• Chapitre 1

    Chapitre 1

    Mon visage me lance horriblement, j'ai l'impression que mon cœur a migré sur le côté gauche de ma face, car il y pulse fort, très fort. La nuit est tombée depuis longtemps et heureusement sinon je ferais fuir tout le monde. Je tangue un moment, un peu sonné, c'est presque drôle mais j'ai vraiment l'impression d'entendre des cloches à chaque fois que je tourne la tête. Je renifle, grossière erreur, la douleur irradie mon crâne et je me retrouve appuyé contre le mur pour essayer de reprendre contenance.

    Je ne sais pas vraiment où je vais, je ne peux pas rentrer chez moi pour le moment. Mon père serait bien trop content de me voir revenir. Je me suis sauvé alors qu’il n’avait pas fini sa petite explication sur comment son fils devait être. Du coup, il serait vraiment très très heureux de pouvoir reprendre où on en était, seulement moi, je ne suis pas sûr d’y survivre.

    Je me redresse en grognant, quittant l’appui du mur et je reste quelques secondes immobile pour être sûr que je peux tenir debout, que je ne vais pas soudain m'effondrer au milieu du trottoir. Je reprends ma route à pas d’escargot, je vais aller à la bibliothèque de l’université, je ne suis plus très loin, mes pas m’ont inconsciemment mené sur le campus. Elle est fermée à cette heure-ci, mais j’ai découvert comment entrer et...

    J'ai le souffle coupé quand je reçois un coup d'épaule contre mon torse. Déséquilibré, je tombe lourdement sur le sol. J’ai juste le réflexe de protéger mon visage, c’est ridicule, ce n’est pas comme s’il craignait encore quelque chose. Maintenant, je me retrouve avec les mains et les genoux égratignés et douloureux. Je ne trouve pas le courage de me relever, je reste prostré sur le bitume encore chaud du soleil qui a tapé toute la journée dessus. 

    — Tu peux pas faire attention, abruti.

    Des insultes, des rires moqueurs et les pas s'éloignent sans même qu'une des personnes présentes ne cherche à savoir si je vais bien ou pas. Cependant, je ne le prends même pas à cœur, j’ai fini par avoir l’habitude, ils me prennent souvent pour un ivrogne et préfèrent passer leur chemin plutôt que de s’embêter avec ça. Avec des gestes lents, j'arrive à m'asseoir, mais je reste ainsi, au milieu du trottoir, les genoux pliés, les bras posés dessus et la tête baissée. Je suis épuisé et je voudrais juste que... 

    — Hey ! Tu vas bien ?

    Je ne réagis pas vraiment au début, ce doit juste être quelqu’un qui parle à un de ses amis. On ne me parle jamais, on ne s’inquiète pas pour moi, malgré toutes les traces de blessures que je peux porter. Même en cours, les gens préfèrent ignorer les bleus, c’est plus facile que de se mêler d’une histoire sordide ou d’avoir des problèmes. Je sursaute violemment quand une main se pose sur mon épaule et je grogne de douleur avant de lever les yeux vers un jeune homme qui s’est accroupi juste à côté de moi. Je ne parle pas, je le laisse découvrir mon visage et ses multiples blessures. 

    — Bordel de merde !

    J'ai un petit sourire en coin douloureux et un rire désabusé, tout le monde réagit comme ça, la stupeur. Ils ont du mal à croire ce qu’ils voient, ensuite ils commencent à parler, à me donner des conseils à deux balles sur comment je devrais gérer ma vie pour éviter que ce genre de choses ne recommence. Enfin, une fois qu’ils ont la conscience tranquille, vient finalement le désintérêt.

    L’homme en face de moi ne devrait pas être différent des autres, pourtant, il reste silencieux, m’observant attentivement et puis il me surprend. Sa main effleure en douceur la peau de mon visage, je devine qu’il redessine mes blessures. Ses yeux débordent d’inquiétude et je ne comprends pas pourquoi il semble touché à ce point par mon état, je n’ai même pas envie de repousser sa main, sa présence est rassurante.

    — Viens, il faut te soigner.

    — Pas à l’hôpital… 

    C’est la seule chose que j’arrive à dire, je ne peux pas y aller, si mon père reçoit une facture pour les soins de sa tapette de fils, je risque de souffrir bien plus que ce soir. Il soupire, je vois bien que ma réponse ne le satisfait pas, mais il ne dit rien et ne me laisse pas le choix. Il passe une main sous mon bras et tire pour me relever. Je grimace à cause de la douleur, mais je me laisse faire, je me demande jusqu'où ce mec va aller pour m'aider. Je suis curieux, alors quand il se met à avancer, sans me lâcher le bras, je le suis, toujours silencieux.

    Je suis étonné qu’il se montre si patient, il doit pourtant avoir une vie, quelque chose de plus palpitant à faire que me traîner à un pas lent à travers les rues du campus. Il ne cherche pas à me faire accélérer, il ne souffle pas d’impatience et surtout il ne me lâche pas le bras, comme s’il avait peur que je m'effondre à tout instant. Finalement, il finit par m’aider à m'asseoir sur un banc et je me dis que ça y est, il en a marre de jouer les bons samaritains et va me laisser finir la nuit ici. Une fois de plus je me trompe lourdement. 

    — Ne bouge pas d’ici, je vais à la pharmacie.

    Je prends le temps de regarder autour de moi et je me rends compte que l’on est dans une zone où se trouve une pharmacie et un 7-eleven. Il m’a écouté et n’a pas cherché à m’emmener à la clinique, mais a gardé l’idée de me soigner. Cependant, je soupire quand il fait demi-tour et je le rattrape de justesse pour le faire revenir vers moi. Il me regarde dans les yeux, curieux.  

