• Chapitre 1 : AEGEAN

    Chapitre 1
    AEGEAN

    DING !

    La notification d’un nouvel e-mail me fait bondir de ma chaise. Au lieu de le lire immédiatement, je fais plusieurs fois le tour de la table en me répétant de respirer profondément pour calmer mes nerfs. Cependant, ma main tenant le téléphone tremble terriblement.

    Au vu de leur réponse soudaine, c’est un miracle que je ne sois pas tombé la tête la première.

    Il s’agit d’un e-mail important dont ma vie dépend. Après des semaines d’attente, j’ai enfin reçu une réponse du studio. Le fait est que j’ai besoin de voir le résultat.

    Très bien, il est temps de faire face à la vérité.

    Un, deux, trois !

    Je ne peux pas retenir mon excitation !

    Même si j’ai trop peur de l’ouvrir, je dois finir par le faire. Je rassemble les derniers morceaux de mon courage et clique sur l’e-mail qui se trouve devant mes yeux.

     

    “Cher M. Rawi Lerdpanya,”

     

    C’est bon. Le nom est correct. Ce n’est certainement pas une erreur.

    Je balaie le message du regard avant que mon cœur ne s’emballe lorsque je lis cette phrase.

     

    “Nous sommes impatients de travailler avec vous.”

     

    BORDEL DE MERDE !

    Je suis sur le point d’entrer dans la phase de passage à l’âge adulte et de devenir un primo employé comme les autres.

    J’ai finalement été embauché par le studio de mes rêves comme je l’espérais. Bon travail. Je me sens tellement extraordinaire que je veux l’annoncer au monde entier en retirant tout mon argent pour me faire connaître pendant une année entière.

    Puis je réalise que je suis presque fauché.

    Incapable de garder ma joie pour moi, je ferme l’e-mail et appelle quelqu’un. Il décroche au bout de quelques secondes.

     

    Le premier appel… 

    — Allo, Jo, mon pooote.

    — Hé, quoi de neuf ? Tu as l’air heureux. 

    On dirait qu’il ressent ma joie débordante, alors je lui raconte mon histoire excitante.

    — J’ai de bonnes nouvelles.

    — Tu as gagné à la loterie ?

    — Non, essaie encore.

    — Boo a rendu les trois cents bahts qu’il te devait ? 

    Ugh, j’avais presque oublié que mon ami me devait de l’argent. Sans compter qu’il l’a emprunté il y a deux ans. Je suppose qu’il s’est décomposé.

    — Faux. Essaie encore une fois.

    — Dis-moi juste. Je suis sacrément curieux. Arrête de faire durer le suspense, espèce de merde. 

    J’ai dû en faire trop et mettre Jo en colère. Allons droit au but, alors.

    — Écoutez-moi bien. La bonne nouvelle est que j’ai trouvé un travail !

    — Incroyable ! Chez BFB ?

    Mon meilleur ami demande, incrédule, alors je lui rappelle que ce n’est pas un rêve.

    — Ouais. Je viens juste de le savoir. Ils m’ont envoyé un mail tout à l’heure.

    — Félicitations, mec. Je suis sur le point de pleurer. Tu es le dernier de notre bande.

    — Je pleure en ce moment même. Boohoo. 

    J’agis comme si j’étais sur un plateau de tournage. Eh bien, je suis sur la lune en ce moment.

    — On doit fêter ça.

    — Bien sûr. C’est moi qui régale.

    — Yeah !

    — Ouais. Je raccroche maintenant. Je vais être heureux avec moi-même un peu plus.

    — Bien sûr. On se parle plus tard ce soir.

     

    En étant heureux avec moi-même, je ne passe pas mon temps seul comme vous pourriez le penser. J’appelle la deuxième personne tout de suite.

    — Gyo.

    — Ouiiii ?

    — J’ai des nouvelles excitantes. 

    Encore une fois, comme un film rejoué.

    — Qu’est-ce que c’est ?

