• Bonus 5 : Life (Ohm & Fluke)

    Bonus 5

    J’entends un petit rire aigu s’approcher de moi et je dois faire preuve de concentration pour rester impassible et ne pas bouger. Les yeux fermés, allongé sur le côté, je reste le plus immobile possible alors que je sens le matelas s’affaisser juste à côté de moi. Je l’entends pouffer et je sais ce qui est en train de se passer. Je prends alors une profonde inspiration avant d’ouvrir brusquement les yeux en attrapant le petit corps 

    — Bouh !!

    Siriwan pousse un petit cri alors que j’entraine la fillette entre mes bras et qu’elle éclate de rire. 

    — Papa !

    Comme à chaque fois, je sens mon cœur qui bondit dans ma poitrine et je ne peux pas m’empêcher de déposer un baiser bruyant sur sa joue rebondie. 

    — Mamie dit qu’il est l’heure de te lever. 

    Seulement, ma fille s’installe un peu plus confortablement contre moi et m’offre un câlin qui rend lumineuse cette journée qui s’annonce parfaite. J’ai encore du mal à croire tout ce que la vie nous apporte depuis cinq ans, tellement de joie, de bonheurs simples et de moments parfaits. Tout n’a pas été facile, il y a eu des disputes, des moments de doute et pourtant, je n’ai plus jamais eu peur. Je ne me suis jamais retrouvé seul, j’ai toujours été entouré et aujourd’hui, notre vie va prendre un magnifique tournant. Le petit asticot de six ans à côté de moi est resté immobile bien trop longtemps et elle me ramène à la réalité et je tourne la tête vers l’autre côté du lit qui est déjà vide.

    — Ma puce, où est Pap ? 

    Je n’aime pas me réveiller sans lui à côté de moi, en particulier un jour comme celui-ci. Très sérieusement, Siriwan s’assoit sur le matelas à côté de moi.

    — Tonton Boun et Tonton Prem sont venus le chercher tout à l’heure et Pap n’a pas voulu te réveiller. Il a même failli assommer Tonton Joong parce qu’il voulait te faire une blague, mais mamie a fait les gros yeux et ils sont tous partis sans rien dire.

     Cette fois, je ne peux pas me retenir de rire quand elle m'explique avec sa petite voix ce qui s’est passé pendant que je dormais.

    — Fluke, tu es réveillé… 

    Chermarn rentre dans la chambre que l’on a longtemps partagé avec Ohm avant de trouver un appartement il y a quelques années maintenant. Habituellement, c’est Siriwan qui dort ici, mais cette nuit, c’était exceptionnel on voulait tous se retrouver sous le même toit comme avant. 

    — Dépêche toi de te lever et de te préparer, tu ne voudrais pas être en retard quand même.

    Je lui souris et sens soudain l’excitation prendre place dans mon estomac. 

    — Je vais me doucher, tu peux l’aider à s’habiller ? 

    Chermarn s’avance dans la chambre et prend la main de ma fille. Elle est heureuse de sa famille, même si elle est complètement atypique, elle est entourée de ses enfants qu’ils soient liés à elle par le sang ou non et de ses petits enfants. Elle les gâte et s’occupe d’eux sans jamais faire la moindre distinction.

    — Allez on va rejoindre les autres, il est temps de vous préparer. A tout de suite Fluke, Ohm te retrouvera sur place. 

    Je hoche la tête, alors qu’elle entraîne la petite vers la porte et un peu plus loin dans la maison, j’entends la voix de ma mère et des autres enfants de la famille. C’est étrange, jamais il y a cinq ans je n’aurais imaginé faire partie d’une famille aussi unie et pourtant, aujourd’hui je m’y sens merveilleusement bien. 

    Je quitte rapidement le lit pour rejoindre la petite salle de bain, je me déshabille sans prêter attention aux cicatrices sur mon corps. Avec le temps, j’ai fini par les accepter et ne plus y faire attention. Le plus difficile est de trouver les mots quand les enfants me posent des questions. L’eau coule rapidement sur moi et je me souviens de ma première rencontre avec Siriwan.

    Je travaille au service psychologique de l'hôpital. L’année dernière, j’étais encore en formation, j’apprenais toujours alors quand mon supérieur m’avait parlé d’une mission dans l’orphelinat d’un village reculé, j’avais sauté sur l’occasion. 

    L’orphelinat n’était pas très riche, mais un accident venait d’avoir lieu et de nombreux enfants se retrouvaient soudain orphelins. J’étais chargé de leur parler afin d’évaluer leurs besoins. C’est parmi eux qu’elle se trouvait, totalement recroquevillée sur elle-même, refusant de dire un mot et je me suis vu à travers elle. 