    — Je n'ai pas de quoi payer.

    Parler me fait grimacer de douleur, je sens la plaie sur ma lèvre tirer et c’est désagréable, mais je ne veux pas qu’il paie pour moi en pensant que je vais le rembourser. J’ai assez d'emmerdes comme ça avec mon père et mon frère pour rajouter une dette en plus. Ce n’est pas la première fois que je suis dans cet état et que je ne me soigne pas, ça finira bien par passer. Il me sourit doucement, pose sa main sur la mienne et la presse amicalement, il ne cherche pas du tout à me faire du mal, au contraire, il me fait lâcher sa main avec des gestes lents. 

    — Ne t'inquiète pas pour l'argent.

    Je soupire en laissant retomber ma main sur ma cuisse et je le regarde partir vers la pharmacie. Je ne suis pas en état d'argumenter quoi que ce soit alors autant le laisser faire ce qu’il veut. Je suis groggy et fatigué, je m’affale contre le dossier du banc en fermant les yeux. Je somnole tout le temps où mon inconnu est dans la boutique et je me serais sûrement endormi pour de bon, si quelqu'un ne s'était pas soudain laissé tomber près de moi.

    — Tu es sûr que tu ne préfères pas aller à l'hôpital ?

    Il me regarde, inquiet, les sourcils froncés alors que j’ouvre péniblement les yeux. Il soupire très fort pour bien me faire comprendre ce qu’il pense de ma décision quand je lui confirme que je ne veux pas y aller. Il pose un sac entre nous et je me pose la question alors qu’il fouille dedans, quand c’était la dernière fois que quelqu’un a pris soin de moi comme ça ?

    Ma mère voudrait le faire, je sais qu’elle n’aime pas ce qui se passe à la maison et je le vois dans son regard, dans les gestes qu’elle fait vers moi avant de se reprendre quand, d’un regard, mon père la paralyse et qu’elle me lance un regard d’excuse avant de disparaître pour ne pas voir. Je ne lui en veux même pas, je ne peux pas imaginer ce que mon père ferait si ma mère s’opposait à lui. Dans le fond, je préfère moi plutôt qu’elle.

    Je sors de mes pensées quand il applique un coton humide sur ma lèvre, je grogne un peu quand une sensation de brûlure irradie la plaie. Un instant, je me demande s’il cherche vraiment à m’aider ou s’il veut juste me blesser davantage. Il est penché vers moi, il observe attentivement chaque blessure de mon visage, alors je prends le temps de l’observer à mon tour. Il n’est pas vilain, il n’est pas ce que les gens appelleraient un canon de beauté, mais il a un truc en plus qui fait que je le trouve plutôt beau. Il a l’air plutôt gentil puisqu’il m’aide sans hésiter depuis tout à l’heure et puis, le plus important, il ne pose aucune question. 

    Cependant, je me sens redevable envers lui et je déteste ça. Je sais que je ne pourrai jamais lui rembourser ce qu’il est en train de faire pour moi et ce n’est pas juste à propos d’argent pour les médicaments. Il m’a regardé, il a vu ma détresse et il s’occupe de moi. Je grimace quand il applique de la crème sous mon œil et il me fait un petit sourire d'excuse qui fait chavirer mon cœur. D'accord, il est vraiment très mignon quand il sourit. Il met un pansement sur ma joue, puis s'éloigne lentement alors que je me répete inlassablement de ne pas jouer au con en craquant pour un hétéro. 

    — Tu as d'autres blessures ?

    Je secoue la tête rapidement, mon visage me lance encore douloureusement, mais je me sens aussi apaisé. J’ai bien mes mains et mes genoux égratignés et je dois avoir de nombreux bleus sur le torse et le dos, mais je ne veux pas lui dire, il en a assez fait pour moi. Je peux supporter la douleur et ça ira mieux dans quelques jours.  

    — Tu as quelque part où dormir ? 

    Ce mec n'est vraiment pas croyable, il vient de me soigner sans poser la moindre question et maintenant il s'inquiète de savoir si j'ai un toit qui m’attend alors qu'il ne connaît même pas mon prénom.

    —  Oui, ne t'inquiète pas, merci de ton aide.

    C’est tout ce que je peux faire pour le moment, le remercier d’avoir pris soin de moi alors que tous les autres me tournaient le dos. Je me lève lentement, mon corps est douloureux, mais m’être reposé sur ce banc m’a fait me sentir mieux. Je me retourne vers lui et l’observe en silence un instant avant de lui faire un Waii léger. 

    — Je te rembourserai dès que je le pourrai. 

    Sur ces derniers mots, je me dépêche de partir. Je fuis pour être exact, car même quand je l’entends m’interpeller, je ne me retourne pas et pars en direction de la bibliothèque comme j’avais prévu de le faire dès le départ. Si je n’étais pas parti, j’aurais fini par en vouloir plus, apprendre à le connaitre, rester près de lui, devenir son ami et… craquer pour lui. Je ne peux pas rajouter un hétéro à mes problèmes et je ne veux surtout pas le mêler de près ou de loin à mon père.



  • Commentaires

    1
    Dimanche 24 Octobre 2021 à 19:13

    On peut déjà croire que c'est très compliqué pour lui et d'après ce premier chapitre je me demande si son père la frappe car il est gay.....

    Je ne saurai que faire à sa place car il n'a pas fini ses études et du coup il est obligé de rester avec ses "parents".......

    La personne qui l'a aidé a bien réagi en le soignant et j'espère secrètement qu'il l'a suivi vers la bibliothèque mais je ne suis pas sûre....

    En tout cas le ton est donné dès ce premier chapitre et j'ai hâte de découvrir la suite et surtout de voir comment il va s'en sortir......

    Maintenant je vais passer directement au chapitre 2

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