    — J’ai trouvé un travail.

    — Bon sang ! C’est le poste de coloriste(1) ? 

    Son cri me transperce les oreilles. Mon amie est probablement plus ravie que moi de cette bonne nouvelle.

    — Je commence en tant qu’assistant, mais c’est suffisant pour me rendre super heureux.

    — C’est la bonne nouvelle de l’année. On n’a pas d’autre choix que de la célébrer.

    — Ouaip. On y va à fond.

    — On ne s’arrête pas tant qu’on n’est pas bourré, ok ?

    — Bien sûr. Hey, je raccroche maintenant. Je vais être heureux avec moi-même un peu plus.

    — Vas-y.

     

    Le troisième appel… 

    — Allo, Dolllll.

    — C’est Dou. Talay, le fait de rouler ta langue a totalement ruiné l’ambiance. 

    Bien qu’il réponde avec une voix terriblement irritable, je m’en fiche. Je rejoue la scène.

    — Devine pourquoi je t’ai appelé.

    — Je ne sais pas. Il y a quelque chose d’excitant ?

    — Je vais te le dire maintenant. Prépare-toi.

    — C’est une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

    — Une bonne nouvelle.

    — Raconte.

    — J’ai trouvé un travail. Vous n’avez plus besoin d’être sur le qui-vive pour moi.

    — Whoaaaaa. 

    Il roule sa langue bien plus que moi. Après avoir été dramatique, sa voix effrontée tremble lentement. 

    — J’ai envie de pleurer. Tu étais en formation dans une petite maison de production, mais maintenant tu as fait du chemin.

    La voix à l’autre bout semble extrêmement excitée. Je ne peux pas retenir mon sourire.

    — Je pense faire la fête avec vous les gars. Je vous dirai plus tard où.

    — Bien sûr ! Tu vas travailler dans un studio célèbre. Je ne peux pas manquer ça.

    — Merci, Dou. Quand j’étais fauché, tu me trouvais des petits boulots. 

    Bien que les emplois étaient des gardiennages de chats chez lui parfois.

    — Eh bien, tu es mon ami.

    Avant que les choses ne deviennent émotionnelles, je vais arrêter là. Si Dou pleure, je vais devoir le réconforter pendant environ une heure sans rien faire.

    — Ouais. Je raccroche maintenant. Je vais être heureux avec moi-même un peu plus.

    — Ok, hic.

    Et voilà. Il a commencé à sangloter. Heureusement que j’ai raccroché ou Bangkok va se noyer dans ses larmes.

     

    Le quatrième appel… 

    Je suppose que je suis trop heureux pour moi car mes actions contredisent mes pensées, vu que j’appelle toute la bande. Avant que je m’en rende compte, le dernier de ma bande de communication de masse a répondu à l’appel.

    — Poppy-honey, je t’aime.

    — Il doit y avoir de bonnes nouvelles si tu dis que tu m’aimes. 

    Il me connaît si bien.

    — Le monde doit se souvenir de cet événement marquant de la journée.

    — Va droit au but. Pourquoi tu tournes autour du pot putain?

    — Écoute attentivement, mon pote. Hoo… 

    Laisse-moi mettre ma main sur ma poitrine et expirer une seconde.

    Même si j’ai passé pas mal d’appels, mon excitation n’est pas retombée. Au contraire, elle augmente sensiblement, ce qui fait que mon ami se met à répliquer d’une voix effrontée.

    — Je vais avoir l’occasion de l’entendre dans cette vie ? Ou je dois d’abord mourir ?

    — Tu exagères. La bonne nouvelle est que j’ai trouvé un travail.

    — Oh, wow.

    Mon grand sourire s’efface lentement alors que des doutes surgissent dans mon esprit. À part ce “Oh, wow” sans émotion, il ne dit rien d’autre, contrairement aux trois premiers qui se sont mis à dramatiser.

    — Pourquoi tu n’as pas l’air si heureux pour moi !

    — Je n’en ai pas l’air ? Voilà le truc, Talay… 

    Pop fait une pause avant de continuer. 

    — Allume la caméra.

    Qu’est-ce qu’il a ?

    Malgré ma confusion croissante, je ne peux pas me donner la peine de demander à nouveau. J’allume la caméra comme demandé. Et à la seconde où l’image apparaît, je découvre que… 

    TA-DA !!!

    — Surprise !

    Mes amis crient ensemble sur un ton enjoué. De plus, ils sont tous là, pas un seul absent. Je suis le seul à être resté chez moi.

    — Merde, vous êtes tous ensemble.

    — Tu as tout oublié. On est en train de filmer ensemble. Ce serait bizarre si nous n’étions pas ensemble. 

    Je veux dire, Dou, qui travaille sur les images de synthèse car il n’est pas bon en cinéma, est là. Moi, qui reste seul à la maison, je suis la personne bizarre ici.

    — Donc quand je vous ai appelé… 

    — Tu nous as appelé autour de la table. Aw, tu as dit que tu allais être heureux avec toi-même, pourtant tous nos téléphones n’arrêtaient pas de sonner. 

    Ses mots taquins me rendent honteux. Je réponds rapidement avec embarras, en faisant un rire sec.

    — Hey, tu parles trop. Jeez.

    Ils lèvent les yeux au ciel. Qui leur a dit de se retrouver sur un plateau de tournage ensemble ?

    — Arrête de blablater et va droit au but. Où est-ce qu’on fait la fête ?

    — Vous avez envie d’aller à la mer ? Je vous paie le voyage, proposé-je. 

    Les yeux de ces quatre êtres humains brillent simultanément.

    — Tu es sérieux ?

    — Je suis un homme de parole.

    Je souris. Mes amis sourient. Nous nous sourions à travers la caméra en imaginant un luxueux voyage en mer.

    Juste pour découvrir plus tard que… 

     

    — Hé.

    — Quoi ?

    — La mer, dans mon esprit, c’était les Maldives. Comment ça se fait qu’on se retrouve à la plage de Bang Kapong Dam ?

    La question de Jo blesse mon petit cœur. J’ai pensé à de meilleurs endroits. Pas les Maldives ou quelque chose comme ça, cependant. Il y a plein de belles plages en Thaïlande, mais un primo employé comme moi n’est pas riche. Je peux seulement les emmener à celle près de Bangkok.

    — Viens. 

    Je tapote l’épaule de mon ami avant d’adresser un sourire penaud aux autres, qui regardent devant eux, hébétés, à côté de moi.

    — C’est plein à craquer. Ils se retrouveront sur nos photos quoi qu’il arrive, se plaint Jo.

    — Tu as entendu parler d’une application de retouche ? Tu connais Photoshop ?

    — Tu nous as vendu du rêve. J’ai envie de te jeter mes sandales à la figure.

    — Bang Kapong Dum a son propre charme. Haut les cœurs.

    — Je me réjouis vraiment.

    C’est Gyo. C’est probablement la plus triste car elle a cherché des tonnes de photos de référence. Elle a aussi préparé beaucoup de maillots de bain deux-pièces.

    Nous ne jouons pas dans l’eau pendant la journée car nous sommes presque piétinés par la foule. Nous décidons d’aller directement à la station balnéaire. Heureusement, il y a une petite piscine pour tuer l’ennui. Mes amis se sentent mieux.

    Et moi alors ! Qui joue dans la piscine pendant un voyage à la mer ? On est censé faire ça… ouvrir le mail d’acceptation du studio et rêvasser pour la millionième fois.

    — Tes gencives vont être sèches à force de trop sourire.

    Je détourne les yeux de mon ordinateur portable vers le propriétaire de la voix qui fait irruption. Je peux dire que Jo se moque de moi rien qu’en regardant son visage effronté. Il fait ça depuis que nous sommes arrivés ici.

    — Eh bien, je me sens heureux.

    — Ok alors, espèce d’obsédé de primo employé. 

    Avec ça, il s’écroule sur le lit de toile à côté de moi.

    Jo est mon meilleur pote, mon premier ami d’université. On se connaît bien sur tous les plans. Que ce soit les préférences, les rêves, ou même des tonnes de secrets que nous gardons l’un pour l’autre.

    — Pourquoi tu as apporté ton ordinateur portable ? 

    Son regard vif se pose sur mon outil de travail sur mes genoux.

    — Juste pour être tranquille. Au cas où il y aurait quelque chose d’urgent.

    C’est la force de l’habitude, je suppose. Après l’obtention de mon diplôme, en plus de m’occuper de Kaprao et Horapa, les British Shorthairs de Dou, j’ai fait de l’étalonnage pour des YouTubers afin de gagner de l’argent tout en cherchant un emploi à temps plein. C’est pourquoi je reste toujours devant l’écran et j’emporte mon ordinateur portable partout.

    — Je ne pense pas qu’il y aura quelque chose d’urgent. Les gars sont en train de sauter dans la piscine, tu ne vois pas ?

    En entendant cela, je tourne mon attention vers les mouvements devant moi. Mes trois autres amis s’amusent à sauter dans l’eau.

    — Je voooois. 

    C’est à ce moment-là que mon esprit est pris par mon travail adoré. 

    — Et si je changeais la couleur de leur peau en orangé pour rendre les choses plus lumineuses et plus mignonnes !

    — Orangé, mon cul ! Tu peux arrêter de penser à l’ambiance et au ton une seconde ? On est là pour se détendre, pas pour travailler. 

    Malgré son air irrité, je m’en fiche.

    — Le violet lavande des tubes flottants ressort trop. Putain, j’ai envie de le changer en jaune moutarde.

    — Bon sang… 

    — Que dis-tu de ça ? Changeons toute l’ambiance. Changeons l’eau en bleu égée pour coller au thème de l’horreur.

    — C’est vraiment ton truc, hein ? L’horreur, mon cul !

    — Ça a l’air mystérieux. Juste mon style.

    — Je croyais que ton style était le rose pastel. Quand tu colorises des courts métrages, l’ambiance est toujours si douce que mes yeux se troublent.

    — Je n’ai pas fait ça à tous les projets. Je n’autorise le rose que dans les scènes romantiques et celles avec du porc gras.

    Jo pince les lèvres de façon irritante. Ne me répondant pas, il détourne les yeux vers l’écran de son téléphone et crie fort.

    — Gyo ! C’est l’heure.

    Lorsque la seule fille de la bande entend cela, elle se débat rapidement pour sortir de la piscine. Cette action accroît ma curiosité.

    — Pourquoi est-elle si pressée ?

    — Pour regarder la série, répond Jo avec un visage impassible.

    — Hein ? À trois heures ?

    — C’est une rediffusion.

    — Qui joue dedans ?

    — Son acteur préféré. 

    J’essaie de penser à cet homme.

    — Oh, je me souviens qu’elle a presque acheté tous les billets pour le film dans lequel il joue la semaine dernière.

    — Enfin, c’est une de ses fans. 

    — Elle s’est démenée. J’ai même été entraîné là-dedans.

    — J’ai entendu dire que tu l’avais aidée à préparer son cadeau. 

    Je soupire, je ne le nie pas.

    En tant que leader du fandom follement amoureuse, elle travaille et assiste aux événements. Elle n’a pas eu le temps de préparer un cadeau pour son amour puisque son emploi du temps était chargé, alors moi, une personne sans emploi, j’ai proposé de m’en occuper.

    — Allez, on aime qui nos amis aiment.

    — Je peux aimer ta copine, Jo ?

    — Espèce de merde ! N’embête pas tes seniors quand tu commenceras à travailler. J’ai peur que tu ne réussisses pas ta période d’essai. 

    Il râle comme un père. Est-il vraiment mon ami ?

    — Occupe-toi d’abord de toi-même.

    — Je suis fier d’être un agent de la circulation. Je n’ai pas à m’inquiéter de me faire virer.

    — ’kay.

    Jo a été trompé en pensant qu’il aurait un poste important sur le plateau, mais son travail principal s’est avéré être de garder la route. Cependant, au lieu de se sentir triste, il poste énergiquement des photos de sa tâche sur SNS pour frimer tous les jours.

    Nous avions tous les cinq nos propres rêves, mais ils n’ont pas duré longtemps car nous devions lutter pour nous nourrir, en saisissant toutes les opportunités qui se présentaient. J’étais le seul à être difficile. Souhaitant travailler pour le célèbre studio, je n’ai postulé à aucun autre emploi. D’ailleurs, le studio n’accepte les candidatures qu’une fois par an.

    Par conséquent, j’ai finalement obtenu un emploi à temps plein. Un an plus tard que mes amis, cependant.

    — Oh, merde… 

    La voix de mon ami me ramène à la réalité. Je sens alors des gouttes d’eau sur ma peau.

    — Il pleut tout à coup.

    En plein soleil. Sans aucun signe ni avertissement.

    — Rentrons à l’intérieur, sinon la pluie va s’abattre sur ton ordinateur portable adoré.

    Sans attendre que mon ami termine sa phrase, je me précipite immédiatement à l’intérieur. Les deux autres sortent maladroitement de la piscine, paniqués.

    Je ne comprends pas pourquoi ils sont pressés alors qu’ils sont déjà mouillés. Des flaques d’eau se forment maintenant sur les dalles du hall d’entrée.

    Je ne peux que secouer la tête et poser mon ordinateur portable sur la petite table, puis j’appelle tout le monde à boire ensemble avant le coucher du soleil.

    Nous avons apporté beaucoup d’alcool. Il n’y a aucune chance que nous ne soyons pas bourrés ce soir.

    Et nous sommes absolument bourrés, comme prévu. Nous commençons à être ivres en deux heures, parlant avec plaisir de nos souvenirs jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à raconter, alors que la pluie ne s’arrête pas. L’ivresse me conduit à avoir une idée stupide.

    Pas boire en discutant d’histoires drôles. Pas mélanger les cartes pour montrer nos compétences à tout le monde. C’est… 

    — Vous voulez jouer dans l’eau ? 

    — On l’a déjà fait en fin d’après-midi, interrompt Dou.

    — Je veux dire, dans la mer.

    — Il pleut, crétin. En plus, il est tard, ajoute Poppy.

    — Je propose ça parce qu’il pleut. Après avoir joué dans l’eau, on peut s’asseoir là et regarder le coucher de soleil. Profiter de l’ambiance, vous voyez ?

    Avant que notre jeunesse ne soit terminée. Avant que nous n’ayons plus le temps de nous amuser ensemble plus tard dans la vie. Puisqu’il y a encore une chance, je veux me déchaîner avec eux pour une fois.

    — T’es sûr ?

    — Oui.

    Ne laissant pas de place à l’hésitation, je cours dehors le premier. Mes deux pieds sentent le sable blanc après être sortis des dalles. Plus je cours vite, plus j’ai l’impression de voler. Quand tout est remplacé par la fraîcheur de l’eau de mer. Je me jette dans les vagues.

    En me retournant, je ris en voyant mes amis charger en avant comme ces zombies dans The Walking Dead.

    Quelques secondes après avoir contemplé ce spectacle, je flotte sur le dos, entouré par la nature, laissant les vagues me frapper à plusieurs reprises, mon corps emporté par le courant.

    Mes yeux sont rivés sur le ciel au-dessus de moi. Il affiche des gouttes de pluie qui tombent en continu. La couleur du ciel change progressivement en fonction des mouvements du soleil.

    … C’est ce qu’ils appellent l’heure dorée ?

    — Wooooo ! 

    Je hurle, balayant mes bras dans l’eau en prenant tout ce qui m’entoure.

    J’aime les couleurs.

    J’aime aussi la mer. J’aime ses couleurs. Que ce soit lorsque la lumière du soleil brille à la surface ou lorsque les teintes changent en fonction du temps.

    J’entends souvent les gens dire : “Rien ne vaut de voir les choses en vrai”. Voir le ciel, les étoiles et la mer de mes propres yeux est en effet aussi remarquable que revendiqué.

    Après avoir étudié pendant des années et regardé des tas de films, j’ai découvert une autre beauté. C’est la beauté de voir les choses à travers des filtres. L’eau de mer n’est plus du bleu familier que l’on connaît. Elle peut être de n’importe quelle couleur ou humeur, selon la façon dont on l’ajuste.

    — Ne va pas trop loin, crie mon ami par derrière.

    — Je sais !

    — Viens ici et jouons ensemble, m’appellent-ils à nouveau. 

    J’arrête de m’entêter pour aller plus loin,

    — Ok.

    Et donc, je me tourne vers la plage. Après avoir nagé un moment, mes jambes s’engourdissent soudainement.

    Je ne sais pas pourquoi cela se produit. Sous le choc, je rassemble mes forces et accélère mes mouvements, mais je ne peux pas avancer d’un pouce. Mon corps est lentement poussé sous la surface.

    Alors que je lutte pour nager dans cette mer immense, une petite partie de mon cerveau me dit d’appeler mon meilleur ami au loin, bien que je n’aie aucune idée s’il m’entendra.

    — Jo !!!

    En plus de mes jambes, mes deux bras commencent à s’engourdir. N’abandonnant pas, je fais de mon mieux pour refaire surface.

    — Jo, il… 

    Mon corps n’écoute pas, malheureusement. Je ne peux même pas demander de l’aide, ce qui réduit mes espoirs à zéro.

    Au secours, aidez-moi… 

    Je veux juste vivre, suivre mon rêve, et faire tant de choses que je n’ai pas faites, mais… 

    Dans ma vision floue, je vois Jo qui nage vers moi. Il va me sauver dans quelques instants.

    Mais je ne sais pas pourquoi j’ai l’impression que ce sera trop tard… 

     

    GASP !

    La sensation de manquer d’air reste gravée dans mon cerveau.

    Bien qu’ils soient grands ouverts, mes yeux mettent du temps à s’adapter à la lumière. Mes autres sens se remettent à fonctionner. Même si j’ai à peine la force de bouger mon corps, mon nez capte l’odeur que je méprise.

    L’odeur des hôpitaux.

    La clarté de la vue qui s’offre à moi s’estompe lentement. La première chose que je vois est trois personnes qui me fixent.

    L’une d’entre elles est un vieil homme. L’autre est une femme habillée de façon fantaisiste. Le dernier est un homme portant une chemise sombre impeccable. Nous nous fixons mutuellement. Quand je cligne des yeux, il le fait aussi. Cela continue pendant un certain temps jusqu’à ce que la voix de quelqu’un parvienne à mes oreilles.

    — Tes amis ont dit que ton état était grave.

    Clignant des yeux, j’aimerais pouvoir répondre mais mon corps ne répond pas. Je ne peux que me forcer à parler avec ma voix rauque et incompréhensible.

    — Je… 

    — Combien de fois as-tu l’intention de causer des problèmes ? J’en ai marre de m’occuper de tout à ta place.

    Attends, qu’est-ce qui se passe ?

    Je me suis réveillé dans un hôpital pour une raison quelconque avec un étranger qui me harcèle sans avoir apparemment l’intention d’arrêter.

    — Tu as renversé quelqu’un avec ta voiture la dernière fois. Maintenant tu t’es battu physiquement avec d’autres personnes. Tu es un tel… 

    Il commence à élever la voix, alors je l’interromps du mieux que je peux avec ma voix tremblante.

    — Vous… 

    — … 

    — Qui êtes-vous ? 

    Les yeux de l’homme sortent presque de leur orbite.

    — Qu’est-ce que tu viens de dire, sale gosse ?! Après avoir causé des problèmes, tu as le culot de prétendre être amnésique ? 

    Whoa, c’est quoi cette absurdité ! Il a dû entrer dans la mauvaise pièce.

    — Je ne prétends pas… Qui êtes-vous tous ? Et où sont mes amis ?

    Je me souviens que je nageais dans la mer, puis mon corps s’est engourdi. J’ai lutté pour rester à flot et j’ai crié à l’aide pendant un moment, pensant que c’était probablement mon dernier moment. Je ne m’attendais pas à me réveiller entouré d’aucun de mes amis ni de ma famille. Il n’y a que des inconnus qui me grondent, en me secouant.

    — Comment tu peux me demander qui je suis ? T… Tu oses couper les liens avec ton père ?

    — Je ne suis pas votre fils.

    — Hein ?!

    — Je ne suis pas votre fils.

    Je le répète, haut et fort, mais mes mots semblent ajouter de l’huile sur le feu.

    — Espèce de sale gosse. Bâtard ingrat, mordant la main qui te nourrit. 

    Quel combo… 

    J’aimerais pouvoir lui dire que mon père est Piak, et qu’il est probablement en train de siroter son café à la maison. Je ne trouve pas le bon moment pour le dire car la main de l’homme vole vers moi. Elle aurait frappé ma tête si la femme à ses côtés ne l’avait pas arrêté.

    — Ne frappe pas notre fils.

    — Regarde-le. Regarde ce qu’il m’a dit.

    — Il est encore blessé.

    Malgré ça, le père n’y fait pas attention. Il retire son bras de sa prise et… me frappe.

    Ça fait mal, putain !

    — Je vais faire couler le sang de ta tête aujourd’hui.

    — Chéri, s’il te plaît, ne frappe pas notre fils.

    La femme essaie d’arrêter l’homme alors qu’il est déterminé à me frapper. Mais qu’est-ce qui se passe ?

    Le premier coup touche mon bras. Je ne sais pas où il me frappe la deuxième et la troisième fois car je suis occupé à esquiver. La douleur n’est pas si forte, mais j’ai peur de tomber raide mort ici. J’essaie de survivre en roulant hors du lit.

    BAM !

    Ouuuuuuch !

    Mon corps est faible et mes os me font mal. Sans parler de ces bleus. Je suis tout meurtri.

    — Putain de sale gosse ! Huff, huffffff.

    Je me tourne vers l’homme pour assister à la scène la plus pathétique. Il met ses mains sur sa poitrine, les yeux exorbités, avant de s’effondrer et de haleter. La seule femme de la pièce se jette sur lui pour soutenir son corps et gémit si fort que mes oreilles en saignent presque.

    — Chéri… 

    C’est évident qu’ils jouent la comédie. L’homme fait semblant de s’évanouir alors que la femme est prétentieusement dramatique. Quel spectacle rare.

    Donnez-leur un foutu Oscar.

    Ignorant leurs faux culs, je me précipite dans la salle de bain et verrouille la porte.

    Mes amis m’ont-ils amené sur le plateau de tournage par hasard ? Une caméra cachée ! Il doit y avoir une caméra cachée quelque part.

    Sur cette pensée, je rassemble toute la force qu’il me reste pour me lever avec beaucoup de difficulté afin, tout d’abord, d’explorer la salle de bain.

    DUN !

    Si c’était un film, il y aurait un effet sonore d’horreur et un esprit maléfique qui sauterait pour me faire peur : Mais il n’y a pas de fantôme, seulement la vue de quelqu’un dans le miroir. Peu importe combien de fois je me frotte les yeux, c’est toujours la même chose.

    J’essaie de toucher mon visage et d’incliner ma tête à gauche et à droite, et mon cœur s’effondre.

    Putain !

    Le visage, les cheveux et le corps ne sont pas les miens.

    Dans quel corps suis-je ?

    De plus, ce corps a tellement d’ecchymoses violettes et vertes que j’arrive à peine à distinguer le teint de la peau.

    Pensant que cela pourrait être un long rêve, je me gifle le visage une fois. L’engourdissement se répand sur ma joue, faisant couler mes larmes.

    Je ne sais pas si je pleure à cause de la douleur ou parce que je suis confronté à l’événement le plus malheureux de ma vie. Tout ce que je sais, c’est que je dois faire face à cette confusion d’une manière ou d’une autre.

    Toc, toc, toc… 

    Quelqu’un frappe à la porte de la salle de bain depuis l’extérieur. J’essuie mes larmes avec ma manche avant d’ouvrir la porte pour leur faire face.

    — Qui je suis ?

    Les trois personnes ont l’air perplexe, mais l’homme en chemise sombre est le premier à se ressaisir.

    — Arrête de plaisanter, Tess. Personne ne rit.

    Attendez, qui est Tess ?

    — Je ne rigole pas non plus. Je ne suis pas la personne dont vous parlez. JE… JE… 

    — Tess… Oh, mon fils, gémit la femme en se précipitant pour me prendre dans ses bras. 

    Ce n’est pas un câlin, plutôt une clé de bras.

    — Madame, je pense qu’il y a un malentendu.

    — Je comprends, mon chéri, mais ça ne marche pas. 

    En plus de ne pas m’écouter, elle murmure quelque chose de bizarre, 

    — Sois émotif. Fais en sorte qu’il se sente désolé pour toi et tout ira bien.

    — Hein ?

    — Mon fils, pauvre de toi.

    — Mais je… 

    — Ça doit faire tellement mal. Je pense que le docteur devrait t’examiner encore une fois. Chéri… tu ne vois pas qu’il est blessé ? Il a réfléchi à son comportement. 

    Wow. Elle dramatise encore sans attendre ma réponse.

    Le corps délicat s’éloigne enfin. La femme me regarde fixement comme pour me faire signe. Même si je m’oppose à l’idée, je me sens sous pression et je me force à le faire.

    — Waaaaaah.

    Merde, je dois faire semblant de pleurer à l’improviste pour que l’autre personne puisse jouer le jeu de la même émotion.

    — Pourquoi tu dois te forcer, Tess ?

    — Waaaaaah.

    Au milieu des plus faux pleurs de l’hôpital, je ne peux que lever les yeux au ciel, submergé par toutes sortes de sentiments… 

    La première phrase qui surgit dans ma tête est… 

    Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça !!!!


    Notes
    (1) Le coloriste s’occupe de l’étalonnage et de la correction des couleurs dans les films, les dramas, les séries ou les publicités.


  • Commentaires

    4
    Vendredi 17 Mars 2023 à 17:10

    Coucou Johanne, 

    Merci pour ce 1er chapitre. Si mes souvenirs sont bons, le 1er épisode de la série était assez similaire. Hâte de découvrir les points communs ou les changements entre les deux projets. 

    Encore merci pour votre travail. 

     

    3
    Vendredi 17 Mars 2023 à 11:45

     Je n’ai pas vu la série donc je vais commencer par le roman et peut-être que je regarderai la série par la suite…..

    Ce premier chapitre est intriguant.

    Ils sont tranquillement entrain de jouer dans l’eau et il se retrouve dans un corps qui n’est pas le sien j’ai hâte de découvrir la suite…

    2
    Mercredi 15 Mars 2023 à 20:19

    Merci pour ce nouveau roman !

    Hâte de le lire et de voir s'il est fidèle à la série, ou s'il est plus croustillant XD

     

    1
    Mercredi 15 Mars 2023 à 19:20

    merci pour ce premier chapitre  j ai bien aimé la série

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