    Je me suis tout de suite senti proche d’elle, je voulais qu’elle soit en sécurité et que je puisse l’aider à sourire à nouveau. J’y étais retourné avec Ohm et lui aussi était devenu complètement gaga de la fillette. Plusieurs semaines s'étaient écoulées avant que l’on puisse la ramener à la maison et qu’elle devienne officiellement notre fille.

    Je sors rapidement de la salle de bain, je suis habillé dans mon costume de cérémonie et j’ai le cœur qui bat la chamade car maintenant, chaque pas me rapproche de lui et du moment où on sera définitivement liés l’un à l’autre. 

    — Bonjour maman. 

    Je dépose un baiser sur la joue de ma mère, la présence des enfants l’a transformée, grâce à eux, elle s’est apaisée. Elle sourit plus souvent et ne fait presque plus de crise, comme Chermarn, elle est devenue leur mamie. C’est un joyeux chahut autour de la table où les trois enfants patientent difficilement, mais heureusement Wanchana les tient occuper. 

    — Bonjour mon oncle.

    Il rentre dans la cuisine, faisant rouler son fauteuil suivi de Chermarn qui tient le deuxième enfant de Joss et Namtan. Il est né il y a quelques semaines, pour le plus grand bonheur de sa grande sœur et ses parents.

    — Tout le monde est déjà là-bas ? 

    Je n’entends pas d’autres bruits dans la maison et les savoir tous réunis en train de nous attendre me donne un coup d'électricité dans la colonne vertébrale.

    — Oui mon chéri, il ne manque plus que nous, mais Ohm voulait absolument que tu te reposes. 

    J’ai un petit sourire en coin à la réponse de ma mère. Ohm est l’homme le plus adorable du monde, il sait que je m’épuise entre le travail, notre fille et la préparation de cet évènement.

    — Allons-y, j’ai hâte d’y être.

    J’essaie de ne pas le montrer, mais je suis vraiment impatient, j’ai hâte de le rejoindre, mais le sourire qui ne quitte pas mes lèvres doit forcément me trahir. Il faut un peu de temps pour que tout le monde soit en voiture, mais très vite, on roule vers l’endroit où on va s’unir. C’est un endroit familier, un endroit où tout le monde se sent bien, le lac.

    On se gare au même endroit où Ohm s’était garé des années plus tôt, c’est là que nous nous étions embrassés pour la première fois et j’ai à peine coupé le moteur que ma portière s’ouvre sur son regard sombre.

    —  Pap, tu es là !

    Notre fille qui n’a pas arrêté de parler pendant tout le trajet accueille son deuxième père avec un sourire franc. 

    — Ça va ma puce ?

    Elle hoche la tête avant de se détacher rapidement.

    — Je peux aller rejoindre les autres ? Je peux aller aider ? 

    J’éclate de rire, heureux de la voir si impliquée et si heureuse de faire partie de notre famille. Elle ouvre la portière et descend de la voiture après qu’on lui en ai donné l’autorisation. 

    — Fais attention à ne pas tomber sur le chemin et reste bien avec tout le monde. Ne t’approche pas trop de l’eau non plus et…

    Ohm ne semble plus s’arrêter dans ses recommandations alors que Siriwan court déjà sur le chemin pour rejoindre les autres membres de notre famille qui se dirigent vers la petite plage.

    — Papa poule.

    Je me moque gentiment de lui et j’aime voir ses pommettes rosirent quand il reporte son attention sur moi. Je sors lentement de la voiture avant de le regarder de haut en bas, il est vraiment magnifique. 

    — Bonjour Phi.

    — Bonjour mon coeur. 

    Je me retrouve rapidement dans ses bras et soupire en m’y sentant comme toujours à ma place. Je ne vis plus dans la peur et l’angoisse, mais chaque fois qu’il me serre contre lui, je me sens rassuré et en sécurité. 

    — Pour le moment on doit attendre ici, ils sont en train de finir les préparatifs et ils veulent nous faire la surprise.

    — Après le fiasco de ma demande en mariage, je ne sais pas si je dois être rassuré ou pas. 

    J’éclate de rire en repensant à ce jour-là et à comment ce qui devait être une belle journée et un beau souvenir, grâce à Joong et Nine, s’est terminée aux urgences de l'hôpital. Quand j’avais réfléchi à comment lui demander de m’épouser, le faire au milieu des malades et des infirmiers n’étaient pas forcément une option.

    — Prem veille au grain et Boun l’aide, il est vraiment décidé à ce que rien ne puisse gâcher notre journée.

    Cette idée me rassure. Je crois qu’au final, mon meilleur ami était bien plus en colère que moi ce jour-là. Tout va bien se passer, la journée va être parfaite pour tout le monde. 

    — Tu n’es pas nerveux ? 

    On s’appuie contre la voiture, observant la nature autour de nous, nos mains se rejoignent instinctivement et nos doigts s’entrelacent sans attendre. Au fond, je suis quand même un peu inquiet. On est ensemble depuis cinq ans, on s’aime je n’en doute pas, mais j’ai toujours l’impression qu’il mériterait mieux que moi. Je ne suis plus à la traîne comme quand on s’est rencontré, je vis ma vie comme tout le monde mais…

    — Moi je vais bien, mais c’est à toi que je devrais poser la question. 

    Il baisse la tête vers moi et c’est un regard compatissant et en même temps inquiet qu’il me lance. 

    — Tu as fait un cauchemar cette nuit ? 

    Je soupire, j’espérais qu’il ne remarquerait pas mon agitation, mais j’ai parfois tendance à oublier que, quand ça me concerne, rien ne lui échappe.

    — Ce n’était pas à propos de… lui.

    Je vais bien, pourtant, il y a certaines choses que je n’arrive pas encore à faire. Comme prononcer son nom par exemple, je ne l’ai pas fait depuis cinq ans et je ne le ferai pas jusqu’à la fin de ma vie. Je n’ai plus peur de lui, mais utiliser son nom, c’est lui donner de l’importance et je ne veux plus qu’il soit important dans ma vie. 

    — Ce n’était pas réellement un cauchemar non plus… c’est juste que j’aurais aimé qu’ils soient là et leur absence est parfois difficile à supporter. 

    Je m’étais promis de ne pas pleurer aujourd’hui, enfin pas à cause du passé du moins, alors quand je sens mes yeux me piquer, je cligne rapidement et à plusieurs reprises des paupières pour chasser l’émotion qui me saisit. Ohm ne répond rien, il n’y a rien à dire, je suis toujours heureux qu’il ne me sorte pas les phrases bateau comme, ne t’inquiète pas, ils sont là au fond de ton cœur. Je trouve ces mots totalement ridicules et il le sait. A la place, il passe son bras autour de mes épaules et me rapproche de lui pour me réconforter grâce à sa présence.

    — Ils ne sont plus là, mais on vit pleinement chaque jour de notre vie pour eux. Pour tes frères et sœurs, pour nos pères et même s’ils nous manquent terriblement on s’est promis de ne plus être triste. 

    Ces mots me touchent comme toujours, je me laisse attirer dans son étreinte en prenant une grande inspiration tremblante.

    — Merci Phi. Je t’aime.

    Je penche ma tête en arrière et il n’hésite pas à m’embrasser. Ses lèvres glissent avec lenteur sur les miennes. Il est doux, léger et on ne cherche pas à l’approfondir, on savoure juste la présence de l’autre à travers ce baiser.

    — Je t’aime aussi mon coeur. 

    Il frotte son nez contre le mien et soudain on se retrouve enfermés dans notre bulle. Le temps passe autour de nous, mais on se câline, on s’embrasse et je suis sûr qu’une bombe pourrait exploser à deux pas de nous, on ne le remarquerait même pas.

    — Hum ! Hum !

    Il me faut un moment pour que le toussotement juste derrière nous ne me parvienne aux oreilles et plus encore pour comprendre que l’on cherche à attirer notre attention. Je relève les yeux en rougissant et mon premier instinct est de me cacher contre le torse de Ohm. 

    — Désolé de vous interrompre, mais vous êtes un peu les stars de la journée et il va être temps pour vous de rentrer en scène.

    La voix douce de Namtan nous rappelle pourquoi on patiente ici et je me redresse avec un petit sourire timide. 

    — C’est pour maintenant ?

    Mon cœur s’emballe et j’ai l’impression d’être soudain dans un manège à sensation. Bientôt, on sera mariés et cette idée me donne le tourni, moi qui pensais vieillir seul, sans famille, sans ami et sans amour… me voilà père de famille et bientôt marié. 

    Mon sourire s’agrandit quand la main amicale de Joss se pose sur mon épaule. 

    — Tout va bien se passer, ne t’inquiète pas.

    Il me fait un petit clin d'œil et je prends une grande inspiration. Dire qu’il m’avait intimidé lors de notre première rencontre, les choses ont bien changé depuis. 

    — Rejoignez-nous dans cinq minutes, d’accord ?

    Ohm hoche la tête, il accepte l’étreinte de Namtan et le couple repart sur le chemin de terre.

    — Alors tu es sur de toi, tu ne regrettes rien.

    Un instant, Ohm semble inquiet, il m'apparaît alors dans toute sa vulnérabilité et je sens mon amour pour lui décupler si c’est possible. 

    — Comment veux-tu que je puisse regretter quoi que ce soit. Tu as sauvé ma vie, tu l'as rendue merveilleuse et j’ai hâte de la continuer avec toi.

    Il m’embrasse brusquement et avec ferveur avant qu’il ne pose son front contre le mien.

    — Alors allons vite les rejoindre et commencer cette nouvelle vie. 

    Il m’embrasse le bout du nez avant de saisir mes doigts et de m'entraîner sur le petit chemin qui mène à la petite plage. On est silencieux en chemin, profitant juste de la présence de l’autre avant que l’on soit envahi par l’ambiance bruyante de notre famille. 

    D’ailleurs, il ne faut pas longtemps pour que l’on entende leurs voix, leurs rires et les cris de joie des enfants. Pourtant, rien n’aurait pu nous préparer à comment ils ont transformé l’endroit. C’est magnifique. Ils ont monté une arche et le chemin qui y mène est délimité par des galets. Ce n’est pas un mariage officiel, la Thaïlande ne les reconnaît toujours pas, alors c’est Wanchana qui va présider la cérémonie.

    Des dizaines de bouquets de fleurs aux multiples couleurs embaument l’air et dès que l’on apparaît, ils se réunissent tous alors qu’une musique douce résonne grâce au transistor de mon père. C’est un standard rock américain, on est loin de la musique classique d’un mariage, mais d’une certaine manière, c’est comme si ceux qui ne sont plus parmi nous, nous accompagnaient quand même pour un instant. 

    On remonte lentement le chemin, sous le regard bienveillant de nos familles jusqu’à ce qu’un petit bolide nous fonce dessus. 

    — Papa ! Pap !

    Elle enroule ses petits bras autour de nos jambes et pousse un petit cri de joie quand Ohm la soulève pour la prendre dans ses bras. Elle est grande maintenant, pourtant, elle s’accroche à lui avec joie alors que l’on reprend le chemin, jusqu’à se présenter devant celui qui m’a sauvé la vie, qui m’a maintenu en vie pendant toutes mes jeunes années.

    — Allez, serrez-vous un peu plus, vous n’êtes pas tous dans le cadre. 

    Nine est en train de régler l'appareil photo, s’assurant que l’on est tous bien placés, avant de lancer le déclenchement automatique. Je suis marié à Ohm, je suis avec ma famille et je ne me suis jamais senti aussi fort qu’aujourd’hui. 

    — Très bien, on a encore dix secondes, essayez de ne pas bouger. Il va en prendre plusieurs.

    Nine presse le pas pour nous rejoindre, aussitôt Joong le prend dans ses bras et on se fige, fixant l’appareil avec un grand sourire. Une nouvelle photo de famille à accrocher aux murs et je ne me lasse pas d’en avoir de nouvelles. Le flash se déclenche, une première fois, je suis sûr qu’elle est réussie et pourtant on ne bouge pas pour la deuxième et ensuite… ça devient le chaos. Soudain, Joong m’attrape par la taille et me soulève. 

    — J’ai toujours voulu te jeter à l’eau et quoi de mieux qu’aujourd’hui pour réaliser ce rêve, mon beau-frère. 

    Il se met soudain à courir sous les cris et les vivas de notre entourage et bientôt je me retrouve projeté dans l’air avant d'atterrir dans l’eau fraîche. Je me redresse en toussant quand je me fais éclabousser par un projectile qui a atterri non loin de moi. 

    — Je t’avais prévenu Joong qu’il y aurait des représailles…

    La voix de mon meilleur ami s’élève, boudeuse, alors que Nine sort soudain de sous l’eau en reprenant sa respiration et avec l’air tout aussi perdu que moi.

    — Tu as sérieusement demandé à Joss de lancer mon petit ami dans l’eau…

    J’éclate de rire et bientôt Joong vole aussi à travers les airs, mon mari se vengeant une fois de plus de la bêtise de son jeune frère. Il n’en faut pas plus pour que la cérémonie se finisse sur une bataille d’eau géante sous les rires de nos enfants et le visage bienveillant de nos aînés. 


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  • Commentaires

    2
    Jeudi 30 Juin 2022 à 02:20

    Wow ! Quelle magnifique et superbe histoire !!! Je ne m'attendais pas du tout à ça quand je me suis lancé et je ne regrette pas du tout ! On retrouve parfaitement les personnalités des personnes et cela leur convient tellement bien pour cette histoire, qui est à la fois, pleine d'émotion et touchante au plus au point ! C'est un super travail BRAVO !!!! Cette histoire mériterait d'être filmée ! 

    1
    Dimanche 24 Octobre 2021 à 16:47

    Tout va pour le mieux et ils méritent d'être heureux. Merci pour cette sacrée histoire.....

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