• Bonus 3 - Journey [Boun & Prem]

    Bonus 3

    Avant qu’il n’entre dans ma vie, elle était terne et sans saveur. J’ai vécu dans la peur et la douleur et puis il est arrivé et si au début il n’a été que mon ami, déjà à ce moment-là, il se montrait doux, tendre et réconfortant. Je ne sais pas quand je suis tombé amoureux de lui, c’était peut-être dès notre rencontre, peut-être plus tard, mais le résultat est là, je suis fou amoureux de Boun. Je tourne la tête pour observer son profil alors qu’il se tient derrière moi, m’entourant de ses bras, son visage posé contre mon épaule. Le moment est agréable et je n’ai pas envie de bouger.

    — Magnifique. 

    On se trouve devant l’un des plus beaux paysages des Etats-Unis, pourtant, ce compliment n’est pas destiné à la nature environnante, mais bien à l’homme avec qui je partage ma vie. Évidemment, jamais je ne lui dirai directement s’il me le demandait, malgré les années, j’ai encore du mal à exprimer ce que je ressens et il ne s’en formalise jamais.

    Mon père m’a tellement bien appris à ne jamais montrer mes sentiments, au risque de s’en servir contre moi, que même s’il ne fait plus du tout partie de ma vie, ce n’est pas naturel pour moi d’en parler. Il tourne la tête vers moi avec un large sourire avant de m'embrasser au coin des lèvres en me serrant un peu plus fort contre lui. 

    — J’aime quand tu me dis ce genre de chose. 

    J’ai un petit sourire gêné, mais contrairement à avant, je ne cherche pas à le contredire quand il me perce à jour. Comme toujours, il lit en moi comme dans un livre ouvert, d’ailleurs, je me demande toujours comment il fait pour y arriver si facilement. Il rigole doucement en lisant la question sur mon visage, sauf que cette fois, il décide de me répondre, alors que depuis des années, cela fait partie de ses secrets les mieux gardés.. 

    — Quand tu me complimentes ou me dis ce que tu ressens, ta voix devient toute douce. 

    Je fronce les sourcils, prêt à lui expliquer qu’il se trompe lourdement, mais ses lèvres m’en empêchent. Cette fois, il me vole un vrai baiser et plutôt que de regarder le paysage qui s’offre à nous, il laisse sa bouche explorer la mienne au milieu de la foule.

    Au début je me fige, me montrer expansif en public me gêne toujours un peu. Je sais pourtant que l’on n’est pas en Thaïlande et qu’ici les choses sont un peu différentes. Alors il me faut quelques secondes pour me détendre suffisamment pour profiter de son baiser. On est ensemble depuis un peu plus de trois ans et on voyage depuis presque six mois à travers le monde. J’ai encore du mal à croire qu’il ait vraiment réussi à économiser assez d’argent pour réaliser la promesse qu’il m’a faite dans la cave de Krissada. L’après a été une période difficile à vivre et cela a même failli avoir raison de notre couple. Je n’aime pas vraiment y penser, car ça fait partie des moments que j’aimerais pouvoir oublier.

    J’étais terrorisé après que l’on soit sorti de l'hôpital, j’étais terrifié par les endroits clos et sombres et je faisais de nombreux cauchemars. Le souci, c’est que Boun, lui, s’est complètement plongé dans le travail, il n’avait pas moins de trois emplois et je le soupçonne même encore aujourd’hui de m’en avoir caché pour éviter que je ne m’inquiète. Il n’était pas rare que je me réveille en plein milieu de la nuit pour me rendre compte que j’étais seul. Je lui en voulais, j’avais l’impression qu’il m’abandonnait et on a eu de très nombreuses disputes. 

    Épuisés tous les deux, la dernière a failli nous faire tout perdre. Heureusement, nos amis étaient là, ils nous ont aidé à nous apaiser et à nous comprendre. J’évacuais ma peur à travers les cauchemars, lui surmontait les épreuves en se noyant sous le travail. Il nous a fallu des mois pour réussir à nous remettre, à trouver un équilibre et à nous sentir de nouveau pleinement heureux.

    Malgré moi, malgré son étreinte et nos lèvres se caressant sans jamais se lasser, je me tends à ces souvenirs et je me sens légèrement trembler. Boun rompt le baiser et me force à me tourner contre lui, il me serre tellement fort que j’ai même du mal à respirer correctement, mais au lieu de lui demander de me relâcher, je lui rends cette étreinte. 

    — Nong… n’y pense plus. C’est derrière nous maintenant.

    Je me contente d’hocher la tête contre son cou. Pour le moment, je ne me sens pas assez serein pour parler. 

    Il se montre d’une grande patience avec moi, il me tient contre lui, me laissant me détendre grâce à son parfum qui m’entoure autant que ses bras. Je finis par me redresser et nos regards se croisent, on n’a pas besoin de parler, on sait tous les deux ce que l’on ressent. On va mieux tous les deux, on s’en est remis, mais les cicatrices sont toujours là et parfois, elles se rappellent à notre souvenir. C’est moi qui vient capturer ses lèvres à nouveau et cette fois, je savoure juste l’instant sans laisser le passé venir me parasiter.

    — Je t’aime Boun.

    Je murmure contre ses lèvres avant qu’il ne me serre plus fort dans ses bras. J’ai complètement oublié qu’il y a du monde autour de nous, totalement pris par cet instant de tendresse qui ne me ressemble pourtant pas forcément.

    — Je t'aime aussi.

    Il frotte son nez contre le mien, lentement, profitant totalement du moment avec moi. Il faut dire, c’est notre dernière soirée aux USA, mais aussi la fin de notre voyage, demain il sera temps de reprendre l’avion. Sauf que cette fois notre destination, c’est la Thaïlande, on rentre chez nous et j’ai hâte de retrouver notre famille, de leur raconter nos aventures et tout simplement d’être avec eux. Mais d’un autre côté, j’aurais aussi aimé rester encore un long moment à visiter les quatre coins du monde en compagnie de Boun. Il doit d’ailleurs penser à la même chose que moi, puisqu’il embrasse soudain ma joue avant de me faire reculer doucement. 

    — Viens, on doit finir de se préparer pour demain. Ça va être une longue journée et la nuit risque d'être courte.

    Je lui donne une tape sur l'épaule en éclatant de rire à cause de son sous-entendu et comme toujours, j’aime quand son rire se joint au mien. Il me prend la main et entrelace nos doigts avant de m'entraîner vers la voiture que l’on a loué pour la durée de notre voyage ici. Je le suis sans résister, mais je me retourne une dernière fois pour savourer ce paysage qui n’existe pas chez nous, on marche d’un pas rapide, peut-être plus pressé qu'on ne le pense d'entamer ce nouveau chapitre de notre vie.

     

    Même si cela fait six mois que l’on prend régulièrement l’avion pour nos voyages, ce n’est définitivement pas un moyen de transport que j’affectionne. On s’est levé beaucoup trop tôt et comme l'avait prédit Boun, notre nuit a été relativement courte. D’un côté, je suis content de m’asseoir dans l’avion et d’avoir dix-huit heures pour me reposer. D’un autre côté, je n’apprécie que moyennement me retrouver dans cette boîte de métal flottant dans les airs. 

    Comme à chaque fois, mes mains s'agrippent sur l’accoudoir quand l’avion se met en mouvement et ma respiration s’accélère. Sans attendre, Boun pose sa main sur la mienne, il ne peut pas me prendre dans ses bras, alors il se contente de masser doucement le dos de ma main pour essayer de faire en sorte que je me détende. Sa tête se rapproche de moi et sans attendre je pose la mienne contre la sienne en expirant profondément. 

    — La prochaine fois que l’on doit voyager, promets-moi que l’on se contentera de la voiture.

    Je le sens rire contre moi alors qu’il entrelace nos doigts avant de les porter à ses lèvres. 

    — On ne pourra plus partir aussi loin dans ce cas-là.” 

    Il me l’a souvent dit, il veut m’offrir le monde, il veut que je profite de la vie et que je sois toujours heureux. Mon cœur bat plus vite à cet instant, mais ce n’est pas à cause de l’avion qui roule sur la piste pour prendre de plus en plus de vitesse.

    — Phi Boun ?

    — Hmm.

    Il embrasse sans se lasser chacun de mes doigts, provoquant de légers frissons pas désagréables dans mon corps. Il lève paresseusement les yeux vers moi et je me demande encore s’il ne se rend vraiment pas compte de ce qu’il me fait ressentir quand il me regarde de cette manière. 

    — C’est toi mon monde maintenant et tout ce que l’on va construire.

    Je me sens niais à lui dire ce genre de chose et je me sens rougir dès que les mots ont passé ma bouche. Pourtant, je ne voudrais pas les effacer quand je vois son sourire s’agrandir et ses yeux pétiller.

    Il attrape mon menton entre son pouce et son index et l’espace d’un instant, j’ai oublié que l’on se trouve dans un avion sur le point de décoller. Parce que nos lèvres se retrouvent dans un baiser tendre et léger qui me donne des papillons dans l’estomac. On s’embrasse un long moment, jusqu’à ce qu’un ding sonore indique que l’on peut retirer nos ceintures. On se sépare et je cligne des yeux à plusieurs reprises comme si je venais de me réveiller. Je me rends alors compte que l’avion vole en haute altitude et que je ne l’ai même pas remarqué. Je me mets à sourire. 

    — Pourquoi tu ne m’as pas embrassé les autres fois… si tu fais ça à chaque fois alors… on pourra aller partout où tu veux aller.

    Son regard est plein de tendresse, peu de gens reçoivent ce regard de sa part et je suis heureux d’être celui qu’il regarde le plus ainsi. 

    — Moi, je veux juste aller là où tu te sentiras le mieux. Alors, pour ces cinquante prochaines années, je te promets que l’on découvrira tout le territoire de la Thaïlande en voiture.

    J’éclate de rire avant de mettre ma main sur la bouche pour ne pas embêter les passagers autour de nous. Depuis que l’on est partis, j’ai tendance à oublier les gens autour de nous, je me retrouve dans une petite bulle où rien ni personne ne peut venir nous déranger.

    — On achètera un camping-car, comme ça on pourra partir à l’aventure quand on en a envie.

    J’adore la sensation de liberté qu’offre ce genre de véhicule. L’idée de pouvoir juste monter à l’intérieur, mettre le contact et partir à l’aventure plusieurs jours sans se poser de question. C’est son tour de rire tout en me caressant les cheveux et me forçant à poser ma tête contre son épaule et je me laisse facilement faire. 

    — Promis, on en trouvera un et on partira souvent découvrir le pays.

    Je n’arrive pas à arrêter de sourire. Ma vie n’était pas fabuleuse avant que je les rencontre tous et aujourd’hui Boun est une magnifique lumière au milieu de la nuit. Grâce à lui, je me sens libre, heureux et je n’ai plus peur enfin, mis à part des avions mais ça, je peux gérer sans aucun problème. 

    J’ai fini par m’endormir contre lui et j’ai réussi à dormir une partie du vol. Finalement, on a fini par atterrir et la tension est de nouveau remontée au creux de ma poitrine. Cette fois, ce n’est pas à cause de l’avion, mais je dois dire que je panique un peu à l’idée de les revoir, de savoir comment ils vont réagir à notre retour. Je ne peux pas m’empêcher de me mordiller nerveusement la lèvre inférieure tout en serrant un peu plus contre moi notre précieux chargement. Boun passe un bras autour de ma taille et me rapproche de lui alors que l’on se fraye un chemin au milieu de la foule pressée de l'aéroport. 

    — Tout va bien se passer, mon coeur. Ils vont tous être très heureux pour nous.

    Je prends une inspiration alors que l’on se rapproche des portes qui nous séparent de nos proches

    — Tu sais que le risque de mourir après avoir passé ces portes est très élevé ? 

    Je plaisante à moitié, mais mon cœur se met à battre frénétiquement car dès que les portes automatiques nous laissent passer, j’entends déjà leurs voix. Ils nous attendent tous là, un peu à l’écart, ils ont même des pancartes que je devine avoir été écrites par Joong et ça réussit à me faire rire et oublier mon stress pendant une seconde.

    Ils font de grands gestes vers nous, comme s’il y avait un risque qu’on les loupe. Je me rends compte de combien ils m’ont manqué maintenant que je les vois tous là, devant moi. Pourtant, au fur et à mesure que l’on s’approche d’eux et qu’ils comprennent ce qui se passe, ils se calment, ils se taisent et finissent pas nous faire face en silence. Certains fronçant des sourcils, d’autres ont un sourire hésitant et surtout ils ont toute la même question peinte sur le visage alors qu’il découvre ce que je tiens dans mes bras. 

    — Je crois qu’il y a quelque chose que vous avez oublié de nous dire ? 

    C’est Joss qui rompt le silence alors qu’il tient Lawan sa fille dans ses bras qui gigote dans tous les sens dans l’espoir que son père la pose pour qu’elle puisse nous rejoindre, à mille lieues des préoccupations des adultes.

    — Non, mais je ne savais pas que c’était un souvenir que l’on pouvait ramener de vacances…

    Joong me fait un petit clin d'œil alors que sa remarque a le don de faire rire tout le monde, détendant l’atmosphère qui s’est faite un peu pesante. Il faut dire que les doigts de Boun sur  mon cuir chevelu m'aident en grande partie.

    — Attendez… Est-ce que ça veut dire que… 

    Les yeux de Chermarn s'agrandissent alors qu’un éclair d’enthousiasme traverse son regard. Elle pose sa main sur ses lèvres, n'osant pas faire d’impair, mais ce que je lis dans ses yeux finit de me détendre. J’ai été stupide d’avoir peur, jamais ils ne pourraient être en colère contre nous, parce qu’ils nous aiment tous simplement.

    — Tout le monde, je vous présente Suda, notre petit garçon.

    Entendre Boun présenter notre fils aux autres rend sa présence près de nous encore plus réelle. Je me tourne légèrement pour que tout le monde puisse apercevoir le visage du bébé qui dort contre moi dans l’écharpe de portage. Il est avec nous depuis trois mois et ça a été difficile de ne pas parler de son adoption quand on était en Afrique.

    —  Il est magnifique, félicitations.

    Fluke quitte les bras de Ohm, se dirige vers moi et me serre délicatement contre lui. Je sens des larmes de joie me monter aux yeux alors que, un par un, ils viennent nous embrasser et nous féliciter de la venue de ce petit être dans notre famille. 

    — Il y a autre chose… 

    La voix est un peu hésitante alors que tout le monde a l’air décidé à commenter la nouvelle en même temps. Il y a encore une chose dont on n'a pas parlé. On pourrait attendre d’être rentrés à la maison, mais j’ai dans l’idée que tout dire d’un coup est la meilleure des choses à faire. Je jette un coup d'œil à Boun qui semble serein et il lève sa main gauche en même temps que la mienne sans dire le moindre mot, les laissant découvrir nos annulaires où se trouvent les alliances que nous avons échangées la semaine dernière.

    Ce sont des exclamations de stupeur et de joie qui nous répondent, de nombreuses têtes se tournent vers nous, mais je m’en fiche totalement, bien trop heureux de voir nos proches se réjouir pour nous. 

    — Allez, rentrons, on a une fête à organiser. 

    Wanchana tape dans ses mains pour obtenir l’attention de tout le monde et on le suit alors qu’il fait rouler son fauteuil en direction de la sortie. Fluke s’accroche à moi, observant le bébé qui ne s’est même pas réveillé malgré le bruit autour de lui. 

    — Tu vas avoir plein de choses à me raconter toi.

    Il me jette un coup d'œil essayant de montrer qu’il fait la tête parce que je lui ai caché des choses. Seulement, sa voix enjouée et le sourire qu’il peine à faire disparaître réduisent ses efforts à néant.

    — Je suis désolé, je sais que j’aurais dû t’en parler. Tu ne m’en veux pas ?

     Malgré moi, je ne peux pas m’empêcher d’être inquiet de sa réaction. Je les aime tous profondément, mais j’ai un lien un peu plus spécial avec Fluke et je ne veux pas qu’il soit en colère contre moi. Il garde le silence un instant, observant celui qui est maintenant mon mari discuter avec Ohm.

    — Est-ce que tu es heureux ?

    Fluke me questionne en nous faisant nous arrêter pour pouvoir me regarder droit dans les yeux. Cette question, j’aurais été incapable d’y répondre il y a trois ans et puis je me suis trouvé une vraie famille. Je pensais vivre seul et malheureux pour le reste de ma vie, mais je suis maintenant entouré de personnes qui prennent mon bien-être à cœur alors la réponse est facile à trouver.

    — Je n’ai jamais été aussi heureux qu’aujourd’hui. 

    Je caresse doucement la tête fragile de Suda qui s’agite doucement alors qu’il se réveille lentement.. Fluke me prend la main, la serre doucement et je le regarde dans les yeux qui n’ont maintenant plus d’ombre et je souris.

    — Alors c’est tout ce qui compte pour moi mon frère. 

    Mon menton tremble légèrement alors que l’émotion me submerge. Fluke m’attire dans ses bras, faisant attention à mon précieux petit paquet et il me tapote doucement le dos alors que je contiens difficilement les larmes qui me sont montées aux yeux.

    — Hey, vous venez ? 

    Nine nous interpelle de loin alors que tout le monde a déjà quitté l’aéroport pour se diriger vers les voitures. On prend tous les deux une profonde inspiration pour nous ressaisir avant de rejoindre notre ami et de rentrer chez nous.

     

    Le retour s'est fait dans la joie et la bonne humeur. En moins d’une heure, c’était comme si on n'était jamais partis depuis une demi année à l’autre bout de la terre. Chermarn et Um se trouvent dans la cuisine en train de préparer tout un tas de salades et de choses à grignoter alors que Wanchana, avec l’aide de Namtan, s’occupe du barbecue.

    Lawan, qui est devenue une petite fille le temps de notre absence, est complètement sous le charme de Suda et ne le quitte pas des yeux alors qu’il est dans les bras de Fluke qui le berce en douceur. 

    — Fais attention Ohm, je crois que Suda va donner des envies d’enfant à Fluke.

    Joong, encore une fois, réussit à rompre l’ambiance calme et sereine de l’instant en s’échouant sur le banc à côté de moi avec toute sa délicatesse légendaire. 

    — Je suis sûr que maman aimerait aussi être grand-mère grâce à toi. 

    Ohm répond sur le même ton que d’habitude alors que son doigt est prisonnier du poing du bébé et qu’il le quitte à peine du regard.

    — Ah non, non, non ! Je suis désolé Phi Ohm, mais si Chermarn veut être grand-mère elle devra compter sur vous deux. 

    Nine intervient alors qu’il quitte la cuisine les bras chargés d’un plat de viande qu’il ramène aux chargés de cuisson. Joong le regarde avec des yeux ronds et se met à genoux sur le banc pour faire face à son petit ami.

    — Mais… Pourquoi ? Tu ne veux pas de petit Joong qui court partout dans la cour ?

    On éclate de rire à sa réaction survoltée. Il essaie de paraître blessé, mais on sait que ce n’est pas vrai, Joong et Nine en ont déjà discuté avec Fluke et moi, ils ne se voient pas parents, ce n’est pas ce qu’ils veulent pour leur avenir.

    — Rien que cette idée me donne la chair de poule. Tu es unique Joong et je ne me vois pas élever un mini toi. On prendra un chien à la place.

     Nine reste très sérieux et si, au départ, Joong fait semblant de pleurer, quand Nine parle de chien, il se transforme. Ils se sont souvent disputés à ce sujet, Joong en veut, Nine non et il semble que ce soir, notre ami soit décidé à faire des concessions.

    Joong saute littéralement par dessus le banc, il attrape Nine par la taille et Namtan a tout juste le temps de lui retirer le plat de viande des mains que notre ami survolté fait le tour du jardin en sautillant avec son petit ami hilare dans les bras.

    — Qu’est-ce qui se passe ? 

    Um et Chermarn quittent la cuisine les bras chargés et la mère de Joong observe les garçons en train de se chamailler un peu plus loin avant qu’ils ne s’embrassent. 

    — Il semble que tu deviendras bientôt grand-mère. 

    Wanchana lui répond, un petit sourire aux lèvres. 

    — Ils vont adopter un chien. 

    Elle éclate de rire avant de reprendre son activité, même plus perturbée par le comportement parfois bizarre de son fils. 

    La nuit est tombée depuis un moment sur le jardin, mais on est toujours tous assis autour de la table où on a partagé un repas gargantuesque. Il y a un moment, Ohm et Prem ont allumé plusieurs torches à la citronnelle qui donnent un peu de lumière. C’est une ambiance douce et chaleureuse, on a discuté de tout et de rien, on a raconté comment on avait adopté Suda, comment on avait pris la décision, un peu sur un coup de tête de se marier à Las Vegas. Les autres ont ri, pleuré et même fini par nous demander que l’on refasse une cérémonie de mariage ici pour qu’ils puissent être présents avec nous.

    Le calme est petit à petit retombé, les enfants dorment et je me sens doucement piquer du nez contre Boun qui a passé son bras autour de mon épaule. Finalement, la fatigue du voyage me rattrape et je me laisse aller au sommeil. Cependant, avant que je ne m’endorme complètement, j’entends Boun oser poser la question que l’on se pose depuis que Suda fait partie de nos vies. 

    — Chermarn, Wanchana et Um… je sais que l’on n’est pas vraiment liés par le sang, mais… il est hors de question que le père de Prem approche notre fils et…

     Je sens son hésitation car il a encore du mal à formuler à haute voix la suite. 

    — Mes parents ne veulent plus entendre parler de moi.

    Sa famille n’a jamais été très heureuse d’imaginer leur fils préférant les hommes. Ils ont jusqu’au bout espéré qu’il rencontre une femme avec qui il serait heureux et normal. Alors quand Boun m’a présenté comme étant son fiancé, sa famille a tout simplement coupé les ponts. Il n’y a pas eu d’insultes, de coups ou autre, non juste un silence tout autant destructeur. 

    — Fiston, tu n’as même pas besoin de demander, tu sais.

    Wanchana ne le laisse même pas poser la question. D’une voix douce et tendre, il interrompt l’homme que j’aime pour le rassurer.

    — Notre famille est atypique, mais on vous considère tous comme nos enfants.

    Um parle d’une voix discrète et je sais combien ça lui coûte encore aujourd’hui de s’exprimer. Si elle va mieux, elle est encore loin d’être guérie et comme elle le dit elle-même, elle ne pourra jamais guérir totalement. Mais je sais que c’est notre présence et celle de Fluke plus particulièrement qui l’aident à se lever chaque matin.

    — Comme pour Lawan, la question ne se pose pas, on sera les grand-parents de Suda et on l’aimera autant qu’on vous aime. 

    La voix de Chermarn est chaleureuse, elle nous aime, depuis que l’on s’est présentés chez elle quand on était enfant et rien ne pourra changer ça. J’ai un frisson de bonheur et alors que je plonge dans un sommeil plus profond, je sens Boun me serrer plus fort contre lui. 



  • Commentaires

    2
    Mercredi 15 Septembre 2021 à 18:37

    Oh mais c'est super, un enfant et en plus ils se sont mariés.....le bonheur....

    Merci beaucoup pour ce chapitre

    • Voir les réponses
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :