mienne une nouvelle fois. Je voudrais m’éloigner, je devrais le faire, seulement, j’apprécie le toucher de Chimon et je ne veux pas que ça s’arrête.

    J’essaie d’analyser la situation, de comprendre la tempête qui se déroule dans ma tête et les réactions de mon corps. Seulement, à chaque fois que j’approche d’un semblant de réponse,  sa main effleure ma peau, effaçant toutes pensées logiques, réveillant des envies que je contrôle difficilement, comme attraper sa main et entrelacer nos doigts. Quand on s’est rencontré, Chimon et moi, on s’est tout de suite bien entendu, deux adolescents ayant le même âge, les mêmes délires et passions. Je le considère comme mon meilleur ami depuis des années maintenant, pourtant à cet instant alors que nous marchons dans la rue, je ne suis plus sûr de rien. C’est comme si le voir sur le point d’embrasser Ai’Love avait fait exploser un volcan en moi, faisant surgir une pléiade d’émotions, de sentiments et d’envies qui étaient enfouis au plus profond de moi depuis bien longtemps, sagement endormis.

    Nous sommes assis sur son canapé, sur la table basse se trouvent les vestiges de notre repas, des boîtes de pizzas et des canettes de soda. Nous avons mangé dans le calme, tous les deux plongés dans nos pensées, mais finalement, la discussion reprend son cours et nous débattons avant de finir par nous disputer à propos d’un jeu vidéo auquel nous avions joué quelques jours auparavant. Je suis de nouveau serein, de nouveau moi-même, naturel et j’en arrive à la conclusion que ce que j’ai ressentis toute cette fin d’après-midi est vraiment dû à la fatigue, au surmenage, au tournage mené tambour battant depuis quelques jours maintenant. 

    Je n’ai pas d’à priori sur le fait d'aimer un homme, je ne me suis jamais posé la question, pourtant, en y réfléchissant, j’ai vivement ressenti l’envie de l'embrasser plus tôt dans la journée. Non, ce qui me trouble le plus dans cette histoire n’est pas le fait que nous soyons deux garçons, c’est le fait qu’il est mon meilleur ami, mon collègue depuis près de quatre ans et je ne me sens pas prêt à risquer tout ça pour répondre à une question, enfin à une multitude de questions qui ont explosées dans mon crâne en l’espace de quelques heures

    — Tu m’aides à réviser mon texte pour demain ?

    De nouveau sa voix me sort de mes pensées, décidément je réfléchis beaucoup trop ce soir. Je ne dis pas que je suis quelqu’un irréfléchi, mais je ne suis pas non plus du genre à passer des heures et des heures à retourner une question dans ma tête. Et puis nous aider l’un l’autre à réviser, c’est quelque chose que l’on fait souvent, c’est ordinaire, c’est donc sans hésiter que j'acquiesce en silence et je prends le scénario qu’il me tend. Je regarde la page qu’il a ouvert et je sens mes yeux s’agrandirent, tellement que je me demande s’ils ne vont pas sortir de leur orbite. Je relève brusquement la tête vers lui, mais son visage est impassible, son regard n’a plus cette petite lueur étrange et pourtant j’avale difficilement ma salive, ayant l’impression que son choix n’est pas anodin. Pourquoi parmi toutes les scènes que nous allons tourner demain, il fallait qu’il me demande de réviser la scène où Andrew embrasse Phukkad.

    — En regardant les rush P’Dan a trouvé que la scène ne convenait pas, il veut qu’on la tourne à nouveau demain.

    Chimon voit mon trouble, il faut dire, jamais nous n’avions répété ensemble ce genre de scène, alors il répond à ma question muette. Je relève les yeux, lui est très sérieux, comme si sa demande est normal et en soi, elle l’est… c’est moi qui prends les choses trop à coeur non ? Je prends une inspiration et tente de sourire et elle est là de nouveau dans ses yeux, cette lueur que je suis totalement incapable de définir, de comprendre alors que de nouveau mon cerveau semble s’être mit en stand bye.

    J’avale alors ma salive, mais je sens qu’elle a du mal à passer alors que ma gorge semble s’être réduite à un trou d’épingle. Je repense alors à Ai’Love et lui dans les bras l’un de l’autre et je ne suis pas sûr d’avoir envie d’y assister de nouveau, d’ailleurs je me surprends à imaginer mille et un scénarios pour l’empêcher. Du coup, je n’ai pas non plus envie de l’aider à rejouer cette scène, je ne veux pas qu’il la reprenne dans ses bras et donne encore plus l’impression qu’il l’aime. Une pensée effroyable me saisit la gorge, la serre douloureusement et je sens presque les larmes me monter aux yeux. Et si, il éprouvait vraiment quelque chose pour elle ? Je veux partir, je veux rentrer chez moi tant cette idée m’est désagréable pourtant une nouvelle fois mon corps me trahit alors que je ne quitte pas ses yeux. 

    — Bien sûr, commençons.

    — Chouette, allons-y. On commence à partir de là.

    Il se penche vers moi, son odeur me frappe à nouveau, envoûtante, sensuelle et je me surprends à fermer les yeux pour mieux l’apprécier. Pourtant, je le connais son parfum, ce n’est pas la première fois que je le sens alors que nous sommes penchés l’un vers l’autre. Jamais il ne m’avait fait réagir, jamais il ne m’avait troublé à ce point, ma respiration se fait plus légère, plus courte, alors que je savoure les effluves qui me chatouillent le nez respiration après respiration, c’est comme… 

    — Nanon tu m’écoutes ?

    — Hein !… ouais, vas-y commence.

    Sa voix me fait brusquement rouvrir les yeux, et je me rends compte que je suis légèrement penché vers lui. Je me redresse, m’éloignant même un peu de lui alors que je me sens gêné, je prends une profonde inspiration, mes joues sont rouges et brûlantes et je sais que je ne pourrais pas parler plus, alors d’un geste de la tête, je l’invite à commencer.

    Cela fait une heure que nous répétons la scène, qu’il récite son texte, entrant petit à petit dans son rôle, donnant de l’intensité et de la chaleur à la scène et moi je me contente de lire, je sais que je ne l’aide pas, mais chaque fois il me dit ses mots en me fixant de cette manière, mon coeur semble vouloir bondir hors de ma poitrine. Je tente de bien faire mon boulot, de bien lire les lignes de Phukkad, mais je sais que je me trompe souvent et que j’en loupe la moitié. Pourtant il ne s’énerve pas, il ne me reprends pas, il continue inlassablement, s’arrêtant toujours juste avant la scène du baiser et au fond de moi, je ne sais pas si je suis déçu ou soulagé par ça.

    Sa main est maintenant sur ma joue, une nouvelle fois nous approchons de l’instant où il va se redresser, où il va me dire qu’il faut recommencer et moi je serai perdu, mais je reprendrai le texte sans un mot. Mon souffle est court, totalement sous son emprise, alors qu’il dit la dernière ligne de texte. Si nous étions sur le plateau, alors c’est à ce moment qu’il se pencherait vers moi pour capturer mes lèvres dans un chaste baiser.

    Pourquoi il ne se redresse pas ? Pourquoi est-ce que son regard s’assombrit ? Pourquoi son pouce dessine lentement le tracé de ma joue ? Pourquoi je me surprends à fixer sa langue qui passe lentement sur ses lèvres pour les humidifier ? Ma bouche s’assèche soudainement, le temps s’est figé et on entend plus rien dans l’appartement mis à part nos respirations qui malgré moi se fait un peu plus bruyante. L’instant est intense, alors que tout mon corps est en alerte, demandant plus, voulant que la scène continue alors que mon esprit hurle que je dois me reculer. Cependant je ne le fais pas, je ne bouge pas alors que Chimon sans un mot, sans me quitter des yeux se penche lentement vers moi, réduisant petit à petit l’écart entre nos lèvres.

    Et alors mon cerveau cesse de fonctionner quand ses lèvres effleurent les miennes, timidement en douceur, j’ai presque l’impression de rêver son toucher, mais la chaleur qui embrase mon épiderme est bien réelle. Sa main glisse lentement le long de ma joue, s’accrochant à ma nuque comme s’il avait peur que je puisse reculer, alors que moi je suis là, assis, les mains sur les genoux, je serais bien incapable de bouger même si ma vie en dépendait. Ses lèvres appuient un peu plus sur mes lèvres, il semble attendre quelque chose pour m’embrasser vraiment se contentant de les effleurer, faisant monter en moi une pression étrange. Il me faut quelques secondes pour comprendre, il veut que je réponde, il veut que je participe et que je lui montre que j’en ai envie aussi.

    Cette fois, je ne prends pas le temps de réfléchir, de décortiquer ce qui se passe et ce que je ressens, je me contente d’agir, de laisser mon instinct prendre le dessus. Ma main se lève alors se posant timidement sur son cou, mes doigts effleurant doucement sa mâchoire et je peux le sentir frissonner. C’est ce frisson qui me fait totalement m’abandonner à lui, qui me fait me perdre totalement, je ne réfléchis plus, je me contente de vraiment vivre l’instant alors que mes lèvres bougent doucement contre les siennes, que nos souffles se mélangent et que nous nous embrassons réellement pour la première fois.

    Je ferme les yeux en prenant une profonde inspiration, son parfum me percute, multipliant les sensations que je ressens et c’est comme si je perdais le contrôle, je laisse mon corps me guider. Ma deuxième main agrippe le col de son t-shirt serrant le tissus fin entre mes doigts, il me retient à la réalité alors que mon esprit, lui, semble vouloir s’échapper à mille lieux d’ici. Timidement, ma langue glisse le long de ses lèvres, j’en veux plus, je veux que la passion qui commence à naître dans ma poitrine grandisse et me submerge. Sa langue sort de sa bouche, vient à la rencontre de la mienne, elles glissent l’une contre l’autre et je me surprends quand un grognement rauque sort de ma gorge. Je perds pied, je me laisse griser par ce baiser alors qu’une explosion de papillons prend place dans mon ventre, que mon coeur devient erratique et que mes doigts se serrent plus fort sur le tissus. Instinctivement je le tire vers moi, rapprochant nos corps en cherchant sa présence, sa chaleur et son parfum, à cet instant, j’ai l’impression d’être un drogué car je n’arrive pas à en avoir assez.

    Ses bras se resserrent autour de moi, me bloquant dans une étreinte faite de douceur et de volupté, nos lèvres semblent incapables de se séparer plus de quelques secondes, juste le temps de prendre une inspiration et elles se retrouvent, bougeant en harmonie l’une contre l’autre, nos langues bataillant pour dominer la situation qui clairement nous échappe un peu plus encore quand son corps se penche en avant pour me faire basculer moi en arrière.

    Je me laisse faire, je le laisse m’allonger sur le canapé, il me domine totalement, alors que le poids de son corps au dessus du mien me rassure. Mes mains glissent dans ses cheveux, laissant les mèches soyeuses glisser entre mes doigts, en appréciant la texture et les sensations que cela me fait ressentir. La façon dont il m’embrasse change, il devient plus passionné, brutal, pressé et des frissons parcourent mon corps, car je ressens  la même chose. J’ai conscience qu’il est sur moi, qu’il m'enveloppe, mais je ne réagis pas face à notre position alors qu’il est sur moi entre mes cuisses, je devrais prendre peur, mais ce n’est pas le cas même si nos corps réagissent face à cette étreinte alors que cette partie de moi durcit doucement, mais je suis trop fixé sur le ballet de nos lèvres pour m’en préoccuper maintenant. 

    Une de ses mains maintient ma nuque, mais sa deuxième main glisse lentement le long de mon torse et un nouveau grognement fait vibrer ma gorge quand elle se faufile sous mon t-shirt. La pulpe de ses doigts rencontrent la peau brûlante de mon ventre alors que ses lèvres quittent les miennes me laissant une sensation de froid, mais qui est vite comblée par le sillon de lave brûlante qu’elles créent quand elles se déposent sur la peau le long de ma joue, puis suivant l’arête de ma mâchoire avant de soudain plonger dans mon cou.

    Ma respiration se fait courte, rapide alors que je n’arrive pas à me focaliser sur une sensation en particulier, les baisers qu’il dépose dans mon cou avant qu’il ne suçote et aspire ma peau ou bien sa main qui dessine chaque muscle de mon ventre, remontant lentement vers mon torse. J’ai les yeux fermés, la tête en arrière pour lui laisser le plus d’accès possible à mon cou et la bouche ouverte, je cherche à aspirer un peu d’air, mais au moment ou j’expire le peu d’air dans mes poumons, c’est un gémissement aigu qui sort de ma gorge, un son que je ne pensais pas être capable de faire, il me surprend, me fait peur et me ramène à la réalité.

    J’ouvre brusquement les yeux, mon cerveau reprend le contrôle et alors la situation me percute de plein fouet. J’aime la façon dont son corps me domine, mais je suis troublé par nos hanches qui s’entrechoquent quand nous bougeons, par les éclairs de plaisir qui naissent entre mes reins. J’aime la chaleur qui se dégage de son étreinte et son toucher, mais je suis secoué par ce que je ressens. J’ai besoin de réfléchir, j’ai besoin de comprendre et de savoir ce que je ressens à cet instant. Alors je réagis, mes mains quittent à regret ses cheveux et se posent sur ses épaules, je le repousse en douceur, mais le message semble clair, puisqu’il se recule sans attendre et finit par se rasseoir. Je ressens une vague de froid et un instant, je veux retourner dans ses bras, mais je me reprends, je m'assois à mon tour lentement, j’ai l'impression d'émerger d’un rêve, mon corps semble engourdi.

    — Chimon… je…

    Ma voix tremble, elle est rauque et emplit de désir, même moi je l’entends et je suis surpris, car je n’avais jamais imaginé qu’un jour je pourrais parler de cette manière et ça me trouble encore plus. J’ai peur de le regarder dans les yeux, de ce que je pourrais y lire car alors je ne sais pas comment je pourrais réagir, là tout ce dont j’ai besoin en ce moment, c’est d’être seul pour faire le point sur ce qui vient de se passer.  

    — Je dois y aller, il se fait tard.

    Nanon tu es un putain de menteur, il est encore tôt, d’habitude, tu pars bien plus tard. Non, sois honnête, tu as juste besoin d’une excuse pour le fuir sans te sentir coupable. Je ne le regarde toujours pas alors que je me lève, quittant le canapé et que lui reste immobile à genoux. Il semble figé en tentant lui aussi de comprendre ce qui se passe et mon coeur se serre, j’ai peur de l’avoir blessé, j’ai peur qu’il ne comprenne pas, j’ai peur qu’il m’en veuille de fuir comme un voleur. Un instant j’hésite, il serait tellement plus simple d’aller vers lui, de glisser à nouveau mes doigts dans ses cheveux, de quémander une nouvelle fois l’accès à ses lèvres et de me perdre de nouveau entre ses bras. Pourtant, je ne peux pas, je ne peux que l’observer un moment, avant de soupirer pour tenter de canaliser ce que je ressens, puis je lui adresse un petit signe de la main, ignorant la culpabilité qui tord mon estomac, je lui tourne le dos, me dirige vers la porte, je fuis, je suis un lâche alors que la porte se referme derrière moi.



  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :